Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE CULTE DOMESTIQUE

DECEMBRE

***


CCCXXXVIe MÉDITATION.

Lisez 1re Épître de Saint Pierre V.

Un homme sauvé par Dieu peut-il craindre?


Un puissant monarque avait ramassé dans la boue du chemin le fils nouveau-né d’un mendiant, l’avait adopté pour son enfant et le faisait élever avec tendresse depuis déjà vingt ans.

Un jour ne s’était écoulé que le bienfaiteur n'eût visité son bien-aimé; ni besoin, ni maladie ne s'étaient fait sentir que le roi généreux ne fût venu au secours du mendiant. Et cependant l’enfant adopté pleurait chaque jour à la pensée que ce père pourrait l’abandonner chaque lendemain. Pour calmer ses folles craintes, le monarque lui répétait sans cesse: Rassure-toi; je t’ai tiré de la misère, élevé dans mon palais, nourri et fait instruire depuis tant d’années; comment peux-tu penser que je me renierai jamais assez pour te laisser mourir de froid ou de faim? Le jeune homme pleurait toujours.

L’ingrat!... Quelle insulte pour son bienfaiteur!

Ou plutôt cette histoire n’est-elle pas impossible?

Oui, je la croirais impossible, si je n’étais moi-même cet enfant!

Depuis de longues années, Dieu m’a tiré du néant, m’a conservé, nourri, et fait des promesses de me conserver et de me nourrir toujours; et toutefois, moi son enfant et vous mes frères, nous tremblons chaque jour, comme si Dieu pouvait nous oublier, après nous avoir créés!

Nous sommes en grand souci pour notre vie, pour notre famille, pour nos affaires, pour tout ce que nous ne tenons pas à deux mains. Jésus ne nous a-t-il pas dit: Gens de petite foi, pourquoi vous mettez-vous en peine du lendemain? et son Apôtre n’a-t-il pas ajouté: Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis?

Mais, hélas! après les promesses de ce Dieu pour l’avenir, comme après ses bienfaits dans le passé, nous nous sommes mis à trembler et à pleurer comme des enfants abandonnés sur le grand chemin!

Cette conduite nous paraissait bien coupable, il n’y a qu’un instant, lorsqu’il s’agissait d’un être imaginaire, et maintenant qu’il est question de nous, nous revenons de notre jugement.

Refuser sa confiance à un roi mortel et terrestre, est-il donc un crime plus énorme que de se défier du Dieu éternel et tout puissant?

Non; mais encore une fois, c’est qu’il s’agit de nous-mêmes, et dès lors l’ingratitude, le manque de confiance, nous apparaissent excusables; c’est-à-dire que:

- Nous sommes si bien habitués à insulter Dieu de notre défiance, que nous ne savons plus voir le tort qui reste à ses yeux un véritable crime.

Oui, un crime odieux, et nous le jugerions ainsi nous-même, si nous étions l’offensé.

Ah! ce n’est pas sans raison que l'Évangile nous demande si souvent cette foi que nous lui refusons; c’est qu’elle part d’un sentiment de confiance, le seul que nous puissions rendre à Dieu, le seul qui de notre part puisse lui être agréable, le seul qui puisse lier l’infime créature à l’infini Créateur.

Que donnerons-nous à Dieu dans ce monde, où tout lui appartient, où tout lui est possible, où nous ne disposons que de ses propres bienfaits?

Rien, si ce n’est LA CONFIANCE, L’ABANDON, LA FOI que provoque son amour.


Lui donner cette confiance n’est certes pas un mérite;

mais la lui refuser est le plus insultant des outrages.


Enfin, jugeons de la légitimité de nos craintes par l'état où nous sommes.

De quoi manquons-nous à cette heure?

Sommes-nous sans parents, sans amis, sans une parcelle de terre ou d’argent?

Une affaire importante risque de ne pas nous réussir, je veux le supposer; j’admets même que nos craintes se réalisent: serons-nous donc après cette perte complètement déshérités?

Dieu ne nous aura-t-il pas laissé encore plus qu’il ne nous doit, plus que nous ne méritons?

Mais rappelons-nous le passé.

N’avons-nous pas été cent fois tirés d’un péril tout aussi imminent?

N’avons-nous pas eu déjà à rougir de notre manque de foi?

Comment donc concluons-nous des soins de Dieu dans le passé à son abandon dans l’avenir?

Non, tout nous condamne, et notre vie conservée jusqu’à ce jour à travers mille dangers, et les biens qui nous entourent encore en ce moment. Nous pouvons dire que nous avons sous la main des provisions de bonheur pour nos vieux jours; mais voici, avides que nous sommes, nous demandons davantage, nous voudrions qu’ils nous fussent garantis, assurés; nous craignons non seulement pour ce que nous n’avons pas, mais pour ce que nous tenons, et nos larmes incrédules tombent sur notre vêtement et notre pain!

Oh! mon Dieu! pardonne une telle ingratitude!

Nous ne saurions la supporter de la part des hommes, et tu devrais la supporter venant de nous!

Non, Seigneur, non; qu’il n’en soit plus ainsi; CHANGE NOTRE CŒUR; donne-nous toi-même les sentiments que tu nous demandes, et qu’à l’avenir, loin de nous plaindre au sein de l’abondance, nous apprenions à nous confier même dans le besoin, persuadés qu’alors encore tu ne nous oublies pas, et que c’est ta bonté qui nous éprouve.


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CCCXXXVIIe MÉDITATION.

Lisez 2e Épître de Saint Pierre I.

Je ne me lasse pas de vous écrire les mêmes choses


Une caravane de voyageurs, traversant un vaste désert, s’arrête le soir, dresse ses tentes et se livre au repos. Mais un d’eux, sentinelle vigilante, reste debout, prête l’oreille au plus léger bruit, fixe l’œil sur une ombre, et crie à ses compagnons: Prenez garde! le Simoun s’élève; réveillez-vous, le tigre et le lion s’avancent! Les voyageurs assoupis relèvent la tête, frémissent à ce cri d’alarme, et retombant sur leurs nattes, ils reprennent leur sommeil à peine interrompu.

Si la sentinelle répète le même cri, dans les mêmes termes, et dit toujours: Prenez garde! le Simoun se lève; le tigre et le lion s’avancent, les voyageurs diront-ils que cette voix est importune et qu’elle répète toujours les mêmes choses?

Je ne sais; mais ce que je sais bien, c’est que le devoir de la sentinelle est de crier encore: Le Simoun s’élève, le tigre et le lion s’avancent.

Voilà précisément pourquoi, sentinelle intrépide, l’Apôtre Pierre, encore pour un instant dans cette tente terrestre, ne craint pas, dit-il, de répéter les mêmes avertissements.

Nous, à son exemple, nous ne craindrons pas de vous redire encore les vérités qui nous réveillent un instant chaque matin, et vous laissent retomber, hélas! assoupis pour toute la journée.

Qu’importe que ce soit toujours le même avertissement que nous vous répétions, si votre salut y est attaché?

Vaudrait-il mieux varier nos paroles pour vous plaire et vous tromper?

Non, Paul l’a dit aussi: «Je ne me lasse pas de vous écrire les mêmes choses; c’est ce qui fait votre sûreté.»

Ce n’est pas d’entendre des choses nouvelles, mais d’entendre des choses VRAIES, qui peut nous être utiles.

Nous sommes faits de telle sorte, que, quelque pénétrés que nous soyons de l’importance d’une vérité à certains jours, nous retombons d’autres jours dans une apathie qui nous étonne nous-mêmes; si alors une parole déjà connue nous est répétée, nos anciennes impressions renaissent, et la vérité reprend soudainement toute son action sur notre âme.

Un seul trait d’une mélodie, par nous jadis apprise, oubliée aujourd’hui, nous la rappelle tout entière et nous reporte au milieu d’agréables souvenirs.

De même, le premier mot d’une vérité, vivante jadis en nous, aujourd’hui méconnue, suffit pour la soulever complète dans son esprit, et pour nous gagner le cœur d’autant plus facilement, que cette vérité nous était naguère plus familière.

Oui, c’est notre sûreté, qu’on nous répète les mêmes choses; car le plaisir d’en dire et d’en entendre de nouvelles pourrait bien nous pousser dans l'erreur.

Défiez-vous du nouveau, surtout en religion.

C’est l’amour de la surprise, de l’étrangeté, qui a jeté et jette tous les jours des chrétiens dans des écarts dangereux; malheur à celui qui ne sait pas se contenter du lait pur de la Parole, et qui veut en extraire une liqueur spiritueuse pour satisfaire son goût blasé!


LA VÉRITÉ EST ANCIENNE, MAIS ELLE NE VIEILLIT PAS.


Il n’y a qu’un Dieu, qu'un Sauveur, qu’un Esprit, qu’un salut, qu’une éternité; nous ne pouvons pas en inventer d’autres pour vous entretenir: vous en lasserez-vous d’être toujours dans le ciel, quand vous y serez? D’être toujours heureux quand vous le serez? Non; sachez donc aussi vous réjouir d’une seule espérance, toujours la même sans doute, mais qui embrasse l’éternité et l’univers I

Un avare avait découvert une mine d’or dans un champ éloigné; chaque jour, ses serviteurs lui apportaient, dans sa demeure, de nouvelles parcelles du précieux métal extrait du sein de la terre, et, chaque matin, l’avare répétait: Y en a-t-il encore?

Tous, de même, vous avez découvert, dans le champ de l’Évangile, le trésor du salut.

Chaque jour, dans votre maison, votre Bible vous apporte de nouvelles déclarations des joies qui vous attendent; serez-vous donc plus fatigués d’entendre énumérer ces promesses, que cet avare ne l’était de recevoir de nouvelles assurances de sa fortune?

Et direz-vous, avec un ton de reproche: Il y en a donc toujours?

Prenez garde que Dieu ne cesse de parler à votre cœur, et qu’il ne vous laisse languir dans le silence de son Esprit; écoutez plutôt avec avidité, tandis que vous êtes encore dans cette tente légère qu’un coup de vent va renverser sur le désert, écoutez ce cri, toujours le même:

- Sentez vos misères,

cherchez votre pardon en Jésus-Christ,

et implorez L'Esprit-Saint pour sanctifier votre vie.

En un seul mot, ATTENDEZ TOUT DE DIEU; humiliez-vous sous sa puissante main: priez-le sans cesse, et comptez par la foi sur un salut éternel qui ne saurait plus vous être enlevé.


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CCCXXXVIIIe MÉDITATION.

Lisez 2e Épître de Saint Pierre II.

Souffrir de la tentation ou du remords


Comme notre premier père en Éden, Dieu nous a tous placés devant un arbre de la science du bien et du mal; C'EST À NOUS DE CHOISIR.

Comme Adam, nous avons deux conseillers:

- Dieu, qui nous dit: Si tu touches au péché, tu mourras;

- et Satan qui dit au contraire: Tu seras libre et tu vivras.

Comme Adam avant la désobéissance, nous sommes assaillis de désirs impérieux; et après y avoir succombé, encore comme lui, nous allons nous cacher accablés de honte.

Ainsi, que nous prenions le Seigneur ou le serpent pour conseiller, que nous touchions à l’arbre du péché ou que nous n’y touchions pas, nous aurons toujours à souffrir:

- dans le premier cas, nous aurons à lutter péniblement contre la tentation;

- dans le second, à nous débattre sous le remords;

- mais il y aura toujours souffrance.

Mais de ces deux souffrances, laquelle est la plus acceptable, celle de la tentation ou celle du remords?

Consultez votre expérience:

- la première est courte; la seconde, prolongée;

- la lutte victorieuse contre le mal est suivie d’une douce satisfaction;

- la chute dans le péché laisse au cœur un long mécontentement de soi-même.

Jamais un homme n’a regretté dans le cours de sa vie d’avoir surmonté la tentation, et jamais non plus, après la jouissance passagère de la passion, il ne s’est applaudi d’y avoir succombé.

L’homme qui lutte contre Satan peut, comme Saint Paul, en être souffleté et sentir une douleur vive et passagère; mais l’homme que Satan renverse garde dans sa chair un fer empoisonné qui le suivra partout.

Le fruit de l’arbre fut agréable au palais d’Adam et d’Ève; mais il laissa dans leur sein l’amertume de cette parole: «Tu mourras!» et TOUTE LEUR VIE ces infortunés sentirent cette amertume au fond de leur cœur.

C’est donc une parole mensongère, une suggestion de Satan, que celle de ces hommes pervers qui voudraient nous persuader que nous serions en liberté si nous voulions courir avec eux dans la corruption.

Nous ne prétendons pas nier notre servitude: nous sommes les esclaves de Dieu; mais qu’ils reconnaissent eux-mêmes leur esclavage: ils sont les serviteurs du démon; et dès que l’homme, créature faible, ne peut échapper à l’un de ces deux maîtres, pourrait-il longtemps hésiter?

C’est la séduction la plus funeste que de se persuader que nous pouvons être complètement indépendants; l’image de la liberté a pour nous un tel charme que nous sommes presque toujours disposés à croire ceux qui nous crient: «Vous êtes esclaves, sachez vous affranchir.»

Aussi cette ruse fut-elle celle employée par le serpent. Non, notre dépendance est inévitable; toute notre liberté se borne à CHOISIR ENTRE DEUX MAÎTRES, Dieu et Mammon.

- Quand nous serons plus vivement pénétrés de cette vérité, nous serons mieux affermis contre la tentation.

Mais une autre pensée est bien propre à fixer notre choix.

Si le bien et le mal étaient également doux ou également pénibles à faire, ne serait-ce pas toujours au bien que nous donnerions la préférence?

Sans doute.

Nous sommes donc ici témoins contre nous-mêmes, et notre conscience proclame, avant comme après le péché, où se trouve la véritable liberté; nous ne sommes fascinés qu’au moment de la tentation; dès qu’elle se retire, comme avant son arrivée, nous jugeons sainement, parce qu’alors nous sommes désintéressés.

Une dernière réflexion achèvera de vous convaincre.

Quand ce n’est pas nous, mais les autres qui agissent, portons-nous le même jugement?

Excusons-nous aujourd’hui chez notre frère le péché que nous avons commis nous-mêmes hier?

Ne sommes-nous pas, au contraire, d’une vertu sévère dès qu’il ne s’agit plus de nous?

Nouvelle preuve que LE MAL EST BIEN LE MAL, et qu’il faut, pour nous y tromper, que nous soyons sous le charme d’une satanique séduction.

Disons-nous-le donc aujourd’hui, pour nous le rappeler au jour du danger.

Prions d’avance le Seigneur de nous préserver alors de la tentation et de nous faire sentir toujours davantage que:


LA VRAIE LIBERTÉ, C’EST L’AFFRANCHISSEMENT DU PÉCHÉ.


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CCCXXXIXe MÉDITATION.

Lisez 2e Épître de Saint Pierre III.

Toutes choses demeurent les mêmes depuis la création


Parmi l’infinie variété d’êtres qui peuplent ce monde se trouve un insecte si petit qu’on ne peut le comparer qu’au grain de sable le plus fin; sa vie commence au coucher du soleil pour finir à son lever. Ainsi, cette chétive créature est à peine perceptible à l’œil, elle vit quelques heures et ne voit jamais l’astre du jour.

Supposez qu’un de nous pût entrer en communication par la parole avec un de ces petits êtres, et lui déclarer qu’il est une saison de l’année où la chaleur qui l’a fait éclore s’alanguit et s’éteint, où des masses ténébreuses dérobent à la vue la voûte scintillante, où les ruisseaux cessent de couler, les plantes de fleurir, et où un froid piquant remplace la douce chaleur des nuits; pensez-vous que cet éphémère se laissât facilement persuader de faits aussi étranges?

Et ne croyez-vous pas, au contraire, en le supposant capable de réflexions profondes, qu’il pourrait vous répondre: Mais il y a soixante générations (c’est-à-dire que pour vous, créature humaine, il y aurait deux mois) que ma race existe, et depuis ces soixante siècles d’éphémères, ni nous, ni nos ancêtres, n’avons rien vu de semblable; le ciel a toujours été pur, l’onde a toujours coulé, la prairie a toujours été fraîche, et l’atmosphère toujours tiède: depuis que nos pères se sont endormis, toutes choses demeurent comme elles ont été depuis le commencement de la création.

Que répondriez-vous à de tels arguments?

Soixante générations d’insectes ont vu se renouveler exactement les mêmes phénomènes!

Comment persuader à la dernière qu’un jour ces phénomènes peuvent changer?

Vous savez bien que cela se peut, que cela est vrai; mais vous sentez aussi qu’il vous est impossible d’en convaincre un être si petit, si passager, qui mesure tout à la longueur de sa propre vie, et vous avez compassion de l’éphémère incrédule.

Eh bien, portez plus haut vos pensées sur l’échelle des êtres: à la place de cette créature de quelques heures, mettez l’homme de quelques années, et à votre propre place de juger, mettez un ange créé avant ce monde et vivant encore paré de jeunesse.

Que cet être qui a vu créer la terre, former le soleil, lancer les étoiles, dise à l’homme qu’un jour viendra où les cieux passeront avec un bruit de tempête; où la terre sera dissoute par le feu, et où toute la création sera consumée; je le demande: à cette révélation, que répondrait l’incrédule capable de réflexions profondes?

Il répondrait ce qu’a répondu l’éphémère: «Où est la promesse de son avènement? Car, depuis que nos pères se sont endormis, toutes choses demeurent comme elles ont été depuis le commencement de la création.»

Hélas! à l’ouïe de cette réponse, l’ange aussi serait saisi de compassion, tout en éprouvant le regret de ne pouvoir se faire comprendre d’un être aussi faible et aussi passager qu’une créature humaine!

Et cependant, cet argument commun à l’éphémère et à l’homme, cet argument qui tire toute sa force de la faiblesse de notre être et qui n’a de poids qu’à la balance de l’imagination, cet argument est mis chaque jour en avant par l’incrédulité.

On croit avoir tout dit quand on a répondu:

«Le monde a toujours marché comme il marche; depuis soixante siècles, les générations s’élèvent, croissent et tombent pour faire place à d’autres; ce monde ne prendra donc jamais fin.

Ce Jésus, dont on nous annonce depuis si longtemps l’avènement, pourquoi tarde-t-il tant à venir?

Pourquoi toujours des menaces ou des promesses, et jamais des effets?

Pourquoi, dites-vous? Ah! c’est que vous n’êtes devant Dieu que des insectes éphémères; c’est que, pour l’Être éternel, mille ans sont comme un jour, un jour comme mille ans!»

Pourquoi?

Parce que ce Dieu est patient envers vous; s’il vous supporte, c’est qu’il espère encore votre conversion, et non qu’il oublie votre faute. Mais enfin ce jour inattendu viendra; et pour vous, qui n’y comptez pas, il viendra comme un larron, au milieu de la nuit, terrible et soudain.

Ne pourriez-vous pas nier la création de notre race aussi bien que sa destruction?

Et cependant la science elle-même n’a-t-elle pas confirmé les assertions de Moïse, en découvrant dans les entrailles de notre globe des preuves qu’il n'y a pas plus de six mille ans qu’il est habité?

Ne pourriez-vous pas nier le déluge tout aussi bien que le jugement dernier?

Et cependant la même science n’a-t-elle pas encore reconnu l’exactitude de la Bible, en retrouvant sur nos continents les vestiges du passage des eaux qui ont bouleversé la terre?

- Si la première moitié de la révélation de l’Apôtre est vraie, et que le monde ait commencé, ne peut-il pas finir?

- Si la première partie de la révélation de l’Apôtre est vraie, et que la terre ait été submergée sous les eaux, la seconde n’est-elle pas également certaine quand il affirme que ce monde périra dans les flammes, et le méchant devant la colère de Dieu?

Ah! laissons le mondain (incrédule parce qu’il est pécheur), laissons le mondain disputer avec Dieu.

Pour nous, chrétiens, soyons plutôt touchés de sa longanimité.

- Veillons comme si demain était le dernier jour de notre globe.

- Apprenons à mépriser des biens que nous devons quitter dans quelques heures;

- élevons nos désirs vers les nouveaux cieux et la nouvelle terre où habite la justice, et où nous allons bientôt entrer.

En les attendant, comme nous le dit l’Apôtre, efforçons-nous de vivre sans tache et sans reproche dans la paix, comme l’invité d’un festin orne sa tête de fleurs brillantes, couvre son corps de vêtements splendides pour se mettre en harmonie avec le lieu, les convives et le seigneur qui l’attendent.

La salle de festin qui va s’ouvrir pour nous, c’est le ciel; nos convives, les anges; notre hôte, Dieu! Ornons-nous donc d’avance de pureté, de sainteté, d'amour. La porte va s’ouvrir; soyons prêts:


IL NE S’AGIT DE RIEN MOINS QUE DE VIVRE ET DE JOUIR

PENDANT UNE ÉTERNITÉ!


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CCCXLe MÉDITATION.

Lisez 1ere Épître de Saint Jean I.

Qui se dit sans péché se séduit lui-même


Si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes.

Si l’Apôtre adressait ces paroles à des gens inconvertis, nous n’en serions pas étonnés; car nous savons que c’est le propre de l’homme naturel de se vanter.

Mais non; Jean parle à des chrétiens qui, pour accepter un Sauveur, ont dû commencer par avouer leur état de corruption.

Comment donc maintenant des hommes, qui se sont reconnus coupables afin d’être pardonnés, peuvent-ils parler de leur innocence?

Sans doute, c’est une inconséquence, mais cette inconséquence n’est pas plus rare de nos jours qu’aux jours de l’Apôtre; il suffira, pour nous en convaincre, de jeter un regard autour de nous et en nous-mêmes.

- Oui, les chrétiens de nos jours sont assez disposés à se dire et à se croire sans péché, ou du moins à excuser ceux qui sont trop évidents pour être niés.

Il est vrai qu’ils confessent de la bouche leur misère spirituelle; mais étudiez-les de près, et vous verrez que cet aveu ne tire pas à conséquence.

Quand ils parlent de leur état de péché, c’est comme d’une condition commune à tout le genre humain; cet aveu ne leur coûte guère parce que la honte, tombant sur toute la race, ne pèse plus sur eux en particulier.

Ils croient à la corruption humaine comme d’autres croient à la dégénération de tous les êtres, à la malédiction de la nature; ce n’est pas pour eux un acte d’humilité, c’est un article de foi, rien de plus.

Mais qu’il s’agisse de se comparer personnellement à d’autres, ils s’estiment intérieurement meilleurs qu’eux, se disent tout aussi moraux, et ils se fâcheraient sérieusement si l’on osait les placer au-dessous même des plus saints.

Non pas devant Dieu et d’une manière absolue; mais devant les hommes et relativement, ces chrétiens ne sont pas loin de SE CROIRE SANS PÉCHÉ.

Il y a plus.

Si l’on voulait creuser un peu plus profond dans le cœur de ces hommes, peut-être y découvrirait-on encore plus d'un secret.

Ils ont admis la doctrine chrétienne de la corruption humaine, c’est vrai; mais ne serait-ce pas parce qu’à côté de cette doctrine se trouvait celle de la régénération par le Saint-Esprit, et qu’en se disant chrétiens ils se disaient par cela même régénérés?

N’ont-ils pas accepté l’héritage de l’Évangile sous bénéfice d’inventaire, et consenti à payer, avec tous les hommes, leur dette d’humiliation en s’avouant pécheurs, parce qu’ils prenaient en même temps le titre de chrétien converti, qui acquittait cette dette et relevait leur dignité aux yeux du monde?

Je ne sais si je me trompe dans cette supposition; mais je sais bien que j’ai rarement vu un chrétien confesser son état de chute sans parler de son relèvement, et ainsi descendre une marche pour en remonter deux dans l’estime de celui dont il faisait son confesseur.

Lui aussi, comparativement incrédule, SE CROYAIT DONC SANS PÉCHÉ.

Mais si vous désirez vous convaincre que la prétention dont nous parle Saint Jean n’est pas si rare que vous le pensez peut-être encore, demandez à ces chrétiens qui déplorent leur misère dans des termes généraux de descendre dans quelques particularités, de nommer leurs vices par leurs noms, de désigner les jours de leurs fautes, et soyez sûrs qu’ils n’y consentiront pas.

Faites un pas de plus et posez-leur cette question: Êtes-vous injustes, impurs, médisants, et à chacune de vos interrogations vous les entendrez répondre: Non; jusqu’à ce que vous ayez épuisé la liste de toutes les faiblesses humaines, si bien qu’à la fin vous serez obligé de conclure que ces hommes SE CROIENT SANS PÉCHÉ.

Voulez-vous encore une preuve plus forte, une lumière plus éclatante?

Pénétrez dans la vie domestique de ce chrétien et vous le verrez, comme les gens du monde:

- se disculper de toutes les accusations,

- se vanter de mille manières et de mille niaiseries;

- étaler ses bonnes œuvres,

- répéter ses belles paroles;

- rejeter sur les autres le mal fait par lui-même;

- s’excuser de celui qu’il ne peut nier;

- s’irriter à l’ouïe d’un reproche;

- enfin secouer tout tort, toute faute, comme on secoue la poussière d’un vêtement, et arriver à dire par insinuation ce qu’il rougirait d’affirmer directement: JE SUIS SANS PÉCHÉ.

Ah! dites donc que vous êtes sans humilité, sans christianisme, sans régénération! que vos aveux sont l’expression d’une théorie restée sans efficacité sur votre vie! Eh! qu’importent vos accusations contre le genre humain!

Ce sont celles contre vous, vous-même, vous en particulier, vous seul, qu’il faudrait faire entendre pour que votre repentir fût SINCÈRE, votre foi RÉELLE et votre salut ASSURÉ.

Dieu ne se paie pas de mots comme les hommes; il voit qu’au fond de votre cœur l’orgueil lève encore la tête, bien que caché dans des plis d'humilité.

Repentez-vous donc tout de nouveau; sentez profondément votre misère personnelle, et alors vous pourrez vous appliquer ces paroles de l’Apôtre: Je confesse mes péchés; il est fidèle et juste pour me les pardonner.


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CCCXLIe MÉDITATION.

Lisez 1ere Épître de Saint Jean II.

L’onction du Saint-Esprit


Vous avez reçu l’onction de la part du Saint, dit l’Apôtre s’adressant aux jeunes gens et aux vieillards, aux enfants et aux pères, c’est-à-dire à tous les chrétiens.

Cette affirmation que les chrétiens obtiennent dès ici-bas l’onction du Saint-Esprit se retrouve dans les Évangiles et dans les autres Épîtres; Jésus, Paul, Pierre, Jacques en parlent aussi bien que Jean; et si, sortant des temps apostoliques, nous parcourons l’histoire de l’Église, nous retrouvons toujours des hommes qui nous affirment la réalité de cette onction de l’Esprit sur eux et sur tous les vrais disciples de Jésus-Christ.

Mais cette onction est-elle bien une réalité?

Est-il bien vrai, bien certain que tout chrétien reçoive dès ici-bas le Saint-Esprit?

À ceux qui l’ont reçu, il serait superflu de le prouver; adressons-nous donc à ceux qui n’en ont pas encore fait l’expérience.

Je remarque d’abord que ce don du Saint-Esprit est affirmé par les uns et nié par les autres. Cela doit être, puisque ceux-ci ne l’ont pas reçu.

S’il s’agissait de tel phénomène pris dans la nature, je comprendrais que l’homme qui n’en a jamais été témoin ne songeât cependant pas à le nier; car il en retrouve d’analogues dans son expérience.

Mais non; il s’agit d’un phénomène extra-naturel, d’une action divine; dès lors, je comprends très bien aussi que ceux qui n’en ont pas ressenti les effets ne veuillent pas y croire. En sorte que l’incrédulité profonde du monde à son égard, loin d’infirmer, confirme l’existence de cette onction.

Ce qui me frappe ensuite, c’est que les hommes qui affirment avoir reçu cette onction déclarent en même temps, non pas qu’ils espèrent être dans la vérité religieuse, mais positivement qu’ils y sont, et qu’ils ont la profonde conviction qu’ils ne changeront jamais de croyance.

Maintenant, interrogez ceux qui nient cette onction, et quelle que soit d’ailleurs leur foi, ils vous avoueront, sans trop de peine, qu’ils n’oseraient se déclarer inébranlables.

Ce sont eux qui espèrent être dans la vérité, mais qui n’en jureraient pas.

Ils avouent que leur opinion peut se modifier par l’étude, et se modifier jusqu’à un point qu’ils ne sauraient déterminer.

Il doit en être ainsi; car si cette onction est vraie,

- sa présence doit communiquer aux chrétiens une assurance inébranlable,

- comme son absence laisser les inconvertis dans une défiance constante de l’erreur qui, pour le moment, leur tient lieu de vérité.

Mais il y a chez le chrétien mieux que cette prétention à ne plus changer de croyance: c’est le fait lui-même qu’il n’en change pas.

Il sent qu’il repose sur un rocher; tous les flots des opinions nouvelles viennent se briser en impuissante écume à ses pieds.

Quelque brillante que soit une théorie, il en reconnaît tout de suite la fausseté: la pierre de touche est en lui et l’avertit aussitôt que c’est du cuivre et non pas de l’or. Il avance ainsi dans la vie, se sachant en possession de la vérité, et il meurt assuré de l’emporter dans son coeur.

Le fait est qu'on ne peut pas citer d’exemple d’hommes évangéliques qui soient retournés dans le camp de l’incrédulité; ou, si l’on en cite avec grand bruit quelques rares exemples, cet étonnement même prouve qu’ils font exception, et que la persévérance dans la foi est la règle.

Mais aux yeux des chrétiens, ces exceptions n’en sont pas, car ils répètent ce que dit l’Apôtre précisément dans ce même chapitre au sujet de cette même onction: Ils sont sortis d’entre nous, mais ils n’étaient pas des nôtres; car s’ils eussent été des nôtres, ils fussent restés avec nous.

Ainsi jamais un homme amené par cette onction à l’Évangile n’est véritablement rentré dans le monde, tandis que tous les jours les gens du monde entrent dans l’Évangile; nouvelle preuve de cette onction divine qui éclaire et retient les esprits.

Mais voilà la plus belle démonstration de son existence:

- L’onction que vous avez reçue, dit l'Apôtre, demeure en vous, et vous n’avez pas besoin que personne vous instruise; mais comme cette même onction vous enseigne toutes choses, et qu’elle est véritable et exempte de mensonge, vous demeurez en lui (en Jésus), selon qu’elle vous a enseigné.

Jean fait ici remarquer deux choses:

la première, que le chrétien qui a reçu l'onction de l’Esprit n’a plus besoin qu’aucun homme l’enseigne. Or cette remarque a sans doute été faite par chacun de nous.

Le chrétien vraiment converti peut être laissé à lui-même; il ne risque plus de s’égarer, ou du moins il est assuré de retrouver bientôt son chemin. Son meilleur conseiller, son prédicateur le plus persuasif, c’est lui-même; ou plutôt C’EST LE SAINT-ESPRIT QUI HABITE EN LUI.

Sans doute il ne négligera pas pour cela l’exhortation d’un frère; mais c’est encore la voix du Saint-Esprit qu’il écoute en celui-ci.

Aussi vous avez pu remarquer que dans une assemblée de vrais chrétiens, les longs développements d’une vérité sont supprimés comme superflus. Un mot du texte est cité, et l’on y passe à d’autres enseignements comme s’il suffisait d’avoir réveillé l'Esprit dans le cœur des auditeurs pour le laisser ensuite continuer lui-même l’exhortation.

Ainsi vous voyez encore les efforts de l’éloquence méprisés par ces mêmes chrétiens. UNE PAROLE DE DIEU LES FAIT AVANCER; mais tous les discours des sages de ce monde les laissent impassibles.

Enfin les derniers mots de l’Apôtre complètent la preuve de la réalité de l'onction: Par elle, dit-il, les chrétiens demeurent en Jésus; en d’autres termes, vivent saintement.

Voilà le vrai fruit de l'onction.

Tout le reste était tronc, branches, feuilles, fleurs produits par la sève de l'onction; mais la sainteté de vie, voilà son fruit.

Oui, l'onction doit produire les bonnes œuvres, et si vous les avez vues abondantes dans la vie de quelques hommes, fût-ce dans la vie d’un petit nombre, dites-vous: Par cela même que de tels hommes sont si rares, je dois penser que, pour les rendre tels, il n’a fallu rien moins que l’onction du Saint-Esprit.


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CCCXLIIe MÉDITATION.

Lisez 1ere Épître de Saint Jean III.

Pourquoi aimons-nous si peu le Dieu qui nous a tant aimés?


La grandeur de l’amour de Dieu pour nous n’est égalée que par celle de notre indifférence pour lui.

Quand, par un effort d’imagination, on se représente le Dominateur de l’univers affectionnant l’être imperceptible jeté dans la poussière d’un de ses mondes, jusqu’à donner pour lui son propre Fils; et qu'en même temps on porte un regard sur ce petit être savourant les dons de son bienfaiteur dans le silence de l’ingratitude, on se demande combien une telle apathie est possible de notre part?

Serait-ce que nous ne soyons pas assez convaincus de la réalité de cet amour, pour n’avoir jamais ni vu ni touché Jésus, ses miracles, son ciel, son pardon?

Non, car il existe d’autres témoignages de l’amour de Dieu, que nous avons vus et touchés, et qui cependant nous laissent froids.

Ainsi nous ne doutons pas que cette terre qui nous nourrit, ce soleil qui nous éclaire, ces animaux qui nous servent, n’aient été créés pour nous. Toutefois ces témoignages palpables et visibles de l’amour de Dieu ne nous touchent pas plus que le don de son Fils et le pardon de nos péchés.

Non certes, ce n’est pas le manque de preuves de l’amour divin qui nous empêche de mieux répondre à cet amour.

Qu’est-ce donc?

Serait-ce que, de propos délibéré, nous voulussions être ingrats envers Dieu?

Non, car nous-mêmes déclarons croire à l’immensité de son amour et confessons notre tort de n’y pas mieux répondre. Et cependant, après tout cela, nous restons les mêmes, déplorant notre froideur, et restant froids; semblables à ces glaçons du pôle qui s’agitent dans l’Océan, sans changer de température, et se briseront plutôt que de se réchauffer.

Pour tout dire, nous voudrions aimer Dieu, mais nous n’y réussissons pas.

Que faire donc?

Continuerons-nous à nous meurtrir la poitrine de désespoir?

À nous jeter dans l’oreille de belles paroles, de longs discours sur l’amour de Dieu, paroles et discours qui nous fatigueront bientôt, et qui certes n’auront pas plus d’efficacité que la contemplation d’un ciel scintillant d’étoiles ou d’une terre épanouie en moissons?

Non, non; tout cela est vain, superflu; nous ne pouvons pas plus nous donner l’amour, que nous n’avons pu nous donner la vie; Dieu est venu une première fois pour nous aimer, il faut qu’il revienne pour nous rendre aimants.

Jésus en croix fait appel à notre cœur, et il faut que le Saint-Esprit dans ce cœur vienne lui répondre; après avoir agi pour nous, Dieu doit agir encore en nous, en sorte que l’œuvre par lui commencée, par lui soit achevée.

Si quelque chose peut nous convaincre de la nécessité de cette intervention divine pour nous rendre capables d’amour, c’est la profonde différence qu’il y a entre nous et nous, de la veille au lendemain; ces changements subits de température dans notre cœur que nous ne pouvons ni prévoir ni empêcher;

- hier de feu, aujourd’hui de glace;

- hier pleins d’amour, aujourd’hui vides d’émotions malgré nous;

- pâte molle où s’impriment tour à tour le doigt de Dieu et la serre de Satan, nous restons passifs et pétris sous la forme du dernier qui nous a touchés.

Oh! quelle misère, quelle misère!

Sommes-nous donc les vains jouets de forces qui nous poussent à droite ou à gauche, sans que nous puissions résister aux unes ni seconder les autres?

Oui, si Dieu n’avait pas mis en nos mains le levier qui soulève le ciel et la terre, l’arme qui chasse Satan et attire l’Esprit; oui, SI NOUS N’AVIONS PAS LA PRIÈRE!

Voilà notre force à nous impuissants, voilà notre ancre de salut à nous ballottés sur les flots de la tentation!

Quelque froids que nous soyons de notre nature, si nous prions VÉRITABLEMENT, nous serons réchauffés.

Sans doute la prière n’est pas toujours facile, mille distractions l’étouffent; mais il dépend du moins de nous d’y persévérer et de battre Satan avec ses propres armes.

Si je suis tiède, si la prière m’est pénible, c’est précisément pour cette tiédeur que je prierai.

Satan peut bien troubler ma prière, mais moi du moins je puis la continuer jusqu’à ce que, revenue sereine et forte, elle me rende vainqueur.

- Ma prière sera faible; mais je resterai à genoux;

- ma prière sera distraite, mais je ne me relèverai pas;

- ma prière me deviendra fatigante, mais je prierai encore!

Je lutterai, je prierai, je vaincrai! ou plutôt:


Dieu vaincra pour moi,

SI SEULEMENT JE VEUX PRIER!


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CCCXLIIIe MÉDITATION.

Lisez 1ere Épître de Saint Jean IV.

La charité bannit la crainte


Il n’y a point de crainte dans la charité; mais la parfaite charité bannit la crainte; car la crainte est accompagnée de peine, et celui qui craint n’est pas parfait dans la charité.

Cette pensée de l’Apôtre revient à ceci: Celui qui craint ne saurait aimer, et celui qui aime bien ne saurait craindre.

En moins de mots encore on pourrait dire:

L’amour et la crainte sont incompatibles. S’il arrive à quelqu’un d’éprouver à la fois ces deux sentiments pour Dieu, c’est que chez cet homme l’amour n’est pas parfait: la crainte en marque la limite.


Toutefois ce n’est pas à dire que la crainte soit inutile;

seulement elle doit être mise à sa place, sans usurper celle de l’amour.


Pour avoir méconnu cette vérité, on est souvent tombé dans les erreurs les plus graves. Mous allons nous faire mieux comprendre.

DIEU EST JUSTE ET SAINT; l’homme naturellement pécheur ne peut que redouter un tel juge, et tout en s’efforçant de lui obéir, il le craint.

Que l’homme reste dans cette disposition d’esprit, il accomplira des œuvres, bonnes dans leurs résultats, mais mauvaises par leur principe, la crainte.

Son obéissance, sous l’impulsion de ce mobile, lui sera pénible, car, dit l’Apôtre, «la crainte est accompagnée de peine;» et plus il obéira, plus il souffrira; plus il accomplira de sacrifices, plus il sera malheureux.

Telle est la fausse voie où marche quiconque prétend faire son salut soit par ses vertus, soit par ses macérations. Aussi la tristesse est-elle la compagne inséparable d’une telle sanctification. C’est là ce qu’on pourrait nommer le mauvais emploi de la crainte.

Mais que cet homme qui craint parce qu’il se sait pécheur, et tient Dieu pour juste, après avoir inutilement essayé d’accomplir la loi, finisse par désespérer de ses forces, lève un regard suppliant sur son juge, et voyant un sourire sur ses lèvres, se jette dans ses bras, le nomme son père, fasse appel à son coeur et se confie en sa clémence; cet homme aura passé de la crainte à l’amour; PLUS IL AIMERA SON PÈRE, MOINS IL CRAINDRA SON JUGE, et son amour sera parfait quand il n’aura plus de crainte.

Voilà le véritable rôle de la crainte, c’est de pousser l’homme à désespérer de lui-même pour se jeter avec confiance dans les bras de son Dieu; quand elle a rempli ce rôle, elle doit se retirer; elle expire où l’amour commence, et celui-ci le charge d’accomplir la sanctification que la peur avait vainement entreprise; l’homme, conduit par l’amour, soutenu par l’amour, porté par l’amour, trouve tout facile et doux, et court dans les commandements du Seigneur où jadis il se traînait avec peine.

Oh! si nous pouvions aimer seulement un peu ce Dieu qui nous a tant aimés!

Mais il faut le dire: nous-mêmes chrétiens, qui faisons profession de comprendre et de sentir ces vérités, nous qui prétendons n'agir que sous l’impulsion de la reconnaissance, hélas!

Quand nous en venons à nous mettre à l’oeuvre, ce n’est guère que sous l’aiguillon de la conscience que nous faisons quelques pas; c’est l’idée du devoir qui nous pousse. À la vérité, nous ne disons plus: «Marchons pour gagner le ciel,», mais du moins: «Marchons puisque le ciel nous est donné

Il faut encore nous raisonner, nous exciter, nous pousser avec effort:


C’EST LA TÊTE, CE N’EST PAS LE CŒUR QUI NOUS CONDUIT.


Cependant nous serions si heureux dans cette atmosphère d’amour où Dieu veut nous transporter!

Dans cette nouvelle terre où tout est fait nouveau, où la souffrance même se transforme en joie.

Hélas! nous en sommes bien persuadés; nous en avons même fait l’épreuve, mais encore après cette expérience, nous retombons sous le poids de notre corps de péché.

Oh! qui nous délivrera de cet esprit de servitude, de ce fond d’égoïsme pour nous donner enfin ce cœur tout nouveau et tout amour!

C’est toi, mon Dieu, toi qui déjà nous as donné ton Fils et qui nous as promis toutes choses avec lui. Un peu d’amour, un peu d’amour, Seigneur, afin que nous ne soyons pas trop étrangers en arrivant au milieu de ce monde d’anges et de saints où toi, ton Fils et ton Esprit êtes un par l’amour, et nous appelez pour être un avec vous!


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CCCXLIVe MÉDITATION.

Lisez 1ere Épître de Saint Jean V.

Une prédication de saint Jean


L’histoire raconte que l’Apôtre Saint Jean, l’auteur de cette épître si pleine d’amour, alors qu’il était depuis longues années pasteur d’Éphèse, et que, parvenu à la plus grande vieillesse, il n’avait plus ni la force de marcher pour se rendre à l’église, ni celle de parler pour prononcer un discours, se faisait transporter au milieu de son troupeau, et que là, tendant les bras vers ses frères, il leur répétait sans cesse ces douces paroles: «Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres.»

Ce trait, qui dépeint si bien le disciple que Jésus aimait, nous a toujours vivement touchés, et probablement il est allé à votre propre cœur. Quel ne devait pas être aussi l’attendrissement des chrétiens de la primitive église en voyant ce vénérable vieillard, qui avait usé sa longue vie au service de son Maître, lui consacrer encore son dernier souffle, pour leur répéter cette unique parole: «Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres.»

Supposez qu’un pasteur âgé de notre époque voulût un jour renouveler cette scène, pensez-vous qu'il fût accueilli par la même émotion ou bien par un sourire?

Oh I que nos pasteurs sont loin de l’amour de Saint Jean, et que nos troupeaux sont loin de la simplicité de ses auditeurs!

Nous ne consentons à parler et à entendre parler des meilleures choses qu’en termes choisis, comme s’il s’agissait de gagner notre oreille et non pas notre cœur!

Tout, même le sentiment, doit traverser l’esprit pour nous paraître acceptable; l’amour en haillons nous fait pitié, le dévouement exprimé en mauvais langage nous paraît ridicule, et il n’est pas bien sûr que ce qui nous plaît dans l’amour chrétien dépeint avec art ne soit pas l’art lui-même.

On reproche au monde son goût pour des livres qui l’attendrissent sur des malheurs imaginaires, toujours héroïques, et qui le rendent ensuite insensible devant des infortunes réelles, mais vulgaires.

- Eh bien, on peut faire un reproche semblable aux chrétiens, pour leur amour démesuré de belles paroles dans l’exposition des vérités chrétiennes.

- Eux aussi veulent qu’on leur chatouille les oreilles.

- Il faut qu’un livre soit écrit avec art,

- qu’un discours soit savamment ordonné;

- qu’un prédicateur ait une voix harmonieuse, des mouvements oratoires, sous peine de donner tort à Jésus-Christ.

Certes, si ce prédicateur venait dire uniquement: «Aimez-vous les uns les autres,» on ne lui donnerait pas longtemps pour le répéter.

Mais supposez mieux: supposez qu’un pasteur monte en chaire et se borne à la simple lecture de l’Épître que nous venons de parcourir, répondez avec sincérité, ne trouveriez-vous pas sa prédication fort peu intéressante?

Est-ce à dire donc que le discours que cet homme mettra à la place de l’épître vaudra mieux que les paroles de Saint Jean?

Non, mais c’est que nous avons un goût dépravé.

Le simple nous ennuie; le vrai, s’il n’est orné de faux, nous fatigue; fût-il corrosif, il nous faut du sel dans notre pain.

Quelles sont les conséquences de ce goût blasé?

L’orateur et l’écrivain se donnent mille peines pour disposer leurs paroles. S’ils n’allaient pas plus loin, le mal ne serait pas grand; mais, comme ils savent qu’on veut surtout des formes originales et des idées neuves, pour y atteindre ils tombent dans le faux et y entraînent avec eux auditeurs et lecteurs qu’ils voulaient gagner à la vérité. Ainsi l’on en vient à s’extasier devant la forme, à oublier le fond, et LES ÂMES SE PERDENT POUR N’AVOIR PAS VOULU S’INSTRUIRE AVEC SIMPLICITÉ.

Que les troupeaux le sachent donc: si les pasteurs les ont entraînés dans cette chute, c’est que les troupeaux ont conduit les pasteurs sur ce chemin.

Que les uns soient moins exigeants, les autres seront plus simples; alors on pourra dire sans étrangeté et écouter sans étonnement ces seules paroles; «Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres.»


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CCCXLVe MÉDITATION.

Lisez 2e Épître de Saint Jean.

Ne pas saluer l’hérétique


«Si quelqu’un vient à vous et n’apporte point cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison, et ne le saluez point.»

Quelques-uns se sont peut-être étonnés d’entendre l’Apôtre conseiller de refuser sa porte et son simple salut à un homme, tandis que tout l’Évangile nous recommande de bien accueillir même nos ennemis; mais cet étonnement vient de ce qu’on a mal compris les paroles de Saint Jean.

Celui que l’Apôtre nous engage à repousser de notre maison, c’est L’HOMME QUI VIENDRAIT Y ENSEIGNER L’ERREUR!

Jusque-là, Saint Jean n’ordonne rien qui soit opposé à la charité; c’est, au contraire, par charité qu’il ne veut pas qu’on s’expose soi, sa famille et son église, à tomber dans de fausses doctrines.

- Or, recevoir chez soi, le sachant, un homme qui vient y proclamer le mensonge:

- c’est participer à son péché,

- c’est même être plus coupable que lui, puisqu’on fait SCIEMMENT ce qu’il ne fait peut-être, lui, que par ignorance.

Toutefois, Saint Jean va plus loin: il ne veut pas même qu’on salue un tel homme; il ajoute: «Car celui qui le salue participe à ses mauvaises œuvres.»

Ces derniers mots indiquent le sens restreint des premiers.

Saluer un homme, c’est avouer des rapports avec lui; ici, cet homme est UN DOCTEUR DU MENSONGE;

- il est donc à craindre que notre salutation ne soit prise pour une approbation de ses doctrines,

- comme il est certain que notre refus de l’accorder manifestera une désapprobation.

C’est dans ce sens que Saint Jean nous défend de saluer, ce qui revient à dire que nous devons nous abstenir de toute participation à l’œuvre des artisans de l’erreur et du péché; or, c’est ce que nous sommes bien loin de faire.

Un homme prononce en notre présence des jurements, des blasphèmes; les mondains qui l'entendent le remarquent eux-mêmes; ils jettent un regard sur nous et semblent en attendre un mot de censure.

Mais non, nous gardons le silence, et laissons croire que jurer et blasphémer n’est pas, à nos yeux, un si grand mal.

Une autre fois, c’est un incrédule qui tourne la religion en ridicule, ou un mondain qui fait entendre une anecdote licencieuse. Tout le monde, autour de nous, encourage le narrateur: l’un raconte une histoire analogue, l’autre applaudit; tandis que nous, qu’on interroge des yeux, nous n’osons pas refuser un sourire d’approbation.

Ici, c’est un homme sérieux qui nous expose avec force une opinion religieuse que nous croyons fausse; là, c’est un membre d’une autre communion qui nous demande un secours d’argent ou une démarche, pour faire réussir ce qu’intérieurement nous regardons comme une superstition.

Mais ces personnes nous paraissent de si bonne foi, elles sont si heureuses de leur erreur, que nous gardons le silence devant leur affirmation; nous cédons à leur importunité, et nous participons ainsi à leurs œuvres, mauvaises pour eux, et bien pires pour nous, car NOUS Y PRENONS PART CONTRE NOTRE CONVICTION.

- Nous appelons cela de la largeur d’esprit, de la tolérance:

- nous le nommerions mieux en l’appelant de l’infidélité.

Que ceux qui croiraient ces jugements trop sévères répondent à cette question: S’il n’était pas plus pénible de parler que de se taire, de refuser que d'accorder, de contredire que de sourire, ne ferait-on pas précisément le contraire de ce qu’on fait?

Certainement!

C’est donc pour soi, et non pour les autres, qu’on agit ainsi; c’est donc égoïsme, et non charité; faiblesse de caractère, et non largeur d’esprit.

Toutefois, qu’on ne pousse pas notre parole plus loin que ne va notre pensée.

Nous ne croyons pas qu’un chrétien soit obligé de lutter avec tous les adversaires qu’il rencontre sur son chemin, et qu’il doive jeter à tort ou à travers le blâme à quiconque pense autrement que lui.

Non, ce serait tomber dans un autre extrême non moins condamnable.

Mais il nous semble que dans tous ces cas on pourrait trouver des paroles qui, sans blesser personne, éclaireraient quelqu’un.

L’importance est que nous soyons inspirés par de bons motifs, et alors nous saurons bien oindre du miel de la charité le glaive de la Parole; couper dans le vif et bander la plaie.

- En tous cas, il nous sera toujours facile de nous maintenir dans la limite que trace l’Apôtre, de ne pas participer à l’œuvre mauvaise, de ne pas même saluer son artisan.


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CCCXLVIe MÉDITATION.

Lisez 3e Épître de Saint Jean.

L’hospitalité de Gaïus


Il n’est peut-être pas un disciple de Jésus qui ne se soit dit une fois: Que pourrais-je faire pour avancer le règne de mon Maître?

La meilleure réponse à cette question est celle-ci:


Pour avancer le règne de Christ, vivez en chrétien.


Cette règle est bien connue, mais peut-être n’est-elle pas assez appréciée. L’exemple de Gaïus nous en fera mieux sentir l’excellence.


La vertu qui distinguait ce chrétien, celle du moins que nous lui connaissons, était l’exercice de l’hospitalité.

Il facilitait le voyage des évangélistes en les recevant à leur passage dans sa maison, en les faisant ensuite accompagner dans leur route, et même en leur accordant assistance pour plus tard.

On le voit, c’est la conduite du bon Samaritain qui bande la plaie du blessé, le place lui-même sur sa monture, le conduit à l’hôtellerie, et lui laisse encore de l’argent pour ses futurs besoins.

Maintenant, comptez les résultats de cette conduite chrétienne.

D’abord les Évangélistes, aidés dans leur course, peuvent annoncer la vérité qui sauve les âmes, et s’ils sèment eux-mêmes, du moins c’est Gaïus qui les a transportés dans le champ; on ne peut pas dire que sa participation à l’œuvre définitive soit moins importante que la leur. Le premier résultat de son hospitalité fut donc l’évangélisation directe du monde païen.

En second lieu, Jean reçoit la nouvelle de ce qu’a fait Gaïus pour ses frères; le cœur de l’Apôtre en est réjoui, et, comme il le dit lui-même, il n’y a pas de plus grande joie que d’apprendre que nos enfants en la foi marchent fidèlement dans la vérité.

Une telle nouvelle est, pour un père spirituel, la preuve que Dieu accepte son ministère, puisqu’il le bénit; c’est une confirmation de plus de la divinité de l’Évangile, puisque la régénération de nos fils en la foi met sous nos yeux l'efficacité du Saint-Esprit?

Ainsi, joie portée dans l’âme de l’Apôtre, son père spirituel, et confirmation de la divinité de l’Évangile, tel est le second résultat de l’hospitalité du fidèle Gaïus.

Ce n’est pas tout: les Évangélistes, bien traités, expriment leur gratitude à la face de l’Église; la joie et la foi produites chez l’Apôtre se répandent, et l’assemblée entière recueille encore des fruits de cette hospitalité chrétienne.

Enfin, cette hospitalité de Gaïus, depuis dix-huit siècles, est mise sous les yeux de millions de chrétiens qui en sont édifiés; et nous-mêmes, à cette heure, en profitons en la prenant pour modèle.

Ainsi, l’hospitalité de ce simple chrétien a contribué à l’avancement du règne de Dieu chez les païens, dans le cœur de l’Apôtre, au sein de la primitive Église, durant dix-huit siècles de christianisme, et jusqu’au milieu de nous.

Sans doute, aucun de nous ne peut compter sur un tel résultat de ses exemples; mais personne non plus ne peut limiter le bien qu’il lui sera donné de produire.

Gaïus non plus ne pensait pas, lorsque, il y a deux mille ans, il ouvrait sa porte à un simple Évangéliste, et qu’il lui donnait un de ses esclaves pour guide, à travers le désert, que cette action si humble dût un jour faire tressaillir le cœur de l’Apôtre, édifier l’Église et nous être racontée; et c’est précisément parce que le chrétien ne peut pas prévoir les résultats de ses bons exemples que ces résultats sont assurés.

Plus il oublie qu’on le regarde, plus sa conduite édifie.

C’est quand il songe à se montrer que chacun détourne les yeux. Mais sa vie constamment sainte et humble prêche aussi constamment avec succès et sans blesser personne:

- elle ne permet pas de réplique;

- elle ne soulève pas d’objection;

- elle parle sans qu’on puisse refuser de l’entendre;

- la foule, sans le savoir, en reçoit l’impression;

- l’incrédule, malgré lui, en pèse l’argument,

- et quand son heure de juger l’Évangile viendra, le poids de cette vie chrétienne, jeté dans la balance, entraînera la conviction.

On peut se convaincre de la puissance d’une conduite chrétienne pour attirer le monde à l’Évangile, par la RÉPULSION qu’imprime au contraire, à ce même monde, LA VIE DU CHRÉTIEN INCONSÉQUENT.

Quand vous avez voulu exposer votre foi et son heureuse influence sur les cœurs, ne vous êtes-vous pas cent fois entendu répondre: Cependant je connais des gens de votre opinion dont la conduite est loin d’être irréprochable; ils sont colères, avares, vaniteux; ils ont presque tous les défauts contre lesquels ils prêchent.

À quoi donc leur a servi d’être régénérés par la foi, s’ils sont restés pécheurs comme nous incrédules?

Nous avons vingt fois entendu cette objection, et vingt fois nous en avons été confus.

Aucun raisonnement n’y répond d’une manière satisfaisante.

C’est à nos œuvres à la réfuter. Que notre vie brille comme un phare sur une haute montagne, et à coup sûr les hommes de la vallée la plus profonde en seront éclairés.

La voix du guide qui crie dans les ténèbres: «Venez ici, passez là,» ne vaut pas son bras portant an flambeau devant les voyageurs.

- Élevez donc, haut et brillant, le flambeau de votre vie;

- taisez-vous si bon vous semble,

- mais ravivez votre flamme, et le cortège du monde vous suivra.


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CCCXLVIIe MÉDITATION.

Lisez Épître de Saint Jude.

Ne jugez pas


Un archange n’osa pas, nous dit Saint Jude, prononcer une malédiction contre Satan, tandis que de simples hommes médisent de tout ce qu’ils n’entendent point.

Le contraste entre ces deux manières d’agir est frappant:

- Un ange s’abstient de censurer le démon,

- un homme condamne son semblable.

La céleste créature est encore réservée envers un être qu’elle sait être méchant, et la créature humaine ne craint pas de juger même ceux qu’elle ne connaît pas.

Ce fait nous présente un double enseignement:

D’abord, que nous devons être avares de nos censures, même envers ceux qui les méritent le plus.

Qui mieux que Satan pouvait être maudit? Et quelle créature pouvait mieux se le permettre qu’un archange?

Pourrions-nous donc, après cet exemple, chercher notre justification dans l’énormité des fautes de nos frères?

Non, quelle que soit cette énormité, elle peut encore disparaître devant le repentir; or, nos paroles de blâme prononcées contre le pécheur, au lieu du repentir, amèneront l’irritation; nous le sentons si bien, que nous ne voudrions pas aller leur dire à eux-mêmes ce que nous en disons dans le monde.

Quelque mérité que soit notre blâme, nous sommes assez peu charitables, peut-être faudrait-il dire assez lâches, pour le jeter au coupable de loin et dans l’ombre. Laissons donc à Dieu le soin de prononcer même sur les plus méchants.

Le second enseignement qui ressort des paroles de l’Apôtre est peut-être encore plus important.

Le reproche que Saint Jude adresse aux hommes de son temps s’applique également bien à ceux du nôtre.

- Oui, nous parlons et parlons mal d’hommes que nous connaissons peu ou pas.

- Nous éprouvons un besoin immodéré de juger;

- nous ne pouvons tenir notre esprit en suspens; c’est une précipitation presque irrésistible.

C’est peu pour nous de porter un jugement sur l'homme que nous n’avons entretenu que quelques instants, ou que nous avons vu sans lui parler: il faut encore que nous nous formions une opinion de lui sur le plus léger indice.

D’après sa démarche, sa tournure, sa mise, nous tirons une conclusion; et si même nous ne l’avons aperçu que de loin, vu que par derrière, n’importe, dans notre esprit il est déjà jugé.

À plus forte raison, jugeons-nous d’après une conduite équivoque, une action isolée, un discours, une parole, un sourire, une physionomie, peut-être d’après un nom seul qui nous agrée ou nous déplaît.

Il faut le reconnaître, cette tendance de notre esprit est tellement forte que nous la suivons sans nous en apercevoir, presque involontairement. Mais elle n’en est pas pour cela moins fâcheuse. C’est précisément parce que la pente est rapide, que nous devons prendre d’autant plus soin de n’en pas approcher, et, si nous y touchons déjà, nous retenir des pieds et des mains, pour ne pas y glisser.

Qu’on nous comprenne bien: nous ne parlons ici ni de calomnie, ni de médisance, ni de jugements téméraires, et toujours malveillants; mais nous parlons de ces jugements précipités qui, fussent-ils justes, seraient encore coupables de cette hâte qui vient peut-être de la simple paresse à examiner.

CETTE PRÉCIPITATION EST CONDAMNABLE DEVANT DIEU, parce qu’elle est presque toujours le fruit d’un manque de charité; condamnable devant le prochain, parce qu’il est impossible que les jugements qu’on porte avec elle ne soient pas suivis de conséquences matérielles dans notre conduite ou dans celle des hommes qui nous entendent; enfin dangereuse pour nous-mêmes, en ce qu’elle risque de fausser toute notre conduite à l’avenir envers celui que nous.avons précipitamment jugé.

On revient difficilement d’une première impression, à plus forte raison d’un premier jugement; il laisse sur notre esprit des traces profondes que, plus tard, la meilleure volonté n’effacera pas toujours.

Efforçons-nous donc de le porter juste et droit, et, pour cela, sachons le suspendre jusqu’à ce que nous ayons examiné.



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CCCXLVIIIe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse I.

Introduction à l’Apocalypse


L’Apocalypse, même après des centaines de volumes d’explications, reste encore en grande partie inexpliqué.

Ceux qui le jugent si clair, sont probablement ceux qui le comprennent le moins, car ce sont les interprètes qui descendent le plus profond dans les détails, qui se contredisent le plus entre eux.

Sachons donc le reconnaître; il reste encore sur la Révélation de Saint Jean une grande obscurité, et, au lieu de la nier, cherchons-en les causes.

D’abord toute prophétie non encore accomplie (et l’on conviendra que celles de l’Apocalypse sont en partie dans ce cas, puisqu’elles touchent par un bout à la fin du monde et même aux cieux), toute prophétie non encore accomplie doit nécessairement renfermer des obscurités.

En effet, comment serait-il possible de faire comprendre aux hommes d’une époque, avec une parfaite clarté, des événements qui se passeront dans un autre temps, au sein d’une autre contrée?

Par exemple, comment aurait-on fait comprendre à Abraham, voyageant avec lenteur, suivi de ses troupeaux, à travers le désert, qu’un jour une population entière serait transportée à cent lieues de distance, en quelques heures, par un peu de vapeur?

Alors même que le prophète se fût servi des termes que je viens d’employer, ne fût-il pas resté obscur pour le patriarche, bien qu’il fût devenu parfaitement clair pour nous qui vivons quatre mille ans plus tard?

Une autre raison qui justifie l’obscurité des prophéties, c’était la nécessité d’en mettre l’accomplissement à l’abri des influences humaines. Que, par exemple, Ésaïe ait dit qu’en l’année 1868, après la naissance de Jésus-Christ, une ascension serait faite au sommet du Mont-Blanc; qui aurait empêché les chrétiens de nos jours de préparer les voies à l’accomplissement de cette parole, et qu’elle créance alors aurait mérité cet accomplissement?

Enfin, un dernier motif de cette demi-obscurité était la nécessité de laisser à l’incrédule la possibilité de se défendre contre l’évidence, et au croyant la possibilité de céder sans y être matériellement contraint.

La prophétie est la colonne de nuée des Israélites: vous la trouvez brillante ou obscure, selon le côté où vous vous placez; cela devait être pour que Dieu, laissant à l’homme quelque liberté, n’en fit pas une pure machine contrainte de croire, par l’impossibilité de résister à l’évidence de la prophétie.

Ce n’est pas tout: quelques passages de l’Apocalypse, tels que celui-ci: «Que celui qui a de l’intelligence compte,» de tels passages prouvent que Dieu a voulu conduire l’homme à réfléchir; et certes ce n’est pas à notre siècle, si fier de ses lumières, qu’il siérait de trouver mauvais qu’on provoque l’exercice de l’intelligence.

Enfin, Dieu a sans doute voulu exercer notre foi et notre humilité.

Oui, même pour le plus intelligent, il restera dans l’Apocalypse des passages obscurs, et toutefois ces passages auront encore leur utilité; il est bon que le chrétien sache courber la tête et dire:

- «Je ne comprends pas toute la Bible, et cependant JE CROIS QU’ELLE EST LA PAROLE DE DIEU; ce que j’y vois de clair, de beau, de divin suffit pour me convaincre, et, s’il le faut, je mourrai sans comprendre telles de ses lignes, mais non sans adorer Celui qui les a dictées.»

Qu’un monde incrédule pense ce qu’il voudra, ce n’en est pas moins là un bon sentiment, une heureuse disposition chez un être naturellement orgueilleux et toujours prêt à s’élever.

Commençons donc cette lecture de l’Apocalypse, disposés à nous réjouir de ses clartés, prêts à nous résigner à ses ténèbres.

Sondons les Écritures, et arrêtons-nous avec confiance au roc impénétrable qui lui sert de base. Ainsi tout contribuera à notre bien, si véritablement nous sommes de ceux qui aiment le Seigneur.


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CCCXLIXe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse II et III.

Prophéties accomplies sur les sept églises d’Asie


Le premier désir qui monte à l’esprit après avoir lu les menaces et les encouragements que l’Apôtre adresse aux sept églises d’Asie, c’est d’apprendre si leur état actuel répond à la prophétie.

Or, pour le savoir nous-mêmes, voici ce que nous avons fait.

Avant de consulter un voyageur moderne sur ce qu’étaient aujourd’hui ces églises, nous avons lu le sort futur que leur dénonçait Saint Jean; et, après avoir classé ces destinées selon leur degré de prospérité prédite, nous sommes arrivés à cet ordre décroissant: Smyrne, Philadelphie, Thyatire, Pergame, Éphèse, Sarde et Laodicée.

Nous avons ensuite consulté un voyage fait au commencement de notre siècle dans ces contrées, et nous avons encore classé ces mêmes églises selon leur importance actuelle.

Enfin, rapprochant l’ordre déterminé par l’antique prophétie de l’ordre fourni par les faits récents, nous avons reconnu qu’il y avait identité. Admirable concordance qui fait toucher au doigt la divinité de la Bible!

Mais donnons quelques détails qui fassent mieux ressortir cet accord, en mentionnant l’une après l’autre ces églises dans l’ordre dont nous avons parlé.

À l’église de Smyrne, le Seigneur fait dire:

- Je connais tes œuvres, ton affliction, ta pauvreté, quoique tu sois riche. Ne crains rien des choses que tu as à souffrir. Sois fidèle jusqu’à la mort, et je te donnerai la couronne de vie.

Il y a là des éloges pour le passé, des exhortations pour l’avenir; mais pas un reproche. — Aussi, de nos jours, Smyrne, belle ville de cent quarante mille âmes, compte-t-elle encore vingt-six mille chrétiens.

À Philadelphie le Seigneur avait fait dire:

- J’ai une porte ouverte devant toi que personne ne peut fermer; quoique tu n'aies qu’un peu de force, tu as gardé ma Parole et tu n’as point renoncé mon nom. Je te garderai aussi à l’heure de la tentation.

Ainsi cette église est déclarée plus faible; mais elle ne reçoit non plus que des éloges et des encouragements. — Aujourd’hui on y compte mille habitants portant le nom de chrétiens.

À Thyatire, le Seigneur donne des éloges en y mêlant le reproche de tolérer dans son sein une femme impudique fausse prophétesse, et il exhorte cette église à persévérer dans la foi.

Aujourd’hui sous un autre nom cette ville compte trois mille chrétiens.

À Pergame, mêmes éloges et un reproche analogue, celui d’avoir au milieu d’elle quelques personnes attachées aux doctrines de Balaam et des Nicolaïtes; enfin des exhortations mêlées de menaces.

De nos jours, confondus avec vingt mille mahométans, s’y trouvent deux mille chrétiens.

Éphèse reçoit des éloges, mais pour son passé. Le Seigneur lui reproche d’être maintenant déchue, et ne trouve de bon en elle que sa haine pour les doctrines nicolaïtes. Aussi lui fait-il entendre ces menaces:

- Repends-toi, autrement j’ôterai ton chandelier de sa place. Ailleurs, il est dit que le chandelier c’est l’Église.

L’Église devait donc s’éteindre à Éphèse. En effet, de notre temps, un voyageur a trouvé à la place où fut jadis cette immense cité, quinze misérables huttes et trois chrétiens!

Pour l’ange de Sardes, les reproches ne sont pas moins vifs, bien qu’il s’y mêle des exhortations.

- Tu as la réputation d’être vivant, lui dit le Seigneur, mais tu es mort! Si tu ne veilles pas, je viendrai à toi comme un larron et tu ne sauras à quelle heure.

Sardes n’a pas veillé; elle a fini de mourir. Le Seigneur est venu, et dans cette magnifique résidence des rois lydiens, conservant encore une ombre de sa grandeur passée, on a compté, il y a trente ans, sept habitants se disant chrétiens.

Enfin, Laodicée seule avait entendu cette terrible déclaration:

- Parce que tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche! Tu ne connais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu.

De nos jours, Laodicée n’existe que de nom; ses ruines sont habitées par des loups et des chacals, et c’est dans un pauvre village voisin composé de cinquante habitants, qu’il a fallu aller chercher deux êtres portant le nom de chrétien.

QUELLE FIDÉLITÉ DANS LES PROMESSES COMME DANS LES MENACES!

Et comme de tels exemples sont propres à nous faire rentrer en nous-mêmes pour nous demander si nous sommes prêts et ce qui nous attends!

- Sommes-nous froids ou bouillants, ou bien ne sommes-nous ni l’un ni l’autre?

- Avons-nous abandonné notre charité première, ou sommes-nous restés fidèles et veillants?

Ah! disons-nous bien que:


Si Dieu tient ce qu’il promet aux églises,

il n’est pas moins inébranlable envers chacun de leurs membres!


Quelque petits que nous soyons, il saura nous retrouver dans la poussière des mondes, pour nous bénir ou nous châtier.

RETENONS BIEN UNE CHOSE, c’est que LE SEIGNEUR ACCOMPLIT CE QU’IL A DIT, et si nous pouvions un instant l’oublier, rappelons-nous alors les sept églises d’Asie, témoins vivants de sa fidélité.


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CCCLe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse IV.

Accomplissement contemporain et accomplissement futur des prophéties


L’Apocalypse se divise en deux parties bien distinctes:

- les trois premiers chapitres, qui contiennent des avertissements aux sept églises sur leur état présent;

- le reste du livre, qui parle de choses à venir.

- La première se restreint à l’Asie;

- la seconde s’étend au monde entier.

La réunion de deux prophéties si différentes étonne au premier regard; mais elle s’explique facilement pour ceux qui connaissent un peu la Bible.

En effet, lisez Moïse, Ésaïe ou les évangélistes, et vous remarquerez chez tous cette particularité, que des prédictions toutes locales se trouvent à côté des prédictions universelles, et que, tandis que l’accomplissement des unes est annoncé comme prochain, l’accomplissement des autres est renvoyé dans un lointain avenir.

C’est toujours la même marche, celle de Saint Jean, qui, dans l’Apocalypse, parle de ce qui se passe à l’heure même en Asie, et de ce qui se passera des milliers d’années plus tard sur tous les points de l’univers.

Puisque ce n’est pas accidentellement que ces prédictions à courtes et à longues échéances se trouvent réunies, quelle est donc la cause de leur rapprochement?

La voici:

Mais, en annonçant dans le même livre, dans la même page, les événements prochains et d’autres éloignés, les premiers deviennent pour les contemporains une garantie des seconds.

Ainsi Achas, remportant lui-même une victoire sur deux rois coalisés, ne pouvait plus douter qu’un jour une vierge ne fût enceinte.

De même les chrétiens d’Asie, spectateurs de la chute des Églises menacées, avaient un gage de la chute de Babylone, de l’Antéchrist et de Satan, dénoncée pour les derniers jours.

Le livre du prophète acquérait ainsi du crédit; on le conservait, et la foi des croyants en était accrue.

D’un autre côté, nous, témoins du règne spirituel du Messie, qui, d’après Ésaïe, devait se voir de la postérité, nous devons penser que le prophète qui nous l’a si fidèlement dépeint a véritablement prédit la victoire d’Achas et fait rétrograder l’ombre du cadran.

Enfin, en contemplant aujourd’hui la ruine prédite pour les Églises d’Éphèse et de Laodicée, nous ne saurions mettre en doute la ruine du monde et la destruction des méchants annoncées dans le même livre.

Quelle sagesse a présidé à la rédaction de cette Bible et à la disposition de tous ces événements!

Comme nous reconnaissons bien à ces traits le Dieu qui creusa d’avance les bassins des mers et dressa les sommets des montagnes pour recueillir là les ondes, ici les nuées, et faire concourir le tout au bien du genre humain.

Oui, tout est admirable dans le monde de la grâce comme dans le monde de la nature; il ne faut pour le reconnaître que savoir regarder... Mais non; comme le savant, pour compter les mondes qui roulent sur sa tête, appelle à son aide le télescope, ou, pour étudier celui qui rampe sous ses pieds, emprunte le secours de la loupe, nous ne saurions pas mieux, à l’œil nu de notre intelligence, sonder les Écritures; il nous faut le verre merveilleux du Saint-Esprit.

Restons donc humbles et prions; rappelons-nous surtout que si le savant compte les étoiles et découvre le ciron (espèce d'acarien se nourrit principalement de  fromage  et de biscuits, mais aussi de grains, de farine et de produits à base de farine - wikipedia.) , c’est afin de faire passer ses connaissances dans des applications utiles et pratiques. À plus forte raison nous, qui cherchons à lire dans le ciel prophétique, ne devons-nous le tenter que dans le but de transformer notre science en œuvres de sainteté.


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CCCLIe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse V.

La vraie grandeur


Alors que personne n’a été trouvé digne d’ouvrir le livre mystérieux fermé de sept sceaux, et que Jean s’en afflige, un vieillard s’approche et lui dit pour le consoler: Voici le lion qui a vaincu pour ouvrir le livre.

L’Apôtre regarde et aperçoit un agneau comme immolé.

N’est-il pas étrange que là où l’on voit le plus fort des animaux, l’autre ne voie que le plus faible?

Sans doute, s’il fallait s’arrêter aux images; mais creusons jusqu’à l’idée.

- Aux yeux du vieillard habitant du ciel, Jésus est un lion;

- à ceux de l’Apôtre encore sur la terre, c’est un agneau.

C’est déjà dire qu’il n’y avait là ni l’un ni l’autre de ces êtres, mais celui que tous deux représentent, c’est-à-dire Jésus-Christ:

Mais pourquoi l’habitant du ciel le voit-il sous l’image d’un lion?

Parce qu’il est tel, c’est-à-dire fort et puissant!

Pourquoi l’habitant de la terre le voit-il comme un agneau?

Parce que, sans l’être de sa nature, il s’est fait tel parmi nous.


C’est le fort se présentant comme faible,

le grand se donnant pour petit;

C'EST DIEU SE FAISANT HOMME.


Voilà le caractère de la vraie grandeur, elle existe sans se faire sentir; voilà le véritable chrétien, il est saint sans le dire, sans y songer, sans le savoir; il n’appartient qu’à la petitesse de se redresser pour suppléer à ce qui lui manque; aussi pourrait-on ériger en principe que, plus il y a de prétention chez un homme, moins il s’y trouve de mérite.

Appliquons-nous cette règle pour savoir ce que nous valons.

Ne visons-nous jamais à l’approbation de nos semblables?

Ne couvrons-nous pas d’un brillant vernis nos œuvres pauvres et ternes?

N’avons-nous pas bonne opinion de nous-mêmes et ne cherchons-nous jamais à nous faire illusion sur notre compte pour en être encore plus satisfaits?

N’enregistrons-nous pas avec soin dans notre mémoire ce que nous avons fait de bon et dit de bien?

S’il en est ainsi, c’est qu’en réalité nous valons peu de chose et que nous serions bien aises de nous persuader que nous valons beaucoup.

- Nous sommes si pauvres, que nous en sommes réduits à compter nos oboles.

- Riches et seigneurs, nous ne serions ni surpris de l’être, ni pressés de le faire remarquer;

- mais dénués de tout, de tout nous tirons vanité.

Ce Jésus que le céleste vieillard appelle LION et que Jean nomme AGNEAU, était, nous le savons, le Fils de Dieu.

Mais quelle qualification se donnait-il lui-même sur la terre?

Celle de FILS DE L’HOMME; il n’est pas un passage dans la Bible où lui-même ait pris le nom de Fils de Dieu; ce sont toujours les autres qui le nomment ainsi.

En cela, comme en tout, prenons le Sauveur pour exemple: soyons chrétiens, chrétiens fidèles et fervents, mais donnons-nous pour ce que nous sommes aussi, de pauvres pécheurs.

Ce que nous valons réellement, le monde saura bien le voir; c’est à lui, non pas à nous, que nous ferons bien d’aller le demander.

PRENONS GARDE SEULEMENT DE NE PAS LUI DICTER SA RÉPONSE. Pour qu’il ne nous trompe pas sur nous-mêmes, commençons par ne pas le tromper.

Si ce monde nous rend un bon témoignage, bénissons-en Dieu; s’il nous en rend un mauvais, efforçons-nous par notre vie de le faire changer d’opinion. En attendant, nous ne paraîtrons pas grands, mais, ce qui vaut mieux, nous le deviendrons.


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CCCLIIe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse VI.

Le jugement dernier


Quel solennel et terrible tableau:

À cette vue, rois, grands, riches, capitaines, esclaves et libres courent, pêle-mêle, se cacher dans les cavernes, criant d’épouvante: «Montagnes, tombez sur nous; collines, cachez-nous de devant la face de l’Agneau; le jour de sa colère est venu; qui peut subsister!»

Ceux qui nous sont ici présentés comme frappés de terreur, sont précisément les grands de ce monde; et, comme pour nous faire comprendre qu’ils seront d’autant plus épouvantés devant Dieu qu’ils sont plus dignes devant les hommes, Jean nous nomme:

- Les rois les premiers,

- ensuite les grands du monde,

- et ce n’est qu’à la fin qu’il place les gens du peuple, esclaves ou libres.

Cet ordre est bien propre à faire réfléchir ceux d’entre nous que pourraient animer des projets ambitieux. Chercher à s’élever en rang, en fortune, c’est courir au-devant de nouveaux pièges, c’est surtout appeler sur soi une pesante responsabilité.

Bienheureux nous estimerons-nous un jour, d’avoir été tenus hors des atteintes de l’orgueil par l’humilité de notre rang, à l’abri des séductions de l’injustice par notre éloignement de tonte autorité.

Saint Jean nous représente cette cohue de rois, de grands, de riches, de capitaines, se pressant ensemble à l’entrée des cavernes et s’y réfugiant confondus avec des gens du peuple et des esclaves.

On croit voir le roi découronné, coudoyé par ses serviteurs; le riche, froissé par ses mendiants; le chef d’armée, foulé par ses soldats; et l’on se demande quel fardeau de honte devra peser sur ces fronts superbes!

Plus ils auront été grands, plus aussi ils se sentiront humiliés, plus leur douleur sera cuisante, leur rage désespérée et leur impuissance manifeste.

Il y aura là, pour ces grands du monde, des souffrances qui resteront inconnues aux petits devenus leurs égaux.

Comparez ce sentiment à celui qu’éprouveront d’autres puissants de la terre, arrivant devant leur Juge, au milieu de leurs anciens serviteurs.

Déjà humbles de cœur, ils ne s’estimeront pas humiliés; sachant bien qu’ils ont tout reçu, ils ne s’étonneront pas que d’autres aient reçu comme eux; ils seront heureux de voir à leurs côtés, hors des atteintes de la misère et de la souffrance, ces infortunés que jadis ils n’ont pu secourir; heureux de se trouver auprès de ces petits que le rang a tenus loin d’eux sur la terre, quand leur communauté de foi et de sentiment aurait pu les rapprocher.

Pour les grands de ce monde convertis au Seigneur, leurs frères pauvres ici-bas deviendront dans le ciel des amis de plus; ces petits ajouteront à leur félicité, comme dans le royaume des ténèbres, d’anciens esclaves ajouteront à la honte et au tourment de leurs anciens maîtres.

Un dernier trait de ce tableau mérite d’être attentivement considéré.

Cette foule de pécheurs cherchant un refuge contre la colère de Dieu, s’agite avant que ce Dieu ait parlé.

Aucun signe ne leur présage encore s’ils seront mis à la droite ou à la gauche, recueillis dans le ciel ou jetés dans les ténèbres, et cependant cette foule de pécheurs inconvertis s’agite, s’effraie et appelle la mort pour éviter l’enfer.

Pourquoi?

C’est qu’à l’approche de tout événement extraordinaire, LA CONSCIENCE DU COUPABLE S’ÉVEILLE; il suffit que l’incrédule soit mis hors de ses circonstances habituelles, pour que le doute et la frayeur s’emparent de lui.

Il n’est plus sûr de lui-même, ses motifs d’incrédulité faiblissent; la vue de ses péchés s’éclaircit, et il entend sa condamnation avant qu’elle soit prononcée.

Jugeons-en par nous-mêmes, bien qu’un peu de foi mette entre ces hommes et nous une grande distance: quand un danger soudain, une maladie sérieuse sont venus nous placer en présence de la mort, une révolution ne s’est-elle pas opérée dans nos pensées, notre foi ne nous a-t-elle pas paru plus faible, nos péchés plus graves: n’avons-nous pas tremblé, nous qui aurions dû nous réjouir?

Que serait-ce donc si nous n’avions pas eu ce lumignon de foi, qui nous a préservés du désespoir?

Oh! qu’elles doivent être terribles les angoisses de l’incrédule en face de la mort ou seulement aux approches de la vieillesse!

Que dis-je?

La mort n’est-elle pas au bout de chacun de nos pas?

Jeunes ou vieux, malades ou valides, ne pouvons-nous pas être atteints d’un coup inattendu?

Ah! préparons-nous contre ces terreurs de la dernière heure; fortifions notre foi, sanctifions notre vie, demandons l’Esprit tandis qu’il en est temps encore, sans attendre l’heure où les méchants s’écrient en acceptant pour refuge la caverne des bêtes sauvages: «Montagnes, tombez sur nous; collines, cachez-nous de devant la colère de l’Agneau.»


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CCCLIIIe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse VII et VIII.

La prière de l’homme est agréable à Dieu


«La fumée des parfums avec les prières des Saints monta de la main de l’Ange devant Dieu.»

Ce mélange de parfums et de prières nous fait déjà comprendre ce que sont pour le Seigneur les vœux que nous devons lui adresser; et un autre passage de l’Apocalypse le dit encore plus clairement: «Les parfums qui sont, est-il dit, les prières des Saints.

Nos prières sont donc agréables à Dieu comme le parfum est agréable à l’homme.

- Lors même que nos vœux n’obtiendraient aucune faveur, nous devrions encore les adresser à Dieu;

- lors même que nous n’aurions plus aucun vœu à former, nous aurions encore des actions de grâce à faire entendre.

La prière devrait donc être pour nous non seulement le cri de l’âme dans la détresse, mais encore le chant du cœur dans la prospérité; et:

- Comme nous respirons sans cesse l’air que Dieu nous donne,

- nous devrions sans cesse le remercier de ses bienfaits.

Combien il s’en faut que telle soit pour nous la prière!

- C’est bien plutôt une dette pénible à acquitter;

- un fardeau dont il nous tarde de nous décharger,

- une formule de remerciement prononcée par pudeur et de mauvaise grâce.

La prière nous coûte tant, que nous aimons mieux agir que prier. Qu’on nous demande des œuvres, des sacrifices, on les obtiendra; mais des prières senties, des prières de cœur, ces parfums présentés à Dieu, à qui nous devons tout, sont cent fois plus rares que nos aumônes à des frères à qui nous ne devons rien.

Et quand nous prions, comme nous prions mal! que de paroles qui ne viennent là que pour remplir le temps et mettre à nu le vide de notre cœur!

Ou bien nous fléchissons le genou, nous ouvrons les lèvres, nous commençons à nous entretenir avec le Seigneur; mais une distraction traverse notre esprit, et nous voilà courant après des pensées terrestres, formant peut-être des projets coupables jusque sur les marches du trône de notre Dieu.

Cependant nous revenons à nous-mêmes; la prière recommence, se poursuit, et de nouveau s’interrompt pour laisser passer le torrent de pensées mondaines qui se précipite dans notre esprit.

Enfin, quand nous avons assez longtemps lutté contre les distractions, quand assez de minutes se sont écoulées à genoux, peut-être avant que notre cœur se soit ouvert, nous nous relevons pour aller dans le monde nous occuper sans distraction des calculs les plus profonds, des travaux les plus captivants.

Voilà comme nous prions. Certes, DE TELLES PRIÈRES NE SONT PAS DES PARFUMS DEVANT DIEU.

Ce ne sont pas davantage les prières des saints, c’est-à-dire des vœux pour obtenir des choses saintes, l’esprit de Dieu, la foi, la charité.

Nos prières, au contraire, se dirigent le plus souvent sur des objets qui, sans être défendus, ne sont cependant pas pour le chrétien de première nécessité: la santé, la solution d’une difficulté, le bien-être des nôtres, notre prospérité temporelle.

Sans doute dans une limite, et surtout avec des intentions pures, ces prières sont aussi les prières des saints; mais sans nul doute aussi, ce ne sont pas celles que les saints présentent les premières.

Ils savent que de tels biens sont ceux que Dieu donne PAR-DESSUS, et dès lors ils s’attachent à demander avant tout le royaume des cieux et sa justice.

Mais scrutez les motifs qui nous font demander dans nos prières ces biens légitimes de la terre, et vous verrez que c'est moins la foi que la peur.

C’est bien Dieu que nous prions, ce sont bien des objets utiles que nous réclamons, mais c’est encore en vue de la terre et pour satisfaire nos convoitises.

Oh! mon Dieu, mon Dieu, APPRENDS-NOUS À PRIER; que ton Esprit vienne dans nos cœurs former lui-même des vœux qui te soient agréables.

Nous savons bien ce que tu veux de nous, mais nous n’avons pas la force de le faire, ni même celle de le vouloir.

Prie pour nous, Seigneur Jésus, et envoie-nous ton Saint-Esprit.

Hélas! nous le sentons à la froideur de nos vœux: la prière même que nous formons à cette heure n’est pas encore celle que tu nous demandes; mais du moins, Seigneur:


NOUS NOUS HUMILIONS ET TE SUPPLIONS DE NOUS APPRENDRE À TE PRIER.


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CCCLIVe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse IX.

Si toutes les religions sont bonnes...?


Toutes les religions sont bonnes, dit-on dans le monde. Il serait plus exact de dire: toutes les religions sont mauvaises.

En effet, c’est un principe incontestable que le vrai produit seul le bien, comme du faux découle nécessairement le mal.

Or, parmi une multitude de religions qui se contredisent mutuellement, une seule peut être vraie, donc une seule être bonne et toutes les autres mauvaises.

Cet adage populaire a pour principe l’indifférence, et pour résultat l'incrédulité.

Plus vous serez près de croire que toutes les religions sont bonnes, moins empressés vous serez d’en choisir une: vous resterez disciples de nom de celle où vous êtes né, de celle où vos circonstances vous ont fait entrer; mais ce sera sans conviction, et si demain vous pouviez naître dans une autre famille, être baptisé dans une autre église, élevé dans une autre religion, vous vous feriez à ce nouvel état comme à votre passé; tout au plus seriez-vous un moment gêné comme un homme qui vient de changer d’habit.


Quand on ne daigne pas même choisir entre deux objets,

ce n'est pas qu'on les juge tous deux bons;

c’est plutôt qu’on les croit tous deux mauvais.


Si toutes les religions étaient bonnes, elles enfanteraient toutes des vertus chez leurs divers partisans.

Or peut-on dire que la terre, couverte de religions diverses, le soit aussi d’hommes vertueux?

Il serait encore plus vrai de dire qu’elle est couverte de méchants; et s’il n’y a que peu d’exceptions, c'est que, comme nous l’avons déjà dit, il n’y a qu’une religion vraie parmi tant de croyances mensongères.

Aussi voyons-nous, à la fin du chapitre que nous venons de lire, les hommes persévérer à la fois dans leurs religions et dans leurs crimes.

Sans doute tous nos lecteurs sont prêts à reconnaître qu’il n’y a que la religion chrétienne, parmi celles professées sur la terre, qui soit bonne et vraie; mais presque tous aussi s’arrêteront à cette généralité.

Ils choisiront le christianisme parmi les croyances de toute la terre; mais ils ne songeront pas à choisir parmi toutes les croyances qui se disent chrétiennes; ils jugent, par exemple, que catholicisme et protestantisme sont à peu près la même chose; tout au plus voient-ils entre les deux quelques cérémonies, quelques formes de plus ou de moins.

Bien moins voient-ils de différence entre le protestantisme nominal et l’Évangile. «C’est, diront-ils, toujours la même religion.»

Ainsi l’indifférence de ces hommes porte, non sur le choix à faire entre Jupiter, Mahomet ou Jésus-Christ, mais entre les diverses communions de la chrétienté.

C’est toujours de l’indifférence produisant l’incrédulité, et laissant l’âme sans ressort pour accomplir le bien.

Non, il n’est pas vrai que toutes les religions dites chrétiennes soient bonnes, car il en est qui se contredisent directement.

Si toutes étaient bonnes, il suffirait d’être baptisé pour être chrétien; on pourrait même se dispenser du baptême, car il est des Églises qui ne l’administrent pas.

Que votre cercle soit large ou étroit, n’importe: dès que vous regardez diverses religions comme également bonnes, et que vous ne voulez plus vous mettre en quête de la vérité, vous marchez à l’indifférence et au péché.


N’acceptons donc rien sur l’autorité de l’homme;

MAIS SONDONS NOUS-MÊMES LES ÉCRITURES.


Je consentirai volontiers à être seul de mon opinion pour avoir une parcelle de plus de vérité.

N’admettons au catalogue de nos croyances que celles que nous avons jugées, senties, expérimentées, et alors notre foi sera vivante et active; il vaudrait mieux ne savoir de toute la Bible que ce seul mot: «CHRIST CRUCIFIÉ,» en se l’appropriant, que de recevoir vaguement tout le livre en l’expliquant tour à tour, au gré de tel ou tel autre chrétien.

Que nos dogmes soient peu nombreux, s’il le faut, mais qu’ils s'identifient avec nous et que nous vivions de leur substance.

Une religion ainsi conquise à force de lectures, de réflexions et de prières, sera nécessairement efficace pour avancer notre sanctification, et finalement plus près de la vérité pure et complète que celle qui traîne après elle ces membres morts qui ne font que l’embarrasser.


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CCCLVe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse X.

Il n’y a plus de temps!


Quel solennel spectacle! Un ange descend du ciel, pose un pied sur l’Océan, l’autre sur la terre, et, levant la main droite au ciel, il s’écrie: Je jure par Celui qui vit aux siècles des siècles qu’il n’y a plus de temps!


PLUS DE TEMPS!

L’ÉTERNITÉ S’OUVRE!


Tout doit rester désormais dans l’état où il se trouve;

- l’œuvre commencée suspendue,

- le projet sans exécution;

- toute action humaine, toute vie, tout reste fixé, cristallisé;

C’est dans son état actuel que notre existence inachevée doit être PUNIE ou RÉCOMPENSÉE.

En vain les hommes demanderont-ils encore une heure pour mieux vivre, pour réparer leurs fautes, pour faire provision de bonnes œuvres, pour étudier l’Évangile; non, ne voulussent-ils que lever la tête et jeter un regard sur Christ, que ce serait déjà trop tard, et l’ange leur répéterait encore cette parole irrévocable: Il n’y a plus de temps!

Mais que dis-je?

Est-ce à la fin du monde seulement que se réalisera pour nous cette scène solennelle?

Ce moment où il n’y aura plus de temps n’arrivera-t-il pas pour nous avant un siècle, avant cinquante ans, peut-être avant huit jours?

- Et, à l’heure de notre mort, ne sera-t-il pas exact de dire pour chacun de nous: il n’y a plus de temps?

Qu’alors nous demandions un an, un mois, un jour pour réparer le passé, cet an, ce mois, ce jour ne nous sera-t-il pas impitoyablement refusé?

Ne sommes-nous pas assurés dès aujourd’hui qu’un jour nous regretterons d’avoir vécu comme nous vivons à cette heure, et qu’alors nos membres glacés, notre respiration courte, notre figure pâlie, TOUT NOUS DIRA: IL N’Y A PLUS DE TEMPS?

Mais, sans aller si loin, ne risquons-nous pas d’avoir à nous dire plus d’une fois, dans notre vie terrestre, cette terrible parole: Il n’y a plus de temps?

Rappelons-nous le passé. Combien de fois déjà, contemplant le mal que nous venions de faire, mesurant ses conséquences irrévocables, ne nous sommes-nous pas écriés avec désespoir: Il n’est plus temps! Il n’est plus temps!

Oh! que cette pensée pèse sur la conscience! et comme on paierait cher alors l’annulation de ce péché, de cette faute, de ce scandale! Mais non, il n’est plus temps!

Et combien de fois ne nous répéterons-nous pas encore cette même parole, à l’occasion de mille projets présents ou à venir?

Si nous voulions dresser dans ce moment la liste de nos bonnes intentions de réforme, d’étude, de travail, et la consulter plus tard, alors nous serions étonnés, confondus! nos mains tomberaient de découragement en reconnaissant que l’heure opportune est passée, que désormais les forces nous manquent, et que, d'une manière ou d’une autre, nous n’avons plus le temps!

Oh! préservons notre avenir d'une telle amertume; remplissons nos heures, ne renvoyons jamais le bien; hâtons-nous, hâtons-nous!

Jamais le temps ne s’est assis, ni reposé; l’heure qui vient apporte son devoir; travaillons dans celle où nous sommes, de crainte que la suivante, avec sa charge, ne nous apporte encore un regret.

Le devoir accompli laisse de si doux souvenirs à l’heure où véritablement op ne peut plus agir!

Si l’on en juge par les courts instants de satisfaction que donne une journée bien remplie, quelle ne doit pas être la paix qui accompagne la dernière heure de la longue journée de la vie! et comme alors cette parole doit changer de son à l'oreille et de sens à l'esprit du chrétien qui expire: «Il n'y a plus de temps!»

- Tant mieux! mes travaux sont finis; ma vie est pleine; je suis prêt; je pars, adieu; j'entre dans l’éternité.


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CCCLVIe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse XI.

Notre lâcheté devant les incrédules


Une particularité mérite d'être remarquée dans la vie des deux témoins choisis de Dieu pour annoncer sa Parole:

- Ils prêchent vêtus de sac, c’est-à-dire plongés dans l’affliction,

- et ils meurent victimes d’un monde incrédule.

Cela doit être. L’Évangile qu’ils apportent aux hommes a toujours été un glaive à deux tranchants, guérissant d’un côté ceux qui se laissent couper les membres morts du péché, et déchirant de l’autre les consciences de ceux qui veulent l’éviter.

Comment les incrédules souffriraient-ils des coups de ce glaive, sans haïr en même temps celui qui le dirige?

Comment le mondain verserait-il son mépris sur les doctrines qu’il repousse, sans le répandre aussi sur ceux qui les lui présentent?

- S’il se moque de la Parole, il se moquera du prédicateur;

- S'il a persécuté le Maître, il persécutera les disciples.

Tous les chrétiens savent cela; mais tous ne s’y soumettent pas, et plus d’un cherche à concilier son devoir d’annoncer la vérité avec les exigences d’un monde qui ne veut pas l’entendre.

Nous avons donc besoin d’être PRÉMUNIS CONTRE CETTE TENTATION D’AFFADIR L’ÉVANGILE pour le rendre supportable à la conscience énervée du monde.

Nous savons tous que la croix de Christ est folie aux yeux de l’homme naturel; nous avons donc, au moment de lui en parler, la crainte de passer nous-mêmes pour fous devant lui.

Que faisons-nous alors?

- Nous arrondissons les angles de la vérité,

- nous émoussons l’épée de la Parole,

- nous adoucissons les mots de l’Évangile;

- nous essayons de présenter à l’esprit ce que Dieu met devant la conscience;

- nous raisonnons où la Bible frappe;

- enfin, nous nous faisons petits pour qu’on ait compassion de nous et qu’on nous laisse parler.

Au fond, cette manière d’agir dénote en nous de l’incrédulité; elle montre que nous n’avons pas confiance à la Parole, et que nous avons la présomption de croire que nous la façonnerons mieux que le Saint-Esprit, pour lui faire atteindre jusqu’à la moelle, à travers les chairs et les os.

Cela revient à dire que, pour éclairer l’esprit et gagner le cœur, nous nous croyons plus habiles que Dieu.

Mais cette conduite pourrait bien aussi nous accuser de lâcheté.

- Nous avons peur d’être honnis, de passer pour un esprit faible, ou du moins pour un esprit mal fait.

- Nous voulons prouver que nous avons autant d’intelligence que nos opposants, et que si nous sommes chrétiens, ce n’est pas - pour avoir fermé les yeux, mais au contraire pour avoir beaucoup réfléchi.

- Nous ne serions pas fâchés de rendre l’Évangile sagesse aux yeux des hommes, pour paraître nous-mêmes des sages avec lui.

Mais quel est le résultat de tant de peines?

- D’abord Dieu ne bénit pas un tel travail;

- ensuite ceux qui nous ont écoutés, restant incrédules, ne nous approuvent pas plus après nos belles paroles;

- enfin nous nous retirons honteux devant les hommes que nous n’avons pu convaincre, honteux devant le Seigneur que nous avons trahi, et toute notre habileté nous tourne à confusion!

Ah! ne marchandons donc plus ainsi avec le devoir.

Rappelons-nous que, si les deux témoins prêchent sous le sac et la cendre, et meurent victimes de leur fidélité, c’est pour ressusciter bientôt et pour monter aux cieux.

Songeons qu’au-delà de la tombe nous trouverons infailliblement l’une de ces deux classes d’hommes: ceux que nous aurons doucement perdus par notre faiblesse, ou ceux que nous aurons fidèlement sauvés sous les coups de la haine, et nous serons là bénis par des frères ou maudits par des démons!


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CCCLVIIe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse XII.

Un bonheur éternel, n’est-ce pas trop pour nous?


Une des ruses les plus adroites de Satan, c'est de souffler aux hommes qu’il y a présomption de leur part à croire que des êtres comme eux, nés sur la terre, puissent être appelés à vivre dans les cieux.

Comment, nous dit le séducteur, toi créature de quatre jours, oses-tu prétendre à l’immortalité?

Comment, pécheur, peux-tu croire que tu vivras en présence du Dieu trois fois saint? Cherche plutôt ta destinée dans celle de ces animaux qui végètent quelques jours sur la terre et vont pourrir dans son sein.

Mais Dieu répond victorieusement à ce sophisme dans le livre de la nature, comme dans celui de la grâce.

Jetez un regard autour de vous, et dites-nous s’il est possible de mettre en doute, par exemple, que la terre, ses moissons et ses êtres variés aient été créés exprès pour nourrir notre corps et charmer notre esprit.

Champs fertiles en fruits appropriés à nos besoins, animaux domestiques qui se façonnent à notre service, bêtes sauvages qui fournissent notre table, plantes propres aux tissus qui couvrent et ornent nos personnes, tout annonce que nous sommes rois ici-bas.

Il y a entre l’homme et les autres créatures de cette terre la distance de l’instrument à l’ouvrier; la brute est plus près de l’arbre que de l’homme, car la brute comme l’arbre ont l’un et l’autre pour fin de nous servir; ce monde est donc bien évidemment créé pour nous.

Mais cette terre faite pour nous ne se soutient pas par elle-même; d’autres astres concourent à la maintenir dans son orbite; le soleil la féconde, les étoiles l’embellissent, et toute l’armée des deux a été faite en rapport avec le globe créé pour nous.

Nous ne voudrions pas dire que nous fussions les seuls êtres intelligents et moraux au milieu de tant de mondes; mais du moins que tous ces mondes ont été pour une part lancés pour nous dans l’espace. Voilà ce que l’œil voit et ce dont l’esprit le plus sceptique ne saurait douter.

Ce premier pas nous conduit à un second: l’homme, en vue duquel des millions de soleils et de mondes ont été créés, s’étonnerait-il d’apprendre maintenant, de la bouche de Jésus, qu’à son sujet les anges du ciel se réjouissent? et des lèvres de Saint Jean, que pour lui ces mêmes anges livrent dans les cieux des combats aux démons?

Quel magnifique spectacle! comme il ennoblit l’être qui s’en sait l’objet!

Les forces de l’enfer s’ébranlent, les démons rugissent et fondent sur l’homme, leur proie craintive et tremblante; mais, au même instant, des milliers de créatures célestes se lèvent aussi, frémissent d’amour et s’élancent à la rencontre de nos ennemis; ils combattent, vainquent, entonnent le chant de victoire; le ciel retentit de leur triomphe; l’enfer en gémit, et ces frémissements de joie et de fureur qui parcourent l’univers c’est l’homme qui seul en est le digne objet!

Quelque grand que soit ce spectacle, certes il n’est pas plus magnifique que celui d’un Dieu créant un univers; et cependant pour nous cet univers a été créé!

Quand j’ai vu Dieu travailler ainsi pour l'homme, je ne m’étonne plus de voir les anges travailler aussi pour lui; c’est une harmonie de plus à mes yeux: la nature m’explique la grâce, et l’une et l’autre se présentent à moi comme concourant à l’œuvre de mon bonheur.

Maintenant, par la grandeur des moyens, juges de la grandeur du but!

Sera-ce trop qu’une vie éternelle pour celui qui des mondes s’unissent pour nourrir?

Sera-ce trop qu’un ciel d'amour et de sainteté pour l’être que des millions d’anges protègent?

- Non, ce qui serait bien plus étonnant, ce serait que, après avoir mis en mouvement de telles forces pour soutenir notre existence, un Dieu tout-puissant et tout bon étouffât notre vie à deux pas d'ici, sous la pierre du tombeau.

Toutefois, que notre orgueil ne prenne pas le change: la grandeur de nos destinées ne se mesure pas sur la grandeur de nos mérites, mais UNIQUEMENT SUR L’IMMENSITÉ DE LA BONTÉ DIVINE!

C’est précisément parce que Satan compare nos espérances à nos droits, qu’il réussit à jeter le doute dans nos esprits.

Mais répondons-lui que la vie éternelle et heureuse à laquelle nous prétendons, n’est pas une récompense, mais une FAVEUR; non pas un salaire, mais un DON; et qu’au lieu de nous en enorgueillir, nous n’avons que sujet de nous en humilier;


c’est parce que j’attends TOUT de Dieu

que Dieu PEUT tout me donner.


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CCCLVIIIe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse XIII et XIV.

Qu’est-ce que la Bête de l’Apocalypse?


Quelle est cette bête qui joue un si grand rôle dans l'Apocalypse?

Et d'abord quelle est la ville où elle règne?

Cette cité se reconnaît à ceci, qu’elle est bâtie, nous dit Saint Jean, sur sept collines; or, il n’est que Rome que nous sachions être dans ce cas.

Mais de quelle Rome s’agit-il? de Rome sous ses empereurs païens, ou de Rome sous ses papes catholiques?

Le texte va répondre.

Le grand crime reproché dans l’Apocalypse à cette Babylone mystique, c’est l’idolâtrie sous l’image de la conduite criminelle d’une épouse envers son époux, et si l’on se rappelle que c’est sous la même image que le même crime est reproché dans l’Ancien-Testament au peuple de Dieu,

- on en conclura que c’est la Rome qui se dit l’Épouse de l’Époux qui doit être ici la coupable.

Rome païenne n’était pas une Babylone mystique, c’était une véritable Babylone; et pour lui reprocher son idolâtrie, le prophète n’aurait pas employé le terme d’impudicité; car pour elle Jupiter était son légitime époux; du moins ELLE NE PRÉTENDAIT PAS ÊTRE UNIE À JÉSUS-CHRIST.

Voilà donc un premier indice; cherchons-en un second.

La cité dont il est ici question fait un grand commerce avec le monde entier; et remarquez qu’au nombre des articles de son trafic, celui qui est nommé le dernier, celui qui semble placé là pour faire connaître la nature de tons les autres, ce sont «des âmes d’hommes!»

Quelle étrange marchandise, des âmes d’hommes!

Non pas des corps d’hommes, non pas des hommes eux-mêmes, mais des âmes d’hommes!

Dans cette ville se vendent et se rachètent des âmes à prix d’argent!

Nous ne sachions pas que Rome antique ait jamais fait un tel négoce; il ne reste qu’à voir si Rome moderne ne s’en est jamais vantée!

Cherchons un autre trait de lumière.

La bête qui soutient la puissance établie à Babylone, — celle qui fait de faux miracles, — celle qui fait adorer des images, — celle qui plonge les peuples dans l’idolâtrie, — celle qui soumet les rois, est reconnaissable à ceci, qu’elle porte deux cornes semblables à celles de l’Agneau; non pas d’un agneau, mais de l’Agneau; c’est-à-dire de cet Agneau dont le nom remplit l’Apocalypse, enfin de Jésus-Christ; mais là se borne la ressemblance: le langage est celui du DRAGON.

Or, la Rome païenne a-t-elle jamais prétendu se couvrir d’un manteau chrétien?

Ne brûlait-elle pas ouvertement, au contraire, les martyrs de Jésus-Christ au milieu de ses cirques?

Non, ce n’est pas de la Rome ancienne qu’il peut s’agir ici, et ce trait de porter deux cornes pour imiter l'Agneau tout en demeurant Dragon, reste donc à la charge de la plus jeune sœur.

Poursuivons.

Ce qui, dans le récit prophétique, précède la ruine de Babylone, et, par conséquent, ce qui l’amène, c’est l’ange traversant les cieux et portant l’Évangile éternel à toute nation, à toute tribu, à toute langue, à tout peuple.

Or, de quelle époque date la diffusion quelque peu générale de l'Évangile sur la terre?

Du XVIe siècle, où s’ouvrit la Réformation et où l’imprimerie fut découverte; Luther, pour tirer la première Bible de la poussière d’un cloître, et Guttemberg pour la multiplier.

Et quand cet Évangile éternel fut-il véritablement porté à toute nation, à toute tribu, à toute langue?

De nos jours même, où les Sociétés Bibliques l’ont jeté, par milliers d’exemplaires, sur tous les points du globe, à tous les peuples, traduit dans toutes les langues. Si jamais prophétie fut littéralement accomplie, c’est bien celle-ci.

Mais si du XVIe siècle à nos jours la Bible prépare la ruine d’une grande Babylone, est-ce de Rome antique ou de Rome moderne qu’il peut être question?

Enfin, faisons une dernière remarque: dans l’Apocalypse, la chute de Babylone mystique est placée aux derniers temps, immédiatement avant le retour du Seigneur sur la terre.

Nous ne cherchons pas si cette époque est plus ou moins éloignée, mais nous disons, en tous cas, que la Rome la plus voisine de la fin du monde, ce n’est pas celle des Césars!

Oh! Seigneur, que de lumière! et cependant combien ont des yeux pour ne pas voir! Hélas! tu l’as dit: après tous tes prodiges et tous tes appels, CEUX QUI NE SERONT PAS INSCRITS SUR LE LIVRE DE VIE SERONT ENCORE SÉDUITS; en sorte que leur endurcissement lui-même rend témoignage à la vérité de ta Parole.

Oh! que du moins leur exemple ne soit pas perdu pour tes enfants, et que nous apprenions à te rester fidèles en voyant tant de malheureux frères s’égarer!


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CCCLIXe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse XV et XVI.

Dieu proportionne nos forces à la rigueur de ses dispensations


Sept anges, armés des sept coupes pleines de la colère de Dieu, viennent répandre sur la terre la maladie, la sécheresse, le feu, les ténèbres et la mort.

Cependant, par trois fois, Saint Jean nous dit que les hommes témoins et victimes de ces prodiges ne se convertissent pas de leurs œuvres, et que, loin de le glorifier, ils blasphèment le nom du Seigneur.

À nous, paisiblement occupés à lire cette prophétie, il semble que, si nous eussions été à la place de ces hommes, nous nous fussions enfin laissé toucher, cédant à une telle évidence que Dieu nous châtiait pour nous convertir.

Il est possible, je veux même croire probable, qu’en effet nous eussions, dans l’état d’esprit où nous sommes aujourd’hui, mieux profité de ces avertissements sévères que ne le firent ces pécheurs endurcis.

Mais remarquez que, dans les dispositions où nous sommes, jamais Dieu ne nous enverrait de tels châtiments, comme jamais non plus à ces adorateurs obstinés de la Bête il ne songerait à dispenser les légères épreuves qui peuvent nous suffire.

En un mot, Dieu proportionne à nos forces la rigueur de ses dispensations. Ceux que nous jugeons le plus rudement éprouvés, comme ceux qui nous semblent l’être le plus légèrement, le sont également devant le Seigneur.

Plus la conscience se durcit, plus les coups du Maître sont pesants; mais, plus cuisants à notre chair toujours sensible, ils n’amollissent pas mieux notre cœur endurci.

Ces réflexions renferment un enseignement précieux.

Il nous arrive souvent, parce que Dieu n’appesantit pas sur nous la verge de sa colère, de nous persuader qu’il n’est pas irrité contre nous et d’attendre de plus rudes châtiments pour faire un retour sur nous-mêmes.

Mais prenons garde!

- Ce Dieu ne nous enverra ces épreuves que lorsque celles qu’il nous dispense aujourd’hui auront été reconnues insuffisantes;

- alors les nouvelles, plus sévères, ne seront pas plus efficaces; ses coups nous paraîtront plus lourds, mais ils ne nous sanctifieront pas davantage.

À les entendre, nous aurons aggravé notre fardeau de souffrance sans voir mûrir notre foi ni grandir notre paix.

Le récit que nous venons de lire dans l’Apocalypse nous montre bien que l’homme ne juge pas les épreuves d’après les douleurs physiques qu’il en ressent, mais d’après les dispositions morales où il se trouve.

Ainsi, tandis que les adorateurs de la Bête jurent et se tordent de douleur, ceux qui ont vaincu la Bête et son image, paisiblement recueillis en face de ce spectacle, font résonner leurs harpes d’or:

- Les uns blasphèment le nom de Dieu;

- Les autres chantent ses louanges.

Et cependant, n’est-ce pas sur ceux qui en ressentaient les terribles étreintes que ces châtiments auraient dû agir?

Ne nous semble-t-il pas que les bienheureux auraient dû pleurer et les méchants se convertir?

Oui; mais, encore une fois, c'est que nous en jugeons nous-mêmes avec des sentiments qui ne sont ni ceux de ces bienheureux ni ceux de ces méchants endurcis.

Quand nous serons dans le ciel, les dispensations de Dieu les plus sévères envers les pécheurs nous paraîtront justes et ne nous empêcheront pas de jouir; de même que, si nous entrions dans l’empire des ténèbres, nous y maudirions le nom de Dieu versant l’amour et le bonheur dans le sein des rachetés.

- N’attendons donc pas des avertissements plus clairs que ceux que nous avons reçus; efforçons-nous, au contraire, par notre vigilance, de les rendre superflus;

- soyons attentifs au plus léger souffle qui nous vient des cieux, et ne rendons pas nécessaire la tempête qui, pour se faire sentir, risquerait de nous déraciner!


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CCCLXe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse XVII.

La Babylone mystique


Quelle est cette prostituée assise sur les grandes eaux, portant au front le nom de Babylone et montée sur une bête de couleur écarlate, à sept têtes et dix cornes?

Pour mieux le découvrir, substituons aux noms emblématiques les noms des objets qu’ils représentent, et, pour ne rien avancer qui ne soit certain, n’acceptons que les explications données par l’Apocalypse lui-même.

- Les eaux, dit l’ange, sur lesquelles la prostituée est assise, ce sont des peuples.

- La Babylone mystique, c’est la ville aux sept montagnes; et ici l’interprétation est donnée par la géographie elle-même, c’est Rome.

- Les dix cornes de la Bête sont les rois qui d’abord cèdent leur puissance à cette femme, et qui plus tard la haïssent et la détruisent.

- Enfin, nous l’avons déjà vu, le crime reproché à cette femme sous divers noms se rapportant tous à l’impureté, c’est l’idolâtrie; ce doit être une puissance religieuse.

Plus tard, les rois fatigués de son joug se révoltent contre sa tyrannie, la dépouillent de sa puissance et la laissent elle-même nue et désolée.

Rappelons-nous que CES DIVERSES EXPLICATIONS SONT DONNÉES PAR LA BIBLE, et, substituant à cette heure aux figures les objets figurés, reconnaissons enfin quelle est cette femme:

- c’est une puissance religieuse tombée dans l’idolâtrie;

- elle est établie à Rome;

- elle domine par son culte sur les peuples;

- elle commande pendant un temps aux rois, et enfin ces mêmes rois anéantissent sa puissance.

Faut-il maintenant nommer la grande prostituée?

Cette église qui a plus d’idoles que le Panthéon païen, qui veut imposer sa domination à tous les peuples, et qui, quand elle ne réussit pas, se contente de leur imposer son nom; cette église qui jadis faisait et déposait les rois, et dont aujourd’hui les rois, après avoir concouru à réduire sa puissance terrestre jusque dans ses états, brident encore la simple influence spirituelle dans leurs propres royaumes; enfin cette église qui, sur sept têtes, porte le nom de Rome, qui est-ce, si ce n’est l’Église romaine?

Mais ce chapitre nous présente une particularité bien digne de remarque.

Cette église cherche sa force dans les rois de la terre, qu’elle maîtrise d’abord, et qui la brisent ensuite eux-mêmes.

Grande leçon pour les communions chrétiennes qui seraient tentées de s’appuyer sur les puissances humaines!

Elles en seront aidées pour un instant; mais, qu’elles se le disent bien:

- En échange de la protection des rois, il faut céder la liberté des églises.

- Il n’y a que Dieu qui donne et qui protège gratuitement.

Une autre femme, dans l’Apocalypse, revêtue du soleil, couronnée de douze étoiles, est protégée de Dieu et servie par les anges.

Mais voyez combien elle diffère de la première! elle a sous les pieds, la lune, satellite de notre terre; elle vit au désert; au moment du danger, c’est au ciel qu’elle emprunte des ailes; enfin, cette femme reste silencieuse, vit dans la retraite et n’a pour protecteur ni peuple ni roi, mais uniquement son Dieu.

Elle est persécutée sans doute, mais elle triomphe à la fin; tandis que l’autre triomphe d’abord, pour aller ensuite à la perdition.

Oui, la prospérité temporelle corrompt les églises comme les individus.

Oui, les églises doivent marcher par la foi, comme les chrétiens; et, dans tous les siècles, ce fut par de faibles instruments que Christ fit avancer son règne sur la terre, afin qu’il fût bien évident qu’il régnait, non par l’appui des hommes, mais par la puissance de Dieu.

Si donc nous sommes de ses sujets, c’est à lui, Roi des cieux, et non aux rois de la terre, que nous devons demander et ne demander que notre pain quotidien.


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CCCLXIe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse XVIII.

Quel est le commerce de la Babylone mystique?


De quelle nature est le commerce de la Babylone mystique?

Sans doute, si l’on s’en tenait à la lettre de l’Apocalypse, de la même nature que celui de toutes les autres villes; en effet, Saint Jean énumère tout ce qui peut se vendre, depuis l’or jusqu’aux bêtes de somme.

Mais ne tiendrons-nous aucun compte de toutes ces circonstances qui nous ont déjà montré qu’il s’agit ici d’un grand drame religieux?

Oublierons-nous que c’est la Parole de Dieu que nous tenons en main, et que les prophètes de l’Ancien-Testament, parlant de Christ, ont toujours décrit son règne spirituel sous des images empruntées aux intérêts de ce bas monde, de telle sorte qu’à la fin ce fut un conquérant qu’attendaient les Juifs, et non le Sauveur de leurs âmes?

Mais tenons-nous-en aux données fournies par l’Apocalypse elle-même.

Le nom de la grande ville est un nom mystique:

son premier crime, c’est l’idolâtrie, infidélité de l’Église envers Dieu, qui, rappelant celle d’une femme envers son époux, est presque toujours dépeinte sous cette image.

Son second crime n’est que la conséquence du premier; ce n’est pas d’avoir usé de faux poids ou défaussé mesure, mais d’avoir mis à mort les prophètes et les saints.

Le plus grand objet de son trafic, celui qui en termine la liste, ce sont des âmes, des âmes humaines.

Les acheteurs d’une telle marchandise ne sauraient être des acheteurs de meubles, de denrées ou de bestiaux; d’ailleurs Saint Jean les appelle les grands de la terre. D’un autre côté, ces grands ne sauraient être les rois, puisqu’il a déjà été question de ceux-ci.

Quels peuvent donc être ces grands de la terre, qui ne sont ni princes ni marchands ordinaires, et qui achètent d’une puissance religieuse, sinon de grands dignitaires faisant métier de religion et ouvrant un commerce sous le nom d’église?

Ainsi Babylone mystique trafique d’idolâtrie;

- son temple est une banque;

- son autel, un comptoir;

- ses prêtres, des employés;

- ses dignitaires ecclésiastiques, des commettants, (commissionnaires) et les âmes humaines, sa marchandise...

Aussi l’indignation saisit-elle les peuples; et ceux-ci, sans devenir plus religieux eux-mêmes, renversent-ils cette grande table de changeur et sanglent-ils du fouet de leur colère la trafiquante qui les a si longtemps abusés.

Nouvelle leçon pour nous.

- Hier, nous avons vu le danger d'appeler les rois à soutenir un royaume qui n'est pas de ce monde;

- aujourd’hui, nous voyons celui de mêler à la religion sainte des intérêts d’argent.


L’ÉGLISE DOIT ÊTRE RICHE DE FOI.

Amasser des trésors terrestres, pour elle comme pour les individus, c’est manquer de confiance en Dieu, c’est déjà devenir avare et empoisonner par la racine l’arbre ecclésiastique.

Ce que nous disons de l’Église peut se dire de ses pasteurs: s’ils veulent thésauriser par l’Évangile, ou seulement à côté de l’Évangile, l’amour de l’argent l’emportera bientôt en eux sur l’amour des âmes, et ils ne tarderont pas à mettre Dieu au service de Mammon.

Ce qui est vrai des pasteurs est vrai des laïques; c’est toujours le même cœur sujet aux mêmes faiblesses, et quiconque mêle des intérêts religieux à des intérêts mondains risque de passer, à son insu, de l’intention la plus pure à la conduite la plus coupable.

Travaillons à la sanctification des âmes, travaillons pour nourrir notre corps; mais que ces deux travaux n’aient rien de commun; et s’il n’est pas toujours possible de séparer ces deux intérêts, si, par exemple, les ministres de l’autel sont soumis à la fâcheuse nécessité de vivre de l’autel, QUE DU MOINS LEUR ZÈLE SOIT INDÉPENDANT DU SALAIRE; que leur activité évangélique, en croissant, ne risque pas d’amener des gains plus considérables; qu’elle devienne plutôt pour eux une charge matérielle qui leur mette le cœur au large.

Alors ils prieront mieux; ils aimeront davantage: leur œuvre sera plus pure; et, bénis dans leur sainte activité, ils n’auront pas à craindre pour eux et leur Église l’épouvantable chute de la grande Babylone.


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CCCLXIIe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse XIX.

La Parole de Dieu, glaive vainqueur


«Le Fidèle et le Vrai,» à la tête d’une Armée céleste, marche à la rencontre de ses ennemis.

On a voulu voir ici un combat sanglant.

Mais quelles sont donc les armes de cette milice?

Aucune!

Ces guerriers, montés sur des chevaux blancs, n’ont pour toute armure qu’une robe de lin.

À la vérité, leur chef est armé d’une épée à deux tranchants; mais remarquez qu’elle sort de sa bouche et que celui qui la porte s’appelle la Parole de Dieu.

Enfin, s’il vous faut encore un indice de la nature de cette armée chrétienne, rappelez-vous que le Saint-Esprit lui-même nomme GLAIVE À DEUX TRANCHANTS CETTE PAROLE, toute-puissante pour convaincre et persuader.

Rappelez-vous que dans ses luttes contre le Tentateur au désert, contre les Sadducéens lui tendant des pièges, contre la douleur l’accablant sur la croix:


Jésus se défend toujours avec la Parole de Dieu.


Et quelle arme a donné la victoire à nos réformateurs au XVIe siècle, lorsque les papes et les rois s’unissaient pour dompter les nations impatientes sous le joug de l’autorité humaine?

La Parole de Dieu.


Quelle arme aujourd’hui fait trembler Rome, provoque ses encycliques, ameute ses inquisiteurs, élève ses douanes et allume ses autodafés de Bibles?

La Parole de Dieu multipliée par nos Sociétés.

Ne soyons donc pas étonnés que la seule arme qui doive vaincre au dernier jour, dans le combat du Vrai et du Fidèle contre Babylone la grande, soit encore et toujours la Parole de Dieu.

Et nous, témoins de ces triomphes passés, assurés de ceux à venir, de quelle arme donc nous servirons-nous contre les adversaires de notre Maître?

Chacun a déjà répondu: de la Parole de Dieu.

Mais, il faut en convenir, ce n’est pas ce qui a toujours lieu.

- Nous nous défions de l’excellence de notre arme;

- nous l’aiguisons sur nos propres raisonnements;

- nous la polissons de nos propres paroles, sans nous douter QUE NOUS LUI ENLEVONS SON TRANCHANT.

Si nous en citons un passage, c’est comme complément de nos pensées, comme preuve surabondante que nous avons raison.

Alors, en effet, la Bible perd de toute autorité sur l’esprit de nos antagonistes, parce que nos antagonistes s’aperçoivent qu’elle en a peu sur le nôtre.

Si nous eussions cité la Parole avec foi, nous l’eussions imposée, et, semblable à l’épée à deux tranchants, elle fût entrée dans les coeurs les plus endurcis.

Entre nos mains, la Bible deviendra donc plus ou moins puissante, selon que nous nous en servirons plus ou moins souvent;

- la citer beaucoup, c’est donner du poids à son argument;

- en parler peu, c’est affaiblir encore le peu que nous en disons.

Dieu proportionne ainsi l’efficacité de son livre à la force de notre foi.

Rien ne pèse sur l’esprit de l’incrédule comme la fidélité du croyant; il s’en étonne d’abord, ensuite il l’admire et finit par lui céder.

Et comment en serait-il autrement, puisque la Parole de Dieu est la Parole de Dieu?

Ce qui serait étrange, ce serait, au contraire, qu’un livre divin restât sans action sur les cœurs. Et si nous consultons notre expérience, nous verrons que jamais une argumentation d’homme n’a laissé sur notre âme l’impression profonde d’une seule parole de Jésus-Christ.

Ce n’est pas un discours, un livre qui vous a converti; c’est un mot de ce discours ou de ce livre; et ce mot, qui depuis lors reste gravé dans votre esprit, avait été puisé dans la Parole de Dieu.

Ce qui vous est arrivé arrivera à d’autres; prenez donc le glaive de la Parole; frappez fort et souvent, et finalement un de vos coups trouvera le chemin des cœurs.


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CCCLXIIIe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse XX.

Le règne de mille ans


Le règne de mille ans, décrit dans ce chapitre, a reçu deux interprétations différentes.

- Les uns entendent par revivre, ressusciter spirituellement;

- les autres voient dans ce mot une résurrection des corps.

- Selon les premiers, ce n’est ici que l’accomplissement de ces prophéties qui annoncent une époque où la terre sera couverte de la connaissance du Seigneur, comme la mer l’est de ses eaux; et où aucun homme n’instruira plus son frère, mais où tous seront enseignés de Dieu.

- Selon les seconds, Christ doit descendre en personne sur la terre, accompagné des saints ressuscités, et y régner pendant mille ans.

Ce n’est pas le lien de discuter cette question; nous ferons remarquer que, quelle que soit d’ailleurs l’interprétation à laquelle on s’attache, on sera toujours d’accord pour reconnaître que cette époque bénie sera pleine de douceur pour les chrétiens appelés à y vivre. Ce sera, autant qu’il est possible, le ciel sur la terre.

Si la souffrance n’en doit pas être exclue, ce qui vaut mieux, le péché le sera les rapports entre frères auront quelque chose d’analogue à ceux qui dans le ciel unissent les bienheureux: mêmes sentiments, mêmes désirs, mêmes projets; un but unique poursuivi sur toute la terre, LA GLOIRE DE DIEU; un seul nom sur les lèvres de tous, celui de JÉSUS; plus de crime, plus de haine, plus de souillure; mais PARTOUT ET TOUJOURS L’AMOUR ET LA SAINTETÉ.

Voilà le temps que les chrétiens, millénaires ou non, font profession d’attendre aux derniers jours.

Mais serait-il donc impossible de le réaliser dès à présent, chacun à part dans son cœur, dans sa famille et au milieu de ses relations chrétiennes?

Pourquoi ne prendrions-nous pas tous à tâche de hâter l’arrivée du millénium dans nos maisons par une conduite pure et sainte?

Pourquoi tous les membres d’une famille ne formeraient-ils pas une sainte alliance pour chasser le péché du milieu d’eux, en travaillant chacun à l’exclure de sa propre vie, et en aidant les autres de leurs conseils, veillant sur leur conduite pendant le jour, s’avouant leur tort à l’heure du soir où, réunis pour le culte domestique, ils auraient pour sanctifier leur entretien la Bible au milieu d’eux?


Où des efforts isolés succombent, des efforts réunis réussissent.


Peut-être, sans que nous l’ayons soupçonné, nos parents ont, comme nous, formé plus d’une fois le désir de voir la paix chrétienne régner dans nos demeures; plus d’une fois, ils se sont efforcés, comme nous, de réformer leurs mauvaises habitudes; et parce que nous avons ignoré leurs désirs et leurs efforts, nous ne les avons pas secondés.

Nous avons travaillé isolément, à d’autres heures, et eux-mêmes ne sont pas venus à notre secours. Nous ne nous sommes pas mutuellement tenu compte de nos bonnes intentions, et, ainsi méconnus, nous nous sommes finalement relâchés.

À la vérité, il est difficile de s’entendre sur de pareilles matières; difficile même de s’en parler.

Personne ne veut commencer; surtout personne ne veut s’accuser; le démon de l’orgueil trouve trop bien son compte à semer, la division.

Mais si l’on ne peut exécuter ce plan tout à coup et avec le concours de tous les membres de la famille, ne le pourrait-on pas au moins d’abord entre deux ou trois?

Par exemple, entre ceux qui ont le plus de sympathie les uns pour les autres, entre deux époux, deux frères, deux sœurs?

Quand l'œuvre aurait été ainsi commencée, n’y pourrait-on pas joindre successivement les autres personnes de la maison?

Il est impossible de rien préciser à ce sujet; mais nous voudrions du moins qu’on retint cette pensée, qu’il serait bon et possible d’unir ses efforts à ceux d’autres frères pour faire régner en soi et autour de soi la paix et la joie chrétiennes, et de réaliser ainsi, dès à présent et en petit, dans la mesure de notre foi et de nos prières, l’époque bienheureuse du millénium au milieu de nous.

Que Dieu bénisse cette pensée pour nos cœurs, et qu’il donne à quelques-uns le désir de la mettre à l'œuvre et de la poursuivre.


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CCCLXIVe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse XXI.

Le ciel


Quelle magnifique description du ciel! que les idées en sont pures, les images grandes, et combien tout cela sent peu la pauvre humanité!

Quel homme eût songé à dire qu’il n’y avait là point de temple, et que Dieu était lui-même le temple?

Point de soleil pour éclairer, mais la gloire de Dieu pour lumière?

Il y a dans ces paroles une spiritualité qui nous élève bien au-dessus de toute conception humaine.

Amoncelez les images les plus séduisantes pour notre cœur, et vous risquez d’éveiller les sens; mais ici quelques simples figures nous transportent dans un monde tout nouveau où, même avant que l’Esprit-Saint l’ait dit, nous pressentons que rien d’impur ne peut entrer.

Remarquez encore ce détail: «les portes n’en seront jamais fermées.»

En effet, il n’y fera jamais nuit, comme sur la terre; tout y sera lumière, vérité, droiture; tout cœur y sera ouvert; les pensées s’y liront comme dans un livre, et l’idée de se cacher ou de mentir n’y saurait venir à personne.

Enfin, observez que les rois viendront y déposer leur gloire et les nations leur honneur. Douce humilité qui jette toute couronne aux pieds de Dieu, et qui confond en un peuple de frères ceux jadis séparés par les noms de monarques et de sujets!

Gloire à Dieu, humilité chez les créatures, amour et vérité chez tous, tels seront, en aussi peu de mots que possible, les joies du ciel pendant l’éternité.

Une telle félicité a-t-elle beaucoup d’attrait pour nos cœurs?

Dans ce cas, nous pouvons nous croire bien préparés pour y entrer.

Mais n’est-ce pas de tout autres plaisirs célestes que nous nous sommes promis?

Nos cœurs ne cherchent-ils pas encore la terre dans les cieux?

Je le crains.

- L’un s’informe d’abord s’il retrouvera près de Dieu l’être bien-aimé qu’il pleure;

- l’autre se réjouit surtout à la pensée que toute douleur cessera et que toute larme sera essuyée.

- Celui-ci tressaille à l’idée de contempler les magnificences de la création;

- celui-là, en songeant qu’il n’aura plus à mourir.

Toutes ces pensées sont bonnes, tous ces souhaits sont légitimes et seront satisfaits.

Mais cependant ce n’est pas là ce qui devrait nous monter au cœur en premier lieu.

LA GLOIRE DE DIEU, VOILÀ LE GRAND BUT; NOTRE SAINTETÉ, voilà le souverain bonheur; et c’est précisément les biens que nous ambitionnons le moins; preuve évidente que nous sommes encore loin d’être prêts pour les cieux.

Une idée assez répandue sur ce sujet, c’est que Dieu, en nous ouvrant le ciel, nous purifiera de nos imperfections et nous rendra dignes et capables de jouir d’une félicité dont nous ne voudrions peut-être pas aujourd’hui.

Il y a quelque chose de vrai dans cette pensée, et il est évident que le Saint-Esprit, qui nous aura été accordé pendant notre vie, ne nous sera pas retiré à l’heure de notre mort et de notre entrée dans les cieux.

Il est certain encore que notre corps purifié, l’absence de toute tentation, la présence de Dieu, nous rendront alors le bien aussi facile que le mal, hélas! nous l’est aujourd’hui.

Mais, d’un autre côté, nous ne pouvons pas douter non plus que notre avenir ne doive être en rapport avec notre passé, et notre degré de sanctification, au départ de la terre, déterminer la mesure de notre félicité dans les cieux.

L’Apôtre nous dit qu’il voit devant le tribunal de Dieu apparaître les morts «petits et grands;» si les différences de corps sont conservées après la résurrection, les différences d’esprit ne le seront-elles pas aussi?

Nous le croyons; et comme il y a divers degrés dans l’éclat des astres, nous pensons qu’il y aura aussi divers degrés dans la béatitude céleste.

- C’est à nous, pendant les quelques heures que nous avons à vivre ici-bas, à hâter notre sanctification en ne laissant perdre aucune des grâces du Seigneur.

Malheureusement, il en est de ces grâces comme de de notre temps: nous les gaspillons, nous attendons que Dieu parle haut, nous presse plus vivement, et, parce qu’il se contente de frapper à la porte de notre cœur, au lieu de la briser, nous refusons de lui ouvrir.

Nous prions, mais quand nous avons prié, nous n’acceptons pas la réponse à nos prières; en un mot, nous méprisons les dons de Dieu, et NOTRE SANCTIFICATION S’EN RESSENT; nous ne devrons donc pas nous étonner un jour si notre gloire est pâle dans le ciel et notre place marquée au dernier rang.

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CCCLXVe MÉDITATION.

Lisez Apocalypse XXII.

Notre besoin de l’infini


«AUX SIÈCLES DES SIÈCLES!» Vivre aux siècles des siècles!

Comme cette pensée repose délicieusement l’esprit et le cœur!

Nous n’avons pas même besoin de savoir quelles seront nos occupations ou nos joies: il nous suffit de savoir que nous vivrons.

On peut bien ici-bas se fatiguer d’apprendre, de jouir même; mais jamais de vivre: et si quelques infortunés cherchent à se débarrasser de l’existence, ce n’est pas qu’ils soient las de vivre, mais de souffrir.

Non seulement la vie seule et par elle-même a pour nous un puissant attrait, mais la mort nous épouvante, le néant nous fait frémir.

Vivre impassible est au fond à peu près la même chose qu’être anéanti; et toutefois, malgré nous, nous mettons entre ces deux états tout un abîme.

Le moribond saisit avec avidité la plus faible espérance de retour à la vie. Ézéchias (et nous le comprenons) éclate en actions de grâces à la nouvelle de quinze années ajoutées à ses jours; que serait-ce donc si l’on venait, à l’heure de la mort, nous annoncer une nouvelle jeunesse, une nouvelle santé, un recommencement de notre existence?

Eh bien, non, ce n’est pas si peu de chose qu’on nous offre: C’EST LA VIE AUX SIÈCLES DES SIÈCLES!

Ô mon Dieu! si j’avais un esprit assez vaste pour mesurer cette vie, quels ne seraient pas ma joie, mon amour, ma reconnaissance!

Remarquez avec quelle tristesse nous voyons finir tout ce qui nous approche, nous occupe ou nous aime ici-bas: qu’un ami s’éloigne, et nos yeux se remplissent de larmes;

qu’il nous faille quitter un lieu par nous longtemps habité, et notre imagination se couvre d’un sombre voile; il n’est pas jusqu’aux travaux, aux travaux laborieux, que nous n'abandonnions, quand ils touchent à leur fin, avec un certain regret.

C’est que tout ce qui finit n’est pas fait pour nous, ne répond pas à nos besoins; nous pouvons bien nous sentir faibles, ignorants, indignes; mais nous ne pouvons pas accepter de finir!

N’est-ce pas une révélation de notre destinée? Nous le croyons.

Il y a déjà des années que vous et moi, chers amis, parcourons ensemble la Parole de Dieu, semant et recueillant quelques réflexions.

Nous ne nous connaissons pas, et cependant, j’ose le dire, nous nous aimons.

La pensée de nous séparer nous est pénible!

Encore ici, finir a pour notre cœur quelque chose de mélancolique; notre plume se traîne lentement, comme si nous voulions retarder l’heure de la séparation. Les livres vous manquent-ils donc, et à moi les occupations?

Non; mais c’est un terme, c’est une fin, c’est une mort de notre vie en commun, et cette pensée nous fatigue; nous ne voudrions pas finir... tant il est vrai que NOUS SOMMES NÉS POUR TOUJOURS VIVRE!

- Oui, Dieu ne trompera pas un besoin si profondément senti par notre âme!

- C’est lui qui nous l’a donné; il doit, il est obligé de le satisfaire!

- Il n’est pas homme pour mentir.

Oui, celui qui trace ces lignes, celui qui les parcourt, ceux qui les écoutent, retrouveront, ou plutôt ne quitteront pas la vie; si leur âme dépose en deçà de la tombe une dépouille corruptible ou mortelle, c’est pour revêtir au delà l’incorruptible immortalité.

Nous en avons pour garants nos instincts, si nous sommes encore en dehors de la foi, et le témoignage du Saint-Esprit, si nous croyons déjà.

Mais, hélas! vous qui ne croyez pas, oseriez-vous dire que vous êtes aussi certain du bonheur à venir que de la vie éternelle?

Non! Eh! pourquoi donc ne le seriez-vous pas?

L’offre de Dieu n’est-elle pas assez magnifique?

Écoutez, écoutez les dernières paroles du dernier livre de cette précieuse Bible, et dites-nous ce que vous attendez de plus ou de mieux:


«Quiconque veut de l’eau en prenne sans qu’il en coûte rien!»


Vous l’entendez: sans qu’il vous en coûte rien!

C’est une répétition de ces mots; GRÂCE, GRATUITEMENT, que déjà nous vous avons si souvent redits.

Oh! nous vous en supplions pour la dernière fois, écoutez, écoutez la douce voix du Seigneur: c’est vous qu’il appelle; répondez, répondez! Croyez, confiez-vous en Celui qui, devant vous, a déjà fait tant d’heureux!

Nous vous le déclarons avec une conviction profonde: il y a dans la foi en Christ des joies, une paix que vous ne soupçonnez pas et que rien au monde ne peut donner; c’est seulement là que nous avons trouvé le calme de notre conscience, la réalisation de nos désirs et la certitude, l’inébranlable certitude que nous sommes sauvés dès à présent pour vivre aux siècles des siècles, dans le ciel, et bienheureux.


Oui, certains; — oui, aux siècles des siècles;

oui, dans le ciel et bienheureux.

Adieu! puissions-nous nous revoir devant le trône de Celui qui nous a tous créés!


* * *


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PSAUME XXIII.

La Parole de Dieu, dans sa partie didactique, et surtout dans les Psaumes, est d’une élasticité qui étonne d’abord.

Quand, pour la saisir, le grammairien la presse, elle lui échappe; quand il la reprend pour l’étudier encore, elle se transforme. Je ne veux pas dire que cette parole ait plusieurs sens, mais son sens unique a des portées différentes; on peut la restreindre à la lettre, ou l’étendre à l’esprit; la circonscrire à la terre, ou l’élever aux cieux.

On y trouve de prime abord une leçon simple et naturelle; en creusant le passage, cette leçon devient spirituelle et profonde.

Y a-t-il donc plusieurs enseignements?

Non, un seul; mais il peut être plus ou moins bien saisi, fécondé. C’est notre terre donnant des fleurs à la surface, du blé dans un sillon, des mines d’or dans ses entrailles; plus bas il sonde cette parole, plus le travailleur y découvre de trésors.

Est-ce à dire qu’il suffise de lire et de relire la Bible pour y trouver toutes ces richesses? Non.

À qui la lira par pure curiosité, elle donnera peu de chose;

À qui l’étudiera pour la démentir, elle ne livrera rien.

Mais à qui s’en approche avec foi et prière, elle accorde lumière, consolation, force, sainteté.

À qui y revient après y avoir déjà puisé, elle inspire des sentiments humbles, une vie dévouée;

À qui a soif de plus d’humilité et de plus de dévouement, elle découvre des secrets qui, comme les paroles mystérieuses, flamboyantes sur les murailles de Babylone, n’ont de sens que pour l’homme de Dieu, un sens qui déborde les mots et où de riches pensées sont renfermées sous une seule expression.

La valeur de la Bible varie donc avec les dispositions morales du lecteur.

Ce livre punit et récompense, aveugle et éclaire, ennuie et sanctifie. Tout en restant le même, comme un miroir, il réfléchit les images diverses placées devant lui.

Ces pensées se sont offertes à notre esprit à la lecture du psaume 23e.

Cette action de grâce est applicable à l’abondance de biens matériels dont Dieu combla David persécuté, comme à la paix de son âme, à la joie de son cœur au milieu des persécutions.

On peut donc, en l’étudiant sous le premier rapport, la restreindre au Psalmiste, comme en l’examinant sous le second, l’étendre à ses lecteurs. La transition du sens littéral au sens spirituel est insensible; le tronc unique s’élève et s’épanouit en rameaux multiples portant des feuilles, des fleurs et des fruits.

* * *

Cantique de David.


L'Éternel est mon berger, je ne manque de rien.

Dans des pacages verts il me fait reposer, Il me mène le long des eaux tranquilles.

Il restaure mon âme,

Il me guide dans les ornières du salut, pour l’amour de son nom. (v. I à 3.)

L’Éternel est mon berger: je ne manquerai de rien.

Il me fait reposer dans de verts pâturages, Il me dirige près des eaux paisibles.
Il restaure mon âme,
Il me conduit dans les sentiers de la justice, à cause de son nom. (v.Segond)


L’homme mûr songe volontiers aux scènes de son enfance. En s’éloignant de son passé, il le dore des feux de sa généreuse imagination; il semble que la Providence miséricordieuse ait voulu lui rendre en souvenirs ce qu’il a perdu en espérance.

Mais David a d’autres motifs pour évoquer les réminiscences de ses premiers jours.

Il veut peindre la plus haute félicité qu'il soit donné à l'homme de goûter sur la terre, celle du croyant.

Où prendra-t-il ses couleurs?

Sera-ce dans la journée glorieuse où l’adolescent vainquit Goliath et entendit les femmes d’Israël entonner ses louanges?

Sera-ce à l’époque où le peuple et les grands vinrent à l’envi lui offrir la couronne?

Non; David va chercher ses images de bonheur dans sa vie de berger.

C’est une houlette, un pacage, un ruisseau, une vallée qui deviennent ses emblèmes de paix, de confiance, de joies ineffables.

Tout le monde applaudit sans doute à cette préférence; ce qui n’empêchera personne de s’élancer, à l’occasion, de la chaumière vers le palais!


LA CONSCIENCE PARLE;

MAIS LA PASSION AGIT.


Reportons-nous, par la pensée, au siècle des patriarches dans les champs silencieux et solitaires de la plus petite tribu d’Israël; jetons les yeux sur ces vertes prairies, sur ce courant d’eau, bordé de longues herbes; et suivons de l’oreille son murmure tremblotant à la rencontre de petits cailloux qui lui barrent le chemin.

Entrons par ce sentier ombreux, dans cette fraîche vallée.

Là, quelques brebis errent en liberté, broutent l’herbe à loisir, s’approchent du ruisseau, s’y abreuvent sans effort et sans hâte, et viennent s'étendre à l’ombre, pendant les ardeurs du jour.

Voilà l’image gracieuse du bonheur de David sous la conduite de son Dieu.

Toute douce qu’elle est, cette peinture est insuffisante pour faire comprendre la paix dont l'âme croyante jouit.

Sur les confins de ce vallon, l’ours, le lion rugissent, et la brebis tremble; toutes les caresses du berger ne sauraient la rassurer.

Mais vainement les ennemis de David fidèle rugiraient; vainement ils s’ameuteraient contre lui; il ne craint rien:


SON BERGER N’EST PAS UN HOMME;

SON BERGER EST UN DIEU!


Ah! quand cette pensée pénétrera profondément en nous, combien changera notre état d’âme!

quand nous croirons l’Ordonnateur de l’univers personnellement occupé de vous, de moi;

quand nous le verrons, par la foi, diriger nos pas dans le dédale de la vie, disposer les évènements pour le plus grand bien de ses enfants;

quand nous comprendrons que tout a été fait pour nous...

Oh! alors un indicible apaisement viendra calmer nos inquiétudes; une joie sereine, une paix inaltérable, nous persuaderont que le Psalmiste n’a rien dit de trop, n’a pas même tout dit: il est des sentiments qui ne sauraient s’exprimer.

«Je ne manque de rien,» dit David; et cependant il est entouré d'adversaires; il se suppose même «dans la vallée de la mort

Cette merveilleuse disposition de l’âme pieuse à voir un bon côté aux plus rudes épreuves, à découvrir des compensations aux maux les plus cuisants, est vraiment digne d’admiration.

Et ne dites pas que ce sont là de vaines imaginations; car personne n'est meilleur juge des réalités spirituelles que ceux qui en font l'expérience.

Que dans une telle position vous n’éprouveriez rien de semblable, c’est possible, mais aucune lumière surhumaine ne vous autorise à juger faux les sentiments d’autrui; et comme vous donnez confiance à la parole de l’incrédule qui se plaint, confiez-vous au témoignage du croyant qui se réjouit au milieu de l’adversité.

J’ai vu une malade, torturée par la douleur depuis de longues années, interrompre les gémissements involontaires que lui arrachait la douleur pour célébrer la bonté de Dieu à son égard et dire combien elle était heureuse dans son âme.

Moi non plus je n'y pouvais rien comprendre.

Qu’en conclure?

Que j'étais loin de posséder sa foi et non qu’elle mentît. Sa vie sainte était là pour confirmer cette conclusion.

Cette restauration de l’âme, après les défaillances, est bien propre à nous faire sentir d’où elle vient. Depuis un long temps nous étions tourmentés par le doute, aigris par les obstacles; il nous semblait que rien ne pouvait plus nous relever; nous avons prié, mais sans plaisir; médité, mais sans succès.

La Parole de Dieu nous était devenue insipide...

Et puis, tout à coup, des flots de consolation sont venus nous rafraîchir; notre foi a reverdi, nos espérances se sont redressées; le calme est rentré dans notre sein, et nous nous sommes demandé comment il se pouvait que nous fussions le même être de la veille! Comme celle de David, NOTRE ÂME AVAIT ÉTÉ RESTAURÉE.

Oui, je comprends bien que le Psalmiste ajoute que l’Éternel a fait tout cela «pour l'amour de son nom». Ce n’est pas que j’aie rien accompli moi-même pour l’obtenir. Hélas! ce n’est pas même que je l’aie demandé! Non:


c’est par pure grâce, pour l’amour de lui-même, que Dieu l’a produit.


Quand je chemine dans la vallée de l'ombre de la mort, je ne redoute aucun mal, car tu es avec moi; ta boulette et ton bâton, c'est là ce qui me console, (v. 4.)

Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi: Ta houlette et ton bâton me rassurent. (v. Segond.)

Voilà la pierre de touche où se reconnaît la vraie foi, c’est l’adversité.

Là est véritablement l’épreuve.

Aussi longtemps que nous sommes bien portants, prospères, aimés, il est facile de nous entretenir de nos espérances célestes... mais quand arrive la douleur, la misère, le mépris, cet échafaudage religieux croule, et l’homme naturel, incrédule, irritable, reparaît.

Ne soyons pas si faciles à nous contenter de la mesure de foi que nous avons. Comme le père qui craint de n’avoir pas assez de confiance pour demander la guérison de son fils, disons au Seigneur: Je crois; cependant subviens à mon incrédulité!


Tu as dressé devant moi une table en face de mes ennemis, tu as oint d’huile ma tête, et fait regorger ma coupe, (v. 5.)

Tu dresses devant moi une table, En face de mes adversaires; Tu oins d’huile ma tête, Et ma coupe déborde. (v. Segond.)


Le calme des champs ne suffit plus à David pour peindre sa félicité; il lui faut la joie d’un festin.

Sa table est dressée, sa tête est ointe d’huile, sa coupe est comble.

David est l’invité; son hôte c’est Dieu lui-même, et cet hôte magnifique, selon les coutumes de l’antique Orient, fait dresser la table devant les convives, distribuer des robes à l’entrée, parfumer leurs têtes dans la salle, et remplir leur coupe par des échansons.

La fête est complète; tout y abonde; il suffit au bienheureux élu de se laisser conduire de surprises en surprises.

Telle est la gratuité que le Psalmiste veut exprimer. Il n’a rien fait pour mériter de telles faveurs. Comme les mendiants de la parabole évangélique, ramassés sur le grand chemin, David a été pris derrière un troupeau de quelques rares brebis; il a été sacré par le Prophète au nom de l’Éternel; c’est par la force de Jéhova que Goliath a été vaincu; c’est redressé par Nathan que le pâtre est devenu le bien-aimé; et si à cette heure encore, il reste calme au milieu des orages, c’est au Saint-Esprit qu’est due cette inaltérable paix.


Oui, les bienfaits de Dieu sont gratuits, complètement gratuits, et plus l’homme y regarde de près, mieux il sent n’avoir rien mérité.

Il suffit que les vapeurs de l’orgueil se dissipent pour que cette vérité brille évidente.

Dieu nous a donné le premier souffle.

Qu’avons-nous accompli pour le retenir?

Hélas! quand on cherche avec attention ce qu’on a fait soi-même pour se conserver l’existence, ou reconnaît qu’on n'a concouru qu’à l’abréger! Pour éviter tel danger, il a fallu qu’un événement imprévu vînt nous garantir.


Oui, le bonheur et la grâce me suivent tous les jours de ma vie, et la maison de l'Éternel est mon séjour ordinaire. (v. 6.)

Oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront Tous les jours de ma vie, Et j’habiterai dans la maison de l’Éternel Jusqu’à la fin de mes jours.(v. Segond.)


«Le bonheur et la grâce.» Jamais deux mots ne furent plus convenablement rapprochés; c’est l’effet et la cause, la source et le ruisseau.

Que tout bonheur émane de Dieu, c’est ce dont tous les hommes conviendront; mais tous les hommes ne désignent pas la même chose par la même expression.

Les fruits de la terre, les jouissances charnelles nous viennent du Créateur, dit le monde, leur usage est donc bien légitime.

Le monde justifie ainsi les excès et les vices.

Mais la Bible l’entend autrement.

Pour que le bonheur vienne de Dieu, il faut qu’il soit goûté en Dieu.

Il faut que le Seigneur en soit non seulement l’origine mais le terme; que nos joies soient spirituelles, saintes, que notre activité se rapporte à l’avènement du règne de Christ, à notre sanctification; que nos études marchent vers un but utile, que nos espérances s’élèvent jusqu’aux cieux.

À moins de tout cela, notre bonheur n’est pas savouré en Dieu.

Fût-elle puisée dans les biens les plus légitimes, UNE JOUISSANCE TERRESTRE, CHAMELLE, ÉGOÏSTE, RESTE ÉTRANGÈRE À LA GRÂCE DIVINE.

Aussi tarit-elle bientôt; on peut se dire heureux en atteignant l’objet longtemps convoité; mais la possession même épuise cette satisfaction; l’illusion se dissipe; on se lasse de la volupté qui n’est plus disputée!

En voulant l’accroître, on s’en dégoûte; en se transformant, on arrive à une autre déception, et le cri final est toujours: «Tout cela n’est que vanité.»

Mais le bonheur, pris à sa vraie source, a ceci de particulier, qu’il accompagne tous les jours de notre vie; son premier caractère c’est de durer; il est éternel comme son auteur.

Un vrai chrétien, après un demi-siècle de méditations, de prières, de dévouement à ses frères, d’obéissance à Dieu et d’activité sainte, n’en est pas plus dégoûté que le premier jour; FAIRE LE BIEN NE LE LASSE PAS; il trouve à cette «eau vive» toujours la même saveur.

La raison en est simple, c’est que ce bonheur est uni à la grâce de Dieu.

Si le bien à faire était une tâche imposée, mesurée et payée, je comprendrais qu’elle produisît la lassitude et que le travailleur la restreignît à ses strictes limites.

Mais non:

Faire le bien est une passion qui nous vient de la grâce;

le ciel nous est donné par grâce;

nous sommes sauvés par grâce;

l’Esprit-Saint nous est accordé gratuitement;

C’EST CHRIST QUI VIT EN NOUS.

Nous sommes unis à lui, ou plutôt nous ne sommes qu’un avec lui; c’est la sève qui, montant dans nos cœurs, produit des fruits.

La pensée viendrait-elle à personne que le Créateur ait formé l’univers pour s’acquitter d’un devoir et qu’il soit aujourd’hui heureux d’abandonner les mondes dans l’espace et de se reposer?

Ou bien quelqu’un pourrait-il imaginer que Jésus, sur la terre, se soit imposé tant de guérisons par jour, qu’il soupirât le soir après le repos, et qu’il souhaitât des jours fériés pour se livrer à ses propres plaisirs ailleurs que dans la bienfaisance?

Mais non; cette bienfaisance était elle-même le plaisir de Jésus!

Là, était à la fois son œuvre et sa félicité.

Eh bien, tel maître, tel disciple, QUI NE TROUVE PAS SES JOIES DANS SON DEVOIR N’EST PAS CHRÉTIEN.

Il n’y a plus de distinction, «LE BONHEUR ET LA GRÂCE» sont unis, ne font qu’un, et «ILS NOUS SUIVRONT TOUS LES JOURS DE LA VIE

Aussi David fait-il de la maison de Dieu son «séjour ordinaire

Ce n’est pas pour lui un lieu de prière, le matin ou le soir; un autel pour le sacrifice à tel jour de la semaine.

Non; c’est son habitation de tous les jours et de toutes les heures; il y demeure, comme chacun demeure en sa maison.

Évidemment cette parole doit être prise au sens spirituel.

Pour David, comme pour Jésus, l'adoration était «en esprit;» non seulement dans un temple, mais dans le cœur.


Habiter en Dieu, voilà le culte chrétien.


Hors de cette demeure il fait froid, on s'égare, on se perd. L'enfant prodigue, lui-même, a dit: «Je retournerai dans la maison de mon père».





 

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