Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !
III. - D'ADAM A ABRAHAM - (suite)

DEUX PEUPLES RETROUVES

Nous donnons ici, à propos de ce chapitre des Nations, une notice sur les Amorrites et les Hittites.

A). - Les Amorrites

La Bible, et en particulier le livre des Juges, parle à plusieurs reprises des Amorrhéens ou Amorrites. De récentes découvertes et de récentes études ont permis de reconstruire en une mesure l'histoire de ce puissant empire, l'un des plus anciens, plus ancien encore que celui des Hittites. Il faut signaler, sur ce sujet, le livre remarquable de M. Albert T. Clay : « The Empire of the Amorites (5). »

Les Amorrites semblent avoir été le 'premier peuple vraiment constitué et dominateur en Canaan. Leur autorité s'exerça aussi longtemps sur la Babylonie. On considère généralement que la première dynastie des rois de Babylone fut Amorrite ; comme aussi la première dynastie des rois d'Assyrie. Ce fait est d'une grande importance, car il établit que les vrais fondateurs des royaumes d'Assyrie et de Chaldée sont des Sémites, c'est-à-dire des hommes de même race que les Hébreux. Toute la thèse que l'on a appelée « Pan-Babylonienne » et qui présentait la religion et l'histoire d'Israël comme entièrement dominées par les Babyloniens proprement dits, s'écroule devant cette révélation capitale.

Le berceau des Amorrites fut sans doute le nord de la Palestine, mais ils s'étendirent en diverses directions et constituèrent un vaste empire dont les limites étaient, au nord et à l'est, les montagnes du Taurus, le Tigre, le golfe Persique et l'océan Indien ; au sud et à l'ouest la mer Rouge, l'isthme de Suez et la mer Méditerranée. Il est facile de se représenter l'extraordinaire influence de ce peuple sémite sur toutes les nations qui étaient dispersées sur cet immense territoire qui fut, au cours des siècles, un lieu de passage et un champ de bataille pour des multitudes. Cette région était remarquable par sa prospérité, ses richesses naturelles ; remarquable aussi par la variété de ses cultures, par son climat, par ses montagnes et par ses plaines. L'état actuel de ce que l'on appelle maintenant le « Proche Orient » ne peut donner une idée de sa splendeur passée. Il est certain que la fertilité était telle, autrefois, que la population était très dense. De très nombreuses ruines, sur toute cette étendue, témoignent d'une civilisation très antique.

L'histoire des Amorrites est encore assez confuse. Il semble bien qu'ils aient longtemps régné en Mésopotamie, mais que leur puissance ait commencé à être ébranlée par l'invasion élamite qui permit au roi élamite, Kedorlaomer, de pénétrer jusqu'au sud de la Palestine (Genèse XIV, 1). Ils furent aussi longtemps les maîtres de la Syrie, avec Damas. Mais, en Syrie et en Palestine, leurs principaux ennemis furent les Hittites, qui finirent par usurper leur pouvoir. Quand les Israélites entrèrent en Canaan, ils ne trouvèrent que des Amorrites en pleine décadence, maîtres d'un territoire extrêmement réduit. La période de la gloire fut, pour les Amorrites, de 2500 à 2000 avant Jésus-Christ.

On a trouvé des traces de leur domination en Cappadoce, comme aussi en Egypte. Plusieurs mythes de la religion égyptienne sont d'origine amorrite, comme nous l'avons vu pour la religion mésopotamienne. Le culte d'Osiris et du serpent Apop sont sans doute d'origine sémite. Les rapports entre les rois amorrites et les rois égyptiens remontent à une très haute antiquité, jusqu'à la IIIe Dynastie. Nous apprenons par les inscriptions égyptiennes que le commerce était intense, dès l'an 3000 avant Jésus-Christ, entre la Palestine et l'Egypte. Le roi égyptien Snefru raconte qu'il a reçu 40 bateaux chargés de bois de cèdre du Liban (vers 2900). Le roi Sahure (2743-2731) nous apprend qu'il envoya une flotte contre la côte phénicienne. Un bas-relief montre quatre de ses bateaux chargés de prisonniers sémites, pris aux villes côtières de Phénicie. Pepi 1er (2590-2570) envahit le premier la Palestine et s'attaque à la puissance amorrite. Un autre Egyptien, Sinuhe, obligé de quitter la cour des Pharaons et réfugié dans le pays des Amorrites, raconte comment il a prospéré dans ce pays magnifique, en particulier dans la ville de Retenu, qui semble avoir été longtemps la capitale des Amorrites. Il dit de ce pays : « Le vin y est plus abondant que l'eau ; l'huile y coule à flot. Les arbres y sont chargés de fruits ; l'orge surabonde et les troupeaux sont innombrables. »

Il est intéressant de réunir ici les diverses données de la Bible relativement aux Amorrites. On verra qu'elles indiquent une puissance qui décroît à mesure que l'on avance et que les Amorrites, dont parlent le livre de Josué et celui des Juges, sont moins influents que ceux de la Genèse, des Nombres ou du Deutéronome. D'après la Genèse (ch. XLVII, 22), Sichem leur appartenait encore au temps des patriarches. Du temps de Moïse, ils dominent encore sur le côté est du Jourdain et sur la mer Morte (Nombres, XXI, 13, 21, 26, 32). D'après le Deutéronome (III, 8 ; IV, 47-49), ils possédaient encore Basan, Gilead, Moab, Edom, jusqu'au golfe de Akabah. Josué les rencontre et les bat (Josué, XXIV, 8-11, 15, 18). Il est encore question des Amorrites dans le chapitre I du livre des Juges. Là, nous apprenons que « le territoire des Amorrites s'étendait depuis la montée d'Akrabbim, depuis Séla et en dessus » (1, 36). Ces limites indiquent un territoire encore assez étendu puisqu'il a pour limite méridionale, au midi de la mer Morte, la montée d'Akrabbim (Nombres, XXXIV, 4) et, à l'ouest, la ville de Séla ou Pétra, capitale des Edomites (Abdias, v, 3).

Plusieurs noms de dieux ou de déesses en honneur chez les Amorrites apparaissent dans l'Ancien Testament, soit pour désigner ces divinités, soit dans la désignation de certaines localités. En voici quelques-uns :

Ramman ou Raminu, ou Rimmon (II, Rois, v, 18: « La maison de Rimmon », le dieu de Naaman le Syrien).

Antu, nom de divinité amorrite qui apparaît dans Anathoh, ou Bêth-Anoth (Josué, XV, 59).

Ashirta, dans Ashtoreth (I, Rois, XI, 5) ou Ashtaroth, ville de Og en Basan (Deut., 1, 14 ; Josué, IX, 10), ou Ashtaroth-Karnaïm, mentionné dans la Genèse (XIV, 5) comme le lieu où Kedorlaomer battit les Rephaïm. Ce nom se retrouve aussi dans Beeshtarath, ville lévitique de Manassé (Josué, XXI, 27) ; Beeshtarath se décompose ainsi: Beth-Ashtera ou « Temple d'Astera » ; on suppose que cette ville est identique à Ashtaroth de I, Chroniq., VI, 71.

Dagan ou Dagon, divinité des Philistins, mentionnée dans les lettres de Tel-el-Amarna et dans Juges, XVI, 23, à Gaza ; dans I, Samuel, V, 1, à Asdod; dans Josué, XV, 41, près de Joppe, c'est-à-dire toujours dans la région occupée par les Philistins.

Mash, nom d'un dieu et aussi d'une montagne du pays des Amorrites. On le retrouve dans Mash-manna (I, Chron., XII, 10) ; Mish-Am (I, Chron., VIII, 12) ; et dans Mish-raites ou Mischraïens (I, Chron., II, 53).

Nabu, qui a donné son nom au mont Nebo, en Moab (Nombres, XXXII, 3, 38 et XXXIII, 47). Aussi une ville de Juda (Esdras, 11, 29).

Ainsi, la civilisation et la religion amorrites ont laissé des traces indélébiles dans les noms de ces diverses localités dont la plupart, il est vrai, n'existent plus depuis longtemps, mais qui sont parvenues jusqu'à nous grâce à la Bible. Ces noms sont une preuve manifeste que tout le pays où ces localités existaient avait été, et pendant une longue période, sous la domination amorrite. Nous avons là une manifestation nouvelle de la merveilleuse exactitude des écrivains sacrés qui ont su nous transmettre, avec une orthographe rigoureuse et en pleine conformité avec les diverses péripéties de l'histoire, les noms de localités souvent fort peu importants, mais qui ont joué un rôle en certaines circonstances.

Cette précision extraordinaire qui caractérise non seulement les livres de Pentateuque mais aussi ceux de Josué, des Juges, des Chroniques comme aussi (nous le verrons bientôt) ceux de Samuel et des Rois est un signe manifeste, non seulement de la parfaite honnêteté des écrivains sacrés, mais aussi de la sûreté de leurs informations. L'accord des noms de villes amorrites avec les noms de divinités amorrites et cela, dans plusieurs livres différents, écrits à bien des années d'intervalle par plusieurs auteurs, est l'une des preuves les plus frappantes de la perfection des récits bibliques.


B). - Les Hittites

Les Hittites (ou Héthiens) ont été longtemps un peuple à peu près inconnu et dont plusieurs critiques ont nié l'existence. Mais des fouilles assez récentes à Karkémish, à Eryu et surtout à Boghaz-Keui, en Cappadoce, ont permis aux archéologues de reconstituer en une mesure cette histoire étrange d'un grand empire oublié, apportant ainsi une éclatante confirmation aux livres historiques de l'Ancien Testament qui, à plusieurs reprises, font mention des Hittites.

En 1843, un critique citait avec mépris le verset 6 du chapitre VII du second livre des Rois, et prétendait que ce verset n'avait aucune valeur historique. Voici le passage incriminé : « Les Syriens s'étaient dit l'un à l'autre: Voici, le roi d'Israël a pris à sa solde contre nous les rois des Hittites et les rois des Egyptiens pour venir nous attaquer. » Le critique ajoutait : « Aucun roi hittite ne pouvait être comparé au roi de Juda. Il n'y a aucun signe dans ce passage qui indique que l'auteur eut la moindre connaissance de l'histoire contemporaine. » En réalité, ce n'est pas l'auteur sacré qui fait preuve d'ignorance, mais bien plutôt le critique prétentieux.

La vérité, c'est que, au cours de plusieurs siècles sans doute, les rois hittites ont été redoutables et que leur domination s'est étendue sur plusieurs peuples en Palestine et en Asie-Mineure. Ils furent des rivaux des Egyptiens, qu'ils réussirent souvent à supplanter. Bien qu'ils eussent perdu une partie de leur puissance, ils étaient encore, au temps d'Elisée, dignes d'être comparés aux rois égyptiens. Ils ont été précédés par les Amorrites, mais ils ont précédé les Israélites dans la conquête de la Palestine. Au temps de Salomon, ils avaient encore une certaine autorité, puisqu'il est question des rois hittites qui achètent aux Israélites des chevaux venus d'Egypte (I, Rois, X, 28, 29). Mais leur vraie gloire s'est manifestée bien avant Salomon, bien avant Samuel ou Josué.

Il semble qu'ils aient surtout possédé le nord de la Palestine, où ils avaient deux villes importantes, Hamath et Kadesh sur l'Oronte. Cependant, ils avaient, au temps d'Abraham, une certaine influence dans le sud du pays. C'est à Hittite, à Ephron, que Abraham acheta la caverne de Macpéla, à Hébron (Genèse, XXIII). Nous savons aussi que les deux femmes d'Esaü étaient Hittites (Genèse, XXXVI, 2). Il est certain qu'à un certain moment les Amorrites et les Hittites ont cohabité dans certaines régions et que le prophète Ezéchiel, ne se trompait pas en désignant les Hittites, aussi bien que les Amorrites, comme les ancêtres des habitants de Jérusalem (Ezéchiel, XVI, 3, 45).

Les Hittites étaient originaires des montagnes du Taurus ; ils avaient le type mongol très accentué, ce qui, du reste, ne contribuait pas à leur beauté. Il y a une ressemblance frappante entre les représentations des Hittites sur les monuments hittites et les représentations que les Egyptiens en donnent sur leurs bas-reliefs. Les Hittites étaient bien moins agréables à voir que les Amorrites. Bien que souvent tout près les uns des autres, les Hittites et les Amorrites représentaient deux races très distinctes. Chose curieuse, sur tous les bas-reliefs hittites ou égyptiens représentant les Hittites, ils apparaissent avec une chaussure recourbée au bout, qui indique leur origine montagnarde. Ces chaussures, en effet, étaient primitivement adaptées à la marche sur la neige. Quand les Hittites se sont répandus dans la plaine, ils ont continué à porter ces chaussures qui leur sont particulières.

A l'époque de Ramsès II, ils étaient encore assez puissants pour organiser contre lui une coalition redoutable composée de divers alliés venus de la Troade, de la Lydie et des côtes ciliciennes. Un siècle plus tard, les rois hittites de Karkémish et d'Alep purent tenter une nouvelle invasion de l'Egypte en faisant appel aux Libyens, aux Teukriens et à d'autres populations de l'Asie-Mineure. Leurs alliés étaient sans doute leurs tributaires.

La civilisation, l'art et la religion hittites ont exercé une grande influence dans toute la partie de l'Asie-Mineure qui aboutit à la mer Egée, surtout à Sardes, la capitale de la Lydie, et même à Ephèse. La grande déesse de Karkémish était Derketo, qui est devenue l'Artémis d'Ephèse. La Diane des Ephésiens, dont parle le livre des Actes, était d'origine hittite. Cette déesse était servie par de nombreuses prêtresses qui sont sans doute les véritables Amazones, plutôt que les Amazones de la légende, d'autant plus que ces prêtresses étaient souvent armées.

Les deux villes les plus anciennes des Hittites étaient Boghaz-Keui et Eyuk, dans la région appelée Pteria par les Grecs. On y trouve un grand nombre de ruines curieuses et, en particulier, de sculptures murales représentant surtout des scènes religieuses. Certaines sculptures font penser à l'Egypte et montrent clairement que, de très bonne heure, il y eut des rapports fréquents entre l'Egypte et la Cappadoce. Il est probable que les Pharaons, déjà 2.000 ans avant notre ère, allaient chercher ou faisaient venir l'argent qui leur était nécessaire des mines de Cappadoce, dont l'une est encore exploitée par les Bulgares.

Boghaz-Keui et Eyuk étaient spécialement consacrées au culte. Karkemish et Kadesh, sur l'Oronte, étaient les villes commerçantes.

Longtemps on a ignoré l'emplacement de Karkemish. M. Skene, consul anglais à Alep, a eu la bonne fortune de la découvrir, le long de l'Euphrate, comme le dit le texte biblique, entre Birejik et l'embouchure du Sajur. Son successeur, M. Henderson, put acheter tout l'emplacement de ces ruines de la ville autrefois si prospère, pour le prix d'une vache! Karkemish a eu un long passé et a joué un grand rôle dans l'histoire antique, comme trait d'union entre la Babylonie, l'Asie-Mineure et la Palestine. La fameuse bataille qui, en 604, mit aux prises le Pharaon Néco (ou Necho) avec Nébucadnetsar, fut sans doute le point de départ de la décadence de la grande ville, comme aussi un coup fatal à l'ambition égyptienne. Le livre des Chroniques (II, XXXVI, 20) et le prophète Jérémie (XLVI, 2) font allusion à la défaite de Néco sous les murs de Karkémish.

Ce que nous savons des Hittites est encore peu de chose auprès de ce que de nouvelles fouilles révéleront sûrement. Surtout, ce qui nous manque encore, c'est de pouvoir lire l'écriture hittite. Le professeur Sayce a commencé cette étude ardue et a obtenu quelques résultats ; mais il y a encore bien des tâtonnements. Nul doute que les archéologues arrivent enfin à bout de cette entreprise. Un jour viendra, où toutes les langues de l'Antiquité, sans exception, auront livré leur secret.

L'archéologue allemand Winckler a pu, en 1906, pratiquer des fouilles très productives à Boghaz-Keui. Plus de 20.000 tablettes en cunéiforme ont été trouvées dans ces ruines et envoyées au Musée de Constantinople. La langue hittite est d'origine aryenne ; elle est proche parente du latin et du tokharien, langue du Turkestan; c'est la langue d'un grand peuple. Nous donnons ici un extrait d'une étude de M. Franz Cumont, associé étranger de « l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres », étude présentée à la séance du 20 avril 1917 de cette Académie : « Aux vieilles races de l'Asie-Mineure et du nord de la Syrie, a dû se superposer une noblesse conquérante, venue soit par le Bosphore, soit à travers le Caucase, aristocratie militaire qui, se soumettant les populations indigènes, a constitué l'empire hittite. Cet empire subit ensuite l'action des grands foyers de civilisation de l'Orient: Babylone, à qui il emprunta son système d'écriture et l'Egypte, à laquelle, dans les troubles qui suivirent la mort d'Aménophis IV, il imposa un Pharaon. »

 

Note. - Depuis 1928, les fouilles ont permis de mieux connaître les Hittites, de mieux se rendre compte de leur puissance à la fin du IIIe millénaire et au commencement du second. Le grand événement de ces dernières années a été la découverte de la langue Hittite, jusqu'ici inconnue, grâce à des inscriptions bilingues (en hittite et en assyrien) ; les savants ont pu déchiffrer ces caractères cunéiformes.

D'autre part, on a trouvé, en Egypte, sur les murs de Karnak, des allusions fort intéressantes aux Hittites, à l'époque du grand Ramsès II. Ces inscriptions révèlent que ce Pharaon n'estimait pas déchoir en acceptant d'épouser la fille d'un roi hittite pour s'assurer de la paix avec lui ; ce qui prouve que même à cette époque tardive l'empire hittite avait conservé quelque éclat. Les Hittites sont les « Khita » des monuments égyptiens, les « Khatti » des inscriptions assyriennes, et les « Khittim » de la Bible.


5) Albert T. CLAY, The Empire of the Amorites, Yale University Press (Etats-Unis), 1919. M Albert Clay a aussi écrit un livre de grande valeur sur : « Amurru the Home of the Northern Semites ».

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