CHAPITRE VI.

LE LIVRE DES ACTES.

SECTION Ire. - L'Evangile et les Gentils.

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§ 153. Que sera l'Evangile pour les Gentils? - L'Evangile va donc maintenant être répandu parmi les nations. Le livre des Actes raconte l'histoire de ses progrès dans la Judée (I à VII), dans la Samarie (VIII) et jusqu'aux parties les plus reculées de « la terre (X à XXVIII). » Jusqu'à quel point les Gentils avaient-ils besoin de l'Evangile , et quelles vérités nouvelles allait-il leur révéler ? Ce sont là d'intéressantes questions à étudier.

Quelques-uns disent que dans le monde païen l'Evangile fut accueilli surtout comme le code de morale le plus parfait qu'il y ait; d'autres avancent avec Paley que son excellence consistait surtout en ce qu'il révélait la vie éternelle ; selon d'autres encore, il est essentiellement une révélation religieuse, la moralité des païens ayant été jusqu'alors politique et temporelle, non spirituelle ou religieuse ; elle ne dit rien , selon eux, des rapports de l'homme avec Dieu, et ne prend point pour base du sentiment moral le caractère ou la volonté de Dieu. Cette particularité , ajoutent-ils, est soigneusement relevée par Josèphe en ces termes . « Les autres nations ont une moralité sans religion ; chez les Juifs seuls la religion est la base de la vertu. »

Tout insuffisantes que soient ces idées, chacune d'elles contient une portion de la vérité. La vérité tout entière se trouve dans leur combinaison , à laquelle il faut en ajouter d'autres qui n'y sont pas renfermées. On peut les résumer toutes en une seule : « L'Evangile est la révélation de Jésus-Christ et de Dieu en lui. » Mais ce sommaire abrégé renferme des notions particulières qui doivent être exposées en détail , si l'on veut en comprendre le sens et la beauté.

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§ 154. 1° L'homme n'a pas la conscience de sa culpabilité. - En dehors de l'Evangile, les hommes n'avaient naturellement qu'une connaissance très-imparfaite de leur nature et de leur culpabilité. Le fait qu'ils étaient pécheurs était bien reconnu de tous. Mais l'étendue de leur péché, si on le compare à une loi parfaite, son développement, découlant d'une nature dépravée , la culpabilité de cette dépravation, même son origine, qui gît non dans le hasard ou dans les circonstances, ni dans quelque tendance corrompue de la matière dont l'homme a été formé, bien moins encore dans un acte de la volonté de Dieu, mais dans une transgression volontaire , tout cela ils l'ignoraient ou l'avaient oublié. Une loi pour servir de mesure à notre culpabilité, une histoire pour retracer à nos yeux notre propre ruine et des preuves pour établir que la nature de l'homme n'est pas meilleure que ses actes, sont donc. de véritables révélations essentielles tant pour provoquer notre repentance que pour rendre possible notre restauration. Tous les hommes ont une fois possédé la connaissance de ces vérités; mais cette connaissance ne peut plus être rétablie et développée que par la Bible seule.

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§ 155. 2° L'homme ne comprend pas le caractère de Dieu. Quant à Dieu lui-même, les païens n'étaient pas moins ignorants. N'y avait-il qu'un seul Dieu ; y en avait-il plusieurs, ou bien encore, suivant quelques-uns, y en avait-il plusieurs qui se résumaient en un seul! Dieu était-il toute chose, comme le disaient les stoïciens, et toute chose était-elle Dieu , la matière elle-même n'étant que la dernière émanation de la divinité, ou, d'après ridée des platoniciens, Dieu était-il tout esprit , et tous les esprits étaient-ils Dieu, émanant de lui et finissant par être absorbés de nouveau en lui? Dieu était-il un être indifférent aux événements de ce monde , comme le prétendait Epicure? Toutes ces questions, ils n'avaient pas de quoi les résoudre. Ils voyaient cependant tous que les objets de l'adoration populaire étaient entachés des vices de leurs adorateurs, et qu'une indifférence légère, un vertueux mépris ou une crainte servile étaient à la base des sentiments avec lesquels ils regardaient leurs dieux. Un Dieu de sainteté, de providence et d'amour, agissant avec justice, était complètement inconnu des païens, ou, s'il servait parfois de thème aux discussions, il éveillait plutôt des idées de terreur. « C'est un principe commun à toutes les philosophies, dit » Cicéron, que la divinité ne peut éprouver aucune peine de la » part des hommes, et qu'elle ne saurait davantage leur en faire. » Principe qui ressort aussi bien du caractère moral attribué aux faux dieux que de l'apathique indifférence dont on faisait le caractère essentiel de leur dignité.

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§ 156. 3° L'homme n'a aucun système positif de morale. - L'influence que ces vices et ces lacunes devaient exercer sur les systèmes de morale des païens est évidente. Les rapports de Dieu avec l'homme et les vérités sur lesquels repose toute moralité n'étaient perçus qu'imparfaitement, et les obligations qui en découlent étaient encore plus imparfaitement comprises et senties. En Grèce, la religion était d'abord le culte de la nature extérieure ; elle finit par devenir le culte de l'art. A Rome, c'était le culte de la patrie ; ce fut plus tard l'adoration du pouvoir. Chez les uns et chez les autres, c'était ou la force ou le goût. Toutes deux appréciaient les vertus sociales politiques, et, dans l'origine, Rome mit au premier rang des vertus sociales la fidélité domestique; mais ni chez l'une ni chez l'autre la religion n'avait une tendance morale proprement dite; il y a plus, chez toutes deux la religion devint le principal instrument et le plus docile complice de la licence et de tous les vices.

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§ 157. 4°L'homme n'a aucune certitude relative à la vie future. - Cette tendance dissolvante n'était pas neutralisée ou contrebalancée par la croyance à une immortalité personnelle et consciente. Une résurrection des morts était universellement rejetée comme ridicule.

L'immortalité de l'âme proprement dite n'était pas admise. Que les â des hommes pussent survivre dans une sorte d'état demi-conscient, ou même jouissent pour un certain temps de la société de leurs dieux , quelques-uns étaient disposés à le croire; mais les preuves étaient si incertaines et les difficultés si sérieuses, que le plus grand des philosophes païens lui-même, Socrate, était contraint d'avouer que savoir s'il est meilleur de vivre ou de mourir était un secret connu des dieux seuls.

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§ 158. 5° L'homme n'est pas capable de concilier ses craintes avec ses espérances, lui-même avec Dieu. - Il ne faudrait pas conclure de ce qui précède que l'on ne puisse trouver dans les écrits de quelques philosophes anciens, soit classiques, soit orientaux, des rayons de la vérité divine, morale et spéculative. De tels reflets existent. Platon tenta , de même que le fondateur du bouddhisme, de transporter la foi de l'homme des innombrables divinités visibles au Dieu invisible ; Socrate discourut éloquemment sur le « bon et le beau. » Mais d'un autre côté , l'un et l'autre, Platon et Socrate, lorsqu'ils parlent ouvertement et qu'ils se livrent tout entiers, confessent qu'ils ne sont arrivés qu'à des conjectures sur la vérité, et qu'on ne pourra savoir si leurs conclusions sont vraies que lorsqu'il apparaîtra quelque docteur venant de Dieu . La difficulté réelle dans toutes ces recherches demeurait, nue difficulté qui entraîna des milliers d'hommes à des résultats que leurs meilleurs principes condamnaient.

Si l'homme est pécheur, s'il est appelé à la vertu , si Dieu est juste, si une autre vie est une réalité; par quels moyens l'homme pourra-t-il atteindre à cette pureté et à cette sainteté qu'il rêve et dont il s'est fait un idéal? En l'absence de la lumière, ils niaient les vérités qu'ils redoutaient, ou, en dépit de la lumière, ils faisaient le mal qu'ils aimaient, jusqu'à ce qu'ils eussent fini par recueillir le fruit de leur conduite, savoir, l'obscurcissement de leur intelligence et le progrès dans le mal.

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§ 159. 6° Condition morale de l'homme. - La condition morale des nations auxquelles l'Evangile fut apporté , était précisément telle que leur ignorance et les tendances corrompues dans lesquelles cette ignorance avait pris naissance peuvent nous le faire présumer.

Paul l'a décrite dans l'épître aux Romains, et Wetstein, Haldane, Tholuck et d'autres ont montré, par d'anciennes autorités, que le tableau de l'Apôtre n'est ni trop chargé ni trop sombre.

Tels étaient les ennemis avec lesquels l'Evangile eut à se mesurer; et ces ennemis il en triompha. L'Evangile répondait aux besoins des esprits et des coeurs dans des circonstances pareilles de doute et de corruption. Ces besoins, il commence par les soulager d'abord , puis il finit, à la longue, par les éloigner pour toujours.

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§ 160. Caractère universel et moral de ces maux. - Telle est partout la nature sans la révélation, l'homme sans Dieu. Les maux décrits dans la Grèce apparaissent les mêmes dans l'Inde, les mêmes encore au milieu de notre civilisation occidentale. L'homme sans la Bible et l'homme qui rejette la Bible tombent fatalement dans le même état (le dernier plus rapidement que l'autre) ; et c'est cet état, cette condition que l'Evangile est appelé à améliorer. Ce qui en fait l'essence, c'est la vie et l'oeuvre de notre Seigneur. Il était homme, saint et sans péché comme jamais homme n'a pu l'être. Il accomplit la loi que nous avions violée , et en l'accomplissant il l'explique et l'affermit. Il est mort à notre place, nous montrant ainsi ce que nos péchés avaient mérité et comment ils pouvaient être effacés. Revêtu de notre nature et comme notre représentant, il a triomphé de la mort et il est monté auprès de Dieu par son ascension , gage et preuve de notre propre ascension. Dans le ciel, il forme le trait &union entre Dieu et l'homme, confondant avec sa nature divine notre propre nature , et prêt à faire servir à notre profit les fruits de son ministère, son pouvoir auprès de Dieu et sa compassion pour nos infirmités.

Il était Dieu, la splendeur de la gloire de Dieu, l'image empreinte de sa personne , l'Eternel Dieu sous une forme humaine, réalisant ainsi les douloureuses aspirations d'un grand nombre vers un objet d'adoration et d'amour. Dans ses actes, il a montré ce que Dieu est, combien il est tendre, combien il est saint; il a révélé ces relations que nous savons déjà qu'il soutient avec l'homme et en a fait pressentir d'autres encore plus propres à impressionner nos coeurs. Comme créateur et conservateur, les hommes avaient appris à le connaître par ses oeuvres; ils redoutaient de le voir apparaître comme juge. Mais ici il se montre comme notre frère, notre rédempteur et notre ami. Celui qui a donné la loi vient lui-même obéir à la loi qui nous est imposée et souffre le châtiment qu'entraîne sa transgression , sa divinité nous garantissant la suffisance de son sacrifice. Nul n'a mieux connu le péché de l'homme, et nul n'a mieux senti les exigences de son propre gouvernement. Le premier est effacé, le second est honoré par ses souffrances. En accomplissant le grand but de sa mission , il a accompli une oeuvre qui renferme les .éléments de sa toute-puissance sur l'homme et auprès de Dieu. « Il a élevé, il a attiré toutes choses à lui, » et en montant en haut il a reçu des grâces pour les hommes, la repentance, la rémission de leurs péchés, la sainteté et la vie éternelle. L'Evangile est, en un mot, une révélation de l'homme et de Dieu; de nouvelles relations et d'une moralité parfaite; de la vie éternelle, démontrée non par des arguments mais par des faits, et par-dessus tout un système. de réconciliation qui harmonise, fortifie et explique toutes les autres révélations et les rend propres à devenir le sujet « &une grande joie pour tout le peuple. » C'est, en un mot, le suprême degré de la puissance, de la sainteté et de l'amour.

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§ 161. Rapports des Evangiles, des Actes et des Epîtres. - Il peut être opportun de marquer ici la distinction qui existe entre les différents livres du Nouveau-Testament. Dans les Evangiles, nous avons l'Evangile incarné : Christ vint pour dire l'Evangile et pour faire ce qui devait former la base de son Eglise. Dans les Evangiles, par conséquent, quoique bien des choses soient révélées, bien des choses restent enveloppées de termes obscurs et voilés. La mort du Sauveur, sa résurrection, le don du Saint-Esprit, la nature de son royaume, la vocation des Gentils, son second avènement, toutes ces choses sont effleurées, prédites ou accomplies; mais nous cherchons plutôt, dans ces premiers livres, les faits qui nous donnent le sens et la clef de révélations futures sur ces sujets, qu'un enseignement explicite. Il n'est pas de vérité spirituelle que nous ne puissions trouver dans le récit; mais pour en voir le sens exact et complet, nous avons besoin des dernières révélations de l'Esprit.

Le livre des Actes nous fait comprendre le but d'un grand nombre d'enseignements de notre Sauveur par le caractère et la vie des chrétiens, et par les manifestations de la Providence de Dieu. Dans les Epîtres , nous voyons la doctrine et le devoir dans leurs rapports réciproques et dans leurs tendances , expliqués et développés autant que l'Esprit de Dieu le jugeait nécessaire pour notre condition présente. Dans l'Apocalypse enfin, nous avons l'histoire de ces doctrines incarnées dans l'Eglise jusqu'à la fin des temps. Les Epîtres développent et appliquent ce que les Evangiles décrivent; l'Apocalypse complète ce que le livre des Actes commence, et chaque partie est le complément de l'autre, les faits de la vie de notre Seigneur étant le fondement de l'édifice tout entier.

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SECTION Il. - Introduction au livre des Actes des apôtres.

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§ 162. Caractère, auteur et date du livre des Actes. - Ce livre contient le commencement de l'histoire de l'Eglise chrétienne en deux sections principales : la première raconte la propagation du christianisme dans la Palestine, principalement par le ministère de Pierre (I-XII); la seconde, sa diffusion dans les autres contrées, surtout par les travaux de Paul (XIII-XXVIII). Quoique le livre se divise ainsi en deux parties, il décrit trois phases de l'histoire de l'Eglise. La première (an 30 à 41), décrite dans les chap. I à XI, 18, nous montre l'Eglise entièrement juive, bien qu'un Romain eût été baptisé par Pierre à Césarée. - La seconde période se trouve chap. XI, 19, jusqu'au chap. XV. L'élément juif prédomine encore, mais les Gentils convertis sont en grand nombre (an 45-50). - La troisième est renfermée dans les chap. XVI-XXVIII, et ici nous trouvons la position des Gentils bien établie et un grand nombre d'Eglises formées au milieu des païens (an 51-63).

Ce livre ne doit cependant pas être considéré comme une histoire régulière et complète de l'Eglise. Beaucoup de faits importants, racontés ailleurs, y sont omis. Il ne donne ni l'histoire de l'Eglise de Jérusalem après l'emprisonnement de Pierre et sa délivrance , ni l'introduction de l'Evangile à Rome, pas plus que plusieurs voyages et naufrages de Paul mentionnés 2 Cor., XI , 25 ; en outre, on trouve à peine quelques renseignements sur les travaux étendus des apôtres autres que Pierre et Paul. Comme les Evangiles sont loin «être un récit complet de tout ce que notre bien-aimé Sauveur a dit et fait, mais sont plutôt des histoires qui décrivent son caractère, ses oeuvres, les principaux événements de sa vie et la première introduction de la dispensation chrétienne, de même les Actes ne sont pas une narration complète des travaux de ses apôtres, mais plutôt un simple exposé de quelques faits confirmant la vérité de la religion chrétienne et démontrant son pouvoir et ses effets, et une preuve du droit des Gentils à être admis dans l'Eglise contre les objections que leur opposaient les Juifs convertis.

Nous avons parlé de Luc, auteur de ce livre, dans la préface de son évangile; les Actes en sont évidemment la continuation : tous deux sont dédiés à la même personne, et l'histoire du second est reprise précisément au point où se termine la première. D'après l'usage fréquent qu'il fait du mot nous, il est évident qu'il assista à un grand nombre des événements qu'il raconte. Il accompagna Paul de Troas à Philippe (XVI, 11), et probablement demeura dans cette dernière ville jusqu'à la seconde visite de l'Apôtre, deux ans plus tard. A cette époque, il la quitta pour suivre de nouveau saint Paul (XX, 6); et depuis ce moment jusqu'à la fin du récit, il apparaît comme le compagnon de l'Apôtre. Il le suivit à Jérusalem, puis à Rome, où il demeura avec lui au moins durant la première partie de sa captivité, comme cela se voit d'après deux épîtres écrites par Paul et datées de cette ville (Col. , IV, 14. Phil. , 24). Comme son nom ne parait pas dans l'épître aux Philippiens, écrite peu de temps après, on suppose qu'il avait quitté Rome. Mais à là seconde captivité de Paul à Rome , Luc est de nouveau auprès de lui (2 Tim. , IV, 11).

On ne sait pas au juste où et dans quel temps ce livre a été écrit. Cependant , comme l'histoire va jusqu'à la deuxième année du premier emprisonnement de Paul à Rome , et que là elle s'arrête tout-à-coup sans mentionner l'issue de son épreuve ou sa délivrance, il est à présumer qu'elle fut écrite vers l'an 63; les paroles qui terminent le récit indiqueraient que l'écrivain était alors loin de l'Apôtre, et non en communication directe avec lui. On regarde en général Antioche comme le lieu de la rédaction de ce livre; et l'on suppose, non sans quelques raisons, que Théophile était un habitant de cette ville.

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§ 163. Remarques sur le contenu du livre des Actes. - 1° On est frappé de voir comment la nature divine de notre Seigneur est reconnue dès le commencement. Une prière lui est adressée par Etienne (VII, 59, 60), et cette prière est, suivant le témoignage de Pierre et d'Ananias, un trait caractéristique du chrétien (II, 21 ; IX, 14. Voyez 1 Cor., I, 2). Pierre parle de Christ comme du Seigneur de toutes choses (X, 36; XIV, 23 ; XX, 35), et ce titre s'applique indistinctement dans tout le livre au Père et au Fils (X, 36; IX, 34, 35, 42; XI, 16, 20-23; XIII, 2, 7, 10-12, 48). Tel est l'enseignement d'un système qui réprouve l'idolâtrie et qui réserve pour Dieu seul l'honneur suprême.

Son office et son oeuvre ne sont pas moins clairement révélés. Christ forme le thème de l'enseignement apostolique. Immédiatement après son ascension, Pierre le désigne comme celui en qui s'accomplissaient les promesses faites aux pères, et comme la semence dans laquelle toutes les nations devaient être bénies (III, 20-26). Et cette vérité ils la proclament ainsi chaque jour de maison en maison (V, 42). Lorsque Paul fut converti, « aussitôt il prêcha Christ. » Vingt-cinq ans plus tard, le dernier récit du livre des Actes raconte qu'il enseignait « les choses qui concernent le Seigneur Jésus (IX , 20; XXVIII, 31. Voyez aussi II, 22-40; X, 34-43; XIII, 16-41; XVII, 18, 22-31). »

En examinant de plus près sur ce point le récit inspiré, nous trouvons que , partout , à Jérusalem pour les Juifs, dans le désert pour l'officier d'Ethiopie, à Césarée pour le bon et pieux Corneille, pour les orgueilleux Grecs d'Athènes, il n'y a pas d'autre message, et partout il est exposé pleinement et sans réserve (comp. II, 8, 35 ; X, 42, 43 ; XVII, 31). Ce message unique, c'est que la foi en cette vérité est essentielle au salut (IV, 11, 12); que le salut renferme la rémission des péchés , la justification complète devant Dieu et la sainteté (II, 38; XIII, 39 ; XXVI, 18); méritées par les souffrances et la mort de Christ (XVII, 3 ; XX, 28), et distribuées à chacun par l'Esprit (V, 31; I, 4 ; II, 33) ; et que , de même que Christ est le Sauveur et le Seigneur de tous, il est aussi leur Juge (X , 42; XVII, 31). Ces doctrines ont été appelées par excellence les doctrines de Paul; mais il ne faudrait pas, de ce qu'il en est le représentant le plus complet, conclure que ce ne sont pas aussi les doctrines du Sauveur et des autres apôtres (Cf. par exemple Actes, X, 43, 44. Jean, III, 16, etc.).

La nature et l'office du Saint-Esprit ne sont pas révélés avec moins de clarté. Pierre appelle le Saint-Esprit Dieu (V, 3 , 4), et présente le péché d'Ananias comme une négation de sa toute-science. Celui qui est appelé par Esaïe Jéhovah est nommé par Paul le Saint-Esprit (XXVIII , 25. Esaïe , VI, 8, 9) ; pendant que sa personnalité (c'est-à-dire son existence individuelle, comme agent intelligent et personnel) est supposée clairement et à plusieurs reprises (VIII . 29 ; X , 19; XIII, 2 ; XVI, 7; XX, 28).

Son action était, ou miraculeuse (communiquant les dons de guérison, des langues, etc. (II, 17. 1 Cor. , XII, 10) , ou ordinaire. Son action sur les apôtres se manifeste en ce qu'il ouvre leurs esprits, détruit leurs préjugés, les enhardit dans leur oeuvre, et les rend capables de confirmer leur témoignage par des miracles tels, qu'on ne peut pas plus en douter que les comprendre (III, 1 -11; IV, 31 ; V, 12-16). Sur les Juifs qui entendaient l'Evangile, il déployait son pouvoir en les convainquant de péché (II, 36, 37. Voyez Jean , XVI, 8 ) et en changeant les meurtriers de notre Seigneur en des modèles de vertu. C'est au même pouvoir que nous devons attribuer l'union des premiers chrétiens (IV, 31 , 32), leur dévouement et leur libéralité (II, 45) , la joie que leur causait la conversion des Gentils , quoique cela leur parût une dispensation mystérieuse (XI, 23 , 24 ) , enfin leur fermeté et leur foi. La sagesse et l'amour d'Etienne, son zèle et sa sérénité avaient la même origine : « il était plein du Saint-Esprit (VII, 55); » des Eglises entières même avaient part à cette grâce (XIII, 52). Combien il est instructif et consolant que la dispensation de l'Esprit ait été introduite, non-seulement par des promesses particulières (Luc, XI, 13. Jean, XVI), mais encore par une histoire des riches manifestations de sa grâce. Si dans les Evangiles nous voyons l'oeuvre de notre Seigneur, dans les Actes nous voyons l'oeuvre de cet Agent béni, auquel, autant que cela concerne l'homme, la première doit tous ses succès. Nous n'avons besoin que d'une plus grande mesure de son influence, pour achever les triomphes dont l'histoire des Actes n'est que le commencement.

D'après les caractères individuels des croyants dont il est parlé dans ce livre , nous pouvons déduire le caractère et l'organisation des premières Eglises chrétiennes. Quand les apôtres avaient fait des prosélytes , ils les engageaient à se réunir au nom de Christ, le premier jour de la semaine , les instruisaient dans les ordonnances du christianisme , et leur préposaient des ministres capables de paître et de garder le troupeau (Actes , II, 42; VI, 1-6; XIV, 23 ; XX, 7, 18, 28-52). Voyez, sur le caractère de ceux qui composaient, les Eglises, les descriptions données à leur sujet dans chaque épître, et, sur le caractère des conducteurs, les épîtres pastorales à Timothée et à Tite. L'Eglise , il ne faut jamais l'oublier, est une institution divine , et elle réunit les avantages de chaque forme de société suivant laquelle les hommes peuvent être groupés. Elle n'est pas une caste, car elle ne méprise et ne rejette personne; et cependant, comme une caste , elle conserve au milieu des variations humaines un ordre invariable et sacré; tous ses membres sont rois et sacrificateurs devant Dieu. Elle n'est pas une société secrète, car elle ne fait aucunes réserves ; elle n'a point de mystères , et pourtant ses membres ont une vie cachée et une joie à laquelle l'étranger ne saurait prendre part. Elle n'est pas une nation, car elle prend ses adhérents parmi toutes les nations et aspire à les renfermer toutes un jour dans son sein ; elle n'en a cependant pas moins des limites bien tracées , quoique plus générales. Ce n'est pas une famille, et cependant ses liens sont tout aussi tendres , quoiqu'ils soient incomparablement plus larges et plus étendus. Un des buts de l'Evangile était de révéler Christ ; un autre but, non moins évident, c'était de former un peuple pour sa gloire. Ces deux plans mettent en évidence la sagesse et l'amour de Dieu.

Remarquez encore , à mesure que l'Evangile fait des progrès, le développement des influences qui lui sont contraires et les motifs qui sont allégués pour justifier cette opposition. Les Juifs le repoussaient « comme contraire à leur loi. » Chez les Gentils, comme à Thessalonique, on affirmait qu'il était l'ennemi de César. Partout il était accusé de mettre le monde sens dessus dessous. Et quoique toutes ces accusations ne fussent que des prétextes , elles avaient en quelque mesure l'apparence de la vérité. Mais les vrais motifs de cette opposition étaient, pour le Juif, que l'Evangile enseignait une justification, non par les oeuvres, mais par la foi (Rom. , X, 3. 1 Cor. , I, 21 -25) ; - pour le Grec , qu'il dénonçait la folie partielle et l'impuissance totale de sa sagesse tant vantée ; - pour le Romain, qu'il prétendait à des hommages exclusifs, ne révélant pas plusieurs dieux , mais un seul; - pour tous enfin, qu'il réclamait l'humilité et la sainteté.

Ces influences ne diffèrent malheureusement que par la forme de celles avec lesquelles l'Evangile a encore à combattre aujourd'hui.

Dans les Epîtres comme dans la société moderne , nous les voyons à l'oeuvre, non-seulement s'opposant à l'Evangile, mais encore le tronquant, le mutilant et le dénaturant (Voyez le chapitre suivant).


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