Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Le Séducteur

Que dirons-nous donc ? La Loi est-elle une puissance de péché ? Non certes ! Mais je n'ai connu le péché que par la Loi; car je n'aurais pas connu la convoitise, si la Loi n'eût dit: « Tu ne convoiteras point!» C'est le péché qui, ayant saisi l'occasion, a produit en moi, par le commandement, toutes sortes de convoitises; car, sans la Loi, le péché est mort. Autrefois, j'étais sans Loi, et je vivais, mais quand le commandement est venu, le péché a repris vie, et moi, je suis mort - de sorte qu'il s'est trouvé que le commandement, qui devait me donner la vie, m'a conduit à la mort. Car le péché, ayant saisi l'occasion, m'a séduit par le commandement même, et par lui m'a fait mourir. Ainsi, la Loi est sainte, et le commandement est saint, juste et bon...

Ce qui est bon, est-il donc devenu pour moi une cause de mort ? Non certes ! Mais le péché, pour bien prouver ce qu'il est, s'est servi d'une chose bonne en soi afin de me donner la mort. Ainsi, par le moyen du commandement, le péché est apparu dans toute sa gravité.

Nous savons, en effet, que la Loi est spirituelle; mais moi je suis charnel, vendu et asservi au péché. Car je ne comprends pas ce que je fais: je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais. Or si je fais ce que je ne veux pas, je reconnais par là que la Loi est bonne. Et alors, ce n'est plus moi qui agis ainsi, mais c'est le péché qui habite en moi. En effet, je sais que ce qui est bon n'habite point en moi, c'est-à-dire dans ma chair, parce que j'ai la volonté de faire le bien, mais je n'ai pas le pouvoir de l'accomplir; car je ne fais pas le bien que je veux mais je fais le mal que je ne veux pas. Si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui agis ainsi, mais c'est le péché qui habite en moi.

Je trouve donc en moi cette loi: Quand je veux faire le bien, le mai est attaché à moi. Car dans mon être intime, je prends plaisir à la Loi de Dieu; mais je vois dans mes membres une autre loi qui combat contre la loi de mon entendement, et qui me rend captif de la loi du péché, qui se trouve dans mes membres. Misérable que je suis ! Par qui serai-je délivré de ce corps qui m'entraîne à la mort ? Grâces soient rendues à Dieu, par Jésus-Christ, notre Seigneur!

Ainsi donc, je suis moi-même assujetti par l'entendement, à la loi de Dieu, mais, par la chair, à la loi du péché,

Romains 7. 7-25

« Quand tu seras invité à des noces va te mettre cl la dernière place, et lorsque celui qui l'a invité viendra, il te dira: Mon ami, monte plus haut! »

Luc 14. 10

Il nous faut tenter d'aborder de face ce fameux chapitre 7 des Romains, qui décrit jusqu'en ses dernières profondeurs l'état de l'homme sous la Loi de Dieu, l'état de l'homme esclave du péché, pour parvenir ainsi à dépister le Malin dans sa tentative primordiale la plus secrète.

Nous voyons bien ce qu'il fait du monde, ce Serpent un immense champ de malheur, de souffrance, de mensonge et de confusion; mais nous oublions toujours de voir par où il commence, et quelles racines il jette dans notre coeur.

On a discuté sans fin pour savoir si ce chapitre décrivait l'état de l'homme avant ou après sa conversion. Je ne prétends pas trancher la question. Ce que je sais, c'est qu'il faut être converti, c'est qu'il faut la foi pour voir clair dans le drame qui nous est décrit là, et qu'un incroyant ne peut avoir aucune idée de la profondeur de cette lutte. A la lumière de la délivrance, de l'incroyable délivrance qui nous a été accordée en Christ, nous chercherons à descendre au coeur même de notre perdition.

«Le péché m'a séduit par le commandement même et par lui m'a fait mourir. La puissance du péché, c'est la Loi.» Qu'est-ce que cela veut dire ?

On a donné de tout ce chapitre une interprétation très superficielle en disant: cela signifie simplement que nous avons envie de ce qui est défendu. Lorsqu'on voit un écriteau avec « défense de passer », on a précisément envie de passer. L'enfant que l'on prive d'un jouet n'a plus qu'un désir, c'est ce jouet dont on le prive. Chacun de nous peut faire cette petite expérience, qui est en somme une loi psychologique. Est-ce que vraiment Romains 7 se réduit à cela ? est-ce tout le message de l'apôtre ? Etait-il besoin de la connaissance de Jésus-Christ pour découvrir cette banalité ? Bien avant l'apôtre Paul, les écrivains et philosophes païens l'avaient déjà remarqué et exprimé : «Nitimur in vetitum. » Nous penchons vers ce qui est défendu, disait Cicéron. Et chacun de nous, sans avoir jamais vu la Bible, peut s'en rendre compte tout seul. Oui vraiment, s'il ne s'agit que de cela, de cette banalité psychologique: l'envie de ce qu'on nous défend - quel besoin avons-nous de l'apôtre Paul, et quel besoin de cette prédication ?

Il n'en est pourtant pas ainsi. La lutte que décrit l'apôtre Paul, c'est précisément quelque chose dont nous ne saurions rien, dont nous ne nous serions jamais doutés si elle ne nous était pas décrite là. La servitude du péché est une révélation de Dieu et non pas une découverte de la psychologie. C'est en Jésus-Christ, c'est par la parole de Dieu, que tout cela nous est découvert, et c'est tout autre chose que ce que nous pensions. Car ce que nous montre ce chapitre n'est pas tout bonnement le fait que, devant le commandement, le péché se manifeste par notre refus d'obéissance, non; ce que montre tout ce chapitre, d'une manière saisissante et terrible, c'est que le péché prend vie dans notre effort d'obéissance, et qu'il atteint son dernier degré de gravité dans notre tentative d'accomplir la Loi de Dieu. - C'est la Loi de Dieu non pas dans la mesure où j'ai envie de la transgresser, mais bien dans la mesure où je désire l'accomplir, qui est la puissance du péché. C'est dans la mesure où «je veux faire le bien » que « le mal s'attache à moi et me rend captif ». C'est quand je veux prendre au sérieux le commandement de Dieu et que « je le reconnais comme bon » et « que j'ai la volonté de l'accomplir », que le péché me séduit par le commandement même et par lui me fait mourir.

 

Nous avons quelque peine à comprendre, sans doute, et c'est pourquoi je veux prendre un exemple et le suivre jusqu'au bout.

L'apôtre dit: «Je n'aurais pas connu la convoitise si la Loi n'eût dit: Tu ne convoiteras point!» Il n'y a pas que ce commandement dans la Loi, et je voudrais, pour rendre la question plus claire, le joindre à un autre commandement d'une portée encore plus générale, le commandement de l'humilité.

«Marche humblement devant ton Dieu», dit Michée; et dans la parabole du festin des noces : « Va t'asseoir à la dernière place » (ce que l'on peut exprimer par: « tu ne convoiteras point la première place ! »). Voilà ce qui, peut-être, dans l'Ecriture, nous est le plus demandé. Avec ce commandement, nous sommes donc devant une volonté essentielle de Dieu. Sois humble! Telle est la Loi sainte, juste et bonne. Telle est la Loi hors laquelle il n'y a point de vie. Je le sais, je prends plaisir à cette loi et je veux l'accomplir. «Dans mon être intime je prends plaisir à la Loi de Dieu. » Et voyons maintenant ce qui va se passer:

Me voilà donc dans la salle du festin, toute retentissante de cette Loi divine: va t'asseoir à la dernière Place. « je veux faire le bien», je veux obéir, je me dirige tout droit vers le bas bout de la table et m'assieds sur la dernière chaire. A ce moment-là, un personnage invisible, un personnage que je n'avais pas remarqué, un singulier compagnon, me dit: « Bravo! »

Je sursaute et me lève, furieux, car cet imbécile avec son «bravo» n'a fait qu'une bouchée de mon humilité, et tout est à recommencer. Il faut aller chercher un recoin plus modeste encore, dans cette salle toute vibrante du Commandement saint, juste et bon: «marche humblement devant ton Dieu». je trouve ce recoin, cette place plus dernière encore et m'y installe avec précaution. Au même instant la voix du compagnon crie: «Bravissimo ! »

Pour le coup, c'est un peu fort. Avec lui, je ne peux pas rester dans la salle du festin. Avec lui, je ne peux pas obéir, « je fais le mal que je ne veux pas», je tombe dans l'orgueil à l'instant précis où je cherche l'humilité. Il faut que j'échappe à cet infernal compagnon, il faut que je sorte, que j'aille n'importe où, loin de lui, chercher la dernière place, chercher l'humilité, talonné par la Loi. je sors, je ne suis pas digne d'être dans la salle du festin. Je sors et me jette dans la poussière. Mais je n'ai pas eu le temps de dire: « Seigneur, aie pitié!», que le compagnon éclate de rire: «De mieux en mieux! » Alors, conscient de l'inutilité de mes efforts, je n'ose plus bouger, et je reste là, découragé. Mais le compagnon en profite pour s'approcher de moi plus encore : «C'est bien d'être découragé, tous les grands hommes de Dieu l'ont été !»

Ah! c'est intolérable, il faut lui échapper, et, dans un suprême effort je reprends ma course, une course folle, désespérée, pour gagner le Démon de vitesse. Il me semble que j'ai fait un chemin immense; peut-être qu'à force de courir, j'aurai gagné enfin, sans lui, la dernière place où Dieu m'attend; peut-être qu'à force de volonté, de rapidité et de ténacité, je parviendrai à l'accomplissement de la Loi : « sois humble ! » ... Il y a tout de même un grand chemin parcouru : aurais-je semé l'infernal compagnon ? Il ne peut pas avoir couru si vite. J'étais en train de penser à cela quand levant les yeux, je le vois qui m'attend au prochain tournant du chemin, avec un fin sourire, la main cordialement tendue pour féliciter le coureur et tenant une superbe coupe en argent avec une inscription gravée: «premier prix au coureur de l'humilité»!

Alors n'en pouvant plus, et pour en finir avec le Maudit, je saisis la coupe, et comme Luther fit de son encrier, je la lui jette à la tête, en crachant sur lui. Mais le personnage ne perd pas contenance. Il s'essuie du revers de sa manche et s'écrie: «Formidable! Je suis confondu, jamais je ne t'aurais cru capable de me résister à ce point. Faire des taches à mon bel habit neuf, à mon bel habit d'Ange de lumière, tous les chrétiens n'en sont pas capables; décidément tu es digne de la première place à mon festin.»

Puis, passant à l'offensive, et m'enlaçant de ses deux bras : « Mon trésor bien-aimé, inutile de te débattre, tu sais bien que tu m'appartiens, plus tu me résistes et plus tu es à moi. Viens donc avec moi dans le royaume des ténèbres. Tu y seras toujours admiré, et tu y occuperas toujours la première place. Ta convoitise y sera satisfaite. Je mets à ta disposition toute une compagnie de mes serviteurs qui te rendront gloire et qui célébreront ton nom aux siècles des siècles. Tu vois que je tiens ma promesse, tu seras comme Dieu ! »

Cette fois, ma résistance est à bout. Je suis paralysé, hypnotisé par le regard du Serpent; son venin a décomposé toutes les forces vives de mon être, mon pouvoir de lui échapper, « je fais le mal que je ne veux pas». Au moyen de la Loi de Dieu, le Malin m'a pris au piège. Je suis perdu.

La perdition, c'est que Satan nous admire, et que nous ne pouvons pas l'empêcher de nous admirer, et nous empêcher d'être sensibles à son admiration.

Misérable que je suis : qui me délivrera du corps de cette mort ?

Il ne faudrait pas croire qu'il s'agisse là d'un cas spécial, d'un cas extrême, qui ne serait pas celui de tout chrétien. Saint Paul ne décrit pas là sa seule expérience particulière, mais l'état de tout homme devant Dieu. Et c'est ainsi, comme nous venons de le voir, que le Malin attaque et s'empare de quiconque cherche à accomplir lui-même la Loi de Dieu, de quiconque s'efforce de devenir par lui-même ce que Dieu lui commande d'être.

Si les choses vous paraissent être dramatisées, que signifie donc le cri de l'apôtre : «Qui me délivrera du corps de cette mort» ? et comment pouvons-nous prononcer sérieusement chaque jour la prière que le Seigneur lui-même nous enseigne: «Délivre-nous du Malin » ? Nous pensons que le Malin nous attend à la porte des Casinos, sur les trottoirs où passent les filles fardées, ou devant les guichets de la Finance ? Il est plus malin que cela, assurément. Le péché qu'il cultive en nous, c'est avec la Loi de Dieu qu'il l'arrose. Et c'est de cette Loi qu'il se servira pour construire notre orgueil.

Sa plus belle prise, son meilleur moyen de nous perdre, c'est de s'insinuer dans notre obéissance elle-même, de se délecter de nos efforts. Alors oui, par la Loi, le péché prend en nous une puissance épouvantable. Jamais je n'aurais connu la puissance de l'orgueil si la Loi n'eût dit: «sois humble» et si je n'avais pas cherché à la prendre au sérieux; ni la convoitise si elle n'eût dit: « ne convoite pas la première place ». Sans la Loi, le péché est mort, dit l'apôtre, le péché sommeille: il n'est rien à côté de ce qu'il devient avec la Loi. A tel point que l'apôtre peut dire: «Autrefois j'étais sans Loi et je vivais ! » Oui, sans la Loi de Dieu, je vis, le païen vit dans une sorte d'inconscience. Il vit, parce qu'il est loin de savoir la puissance de la haine, la puissance de l'orgueil qui est en lui. Il vit parce que la vraie lutte contre le Malin n'a pas encore commencé pour lui. «Mais quand le commandement est venu, dit Paul, le péché a repris vie, et moi je suis mort. Le péché m'a fait mourir par le commandement même. » Au moment où je croyais me sauver par l'obéissance au commandement, il m'a pris au piège de cette obéissance et fait de moi un pharisien. Quoi que j'en fasse, il s'en sert pour me séduire.

Nous le voyons maintenant sous toutes ses faces, le Maudit, le Malin. Pour nous perdre, pour nous détruire (car il est le Destructeur), il se fait devant Dieu notre accusateur, et devant nous-mêmes notre admirateur, notre séducteur. Pour nous perdre, il est toujours à la fois l'Accusateur et le Séducteur. Et je ne puis pas échapper par moi-même à son accusation ni à sa séduction.

Misérable que je suis ! Qui me délivrera ? d'où me viendra le secours ?

Il est devenu clair, je pense, que la délivrance ne peut venir de nous, et que nous ne pouvons nous sauver par aucune de nos oeuvres, ni aucune de nos attitudes ou de nos pensées, et que rien au monde ne peut nous tirer des griffes de la Bête, sinon un Autre que nous, sinon un Sauveur sur lequel le Malin n'ait pas de prise, et qui puisse faire taire l'Accusateur et le Séducteur. « Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ, grâces soient rendues à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ!» La victoire que nous ne pouvons pas remporter, Dieu nous la donne par Jésus-Christ, qui est venu, dit Jean, «pour détruire les oeuvres du Diable » et le contredire, et prendre notre défense devant Dieu et nous accuser devant nous-mêmes.

Il est venu pour s'asseoir à la dernière place, poux s'abaisser sans convoitise et sans arrière-pensée, absolument insensible aux félicitations du Serpent. Dieu nous donne la victoire par Jésus-Christ, cela veut dire: Dieu nous donne la victoire de Jésus-Christ, il nous donne l'humilité de Jésus-Christ, il nous donne l'obéissance de Jésus-Christ, la justice de Jésus-Christ. A ce compte-là seulement, nous sommes vainqueurs et pouvons tenir tête au Malin, car, cette victoire-là, il ne peut nous la prendre, puisqu'elle n'est pas à nous et n'est pas remportée par nous. Alors le Séducteur peut venir tourner autour de nous avec mille caresses et célébrer notre humilité, cela nous laisse insensibles dans la mesure où nous croyons en Jésus-Christ et où nous pouvons répondre au Malin: « Tu te trompes d'adresse; je ne suis strictement, moi, «un orgueilleux, un pécheur, un vaurien. S'il y a de l'humilité, de l'amour, de la justice dans ma vie, je n'y suis pour rien. Ces choses ne sont pas de moi, ne m'appartiennent pas. Ce sont les choses du Seigneur, c'est son manteau dont il m'a recouvert, c'est sa vie qu'il m'a prêtée, et c'est à lui qu'il faut donner gloire. »

Oui, le Séducteur peut crier «bravo» tant qu'il veut, cela ne peut plus rien sur le croyant, cela ne peut plus atteindre l'homme qui sait vraiment ceci: Jésus est ce que je suis, Jésus fait ce que je fais. Je n'ai pas d'autre vie que la sienne, je n'ai pas d'autres oeuvres que les siennes. Ainsi le Séducteur est vaincu et nous sommes délivrés du Malin dans la mesure où notre obéissance n'est pas de nous, mais de Christ, où la victoire n'est pas remportée par nous, mais nous est donnée et où nous pouvons rendre grâces à Dieu, purement et simplement, par notre Seigneur Jésus-Christ. Amen.


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