Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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À L’HÔTELLERIE POPULAIRE

DÉTAILS INTÉRESSANTS


L’utilité de notre Hôtellerie populaire, située rue de Chabrol, 33 bis, est incontestable. Elle s’impose, en effet, à l’esprit et à la conscience des gens qui ont à cœur l’amour et les intérêts les plus sacrés des nécessiteux à quelque classe qu’ils appartiennent.

Sans vouloir entrer aujourd’hui dans de trop longs développements sur cet intéressant sujet, nous nous bornerons à produire quelques chiffres et quelques faits extraits d’un rapport très complet sur notre œuvre sociale.

Le nombre des présences constatées au 1er mai sur le registre des entrées s’élève à 8436.

Le nombre des étrangers hébergés à notre hôtellerie a été de 422.

Nous en avons donné la nomenclature sur un des derniers numéros.


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Le principal contingent de nos hôtes est spécialement fourni par la classe ouvrière: emballeurs, fleuristes, peintres, menuisiers, coiffeurs, sommeliers, couvreurs, charpentiers, maçons, cochers, selliers, papetiers, doreurs, imprimeurs, jardiniers, plâtriers, horlogers, cordonniers, colporteurs, boulangers, ferblantiers, serruriers, armuriers, pâtissiers, marchands de journaux, etc.

Le nombre des pensionnaires appartenant aux classes moyennes est moins important; on compte seulement 351 employés ou représentants de commerce, comptables, clercs de notaire, etc.

Les classes plus élevées donnent onze étudiants en droit, en médecine ou en pharmacie, un ancien greffier d’un Tribunal civil du Midi de la France, 17 professeurs ou instituteurs, 5 hommes de lettres et publicistes, un interprète, un compositeur, 31 sculpteurs, ingénieurs, architectes, etc.

N’oublions pas dans cette nomenclature un officier de l’instruction publique et un perruquier-poète, ce dernier plus fier de ses poésies inédites que de ses coupes de cheveux.

Les provinces de l’Ouest, de l’Est et du Nord de la France nous fournissent un chiffre élevé de locataires.

La Normandie, qui compte plusieurs grandes villes telles que Le Havre, Rouen et Caen, dont les habitants voyagent beaucoup, se place en tête;

L’Est vient au second rang;

Le Nord arrive au troisième.

La Bretagne apporte également un contingent respectable.

Les départements voisins de Paris sont largement représentés: Lyon n’a qu’un chiffre modeste;

Le Sud-Ouest produit quelques noms seulement; plusieurs provinces du Midi, notamment le Béarn, la Guyenne, la Gascogne, le Roussillon, le Languedoc et la Provence n’ont rien donné; quelques autres nous fournissent trois ou quatre noms.

Il faut conclure de ces abstentions que les habitants de ces régions émigrent en petit nombre et qu’ils ont été dotés dès leur arrivée à Paris d’une situation leur permettant d’y faire bonne figure.

PUISSENT-ILS AVOIR RENCONTRÉ TOUT D’ABORD LE SAUVEUR QUI TRANSFORME L’HOMME ADAMIQUE EN UN HOMME DIVIN, sans quoi ils comparaîtront pauvres et dénués devant le souverain. JUGE, QUI NE TIENT AUCUN COMPTE DE LA SITUATION SOCIALE, MAIS SEULEMENT DE L’ÉTAT DU CŒUR!


QUELQUES CAS INTÉRESSANTS


Un de nos lits a été occupé pendant plusieurs mois par un ouvrier qui doit à l’Armée du Salut d’avoir reconquis, par le salut et le travail, une situation honorable. Cet homme, âgé aujourd’hui de 54 ans, ancien graveur sur métaux, vécut pendant plusieurs années du produit unique de la mendicité. Il dormait, tantôt dans les fossés des fortifications, tantôt dans les fours à plâtre de St-Ouen, ne gardant qu’une seule préoccupation: celle d’échapper aux razzias des agents de la police de sûreté.

Las un jour de cette misérable existence, il partit, se dirigeant vers le midi de la France. Il arriva au Mas-de-la-Ville, à six kilomètres d’Arles, où il fut accueilli dans l’œuvre de relèvement, dirigée et soutenue par M. Peyron père.

Les premières semaines de ce travail agricole lui furent pénibles; toutefois le découragement n’eut pas de prise sur lui. Résolu à changer de vie, IL DONNA SON CŒUR À DIEU ET ABANDONNA SES MAUVAISES HABITUDES.

Après plusieurs mois de cette nouvelle existence, ce brave ouvrier rentra à Paris, résolu à utiliser ses connaissances. Il vint à notre hôtellerie, le 7 septembre. Sa transformation physique était si complète que celui qui écrit ces lignes ne pouvait reconnaître le pauvre loqueteux arrivé, l’année précédente, au Mas-de-la-Ville.

Ce cher réhabilité nous est resté jusqu’au 5 janvier, nous édifiant par sa bonne tenue, la fermeté de ses convictions et son exactitude au travail. Non content d’être sorti de l’abîme, il stimulait souvent ses camarades, payant quelquefois leur lit.

Il nous quitta, ayant ramassé un petit pécule qui lui permit de prendre en location un cabinet où il a réuni quelques meubles.

Nous recevons sa visite et nous avons avec lui, une fois de plus, la preuve que l’homme qui tend vers un idéal immatériel marche de progrès en progrès.

Un ancien instituteur du canton de Vaud (Suisse Romande), arrivé à Paris pour y chercher fortune, échoua un soir à l’Hôtellerie. Le seul travail qu’il avait pu trouver dans notre Ville-Lumière consistait à écrire des adresses pour les maisons de publicité: inutile d’ajouter que cette besogne ardue lui rapportait à peine 1 fr. 50 par jour (en 1899). Le pauvre homme fumait et buvait.

Le capitaine Berthoud eut avec lui quelques entretiens à la suite desquels cet esclave de ses passions prit la résolution de changer de vie. Quoique de caractère très facile, aux invitations de ses camarades le sieur B... résista et réussit à mettre de côté quelques francs chaque semaine. Plusieurs compatriotes s’intéressèrent à ce brave homme et lui procurèrent un travail rémunérateur.

Il nous quitta à la fin du mois de novembre pour aller habiter un petit logement rue de Grenelle. Nous l’avons revu depuis: il a perdu ses habitudes d’ivrognerie et remercie Dieu de lui avoir fait rencontrer l’Armée du Salut.

Un autre soir, c’est un homme du Dauphiné venu à Paris pour y occuper une situation très lucrative: peu de jours après son arrivée, il tombe malade et entre dans un hospice. Rétabli, il constate que son emploi est occupé. Lorsqu’il est venu à nous, il travaillait dans une maison de publicité qui lui donnait un franc par jour. Nous l’engageâmes vivement à ne pas se laisser exploiter davantage et à retourner dans son pays où il retrouvera sympathie et travail.

Il fit d’abord la sourde oreille, puis après quelques semaines de démarches infructueuses, foulant aux pieds toute fausse honte, il rentra dans sa ville natale et retrouva ce qui lui avait fait défaut à Paris.

Un Franc-Comtois, le sieur C..., entre un soir d’octobre à l’Hôtellerie, venant de l’hospice, où il est resté quelques mois. Son état de faiblesse provoque de suite notre intérêt, et cet homme nous raconte son histoire.

Par suite de sa maladie il a perdu un excellent emploi, mais il compte sur sa «bonne étoile!» Nous saisissons cette occasion de lui parler de notre Dieu qui sauve les pécheurs et leur donne en plus le pain quotidien.

Le christianisme purement mythologique de cet ami nous inspire une profonde pitié, et nous demandons à Dieu d’éclairer et de raffermir ce cœur troublé. Ce cher ami revient assidûment pendant trois mois, mettant chaque jour quelques sous de côté sur le produit d’un travail peu rémunéré. Il n’arrive à cela qu’en abandonnant le vin et le tabac.

Au commencement du mois de février, il nous a annoncé avec regret son départ de l’Hôtellerie, ayant enfin trouvé une situation selon ses aptitudes. Nous l’avons félicité, et le cher homme paraissait stupéfait de notre contentement:

Quels drôles de gens vous faites, me dit-il, vous êtes contents de mon départ, les aubergistes et logeurs que j’ai connus jusqu’ici ont tous fait «grise mine» quand je les ai quittés!

Nous lui fîmes comprendre que le but de l’Armée n’est pas de conserver indéfiniment les gens à l’hôtellerie, mais seulement pendant le temps nécessaire à leur relèvement.

Un de nos hôtes, auquel nous avions accordé un petit crédit, put arriver à obtenir une situation assez bonne. Nous l’avions perdu de vue, lorsqu’un soir il vint liquider sa dette et nous remercier très chaleureusement. Il est revenu plusieurs fois nous faire visite, et il est heureux d’avoir rencontré les salutistes.

(A suivre)

En avant 1899 05 06

 

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