Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'Accusateur

Et j'entendis dans le ciel une voix forte qui disait: Maintenant le salut est arrivé et la puissance, et le règne de notre Dieu, et l'autorité de son Christ, car il a été précipité, l'accusateur de nos frères, celui qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit. Ils l'ont vaincu par le sang de l'Agneau et par la parole de leur témoignage, et ils n'ont pas aimé leur vie jusqu'à craindre la mort. C'est pourquoi, réjouissez-vous, cieux, et vous qui habitez dans les cieux.

Apoc. 12. 10-12

Il y avait, dans le pays d'Uts, un homme dont le nom était Job. Cet homme était intègre et droit; il craignait Dieu et se détournait du mal...

Or, les fils de Dieu vinrent un jour se présenter devant l'Eternel, et Satan vint aussi au milieu d'eux. Et l'Eternel dit à Satan: D'où viens-tu ? Satan répondit à l'Eternel: Je viens de parcourir la terre et de m'y promener. L'Eternel dit à Satan: As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n'y a pas d'homme comme lui sur la terre. Il est intègre et droit; il craint Dieu et il se tient éloigné du mal. Satan répondit à l'Eternel: Est-ce donc pour rien que Job craint Dieu ? N'as-tu pas élevé comme une clôture tout autour de lui, autour de sa maison et de tout ce qui lui appartient ? Tu as béni l'oeuvre de ses mains, et ses troupeaux couvrent tout le pays. Mais étends ta main, touche à tout ce qui lui appartient; on verra s'il ne te maudit pas en face !... L'Eternel dit à Satan: Eh bien, tout ce qui lui appartient est en ton pouvoir; seulement ne porte pas la main sur sa personne. Alors Satan se retira loin de la présence de l'Eternel.

Job 1. 1. 6-12



Par delà les puissances du mensonge, les vociférations humaines, et la confusion du monde, par delà toutes nos peurs, nos misères, nos hontes, une grande voix retentit, claire, souveraine et vraie. «Maintenant... » L'éternel maintenant de Dieu vient immobiliser notre déroute et les fugitives minutes que nous ramassons comme nos dernières pièces perdues. Maintenant! Que chercher demain ou avant-hier, qu'attendre encore ou que regretter quand la grande voix céleste retentit et couvre tout: maintenant est venu le salut et le règne de notre Dieu. Mais cet avènement du Royaume de Dieu s'accompagne d'un fait auquel nous n'aurions jamais pensé. Cet avènement consiste en une victoire très précise «car il a été précipité, l'Accusateur de nos frères». Nous avions donc devant la face de Dieu un accusateur, un procureur général qui s'acharnait à notre perte ? Le savions-nous ? Savions-nous qu'aussi longtemps qu'il avait notre cause en main, nous étions perdus et que la puissance de Dieu ne s'exerçait pas sur nous ? Qui est donc cet accusateur et quel est son plaidoyer ? De quoi Satan nous accuse-t-il jusqu'au jour où «il est précipité» ? Énumère-t-il nos mauvaises actions ? Il nous serait difficile de le savoir au juste, si nous n'avions, au premier chapitre de Job, le texte même du plaidoyer satanique et si nous n'assistions, dans ce fameux prologue, à l'audience où se joue notre sort éternel. Pour perdre Job, pour compromettre irréparablement sa position devant Dieu (qui est solide, car Job est fidèle, il craint Dieu, il est intègre) l'accusateur vient poser au juge une question, une petite question qui n'a l'air de rien, mais insinuante et perfide : «Est-ce donc pour rien que Job craint Dieu ? Tu l'as béni, tu l'as comblé, tu lui as donné toutes les raisons de te servir. Mais essaye donc de l'éprouver et tu verras ce qui reste de son affection.»

C'est ainsi que l'accusateur s'attaque aux chrétiens les plus authentiques. Les ivrognes, les escrocs, les idolâtres, les assassins, petites causes sans intérêt! Mais ceux qui servent Dieu, les vrais chrétiens, les frères de Jésus-Christ, ceux-là, il vaut la peine de les perdre et de déployer quelque éloquence dans ce but.

Pas un d'entre nous qui soit donc à l'abri des pointes de l'accusateur. «Il accuse nos frères jour et nuit devant Dieu. » En ce moment même, il se tient devant notre juge et parle de nous et demande: « Est-ce donc pour rien que tel ou tel craint Dieu ? » Et dans cette phrase, Satan condense toute sa haine contre Dieu et contre nous. Il est comme le personnage jaloux qui vient dire à un camarade au comble du bonheur parce qu'il a trouvé enfin la jeune fille qui répond à son amour: «Tu crois que cette jeune fille t'aime. - Elle n'en veut qu'à ton argent!» Oui, c'est ce que Satan veut dire à Dieu: Tu crois qu'il t'aime celui-là ? Tu n'y vois goutte, mon pauvre Dieu! Tu te fais des illusions. Il n'en veut qu'à ta richesse. Car ça rapporte d'être chrétien, voyons! Excellente affaire où l'homme n'a rien à perdre. juste quelques petits services pas bien gênants à te rendre, et pour cela des bénédictions de toutes sortes, des consolations en cas d'accrocs et la vie éternelle par-dessus le marché ! Qui ne voudrait conclure une affaire aussi avantageuse ? Mais essaye seulement de diminuer la participation au bénéfice pour qu'on voie ce que deviendra la fidélité de tes associés. Retire-leur tout avantage, tout profit à être chrétien, et l'on verra combien le resteront. »

Ainsi parle jour et nuit notre accusateur. Pas une seule de nos attitudes n'échappe à sa vigilance. A tout ce que nous faisons de meilleur, à nos gestes apparemment les plus désintéressés, il insinue: «Mais c'est son intérêt, c'est à lui que l'homme pense quand il obéit, c'est pour lui qu'il te sert. Il ne pense qu'à une chose, c'est à sauver sa vie, par tous les moyens dont le plus sûr est évidemment d'être en bons termes avec toi. » Jour et nuit l'accusation est portée.

Et j'imagine qu'en l'entendant, nous ne sommes pas tout à fait rassurés, et que le terrain se met à vaciller sous nos pas. L'accusateur aurait-il raison ? Satan dirait-il la vérité quand il parle de nous ? S'il dit vrai, il est à jamais impossible que nous soyons sauvés. Tant que cette accusation peut être portée contre nous, tant que Satan peut se tenir devant le trône du juge, tant que nous fournissons la matière de son réquisitoire, il n'y a pas de salut, il n'y a pas sur toute la terre un seul homme qui aime Dieu, un seul homme qui cherche la gloire et la justice de Dieu. Il n'y a partout que des hommes qui s'aiment eux-mêmes et qui cherchent à se sauver. Le christianisme est le meilleur des sauve-qui-peut. Si l'accusateur dit vrai, si nous ne souhaitons que ses bienfaits et non Dieu lui-même, Job est perdu, nous sommes tous perdus, nos fiançailles sont rompues, l'alliance avec Dieu n'existe plus. Savez-vous bien ce qui est la pire catastrophe ? c'est que Satan dise la vérité ? C'est que notre vie chrétienne ne soit qu'une bonne affaire, c'est que nous cherchions finalement dans l'Eglise notre avantage spirituel et non point la gloire de Dieu, l'enrichissement de notre personnalité et non pas la volonté de Dieu, un sérum contre la mort et non la royauté présente de Dieu - et qu'alors le jour où nous serions privés de tous ces avantages, le jour où l'épreuve nous réduirait comme Job à n'être plus qu'une voix pour nous lamenter, nous ne pensons secrètement: «Ce n'était pas la peine de croire en Dieu; qu'en a-t-on de plus ? on vit tout aussi bien sans lui » et qu'ainsi nous n'apparaissions finalement comme des athées, des ennemis de Dieu, des enfants du diable.

Ah, certes ! on frémit de constater le nombre de bons chrétiens qui, au premier coup de l'adversité, à la première épreuve un peu douloureuse, donnent raison à l'accusateur, et se déclarent blasés d'un Dieu qui ne garantit plus leur bonheur, qui n'accomplit pas leur propre volonté, qui ne les sauve plus à la manière dont ils voudraient être sauvés. Et qui donc est capable d'agir sans que cela soit son avantage, capable de s'oublier soi-même, capable d'amour ? En un mot où est-il celui que Satan ne puisse accuser ? Qui nous délivrera du Malin ? Qui fera mentir l'accusateur ? Quel est l'homme, dans ce temple, qui ne veut que la justice de Dieu, dût-elle lui coûter la vie, dût-elle signifier sa propre condamnation ?

 

Pour confondre l'accusateur, pour faire mentir Satan, Dieu n'a qu'un moyen: relever son défi et l'autoriser à dépouiller Job entièrement de tout ce qu'il avait reçu. Comme le jeune homme, s'il veut s'assurer des sentiments de sa fiancée, devra couper court à ses largesses, changer ses rapports avec elle et attendre. C'est une épreuve. L'épreuve de Job, c'est la seule possibilité de prouver à l'accusateur la foi de Job, et ainsi de le confondre. Et c'est alors que nous assistons à cette suite de calamités qui s'abattent sur le patriarche, et à l'effroyable combat qui se livre dans le coeur du malheureux. Va-t-il blasphémer ou, malgré tout, rendre gloire à Dieu ?

Mais nous ne nous arrêterons pas à Job pour l'instant, car le dépouillement de Job, son épreuve, comme celle de tous les témoins de Dieu dans la Bible, n'est point là pour elle-même mais pour annoncer un autre dépouillement, l'épreuve unique et totale du Fils de Dieu, sur la croix. Dépouillement nécessaire, encore une fois; il faut que Jésus soit rejeté, il n'y a pas d'autre moyen pour le Dieu tout-puissant de vaincre l'accusateur: car tant que tout n'est pas consommé, tant que Jésus n'a pas rendu le dernier soupir, Satan demeure à son poste pour prétendre : « Oh, tu ne l'as pas encore éprouvé jusqu'au bout, continue et tu verras s'il ne t'échappe pas pour finir.» Tant que Jésus n'est pas mort, Satan peut espérer qu'il descendra de la Croix, qu'il se sauvera lui-même et il met tout en oeuvre pour cela (si tu es Fils de Dieu descends de la croix!). Oui, tant que Jésus respire, Satan respire; il peut maintenir la vérité de son réquisitoire, il peut affirmer que pas un homme ne préfère Dieu à sa propre vie. Tant que Jésus respire, Satan peut vaincre, peut avoir raison. Mais à l'instant où Jésus expire, où il s'anéantit lui-même, l'accusateur est précipité, car son réquisitoire est faux. «Maintenant est venu le règne de Dieu et le pouvoir de son Christ. »

Cette grande voix que nous entendons dans l'Apocalypse n'est que l'écho dans l'éternité du cri que Jésus pousse en expirant. Satan est vaincu par le sang de l'Agneau. Par sa mort, Jésus a fait mentir l'accusateur. Il est venu pour cela, pour faire mentir Satan et pouvoir devenir ainsi, devant la face du Père, notre avocat. Car Jésus peut nous défendre (non pas que notre cause soit défendable, elle est perdue), mais parce que, de notre cause perdue, il fait sa propre cause, parce qu'il nous attribue sa mort, sa victoire sur Satan, son obéissance. Il parle en notre faveur. Il parle de nous comme de Lui. Il affirme que tout ce qu'il a fait, c'est nous qui l'avons fait. Il prétend que tout ce qu'il a été, c'est nous qui le sommes. «Je me sanctifie moi-même pour eux » (Jean 17. 19). Voilà notre avocat. Voilà l'intercession de l'Agneau qui offre à Dieu sa propre vie pour la nôtre. Voilà notre unique espérance, notre seule chance d'échapper à l'accusateur. Sans la Croix, sans cette offrande perpétuelle que Jésus fait à Dieu de sa vie, Satan dit la vérité, le père du mensonge a raison: nous sommes vaincus et qui pis est Dieu est vaincu. Dieu ne peut pas se faire aimer quoi qu'il fasse. La création tout entière appartient à son adversaire.

 

C'est donc bien le sang de l'Agneau, c'est-à-dire la réalité de la mort de Jésus, qui est la victoire éternelle sur le diable. Et c'est elle qui nous donne la victoire. C'est par elle que nous sommes vainqueurs. «Ils ont vaincu l'accusateur par le sang de l'Agneau », dit notre texte. Ce n'est point par une vertu ou une piété particulière ou par une force de caractère spéciale que Job tient bon et glorifie Dieu, au travers d'indicibles souffrances, c'est par le sang de l'Agneau, par la foi en celui qui s'est dépouillé sur la croix. Si tous les témoins bibliques aiment Dieu alors même que tout devrait le leur faire détester, alors même qu'ils sont accablés outre mesure, c'est uniquement parce qu'un autre a fait mentir Satan une fois pour toutes. Jésus a convaincu l'accusateur d'être le père du mensonge et l'a précipité, c'est pourquoi nous pouvons nous aussi par la foi en son sang le convaincre de mensonge. Satan nous accuse mais il ne peut plus dire la vérité, si nous croyons en Jésus-Christ.

Et si nous témoignons : «Ils l'ont vaincu par la Parole de leur témoignage » si nous confessons que notre Dieu n'est pas un distributeur de médailles d'or ou de privilèges, mais qu'il est sur la croix, dépouillé de tout, au comble de la faiblesse, incapable de rien nous accorder, si notre Seigneur n'est vraiment qu'un agneau immolé, un condamné à mort, il n'est plus possible que ce soit à son argent, à sa puissance que nous en voulions. L'agneau immolé, Jésus sur la croix, ce n'est vraiment qu'à lui que nous allons. Il n'est plus là que lui-même sans rien d'autre. Et c'est pour rien, c'est-à-dire pour l'amour de lui que nous le servons, et non pour des avantages. Ceux qui rendent témoignage au crucifié, ceux qui affirment sincèrement appartenir à ce misérable, Satan ne peut pas prétendre qu'ils le font pour avoir une belle situation et recevoir des faveurs. - La belle affaire que de se compromettre avec celui qui meurt comme un criminel. Le bel avantage, en vérité! C'est pourquoi l'accusateur est confondu par le témoignage que les hommes rendent à l'Agneau. Il ne peut plus rien dire. Il n'a plus aucun pouvoir sur eux. Ils ont vaincu Satan, non pas seulement par le sang de l'Agneau, en sachant que Jésus l'avait vaincu, mais ils l'ont vaincu doublement en quelque sorte, en osant témoigner que le Dieu de toute grâce et de toute bénédiction était pour eux dans cet homme agonisant et maudit. Partout où l'on témoigne que Jésus est l'Agneau de Dieu, la grande voix retentit.

 

Ainsi ce passage jette sur notre existence une lueur singulièrement dramatique; la plus plate, la plus quelconque de nos vies prend une allure inaccoutumée et un retentissement qui laisse loin derrière lui celui « des grands procès de l'histoire».

Nous avons tous, petits et grands, devant la face du Juge, un Accusateur et un Avocat, qui parlent de nous. Forcément l'un dit vrai et l'autre faux. Mais lequel ? Cela dépend, en ce moment et à tous les moments, de notre foi ou de notre incrédulité, de notre témoignage ou de notre silence. N'oubliez donc jamais l'actualité de ce procès. N'oubliez pas que Satan nous accuse jour et nuit, qu'il ne prend pas de vacances, qu'il ne se relâche pas, et qu'il s'agit donc de ne pas nous relâcher non plus, mais de le vaincre jour et nuit par le sang de l'Agneau. En cet instant c'est notre culte qu'il s'acharne à détruire: « Tu as un bel auditoire aujourd'hui. Trié sur le volet. 0 Dieu, félicitations! Belle jeunesse! Mais crois-tu que ces gens soient venus pour t'écouter et pour t'obéir ? Les uns sont là par pure habitude, et pour accomplir leur devoir religieux, les autres parce qu'ils ont un beau-frère ou une cousine à rencontrer, les autres parce que c'est une distraction ou la mode, les autres parce qu'ils ont peur de la guerre et qu'ils tremblent, les autres enfin parce qu'ils aiment à se laisser bercer par des paroles pieuses et pensent «qu'en tout cas cela ne fait pas de mal» - mais pour t'écouter, mais pour se mettre à tes ordres, mais pour que tu changes leur coeur ? Pas un, sois tranquille!»

Eh bien, ces paroles n'ont plus de quoi nous effrayer. Toutes ces vérités (car ce sont des vérités), vous pouvez en ce moment en faire des mensonges, par le sang de l'Agneau. Oui, vous pouvez tous en ce moment, par la foi en Jésus-Christ, mais seulement par elle, vaincre l'accusation. Car Jésus notre défenseur prend la parole et déclare: «Non, ce sont mes frères, ceux pour qui je suis mort, ceux à qui j'ai donné ma vie. Ils sont venus pour t'écouter et pour t'obéir, ô Père, pour que ton règne vienne et que ta volonté soit faite sur la terre. Ils ne veulent que ta justice et ta gloire. » Et cela est vrai si nous croyons en lui; tout ce qu'il dit de nous s'accomplit s'il est notre vie. Alors il est vrai, oui vrai, que nous aimons Dieu, que nous voulons premièrement son royaume. C'est bien de nous qu'il est dit aujourd'hui: « Ils ont vaincu l'accusateur. Ils n'ont point aimé leur vie.» Et c'est maintenant que vient le salut et le règne de notre Dieu et le pouvoir de son Christ. Il suffit que Satan mente, il suffit que par la mort de Jésus-Christ nous le fassions mentir, pour que le ciel soit plein de joie, pour que le Royaume des cieux s'approche, pour que nous soyons remplis de toute la plénitude de Dieu. Amen.


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