Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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À L’HÔTELLERIE POPULAIRE

DÉTAILS INTÉRESSANTS


(Partie 1)

Certain soir du mois d’avril dernier, un de nos habitués, le sieur Émile S.. nous priait de lui donner à crédit un lit, donnant «sa parole d’honneur» qu’il rembourserait le lendemain les 40 centimes réclamés. L’employé chargé de l’inscription lui fit observer que TOUTE PAROLE SORTANT DE LA BOUCHE D’UN HOMME DEVAIT ÊTRE L’EXPRESSION DE LA VÉRITÉ et, par conséquent, de l’honneur.

Le sieur S... resta bouche bée, dormit sous notre toit et apporta le lendemain le montant de sa petite dette.

L’occasion de lui présenter quelques vérités chrétiennes était trouvée et un entretien de quelques instants rendit ce locataire tout rêveur. Il serra la main de l’employé et promit de réfléchir.

Le surlendemain, il avouait, qu’en effet, nous avions raison contre lui et qu’il comprenait mieux qu’il ne l’avait fait jusque-là ce que devait être le christianisme. Il tomba malade quelques jours après, entra à l’hospice de Lariboisière, où un de nos employés lui a déjà fait quelques visites. Il croit et nous croyons pour le salut de l’âme de ce cher ami, touché par une simple parole.


* * *


Il y a quelques semaines, un de nos hôtes, le sieur A..., âgé de 56 ans, journalier, né à Paris, se plaignait de ne pas savoir écrire; il désirait envoyer une demande de secours au Ministre de la Marine et des Colonies. Un de nos employés étudia les pièces du postulant et rédigea une pétition en règle. Quelques jours après, un délégué du bureau des réclamations se présentait chez nous pour recueillir les renseignements d'usage et, après enquête, le sieur A... obtenait satisfaction. Combien sommes-nous heureux de nous dépenser pour tant de pauvres gens dont la situation est si intéressante et à laquelle si peu de gens s’intéressent.

La joie de nos hôtes est notre joie et leur peine est notre peine; c’est ainsi que nous comprenons et voulons toujours comprendre le christianisme qui, seul, peut sauver le monde.


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Un de nos pensionnaires, le sieur L.. , a été par nous sollicité à de nombreuses reprises d’abandonner sa vie de péché et de se donner à Dieu définitivement. Cet homme a compris que son état de misère provient uniquement de ses vices, l’ivrognerie en particulier. Toutefois, son état de faiblesse ne lui apparaît pas suffisamment, et c’est encore dans les moyens humains qu’il cherche la force dont il a besoin. Il nous annonçait, il y a quelques jours, sur un ton victorieux, qu'il pouvait se corriger de l’ivrognerie, que le moyen était trouvé. Et comme nous le regardions d’un air peu convaincu, il nous montra une sorte de paquet fortement ficelé. — Voici, nous dit-il, mon porte-monnaie; j’ai enroulé tout autour un peloton de ficelle de deux sous. Bien fin sera celui qui me le fera ouvrir maintenant quand je n’aurai pas besoin de le faire!

Nous ne pûmes nous empêcher de sourire, tout en lui démontrant l’inanité de ses moyens d’action. Le diable fut, en effet, plus fort que la ficelle du sieur L,..

Ce pauvre esclave est retombé plusieurs fois dans son péché; mais nous voyons que ce cœur sans énergie contre le vice recevra la lumière et que nous pourrons le compter parmi les enfants de Dieu.


* * *


Un ouvrier typographe, le sieur L... nous annonça, le 7 octobre dernier, que trois ouvriers étaient demandés à son atelier pour un labeur important. Quelques instants après survenaient deux ouvriers imprimeurs en quête de travail, le sieur A..., qui arrivait de Lyon, et le sieur F..., qui sortait d’un hospice. Nous leur donnâmes communication de la demande que nous avions reçue, et le lendemain, ces deux ouvriers revenaient joyeux nous dire qu’ils avaient été embauchés de suite, sur le vu de leur livret et qu’ils avaient un travail assuré pour plusieurs mois.

Nous les engageâmes à remercier Dieu, qui avait guidé leurs pas dans cette immense ville, où ils se sentaient plus isolés que dans un désert. Comme leur rémunération personnelle les mettait à l’aise, ils prirent une chambre en location. Nous les avons revus à l’occasion du 1er janvier, ils n’avaient pas oublié leurs débuts à Paris dans l’Hôtellerie populaire.


* * *


Le 14 février dernier, un de nos plus anciens pensionnaires, le sieur G..., marchand de journaux, dont nous avions remarqué l’excellent caractère, l’ardeur et l’exactitude au travail, la constante sobriété et la bonne tenue, nous quittait.

Toujours le premier à partir, il se mettait au lit un des derniers. Cet homme avait économisé pendant son séjour chez nous une certaine somme avec laquelle il avait loué un petit logement pour s’installer. Il nous témoigna chaleureusement sa reconnaissance, bien que les services que nous avions pu lui rendre fussent légers.

Le sieur G... avait compris, dès les premiers jours de son arrivée, le but pratique de notre œuvre. Nous l’avons revu depuis sur les grands boulevards; il est toujours joyeux. Que Dieu le bénisse dans son âme et le transforme complètement!


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Certain soir du mois de février se présentait à l’Hôtellerie un vieillard pliant sous le poids de la misère et de la malpropreté: un phénomène en son genre. Cet homme, dénué de ressources, affamé, demandait l’hospitalité.

Tous nos lits étaient pris; il nous fallut, à notre grand regret, le renvoyer, malgré la profonde pitié que sa situation indescriptible nous inspirait. Le pauvre miséreux passa la nuit à la belle étoile. Le lendemain dans l’après-midi, nous l’aperçûmes dormant sur un banc du boulevard Magenta; beaucoup de gens, touchés à l’aspect de cette scène vivante, s’arrêtaient à le regarder, mais aucun ne s’occupait de secourir cette détresse si profonde.

Nous comprîmes que Dieu nous chargeait de cette restauration et nous envoyâmes ce pauvre Lazare à l’Hôtellerie.

Les employés s’occupèrent de lui avec un touchant dévouement: douches, bains, épuration et fumigation des vêtements, taille des ongles et des cheveux, rien ne fut épargné. On mit au lit ce pauvre homme et il dormit du samedi au lundi sans donner aucun signe de vie.

À son réveil, il était rajeuni de plus de vingt ans et il ne se reconnaissait plus lui-même. Émerveillé de sa transformation, il nous donna quelques renseignements autobiographiques.

Ancien instituteur, cet homme qui n’avait plus de domicile depuis longtemps, s’occupait de travaux littéraires pour lesquels les palmes académiques lui avaient été décernées. Le plus modeste livret de Caisse d’épargne eût mieux fait son affaire! Il resta encore une nuit chez nous et s’éloigna.

Que n’avons-nous pu réussir à produire la même transformation dans cette pauvre âme?

Nous avons semé, et nous croyons que Dieu fera fructifier cette semence!


* * *


Le 16 avril dernier, vers minuit, arrivait à l’Hôtellerie un vieillard, le sieur M... commissionnaire, originaire de l’Aveyron. Le pauvre homme était tout éploré. Il nous raconta que depuis plusieurs jours il était victime des brutalités de son gendre chez lequel il demeurait, que celui-ci, «ivrogne incorrigible» lui avait administré une vigoureuse raclée et l’avait jeté dehors.

Ne sachant où passer la nuit, le pauvre commissionnaire s’était renseigné près de quelques passants qui lui indiquèrent notre maison où il serait bien, lui dit-on. Nous consolâmes de notre mieux ce pauvre vieillard au cœur brisé, lui montrant le Sauveur mort sur la croix pour les péchés de l’humanité.

Deux jours de suite, le vieillard revint à l'Hôtellerie. Il nous quitta le troisième jour, nous remerciant de nos conseils et de notre hospitalité. Il s’est retiré chez sa fille aînée, à Batignolles, et s’y trouve heureux.

(À suivre).

En avant 1899 05 20


L'ORGUEIL EST UNE FLEUR QUI CROÎT DANS LE JARDIN DU DIABLE.




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