SECTION Ire.-Esquisse de l'histoire civile des Juifs durant la période entre l'Ancien et le Nouveau-Testament. (Suite)

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§ 110. Les Juifs sous les Perses. - Après Néhémie (420 avant Christ), la Judée continua d'être soumise aux rois de Perse pendant près de cent ans. Elle cessa néanmoins de former un gouvernement distinct et fut annexée à la satrapie de Syrie. L'administration des affaires fut confiée au grand prêtre, sans autre contrôle que celui du gouverneur de la Syrie. Cette union du pouvoir civil et du pontificat fit bientôt des fonctions sacerdotales l'objet naturel de la plus haute ambition pour différents membres de la famille d'Aaron, et donna lieu fréquemment à de violents et honteux conflits.

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§ 111. Alexandre (331 avant Christ). - Lors de la destruction de l'armée persane par Alexandre , la Syrie tomba au pouvoir de ce prince, et Tyr fut pris après une résistance opiniâtre. Alexandre marcha alors contre la Judée pour punir les Juifs, qui, oubliant le serment qui les liait au roi de Perse, avaient fourni aux Tyriens d'abondantes provisions, tandis qu'ils les avaient refusées à ce grand conquérant. Mais à ce que rapporte la tradition , comme il approchait de Jérusalem et qu'il vit le peuple s'avancer à sa rencontre en procession solennelle , ayant à sa tête le souverain sacrificateur Jaddua et toute la race des prêtres en habits sacerdotaux , Dieu inclina son coeur à l'indulgence et Alexandre pardonna. Il laissa aux Juifs la libre jouissance de leurs lois et de leur culte, les exempta du tribut durant leurs années sabbatiques, et lorsqu'il fonda la ville d'Alexandrie, il y établit un grand nombre de Juifs et leur accorda les mêmes privilèges qu'à ses sujets grecs.

Lors du démembrement de l'empire d'Alexandre, la Judée échut en dernier lieu à Ptolémée Lagus et forma ainsi une partie de la monarchie égyptienne. Ce prince transporta un grand nombre de Juifs à Alexandrie , confirma leurs privilèges, et éleva même quelques-uns d'entre eux à de hautes fonctions gouvernementales ou administratives. Par des déportations successives et par des émigrations volontaires, l'Egypte ne tarda pas à devenir et resta longtemps un centre important et considérable de la population juive. On verra plus bas quelles furent les conséquences et l'influence morale de ce fait dont l'importance ne frappe pas au premier abord.

Sous le règne de Ptolémée Lagus, la prospérité des Juifs s'accrut et se développa considérablement par les soins éclairés d'un grand prêtre qui joignait à une grande piété de grands talents «administrateur, Simon-le-Juste. Il répara et fortifia la ville et le temple au moyen de hautes et solides murailles, et construisit un immense réservoir d'eau « aussi grand qu'un lac. » On dit qu'il compléta le canon de l'Ancien-Testament en y ajoutant les livres d'Esdras, d'Aggée, de Zacharie, de Néhémie, d'Ester et de Malachie. Les Juifs affirment aussi que Simon fut « le dernier de la grande synagogue » qui aurait compté cent vingt membres, parmi lesquels on distingue entre autres Esdras, Aggée, Zacharie, Néhémie et Malachie. On donne le nom de grande synagogue à une succession d'hommes pieux et dévoués à leur patrie, qui se sont fait remarquer après la captivité par leur zèle à recueillir et à réviser ou rédiger les livres sacrés, et à fixer ou améliorer les institutions civiles et religieuses de leur pays. Simon mourut l'année 291 avant Jésus-Christ.

Après que la nation juive eut été tributaire des rois d'Egypte, l'espace d'un siècle environ (durant les soixante dernières années elle jouit d'une tranquillité presque continue sous leur domination), elle passa, sous le règne d'Antiochus-le-Grand, aux rois de Syrie (198 ans avant Christ). Le pays fut divisé en cinq provinces, dont trois situées à l'ouest du Jourdain , savoir : la Galilée, la Samarie et la Judée (depuis cette époque la contrée tout entière fut souvent appelée Judée); et deux à l'est, la Trachonite et la Pérée. Les Juifs continuèrent néanmoins à être gouvernés par leurs propres lois, sous la direction du grand prêtre et du conseil de la nation.

La Judée, placée entre la Syrie et l'Egypte, eut beaucoup à souffrir des guerres fréquentes qui éclataient entre ces deux pays. Les malheurs auxquels cette situation l'exposait étaient aggravés par l'égoïsme, la cupidité et la mauvaise conduite de ses grands prêtres et de ses chefs, et par la corruption croissante du peuple.

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§ 112. Les Syriens (170 avant Christ). - Dieu jugea à propos de punir les Juifs de leur infidélité par la main d'Antiochus Epiphane, roi de Syrie , qui vint et saccagea la ville et le temple de Jérusalem avec des circonstances presque incroyables de cruauté et de profanation , et tua ou réduisit en esclavage un grand nombre de ses habitants. Pendant trois ans et demi ils furent complètement privés de leurs droits civils et religieux. Le sacrifice journalier fut supprimé; le temple lui-même fut consacré par Antiochus à Jupiter, dont la statue fut élevée sur l'autel des holocaustes; l'observation de la loi de Dieu fut prohibée sous les peines les plus sévères; toute copie des écrits sacrés qui put être saisie fut brûlée; et le peuple fut contraint , sous peine de mort, de sacrifier aux idoles. Jamais les Juifs n'avaient été en butte à une aussi furieuse persécution. Un grand nombre apostasièrent, un petit reste continua de demeurer fidèle : ces événements furent sans doute entre les mains de Dieu un moyen d'appeler l'attention des païens sur ces grands principes auxquels tant de Juifs demeuraient attachés au péril de leur vie.

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§ 113. Les Asmonéens. - A la fin , Dieu suscita un libérateur à son peuple dans la noble famille des Asmonéens. Mattathias, prêtre éminent par sa piété et sa fermeté, et père de cinq fils, encouragea le peuple par son exemple et ses exhortations à « se lever pour la loi ; » et ayant rassemblé autour de lui un grand nombre d'hommes sûrs et fidèles, il entreprit de délivrer la nation de l'oppression et de la persécution des Syriens, et de rétablir le culte du Dieu d'Israël; mais comme il était déjà très-âgé lorsqu'il s'engagea dans cette entreprise difficile, il ne vécut pas assez pour en voir l'accomplissement. A sa mort, son fils aîné , Judas, lui succéda dans le commandement de l'armée (163 avant Christ), et fut vaillamment secondé par ses quatre frères , particulièrement par Simon, le plus âgé d'entre eux, qui était un homme d'une sagesse remarquable. Leur devise, écrite sur leur étendard, portait ces paroles de l'Exode, XV, 11 Qui est semblable à toi parmi les dieux, ô Jéhovah ? en hébreu Mi kamoka Baelim , Iehovah ; et des lettres initiales de ces mots : M. K. B. I. fut formé le mot Maccabi ou Maccabée, qui devint le surnom de la famille, et fut appliqué aussi à tous ceux qui embrassèrent leur cause.

Après plusieurs victoires remportées sur les troupes d'Antiochus, Judas s'empara de Jérusalem et du temple. Son premier soin fut de les purifier l'un et l'autre de toute trace «idolâtrie. Le temple fut de nouveau consacré au service de Dieu , et les sacrifices journaliers furent rétablis.

Cette nouvelle dédicace du temple et la renaissance du culte fut toujours dans la suite célébrée par une fête annuelle qui durait huit jours. Elle tombait à l'époque du solstice d'hiver, et fut appelée la fête de la Dédicace (Jean, X, 22).

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§ 114. La Judée sous les Maccabées. - Sous les princes Maccabées, la Judée devint un état libre, défendu par des troupes régulières, de fortes garnisons et par des alliances avec toutes les puissances étrangères, Rome même comprise. Le pays commença à recouvrer sa fertilité et sa tranquillité premières, et ses limites s'étendirent du côté de la Syrie , de la Phénicie , de l'Arabie et de l'Idumée. Cette prospérité toutefois fut de courte durée. La décadence de l'Egypte et de la Syrie, et l'extension graduelle de la puissance romaine, amenèrent bientôt la destruction de la république juive. Pompée pénétra avec son armée en Judée, assiégea et prit Jérusalem , et rendit la Judée tributaire de Rome, tout en la laissant sous le gouvernement des princes Maccabées.

Le dernier de cette famille fut vaincu et déposé par Hérode-le-Grand , iduméen de naissance, mais professant la religion juive , protégé par Rome , et allié par Marianne sa femme avec la famille des Asmonéens. Il agrandit le territoire du royaume, mais restreignit et réduisit le pouvoir de la souveraine sacrificature , qui , au lieu de demeurer une charge héréditaire et à vie, fut dès-lors livrée, quant au choix du titulaire et à la durée des fonctions , aux caprices et à l'arbitraire du monarque. Hérode fut un cruel tyran pour le peuple; il le fut même pour ses propres enfants, dont il fit périr trois de mort violente. Esclave de ses passions , il n'était pas scrupuleux sur le choix des moyens qui pouvaient satisfaire son ambition. Pour plaire aux Juifs et les conserver plus sûrement sous sa domination, sans doute aussi pour ériger un monument durable à sa gloire , il répara le temple de Jérusalem à grands frais et ajouta beaucoup à sa magnificence.

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§ 115. Les Hérodes. - C'est dans la trente-sixième année du règne d'Hérode, Auguste étant empereur de Rome, que le Sauveur du monde naquit.

Hérode eut pour successeur, dans une partie du gouvernement de la Palestine, son fils Archélaüs, qui se conduisit avec une grande cruauté , et qui , dans la dixième année de son règne, sur une plainte faite contre lui par les Juifs, fut exilé par Auguste à Vienne, dans les Gaules , où il mourut. Publius Sulpitius Quirinius (qui, selon la manière d'écrire son nom en grec, est appelé par Luc Cyrénius), président de Syrie, fut alors envoyé pour réduire en province romaine les contrées sur lesquelles Archélaüs avait régné ; et un gouverneur fut donné à la Judée sous le titre de procurateur, subordonné au président de la Syrie.

Durant le ministère de notre Sauveur, la Judée et la Samarie furent gouvernées par un procurateur romain, qui avait le droit de vie et de mort; tandis que la Galilée était administrée, sous l'autorité des Romains , par Hérode Antipas, un des fils d'Hérode-le-Grand, qui reçut le titre de tétrarque.


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