Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ESTHER

Le livre d'Esther nous donne aussi de précieuses informations sur la vie d'Israël, en exil. Ici la couleur locale est manifestement perse. Nous sommes initiés aux relations d'Israël avec la puissance perse et, dans la mesure même où la civilisation de cette époque nous est révélée par l'archéologie, nous découvrons les signes irrécusables de la véracité du récit, de ce récit qu'une certaine école s'obstine à présenter, sans la moindre preuve, comme une « allégorie historique » !

Le portrait qui nous est tracé d'Assuérus est bien celui d'un roi perse, monarque absolu, ayant droit de vie et de mort sur tous ses sujets, capable, en un instant, d'élever un homme à la gloire ou de décréter sa mort, d'un roi presque universel, maître d'un empire immense, comprenant des peuples de diverses langues et de diverses religions. Ce portrait vaut mieux que tout ce que les fouilles ou les inscriptions peuvent nous apprendre.

Quant au nom même d'Assuérus, les monuments ne nous le font pas connaître. Ceci n'a rien qui doive nous étonner, puisque le nom d'Assuérus n'est certainement pas celui sous lequel le monarque d'Esther était désigné par ses fonctionnaires et le peuple de sa race. C'était le nom sous lequel les Israélites le désignaient, probablement parce qu'ils en avaient reçu l'ordre du roi lui-même, désireux de ne pas recevoir de captifs le même nom qu'il recevait de ses propres sujets. On peut aussi penser que ce nom d'Assuérus était impersonnel en ce sens qu'il signifiait « celui qui a la direction de l'empire » et pouvait s'appliquer à divers rois.

La plupart des commentateurs sont d'accord pour identifier Assuérus avec Xerxès 1er, fils de Darius 1er. Xerxès répond parfaitement par son caractère, son faste, son despotisme, sa puissance, à la description qui nous est donnée d'Assuérus. Il est dit d'Assuérus qu'il « régnait de l'Inde jusqu'à l'Ethiopie sur 127 provinces ». Or Hérodote nous indique les Indiens et les Ethiopiens comme sujets de Xerxès. Déjà Cyrus avait atteint les frontières de l'Inde ; Darius en annexa une partie importante à l'empire. Xerxès lui-même s'était attaqué à l'Egypte, dès le début de son règne, et avait étendu la domination perse sur la vallée du Nil.

Le texte sacré nous présente Assuérus « assis sur son trône royal dans Suse, la forteresse » (1, 2). Sur les monuments, les rois perses sont représentés assis sur des sièges élevés. Hérodote (VII, 212) et Plutarque (Histoire de Thémistocle, 13) nous apprennent que Xerxès dirigea les deux batailles des Thermopyles et de Salamine du haut de son trône. Quant à Suse, ancienne capitale du royaume d'Elam, détruite par les Assyriens, elle avait été reconstruite sous Darius 1er, qui y transporta le trône de son empire. « Alexandre-le-Grand y trouva, avec des richesses inouïes, des vases d'or dans lesquels on conservait, pour indiquer l'immense étendue de l'empire Perse, de l'eau du Danube et de l'eau du Nil. La forteresse (le texte sacré dit : « Dans Suse, la forteresse ») et la résidence royale s'élevaient sur un monticule qui dominait au loin la plaine; à ses pieds et dans la direction de l'Orient s'étendait la ville, construite de briques séchées au soleil (1). »

Les détails donnés sur le festin peuvent aussi être contrôlés par l'histoire profane. Il y est fait mention des « divans d'or et d'argent... des boissons versées dans des vases d'or de formes variées ». Hérodote s'étend complaisamment sur le luxe des Perses. Il parle des lits tissés de fils d'or et d'argent que Xerxès et ses généraux emportèrent avec eux dans leurs expéditions contre les Grecs. D'après Ctésias, Sardanapale avait 150 lits et 150 tables d'or...

L'auteur sacré parle des « 7 princes des Perses et des Mèdes qui voyaient la face du roi et qui tenaient le premier rang dans le royaume » (1, 14). Ce détail est rigoureusement exact. « Au-dessous du Grand-Vizir, il y avait une sorte de conseil permanent, dont les membres étaient de véritables ministres. Ils tenaient le premier rang dans l'empire après le roi et administraient, conjointement avec lui et sous sa direction, les affaires générales (2). » Le livre d'Esdras fait aussi mention de ces « 7 conseillers du roi ». Ce chiffre 7 représentait, paraît-il, les 7 esprits célestes. Hérodote (III, 84) raconte que ces 7 étaient pris dans les 7 familles qui avaient contribué à perdre le faux Smerdis.

« On envoya des lettres à toutes les provinces du roi, à chaque province selon son écriture et à chaque peuple selon sa langue » (11, 22). Nous savons par plusieurs inscriptions bilingues ou même trilingues que les rois Achéménides avaient coutume d'adresser aux peuples conquis des proclamations en leurs propres langues.

« Et cela fut écrit dans le livre des Chroniques en présence du roi » (11, 23). Les rois Perses ne manquaient pas à garder la mémoire des principaux événements de leur règne. Plutarque raconte, dans sa vie de Thémistocle, que Xerxès avait auprès de lui, dans sa campagne contre les Grecs, des scribes qui notaient en sa présence le nombre de ses troupes et écrivaient le compte rendu des divers combats. Le livre d'Esther parle encore des « secrétaires du roi » qui furent appelés pour écrire l'ordre du roi. Hérodote parle souvent de ces secrétaires qui étaient toujours à sa disposition pour transmettre ses édits ou raconter ses hauts faits.

« Des lettres furent envoyées par les courriers à toutes les provinces du roi » (III, 13). Les courriers des Perses sont célèbres dans l'antiquité. Ils étaient admirablement organisés et pouvaient, en très peu de temps, transmettre un ordre à travers tout l'empire.

« Haman leur énuméra la grandeur de ses richesses et le nombre de ses fils » (v, 11). Hérodote raconte que les Perses considèrent comme un grand sujet de gloire, après celui que valent les exploits militaires, celui d'avoir beaucoup de fils.

« Qu'on prenne un vêtement royal que le roi a porté et un cheval que le roi a monté et sur la tête duquel a été posée la couronne royale » (VI, 8). Plutarque, dans sa vie d'Artaxerxès, raconte que Tiribaze obtint comme une grâce insigne que le roi lui donnât son vêtement; mais en le lui donnant le roi lui interdit de jamais le porter.

On trouve aussi représentés, sur les monuments assyriens, des chevaux portant sur la tête un ornement à trois pointes, en forme de couronne.

 

Il ressort, du rapide examen que nous venons de faire, que le livre d'Esther est une merveille de véracité historique, une admirable reconstitution de toute une époque, de toute une civilisation. Il nous initie aux splendeurs de Suse avec autant de fidélité et de coloris que le livre de Daniel aux splendeurs de Babylone. Ici encore, nous disons avec force : Ce n'est pas ainsi qu'on invente.

LE RETOUR DE L'EXIL

ESDRAS-NÉHÉMIE

Le roi Perse Cyrus, dont nous parlent le livre de Daniel et celui d'Esdras, a été l'instrument dont Dieu s'est servi pour ramener les Juifs en Palestine et pour leur permettre de reconstruire le temple. Ce que le livre d'Esdras nous dit du fameux édit de Cyrus est conforme à ce que l'archéologie nous apprend de ce grand roi. Nous savons, en effet, qu'il a montré une grande tolérance à l'égard des religions des pays qu'il a soumis. Lorsqu'il s'empara de Babylone, il laissa subsister tous les dieux des Chaldéens et fit renvoyer dans leur sanctuaire les dieux que le roi Nabonidus avait fait venir à Babylone, au grand mécontentement des populations lésées: « Les dieux de Sumir et d'Akkad, dit-il, que Nabunahid, au grand déplaisir du maître des dieux, avait transportés à Suannaki-Babylone, je les ai fait rentrer en paix dans leurs sanctuaires. » Cyrus considérait comme beaucoup de païens, que chaque localité avait ses dieux et qu'il ne fallait pas les transplanter, ni offenser leurs adorateurs. Mais il ressort manifestement du texte que Cyrus met le Dieu des Israélites, qu'il appelle « le Dieu des cieux », bien au-dessus de tous les autres. Cela ne doit pas nous étonner lorsque nous apprenons, par le livre de Daniel, combien Daniel avait eu d'autorité sur Cyrus, comme sur Darius le Mède, comme sur Nébucadnetsar. Il est très vraisemblable que l'exemple de Daniel, que le témoignage si noble de sa piété avait fortement contribué à détacher en une mesure les rois du paganisme idolâtre eu leur révélant l'unité de Dieu, du Dieu de justice, de force et d'amour.

Le livre d'Esdras mentionne successivement le règne de Cyrus, roi de Perse; de Darius, roi de Perse, et d'Assuérus. Cet Assuérus est certainement Xerxès, celui du livre d'Esther. Cet ordre chronologique est conforme à l'histoire. Voici les dates attribuées à ces trois règnes : Cyrus (538-529) ; Darius 1er ou le Grand (521-485) ; Xerxès 1- (485-465).

« On ne les empêcha pas de travailler, en attendant que l'affaire fût portée devant Darius et qu'ensuite on leur rendît réponse sur cet objet » (v, 5). Darius, comme Cyrus, était favorable à la reconstitution, dans certaines limites, de la vie autonome des diverses nations conquises. Voici ce que dit à ce sujet M. Maspéro: « Il voulut fonder un véritable Etat Perse différent de ce qu'avaient été jusqu'alors les empires asiatiques. Il ne songea pas à fondre les races qui peuplaient son domaine. Loin de là, il les encouragea à retenir leur langue, leurs moeurs, leur religion, leurs lois, leurs constitutions particulières. Les Juifs obtinrent la permission d'achever la construction de leur temple. »

« On trouva à Achmétha, dans la capitale située dans la province de Médie, un rouleau » (VI, 2). Achmétha est Ecbatane, la résidence d'été des rois de Perse, la capitale de la Grande-Médie, construite par Déjocès, non loin de l'actuelle Hamadan.

Le livre d'Esdras mentionne enfin Artaxerxès (VII, 1), roi de Perse, qui se désigne, dans sa lettre à Esdras, comme « roi des rois ». On s'accorde à l'identifier avec Artaxerxès Longuemain, auquel on donne comme date: 465-424. La lettre d'Artaxerxès, comme d'ailleurs celle de Darius, comme l'édit de Cyrus, sont des documents de haute valeur au point de vue historique. Chacun de ces documents a le style qui convient au roi qui l'écrit et aux circonstances qui l'ont provoqué.

Le livre de Néhémie offre le même intérêt que celui d'Esdras, au point de vue archéologique. Ici encore, nous retrouvons Artaxerxès et la même politique de bienveillance à l'égard des Israélites. Néhémie parle des « gouverneurs d'au-delà du fleuve » auxquels il remit les lettres du roi (II, 9). Josèphe parlé des gouverneurs subalternes et d'un gouverneur suprême qui administraient, dans ce temps, la grande province de la rive droite de l'Euphrate (Syrie, Phénicie, Samarie).

Il faut admirer aussi la précision avec laquelle Néhémie donne les noms des diverses portes de Jérusalem qui furent réparées ou bâties. Plusieurs de ces portes ont disparu depuis et n'ont pu être identifiées.

D'autres, au contraire, existent, mais, parfois, sous d'autres noms. Les voici : « La porte de la Vallée » (II, 13), correspond à la porte actuelle de Jaffa. La « porte de la Source » est sans doute aujourd'hui la « porte des Maugrabins ». La « porte des Brebis » est la porte de Saint-Etienne, dans le voisinage immédiat de l'angle nord-est du Haram.

Néhémie donne d'autres informations précieuses. Il parle « des degrés qui descendent de la cité de David » (III, 16). On voit aujourd'hui encore, dit M. Tristram, au-dessus de l'étang de Siloé, sur les flancs abrupts d'Ophel, un certain nombre de degrés taillés dans le roc qui semblent avoir fait partie d'un grand escalier conduisant à la cité de David depuis l'extrémité méridionale d'Ophel. Plusieurs pensent que ces degrés correspondant à ceux dont parle Néhémie et dont parle aussi le livre des Chroniques (Il Chron., XXXII, 33). Il est encore question de ces « degrés » au chapitre XII, 37, de notre livre.

Les livres des prophètes Aggée et Zacharie font aussi allusion au règne de Darius. C'est sous son règne qu'ils reçoivent leur message. Il n'est Plus question des rois de Juda, comme au temps d'Esaïe, de Jérémie, d'Osée ; le roi de Jérusalem réside à Suse : c'est le roi Perse qui est le maître d'Israël. Ces deux livres offrent peu d'intérêt au point de vue archéologique et celui de Malachie encore moins. Cependant, il y a lieu de signaler le chapitre IX de Zacharie, qui est riche en données historiques précieuses.

Tout d'abord, il y est question du pays d'Hadrac. Ce nom ne se retrouve nulle part ailleurs dans l'Ecriture et l'on a longtemps été embarrassé pour l'expliquer. Mais on a trouvé, dans les inscriptions assyriennes, la mention assez fréquente du pays de Ha-ta-ri-ka, comme désignant une partie de la Syrie, au nord et au nord-est de la Palestine. Ceci explique la mention de Zacharie: « Sentence, parole de l'Eternel contre la terre d'Hadrac. Elle s'arrête sur Damas. » (IX, 1).

« Tyr s'est construit une citadelle et a amassé l'argent comme la poussière et l'or comme la boue des rues » (IX, 3). Il s'agit ici de la nouvelle Tyr bâtie sur une île située à un kilomètre de la terre ferme et qui était ainsi presque imprenable. Alexandre-le-Grand put la prendre, après sept mois de siège ; la plupart des habitants furent massacrés ou vendus, la ville fut brûlée ; Tyr perdit sa position insulaire et perdit ainsi sa puissance commerciale.

« Plus de roi à Gaza » (IX, 6). Bien que Gaza fût au pouvoir des rois de Perse, elle avait conservé un roi, qui était tributaire du roi de Perse. Lorsque Alexandre-le-Grand traversa le pays des Philistins, il se heurta à la résistance du roi de Gaza et dut se livrer à un siège de plusieurs mois.

« Et je camperai autour de ma maison pour éloigner toute armée, tous les allants et venants et il ne passera plus chez eux d'oppresseurs » (IX, 9). Cette prophétie s'est réalisée. Alexandre-le-Grand, après la bataille d'Issus, suivit avec son armée victorieuse la côte de la Palestine, jusqu'en Egypte, en détruisant Tyr et Gaza, mais il ne fit aucun mal à Jérusalem. Dans la suite, Jérusalem fut toujours préservée de la ruine, même pendant l'invasion syrienne. Sous les Hérodes, Jérusalem jouit d'une grande renommée.

Ainsi, l'histoire profane ne cesse de glorifier les prophéties bibliques en en révélant l'accomplissement. Les auteurs sacrés sont vrais, non seulement quand ils racontent le passé ou le présent, mais aussi lorsqu'ils annoncent l'avenir.


1) Bible annotée, « Esther », p. 488.

2) LENORMANT, Histoire de l'Orient. VI, p. 58.

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