Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE CULTE DOMESTIQUE -

JANVIER

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PREMIERE MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU I.

Le sentiment du péché

Dès sa première page, l’Évangile nous fait connaître la personne et la mission de Celui dont il vient nous retracer l’histoire; cet être n’est rien moins qu’Emmanuel, c’est-à-dire DIEU AVEC NOUS, Dieu descendu vers nous.

Sa mission est de sauver son peuple de leurs péchés; c’est pourquoi il s’appelle Jésus.

En deux mots, l’Évangile, la Bonne Nouvelle, c’est Dieu venant nous sauver des suites effrayantes de nos transgressions.

À l’énoncé de ce fait, il faut le reconnaître que:

la plupart des hommes restent impassibles;

les incrédules sourient,

les chrétiens de nom disent Amen et restent indifférents;

les hommes convertis, eux-mêmes, ne retrouvent pas toujours dans leur cœur cet élan de gratitude qu’ils ont jadis ressenti.

Pourquoi cela?

C’est qu’incrédules, indifférents et chrétiens NE SENTENT PAS ASSEZ VIVEMENT LA RÉALITÉ ET LA LAIDEUR DE LEURS PÉCHÉS; et nous-mêmes qui lisons ou écoutons ces lignes, ne sommes que médiocrement émus à la pensée d’être pardonnés.

Aucun de nous, peut-être, ne met en doute que Jésus soit venu sur la terre; aucun ne songe à nier sa divine mission; mais tous, à différents degrés, ont la conscience durcie; tous se font du mal de fausses idées, tous se font illusion sur ses justes conséquences. Le pécheur ressemble au poitrinaire (tuberculose): le germe de mort qu’il porte dans son sein se développe, grandit sans qu’il s’en aperçoive; et ce n’est que lorsqu’il se voit sur la couche funèbre, qu’il commence à soupçonner l’imminence du danger.

Pauvres aveugles que nous sommes!

Si nous ne pouvons voir et toucher la maladie qui nous dévore, ÉCOUTONS DU MOINS CELUI QUI VEUT NOUS GUÉRIR.

Nous qui plaindrions le malade refusant d'aller, sur l’ordre d'un habile docteur, chercher la santé sous un ciel plus beau, dans une atmosphère plus pure, sachons que nous ne sommes ni plus sages, ni moins à plaindre, et pour nous faire une juste idée de la gravité de notre position, ÉCOUTONS LE MÉDECIN DES ÂMES, regardons à l’appareil immense qu’il déploie pour nous guérir, énumérons les soins, les remèdes extraordinaires qu’il a dû rassembler.

Pour nous sauver de nos péchés, il n’a fallu ni un homme, ni un ange; mais un Dieu!

Pour nous sauver de nos péchés, il n’a suffi ni de conseils, ni d’exhortations, ni de sacrifices de taureaux; il n’a fallu rien moins que la mort du Prince de la vie!

Pour nous sauver de nos péchés, quatre mille ans de préparation ont été nécessaires:

Dieu a dû avertir Adam,

appeler Abraham,

donner la loi à Moïse,

envoyer prophètes sur prophètes;

incarner son Fils, abaisser à la vie terrestre le Roi des cieux;

laisser insulter par ses créatures le Créateur; et déchirer sur une croix les membres de Celui qui devait nous punir et qui a voulu nous sauver!

Voilà le remède, le remède seul efficace à notre maladie morale; jugeons par là de sa gravité et de son danger!

Ah! disons-nous bien que, si nous n’apprécions pas notre péché, comme notre juge l’apprécie, c’est parce que nous-mêmes sommes les coupables, et que le mal est l’élément dans lequel nous aimons à vivre; disons-nous bien qu’un jour, l’illusion qui nous fascine tombera avec la passion qui la nourrit; et sous l’influence de ces salutaires pensées, ouvrons les yeux pour voir en même temps là grandeur, la beauté du salut qui nous est offert.

C’est un Dieu qui nous est donné pour Sauveur; qui pourrait nous condamner?

C'est Christ qui nous justifie; qui pourrait nous accuser?

Que la paix; que la joie entre dans notre coeur en même temps que le salut, et que ces sentiments chrétiens produisent en nous; sous l'influence du Saint-Esprit, des fruits abondants de sanctification.


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IIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU II.

Contradiction entre la croyance et la conduite

Quelle étrange contradiction entre la croyance et la conduite d’Hérode!

Il consulte les sacrificateurs pour savoir où et quand le Messie doit naître; il s’enquiert des Mages à quelle époque ils ont vu l’étoile miraculeuse;

il reste persuadé qu'en suivant cet astre, ils découvriront et lui feront découvrir son futur compétiteur au trône;

avec cette persuasion, Hérode ne s’en propose pas moins de faire mourir celui qu’il regarde comme l’envoyé du Seigneur!

Conçoit-on une telle folie?

Oui, lorsqu’on fait un examen sérieux de son propre cœur; où l’on ne retrouve que trop; hélas! de ces contradictions flagrantes entre la foi et la conduite.

Il ne s'agit pas ici de la foi des formalistes, mais de la foi des chrétiens, de la foi qui vient de Dieu; et l’on peut dire qu’avec cette foi sincère et véritable dans le cœur, notre vie reste encore bien souvent souillée par le péché.

Comment cela peut-il se faire?

Le voici:

À l’époque où nous avons été convertis, vivement frappés du prix de cette foi par laquelle nous obtenions un ciel que tous nos efforts n’avaient pu nous mériter, nous nous sommes longtemps arrêtés à considérer la grande vérité qui en faisait l’objet: CHRIST, MORT POUR NOS PÉCHÉS, ET RESSUSCITÉ POUR NOTRE JUSTIFICATION.

En admiration devant cette sagesse de Dieu qui nous sauvait en nous humiliant, nous sommes restés passifs,

comme si la vue de ce magnifique spectacle devait modifier nos cœurs;

comme si la contemplation des doctrines évangéliques devait nous communiquer le mouvement et la vie, et nous faire agir à notre insu;

comme si la vérité abstraite avait une force propre qui dût nous pousser dans la voie de la sainteté.

Erreur funeste qui nous a fait attendre nos progrès dans la sanctification de notre acquiescement sincère aux vérités chrétiennes. Non, il n’en est pas ainsi, pour sanctifier la vie, il faut quelque chose de plus; il faut que le Saint-Esprit vienne encore réchauffer notre cœur et le mettre en contact avec ces vérités.

La foi nous a sauvés d’abord;

mais l’Esprit doit maintenant nous sanctifier.

Croyez, est-il dit partout, et vous serez sauvés; mais priez, est-il sans cesse répété, et vous recevrez le Saint-Esprit.

Être entré dans la foi, ce n’est pas encore être saint; sans doute la foi vient de l'Esprit, mais à sa suite doivent venir les autres grâces.

Ce n’est pas la foi, don du ciel, elle-même, mais bien l’Esprit, dispensateur de la foi, qui ajoute à la foi la vertu; à la vertu la science; à la science la piété; à la piété l’amour fraternel.

Demander à la foi de nous sanctifier, c’est demander à une grâce de Dieu de nous procurer une autre grâce; C’EST CONFONDRE LE BIENFAIT AVEC LE BIENFAITEUR.

Voilà donc l’explication des contradictions qu'on trouve entre nos croyances et notre conduite. C’est que nous attendons trop de la réaction de la vérité pure sur nous-mêmes, et nous oublions que c'est du Saint-Esprit que nous pouvons recevoir de nouvelles faveurs.

Cet Esprit n’est-il pas Dieu?

N’est-ce pas de lui que procèdent tous les dons?

N’est-il pas l’égal et du Fils et du Père?

Songeons-y donc plus souvent: rappelons-nous qu’il peut venir en personne habiter notre cœur; de notre corps faire son temple, détruire notre vieil homme par sa présence, comme par sa présence développer le nouveau.

Je ne dirai pas: croyons, chrétiens; car nous avons déjà cru et c’est pour cela que nous sommes déjà sauvés; mais je dirai:

puisque nous avons cru, prions maintenant pour être sanctifiés.

Oui, Esprit-Saint, parle à nos cœurs, donne-nous des témoignages sensibles de ta présence dans la pureté de notre vie, afin qu’étant sauvés, ce ne soit pas seulement comme à travers le feu; mais à plein, mais au large, mais mûris dans la sainteté.


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IIIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU III.

La lumière évangélique grandissant avec les siècles

En lisant l’histoire des glorieuses révélations accordées par Dieu aux saints hommes des temps prophétiques et apostoliques, on se surprend à regretter de n’avoir pas été soi-même à la place d’un Ésaïe ou d'un Saint Paul.

Ce regret vient de ce que nous apprécions mal les biens spirituels placés sous notre main, car nous allons voir que:

DIEU A FAIT POUR NOUS PLUS QUE POUR LES APÔTRES ET LES PROPHÈTES.

Jésus fait au sujet de Jean-Baptiste deux déclarations qui étonnent d’abord; c’est que le Précurseur de Christ était:

1. le plus grand des prophètes,

2. et qu’en même temps il était moindre que le plus petit membre du royaume des cieux.

Pour comprendre cette double parole, il faut se rappeler deux choses:

1. la première, que toute grandeur, selon l’Évangile, vient de Dieu, et que dès lors ce mot est ici synonyme de FAVEUR;

2. la seconde, que la plus grande des faveurs, c’est LA CONNAISSANCE DU SAUVEUR.

Les deux déclarations de Jésus reviennent donc à ceci: Jean-Baptiste est le plus favorisé des prophètes; toutefois, celui qui, venant après lui, a pu mieux me connaître et entrer ainsi complètement dans le royaume des cieux, est plus heureux que Jean-Baptiste.


Pour éclaircir cette pensée, reprenons la chaîne des dispensations divines relatives à Jésus-Christ.

À l’origine même de l’alliance, «Abraham aperçoit le jour de Christ;», mais la Parole de Dieu ne nous dit rien de plus.

Plus tard, «les prophètes découvrent les souffrances et la gloire du Sauveur;», mais ce n’est qu’en faisant effort, et même ils apprennent que «ce n’est pas pour eux qu’ils administrent ces choses».

Plus tard encore, Jean-Baptiste arrive, voit l’aurore du salut qui se lève sur le monde; mais il n’a pas le temps d’en contempler le plein jour, car de la prison où il expire, il envoie demander à Jésus «s’il est bien le Christ qui devait venir?»

En avançant encore, et passant du ministère de Jean-Baptiste à celui de Jésus, il nous est dit que «ce sont les violents qui ravissent le royaume des cieux;» c’est un pas de plus; car si

Jean-Baptiste disait que ce royaume était proche,

Jésus dit maintenant qu’il est venu.

Plus Jésus avance dans sa vie plus la foule se presse sur ses pas, jusqu'à ce qu’enfin sa mort et sa résurrection ouvrent à des païens les portes du salut.

À la grande Pentecôte, cette porte s’ouvre encore plus large et laisse entrer en un jour trois mille hommes

convertis.

Ainsi Jésus est une lumière, PLUS ON S’EN APPROCHE, MIEUX ON EST ÉCLAIRÉ.

Après sa venue, ses Apôtres, son Église; son Saint-Esprit, jettent un éclat plus vif encore; et ceux qui viennent assez tard pour en être témoins, sont plus grands, c’est à dire plus favorisés; plus heureux que les Patriarches, et les Prophètes qui les ont précédés.

Comment donc nous chrétiens; venus au XIXe siècle (au 21e pour ce qui nous concerne), pourrions-nous porter envie aux glorieux personnages de l’Ancien ou du Nouveau-Testament?

Voyez sur cette échelle de faveurs et de grâces, quelle place élevée nous occupons!

De plus que les Apôtres, nous avons vu l’Église s'établir sur tous les points du globe; et nous prouver ainsi qu’elle est fille de Dieu.

De plus que les premiers martyrs, nous avons vu le christianisme survivre à toutes les fureurs de la persécution, et nous montrer que la foi qui méprise le glaive est descendue du ciel!

De plus que le Moyen-Age, nous avons vu la Parole de Dieu se multiplier, courir les océans et les mondes, pour accomplir sous nos yeux cette vision apocalyptique d’un ange portant l’Évangile éternel à toute nation, à toute tribu, à toute langue!

De plus que nos réformateurs, après avoir vu comme eux les Oracles de malheur s’accomplir sur les Juifs, nous croyons apercevoir déjà l’aurore du jour prophétique qui les rappellent Orient et les amène à la foi chrétienne.

Que de motifs de rendre grâce n’avons-nous donc pas pour être nés dans une contrée et à une époque où viennent converger tant de rayons lumineux! Mais aussi, quel compte terrible n’aurions-nous pas à rendre si nous fermions les yeux à tant de clarté!


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IVe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU IV.

Tentation de Jésus par Satan

Ce récit met à la fois sous nos yeux la ruse du Démon et la sagesse de Christ.

Étudions la première pour apprendre à la fuir, et la seconde pour l'imiter dans toutes les occasions.

Les moyens que Satan emploie pour séduire le Seigneur sont nombreux et fort variés.

Il prend occasion de tout ce qui passe sous les yeux de Jésus pour présenter à son coeur un mauvais désir.

Il lui parle au nom de ses besoins les plus légitimes: la faim; comme il lui suggère les pensées les plus orgueilleuses: la domination de l’univers.

Image frappante des tentations dont Satan assaille notre coeur.

C’est à tout propos qu’il nous les envoie; c’est au moment où nous nous y attendons le moins, pendant une prière, dans la maison de Dieu, au milieu d’une lecture pieuse; comme c’est durant un jeûne religieux qu’il se présente à Jésus-Christ.

Tous les prétextes lui sont bons; il puise des arguments dans les motifs les plus opposés, et même dans les circonstances les plus défavorables à sa cause.

Quand notre conscience, par un retour subit à la vigilance, le surprend à travailler notre cœur, nous sommes vraiment confondus de son adresse. Si nous nous débattons contre ses suggestions, il les retire, mais pour les ramener sous une autre forme, jusqu’à ce que nous fassions sa volonté. Mais c’est peu pour lui de rôder constamment autour de notre cœur, il sait encore approprier ses moyens d’attaque au caractère de celui qu’il veut séduire.

À nos premiers parents, il avait osé dire que Dieu les avait trompés, et que malgré la menace du Seigneur, ils ne mourraient point;

avec Christ, au contraire, il s’appuie sur la véracité de ce même Dieu et cite sa Parole!

La tentative que Satan fait ici sur Jésus, il la répète chaque jour sur nous-mêmes, et souvent jusqu’à la réussite;

dans une discussion religieuse où nous nous inquiétons plus du triomphe de notre dire que de celui de la vérité, c’est Satan qui nous souffle des citations pour attiser notre orgueil.

Quand un frère, un ami, un parent nous censure, c’est encore Satan qui s’industrie à nous fournir des passages en réponse à cette accusation.

Enfin, voyez comme nous avons honte de paraître ignorer un fait, une doctrine de la Bible, tandis que nous prenons si facilement notre parti de ne pas l’étudier!

Dans toutes ces occasions, n’est-ce pas Satan qui se déguise en ange de lumière? Prenons-y garde! ce sont là ses plus perfides séductions.

Dans les sujets religieux comme dans les sujets mondains, l’orgueil et l’entêtement sont également l’oeuvre de ce grand ennemi de nos âmes. Défions-nous de lui, sous quelque habit qu’il se présente, et pour lui résister, étudions la conduite de notre divin Maître. Jésus opposa tout simplement à Satan la Parole de Dieu; mais l’on peut supposer qu’à cette arme il joignit la prière, car ailleurs il est dit qu’il se retirait habituellement au désert (où il se trouvait dans ce moment), pour y prier son Père.

Aussi remarquez, après ces assauts multipliés, tous victorieusement repoussés, quel changement rapide et réjouissant s’opère dans cette scène:

Satan s’enfuit, et les anges de Dieu arrivent pour servir son vainqueur.

Le chrétien trouve dans sa vie des expériences analogues.

Quand après avoir été tenté par Satan et soutenu par l’Esprit de Dieu, il est finalement resté triomphant, la joie, la paix, l’amour, la sainteté, tous ces envoyés célestes, viennent rafraîchir son cœur fatigué.

Les forces lui arrivent de toutes parts, et il s'étonne alors de n’avoir pas vu de plus loin le misérable piège auquel il a risqué de succomber, il se demande comment il a pu être un seul instant fasciné; comment des passions si grossières ne l’ont pas plutôt repoussé qu’attiré, et enfin il bénit Dieu de l’avoir préservé. De ce combat et de cette victoire, sortent de nouvelles forces qui le rendent capable de triompher plus aisément le lendemain, et avec le temps, Satan s’enfuit découragé.

Mais ne nous y trompons pas, il reviendra; eussions-nous déjà parcouru tout une vie sainte et pure, il nous jettera encore ses tentations. Le tigre, dans sa cage même, guette sa proie en liberté.

Veillons donc jusqu’à la dernière heure de notre dernier jour.


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Ve MÉDITATION.

LISEZ MATTHIEU V, 1 à 26.

Aveu de notre misère spirituelle

Il faut en convenir, l’homme naturel doit être bien surpris lorsqu’il entend de semblables affirmations:

«Heureux les pauvres en esprit

«Heureux ceux qui pleurent

«Heureux ceux qui sont affamés de justice

Mais le chrétien qui lit ces paroles avec les yeux de l’expérience, y découvre aisément le sens que voici:

Heureux ceux qui se sentent pauvres en Saint-Esprit, car la conscience de cette pauvreté leur fera demander les secours de l’Esprit qui leur manque.

Heureux ceux qui pleurent sur leurs fautes, car le repentir conduit à crier grâce.

Heureux ceux qui s’avouent qu’ils n’ont pas de justice, car alors ils emprunteront la justice de Dieu, manifestée, sans la loi, par la foi en Jésus-Christ!

Ainsi le bonheur dont parle ici Jésus n’est ni dans notre dénuement de l’Esprit de Dieu, ni dans le péché qui fait couler nos larmes, ni dans notre injustice; mais dans le sentiment que nous avons de toutes ces misères, car CE SENTIMENT NOUS CONDUIT À DEMANDER LA GRÂCE ET LE PARDON qui nous ouvrent la porte des cieux.

Mais le chrétien expérimente la vérité de ces paroles dans un sens plus prochain.

Il y a véritablement de la joie pour lui à s’humilier devant Dieu; à se frapper la poitrine, comme le péager; à verser des larmes de repentir, comme Pierre; à se sentir un avorton, comme Saint Paul.

Il y a du bonheur à rendre ainsi gloire au seul puissant, seul bon, seul sage, en attendant tout de lui; jamais nous ne sommes plus heureux que dans ces moments de COMPLET ABANDON DE NOTRE PRÉTENDUE DIGNITÉ,

plus je me sens indigne, plus je suis humble, reconnaissant, dévoué pour faire la volonté de mon Dieu, soutenu que je suis par les forces de son Esprit; car c’est alors que je répète cette expérience de l'Apôtre: «Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort!»

Admirable sagesse de l'Évangile qui ne nous abaisse que pour mieux nous relever, qui ne nous fait toucher la terre que pour nous reporter plus haut dans les cieux.

Toutefois prenons garde: un écueil se présente dans une facile confession de notre misère spirituelle. Il nous arrive plus souvent de l’articuler des lèvres que de la tirer des profondeurs de notre cœur.

Tel de nous qui dit avec force, que tous les hommes sont plongés dans le péché, s’irriterait peut-être de s’entendre désigner personnellement comme pécheur, et tel autre qui consent à se déclarer vaguement coupable, se garderait bien de répondre au frère qui lui demanderait en quoi?

Cherchons donc un critère auquel nous puissions reconnaître jusqu’à quel point est sincère l’aveu de notre état de péché; nous le trouverons dans l’exemple de Saint Paul, qui se dit le premier des pécheurs.

La main sur la conscience: croyons nous valoir moins que tous les autres hommes? Il est permis d’en douter. Cependant rien ne serait plus dans le vrai que cette persuasion.

Si chacun ne peut pas être en effet plus coupable que tous les autres, il peut et doit cependant se sentir tel; car il ignore la vie secrète de ses semblables, qui peut-être les excuse, tandis qu’il connaît les secrets de la sienne, qui certainement le condamnent.

Celui donc qui se croit meilleur que tel ou tel autre pécheur, se séduit lui-même; son erreur peut durer autant que son orgueil;

mais elle tombera certainement au jour où ceux qui se jugent les premiers seront proclamés les derniers par le Seigneur.


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VIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU, V, 27 à 48.

Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait

Tous ces préceptes reviennent à ceci:

vous devez, non seulement ne pas transgresser la loi par les actes de votre vie,

mais non plus par les pensées de votre cœur;

ou si l’on veut une expression plus générale: «Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait

Parfait! moi, être parfait! Mais cela est-il donc possible?

Ce qu’il y a de certain, c’est que JÉSUS ME LE COMMANDE, et que dès lors je dois tendre à le devenir.

On a quelquefois demandé si le chrétien peut ou ne peut pas arriver à la perfection. Il vaudrait beaucoup mieux descendre sur le terrain de l’expérience, et se dire: suis-je parfait, moi, et non tel autre? Quand je me pose la question en ces termes, la réponse m’est plus que facile: non, certes, non, je ne le suis pas! et si j’osais le prétendre, je le serais encore moins, car il me manquerait, de plus, l'humilité.

Mais, dois-je devenir parfait?

La réponse de Jésus n’est pas moins claire: «Soyez parfaits COMME votre Père céleste est parfait

Je dois donc tendre sans cesse à la perfection, sans m’inquiéter de la longueur de la route; il me suffit de savoir qu’aujourd’hui, à cette heure, je ne suis pas encore au terme.

Peut-être d'autres nous diront-ils que puisque le chrétien doit tendre à la perfection, cela suppose qu’il existe des parfaits ici-bas.

Vaines disputes que tout cela, chers frères; ce que je sais, c’est que moi, moi-même, je ne suis pas parfait, et sans témérité, je crois pouvoir ajouter: Vous non plus! J’en appelle à votre conscience!

Travaillons donc tous deux à le devenir, et laissons la science qui enfle pour la charité qui édifie; mettez votre main dans la mienne; courons ensemble, nous supportant l’un l’autre, et quand nous serons assis dans notre patrie céleste, nous pourrons discourir sur le chemin que nous aurons parcouru.

Pour le moment, à l’œuvre; nous ne sommes pas parfaits, tendons à le devenir.

La perfection qui nous est assignée, comme point de mire, est bien propre à faire éviter un piège que la paresse tend sur notre route. On se dit volontiers: aujourd’hui j’irai jusque-là pour me reposer ensuite. Il arrive alors de deux choses l’une:

ou qu’on remplit la tâche imposée,

ou qu’on la laisse inachevée.

Dans le dernier cas, on se décourage à tort; dans le premier on est satisfait de soi-même, écueil dangereux pour l’humilité, et grande tentation pour ralentir le pas du lendemain.

Le vrai chrétien ne mesure pas son dévouement; son amour ne compte pas avec Dieu; c’est même un non-sens de dire que le dévouement se mesure et que l’amour peut compter. Laissons donc la lice ouverte.

Ne regardons pas aux aspérités ou à la largeur de la route, ne limitons pas notre tâche; faisons tout ce que nous pouvons, nous n’irons jamais au-delà du but, comme nous ferons toujours assez, si nous aimons.

Ainsi nous avancerons calmes et contents; or, rien ne rend le voyageur alerte comme le calme de l’esprit et la joie du cœur.

Pardonner ni sept fois, ni septante fois sept fois le jour, mais sans limite et sans nombre;

aimer non seulement ses frères, mais encore ses ennemis, comme Dieu verse sa lumière sur toutes ses créatures;

EN UN MOT, ÊTRE PARFAIT COMME NOTRE PÈRE CÉLESTE EST PARFAIT, voilà notre tâche.

Ecrasante pour l'homme comptant sur lui-même, le serait-elle encore pour celui qui attend tout de Dieu? Non, tout est possible à Dieu:

Ce n’est qu’appuyés sur Dieu que nous prétendons marcher.


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VIIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU, VI, 1 à 18.

L'ostentation dans la charité tue la charité

Faire le bien pour être vu des hommes, selon l’Évangile, CE N’EST PAS FAIRE LE BIEN; c’est accomplir un acte intéressé qui cherche sa récompense dans la gloire humaine.

Ce principe est si simple, et en même temps il se justifie si facilement devant la conscience chrétienne que nous sommes tous prêts, sans autre explication, à l’accepter et à dire:

donner pour être vu, c’est de la vanité, c’est de la pure hypocrisie.

Aussi ne pourrait-on guère nous reprocher la choquante ostentation des Pharisiens; et Jésus revenant aujourd’hui sur la terre, n’aurait pas à nous défendre de faire sonner la trompette dans les synagogues ou dans les rues, quand nous faisons l’aumône.

Non, mais peut-être son reproche emprunterait-il une autre forme, et pourrait-il bien nous dire:

N’accordez pas vos dons aux pauvres ou aux œuvres chrétiennes dans le but de faire placer vos noms sur une liste de donateurs.

Ne rendez pas des services à des frères pour avoir ensuite l’occasion d’en parler à d’autres;

ne cherchez pas une compensation aux mépris du monde dans l’approbation d’un petit cercle d’amis.

Ne rêvez pas des œuvres bonnes et grandes pour y attacher votre nom,

ne vous joignez pas à telle ou telle société de bienfaisance, parce qu’il vous en reviendra une part plus ou moins grande de considération.

Si Jésus venait nous tenir ce langage, oserions-nous dire encore que cela ne nous regarde pas?

Cependant si les exemples sont changés, les idées restent les mêmes; c’est toujours la recherche de la gloire humaine.

Étrange résultat que nous tirons parfois des préceptes évangéliques! Ils sont destinés à purifier notre cœur, et nous trouvons le moyen de les faire servir à rendre notre corruption plus grande, en la déguisant un peu mieux, sans l’affaiblir.

Ainsi, quant au secret dont nous devons entourer nos bonnes actions, certes, nous n’aurions pas la maladresse des Pharisiens; mais sous d’habiles précautions, nous n’en visons pas moins à leur but; nous mettons plus de cendre sur le feu de notre orgueilleuse vanité; mais le brasier couvert en est tout aussi vif au fond de notre cœur.

Ainsi, nous appliquons nos prétentions d’estime à d’autres œuvres que celles du monde; mais toujours est-il vrai que nous serions bien fâchés de n’être pas vus, entendus et connus de tels ou tels hommes.

Oui, voilà ce qui paralyse non seulement les progrès de notre sanctification intérieure; mais encore les progrès du règne de Dieu confiés à nos soins, c’est cette recherche de notre nom, quand nous ne devrions chercher que la gloire de notre Dieu.

Aussi Jésus nous dit-il:

VOUS AVEZ DÉJÀ REÇU VOTRE RÉCOMPENSE; vous désiriez être vus des hommes, honorés par vos frères; vous y avez réussi, VOUS ÊTES PAYÉS SELON VOS PROPRES DÉSIRS;

n’attendez donc rien de votre Dieu, vous n’avez rien fait pour lui; son nom et son règne n’ont été entre vos mains que DES INSTRUMENTS POUR SATISFAIRE VOTRE PROPRE AMBITION.

Celui qui dira, en entendant ces paroles, ceci ne me concerne pas, sera bien aveugle, ou pis encore. En tous cas, il est à plaindre, car il ne peut ou ne veut pas voir un cancer qui lui ronge le cœur. «Prenez garde!» peut-on lui dire, comme Jésus.

Mais celui qui reconnaîtra son portrait plus ou moins fidèle dans ces lignes, et qui se frappera la poitrine en même temps qu'il confessera sa faute, celui-là ne sera pas loin du royaume des cieux, puisque

le pardon du Christ est attaché à l’aveu de nos misères et à notre confiance en Lui.

Oui, ayons la franchise de le reconnaître: chrétiens, nous sommes vaniteux même en religion, et nous avons besoin d’apprendre à faire le bien dans l’ombre où les autres vont faire le mal.

Nous avons besoin d’apprendre combien est douce une vie humble, cachée en Christ, ne s’inquiétant que de la volonté de Dieu, et mettant tout son plaisir, comme toute sa gloire, à n’agir que sous son regard.

Il y a là une satisfaction de conscience plus précieuse que toute l’enflure de cœur. Le bien est une fleur qui, dans le secret du cabinet, répand la plus suave odeur; mais qui, portée au grand air, perd tout son parfum.

Gardons-le donc précieusement dans le sanctuaire de notre âme, et Dieu, qui sait ce qui s’y passe, nous récompensera publiquement, devant ses anges, au dernier jour.


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VIIIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU, VI, 19 à 34

Confiance en Dieu

Quelles admirables paroles que celles que nous venons de lire!

Quelle force dans le raisonnement, quelle grâce dans les comparaisons, quelle justesse dans l’appréciation des causes, et surtout quel calme, quelle paix respirent dans cet abandon à la bonne providence de Dieu!

Essayez de répondre à ce que dit ici Jésus, et vous sentirez que ceux mêmes qu’il ne persuade pas n’ont rien à répondre: «Ne vous mettez point en souci pour votre vie,» dit-il.

Remarquons-le bien: défendre le souci, ce n’est pas défendre le travail; au contraire, c’est lui donner plus de temps. Car celui qui travaille avec calme, avancera plus son œuvre que celui dont l’inquiétude agite l’esprit.

Comprenons-le donc: c'est la préoccupation pour l'avenir et non le travail du moment que Jésus condamne. Quand il dit: «A chaque jour suffît sa peine,» il suppose qu’on s’occupe chaque jour, mais SEULEMENT DE L'ŒUVRE DE CE JOUR, et c’est afin qu’on s’en occupe plus et mieux qu’il interdit l’inquiétude pour le lendemain.

D’ailleurs, à tous nos tourments d’esprit que gagnerions-nous?

Tous nos soucis ajouteront-ils une seule coudée, une seule ligne à notre taille?

L’exemple choisi pour nous faire sentir notre impuissance étonne d’abord; car s’il est vrai que l’homme ne puisse pas accroître ou réduire sa stature, faire devenir blanc ou noir un seul de ses cheveux, il a du moins, pense-t-on, une véritable puissance sur la volonté des hommes et sur la direction des événements.

Ce raisonnement n’a qu’une apparence de la vérité.

Pour déterminer tout événement et toute volonté d’homme, il faut, comme pour accroître notre taille, le concours de deux volontés, celle de l’homme et celle de Dieu;

en vain vous plantez ou arrosez, si Dieu ne donne l’accroissement;

en vain vous sollicitez vos frères, si Dieu n’incline leurs cœurs;

en vain vous bâtissez, travaillez, comptez, si Dieu ne bénit l’édifice, le travail et les calculs.

Eh! si nous voulions consulter notre expérience, comme elle confirmerait cette simple réflexion!

Rappelez-vous combien de plans vous avez formés, et combien se sont réalisés!

Reportez-vous seulement à hier, et voyez si vous avez fait aujourd’hui la tâche que vous vous étiez imposée!

Chaque matin nous fixons l’emploi de nos heures, le but de notre course, et chaque soir nous sommes en face de nouveaux mécomptes; nous sommes si bien habitués à tout cela, que nous n’y prenons plus garde, et que le lendemain nous reconstruisons un brillant avenir sur la même base où vingt fois nous avons vu crouler notre passé.

Ramenés par le sentiment de notre impuissance à la source de toute force, combien alors nous trouvons en Dieu de motifs pour nous rassurer: cette stature que nous ne pouvons accroître, c’est Dieu qui l’a donnée et développée; ces cheveux dont nous ne pouvons changer la couleur, Dieu en sait le nombre, et pas un ne tombe sans sa permission.

Si vous voulez des raisons plus persuasives, voyez ce que Dieu fait, même pour les oiseaux de l’air, qui ne sèment ni ne moissonnent, et qui cependant trouvent chaque jour leur pâture.

Ne valons-nous pas beaucoup plus qu’un grand nombre de ces petits oiseaux?

Et si notre Créateur, notre Père prend soin d’eux, combien plus ne prendra-t-il pas soin de nous?

Ces raisons sont si fortes, si simples, si naturelles, qu’elles sont venues se ranger sous notre plume, comme si elles sortaient de notre propre esprit. C’est qu’une fois qu’on les a lues, on ne peut les oublier, on ne peut en donner d’autres, ni même oser, dans la crainte de les affaiblir, en changer l’expression. Aussi tous ceux qui les entendent pour la première, comme pour la centième fois, en sont-ils frappés, et avouent-ils qu’il n’y a rien à répondre.

Pourquoi donc nous mettons-nous en souci du lendemain?

Pourquoi ces inquiétudes si vives sur un avenir qui nous échappe et que Dieu dirigera certainement?

Hélas! Jésus va nous l’apprendre: C’EST QUE NOUS SOMMES «DES GENS DE PETITE FOI;» que tout en reconnaissant en théorie la force de ces raisons, dans la pratique nous agissons à peu près comme si nous n'avions aucune confiance en Dieu; disons plus: comme si Dieu n’existait pas ou avait abdiqué entre les mains de l’homme la direction de l’univers.

C’est quand nous ne savons plus à qui recourir, quand nous avons épuisé nos propres ressources, que dans une espèce de désespoir nous nous écrions en abandonnant l’événement au hasard: «Eh bien! à la garde de Dieu! il en sera ce que Dieu voudra!»

Tristes paroles qui, par l’heure tardive à laquelle on les prononce, prouvent que

NOUS N’AVONS SONGÉ AU SECOURS DE DIEU

QU’APRÈS AVOIR ÉPUISÉ TOUS LES AUTRES.

Aussi le plus souvent succombons-nous, non sous la charge réelle de nos travaux, mais sous le poids écrasant de nos soucis et de nos inquiétudes.

Ô notre Dieu! quelle n’est pas notre incrédulité naturelle, si après avoir tant et tant reçu de toi, nous n’avons pas encore acquis la confiance que tu veilleras sur nous à l’avenir!

Tu nous as créés, et nous ne voulons pas croire que tu nous nourriras!

Tu nous a donné une âme, et nous doutons si tu conserveras notre corps!

Mon Dieu, mon Dieu, apprends-nous à rechercher avant tout le royaume des Cieux et sa justice, sachant bien que tout le reste nous sera donné par dessus.»


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IXe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU VII.

Les perles jetées aux pourceaux

L'Écriture-Sainte renferme quelques paroles dont on a singulièrement abusé pour faire, au nom de Dieu, précisément le contraire de ce qu’il commande.

Ainsi celles de Saint Paul: «Je me fais tout à tous»:

ainsi celles de Jésus dans ce chapitre: «Ne jetez pas les choses saintes aux chiens, de peur que se retournant, ils ne vous déchirent

Si l’on se demande pourquoi c’est de ces préceptes plutôt que d’autres qu’on abuse souvent, la réponse sera facile:

C’est parce que ces préceptes sont des limites posées à nos devoirs, et que dès lors nous sommes heureux de pouvoir nous appuyer sur la Parole divine pour justifier et rapprocher les limites que nous voulons mettre à notre activité.

Aussi est-il rarement nécessaire de presser auprès de nous la nécessité de n’annoncer l’Évangile qu’avec prudence; car nous sommes plus que prudents, nous sommes timides; disons le mot: nous sommes lâches, et si l’on nous le reprochait nous répondrions volontiers: «C’est temps perdu avec de telles personnes; Jésus lui-même nous dit de ne pas jeter nos perles devant les pourceaux

Mais ce passage va-t-il aussi loin que nous voudrions l’étendre?

C’est douteux; expliquons-le donc, en consultant non plus notre désir de repos, mais la Parole de Dieu elle-même.

«Lorsque quelqu’un n’écoutera point vos paroles, dit Jésus à ses apôtres, en partant de cette maison, secouez la poussière de vos pieds contre elle

Voilà sans doute «les chiens et les pourceaux» dont parle l’Évangile; ce sont ceux auxquels on vient donner gratuitement la Parole de salut, et qui ne veulent pas l’écouter.

Mais qu’avaient déjà dû faire les apôtres à leur égard?

Se présenter dans leurs maisons, et leur parler; et ce n’est qu’après que ces auditeurs se seraient bouché les oreilles pour ne pas entendre, que les apôtres devaient se retirer. Oui, voilà le devoir du chrétien: «ANNONCER L’ÉVANGILE À TOUTES CRÉATURES,» et ne quitter la place qu’après avoir acquis la conviction que sa voix n’est pour ceux qui l’entendent qu'une cymbale retentissante; et alors même, il ne se retire que parce que son temps et sa parole peuvent être mieux employés ailleurs.

Aussi Jésus ordonne-t-il à ses apôtres, persécutés dans une ville, de passer dans une autre.

Est-ce là ce que nous faisons?

Non; nous nous retirons avant d’être entrés dans la maison;

nous nous taisons avant d’avoir ouvert la bouche,

et nous décidons d’avance que dans telle occasion nous parlerions en vain.

Mauvaise excuse! Si nous avions pour les vérités évangéliques un amour tel que l’appréhension de les voir profaner nous fit quelquefois garder le silence, le même amour nous porterait plus souvent encore à parler pour les faire connaître et aimer.

Le véritable motif qui nous tient la bouche close, c’est UNE CRAINTE PERSONNELLE, celle de nous compromettre, celle d’être tournés en ridicule, celle prévue par Jésus, dans ces mots: «Quiconque aura honte de moi devant les hommes, j’aurai honte de lui devant mon Père!»

Soyons donc prudents en annonçant l’Évangile autour de nous;

mais pour être prudent dans l’accomplissement d’un devoir,

il faut commencer par l’accomplir.

Taisons-nous, si l’on ne veut pas nous écouter; mais avant de nous taire, parlons, et parlons aussi longtemps qu’on nous écoute.

Le même livre qui nous dit de ne pas jeter nos perles devant les pourceaux, nous dit aussi que la Parole ne peut pas être retenue captive, et que si nous ne parlons pas, les pierres elles-mêmes crieront.

Paul annonçait le salut «en temps et hors de temps;» «de maison en maison,» à l’exemple de son maître et du nôtre qui nous dit de le faire, «tandis qu’il est encore jour.»

On ne peut pas se taire sur ceux qu’on aime;

de l’abondance du cœur, la bouche parle.

Jugeons par là si nous aimons et si nous aimons abondamment Celui qui nous a tant et tant aimés!


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Xe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU VIII, 1 à 17.

La foi grande

Si nous sommes véritablement chrétiens, nous possédons la foi qui donne le salut.

Ce n'est donc pas à l’acquérir que nous avons maintenant besoin d'être exhortés. Mais notre foi est-elle cette foi «grande» dont parle Jésus?

Et si nous n’avons pas cette foi, que faut-il faire pour l’obtenir?

Pour l’apprendre, étudions l’histoire d’un homme qui la possédait.

Dans tout Israël, Jésus n’avait pas vu de foi plus grande que celle du centenier de Capernaüm. Cette foi mérite donc bien d’être étudiée.

Le centenier croit, non seulement que Jésus a la puissance de guérir son serviteur en se rendant auprès de lui, mais encore DE LOIN, en prononçant quelques paroles.

Cette foi est si ferme dans cet homme, qu’alors même que Jésus lui déclare son intention d’aller chez lui pour rétablir son serviteur, le centenier va jusqu’à s’opposer à cette condescendance, qu’il juge superflue, Voilà sa foi dans toute sa grandeur!

Mais d’où procède-t-elle, et d’où vient que le centenier ne permet pas à Jésus de se rendre dans sa maison?

C’est, dit-il, qu’il ne se juge pas digne que le Maître entre chez lui; en d’autres termes, SA GRANDE FOI VIENT DE SA PROFONDE HUMILITÉ.

Dans une autre occasion, en parlant à la Cananéenne, Jésus répète ce qu’il dit ici au centenier: «Ta foi est grande; qu’il te soit fait selon que tu le souhaites.»

Et en quoi cette femme avait-elle montré la grandeur de sa foi?

Sans en être offensée, elle avait vu les apôtres repousser sa personne, Jésus lui refuser une réponse, et plus tard n’ouvrir la bouche que pour la comparer à un chien! Elle aussi avait prouvé la grandeur de sa foi par la profondeur de son humilité.

Voilà pourquoi la Cananéenne et le Centenier ont là foi grande;

et par contre, voilà pourquoi tant de chrétiens ne la possèdent pas; car rien n’est plus rare qu’une sincère humilité.

Sans doute, nous ne sommes pas entrés dans la foi sans avoir senti plus ou moins notre état de péché et nous en être humiliés devant Dieu. Mais, en nous éloignant de ce moment de notre conversion du monde à Dieu, NOUS AVONS INSENSIBLEMENT PERDU CE PROFOND SENTIMENT DE NOTRE CULPABILITÉ.

Nous nous sommes mis à comparer notre nouvelle vie à celle du mondain, et, satisfaits de notre pureté comparative, nous en sommes venus à n’être plus aussi mécontents de nous-mêmes; tandis qu’une véritable humilité nous mettant en présence, non de la conduite du monde, mais de la loi divine, toujours mieux comprise à la lueur de l’Esprit-Saint, nous aurait montré notre vie toujours plus coupable, alors même qu’elle devenait peut-être plus sainte.

Oui, voilà le paradoxe apparent que le chrétien seul peut comprendre, et qui, compris, peut nous faire passer de la foi qui sauve à la foi grande qui sanctifie le croyant déjà sauvé.

En réalité, le chrétien est toujours meilleur, et cependant il se juge avec vérité toujours pire.

Il est meilleur, parce qu’il se détache véritablement des convoitises et des vanités du monde;

et il se sent pire, parce que les lumières du Saint-Esprit pénètrent encore plus vite dans sa conscience que la sainteté dans sa vie;

marche double comparable au flambeau s’approchant, qui éclaire avant de réchauffer.

Voulons-nous donc croître dans la foi?

Décroissons dans notre propre estime.

Il n’y a pas ici d’excès à craindre, nous ne nous verrons jamais aussi petits que nous le sommes; il faudrait pour cela nous placer à la hauteur de Dieu; et comme nous ne le pouvons pas, jugeons de nous par sa Parole, qui nous apprend que l’homme est désespérément méchant, et qui fait dire même à un grand apôtre: Je ne suis qu’un avorton!


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XIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU VIII, 18 à 34.

Le Fils de l’homme n’avait pas un lieu où reposer sa tête

«Les renards ont des tanières, les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l’homme n’a pas un lieu où reposer sa tête.»

Cette parole, lue avec attention, est profondément émouvante; il y a là une peinture si vraie de la vie persécutée et souffrante de Jésus, qu’on se rappelle en même temps et ce peuple qui l'assaille à coups de pierres pour l’avoir instruit, et ces grands qui veulent le mettre à mort pour avoir fait des miracles.

Le Fils de Dieu,

N’avoir pas sur cette terre, dont il est le créateur et le maître, un seul lieu où reposer en paix;

Quitter le ciel glorieux pour la terre maudite;

y semer des bienfaits pour y recueillir la haine;

et quand il a tout fait pour les sauver, recevoir, de la main de ses propres créatures, l’insulte, la flagellation, des crachats et la mort!

Oh! quand on songe à cette vie si pauvre, si humble, si pleine de souffrances, on éprouve un mouvement de honte en se voyant soi-même paisiblement entouré de toutes les douceurs de la vie; on se demande si l’on est bien le disciple d’un maître si dénué des biens de ce monde!

On se demande si l’on peut en conscience nager dans l’abondance, tandis qu’à deux pas de soi tant d’autres souffrent et meurent de misère et de faim?

On n’ose pas répondre à ces questions, on s’endort, on se distrait pour penser à autre chose.

Il est vrai que, tout en restant dans la position sociale la plus élevée, nous pouvons sanctifier cette position en bénissant Dieu de nous l’avoir donnée; mais alors d’autres questions se présentent à la conscience:

Ne devrais-je pas faire disparaître ce luxe qui absorbe le pain du pauvre, sans accroître mon bien-être?

Ne pourrais-je pas me sevrer de ces fantaisies, de ces exigences d’un goût raffiné, auxquelles je ne songerais certainement pas si je ne pouvais pas les satisfaire?

Ne vaudrait-il pas mieux, dût-on me trouver étrange, ressembler moins au monde et plus à Jésus-Christ dans ma demeure, ma table, mes vêtements et mes plaisirs?

Je ne sais ce que chacun peut répondre à ces questions pour se justifier, mais je sais que plus d’une fois elles ont torturé ma conscience!

Il est encore d’autres circonstances où ces paroles de Jésus reviennent à l’esprit: c’est surtout quand on entend les chrétiens SE PLAINDRE de leurs misères, de leurs souffrances, ou même de la privation de telle ou telle petite commodité qui leur eût procuré un sommeil un peu plus doux, une jouissance un peu plus vive.

Plus Dieu verse sur nous de bienfaits, plus nous devenons exigeants; et jamais peut-être n’avons-nous poussé plus de gémissements que dans les moments où nous avions le plus de motifs pour rendre grâce.

Écoutez les conversations, c’est presque toujours des petites misères de la vie, qu’on parle:

ici, d’une légère indisposition;

là, d’une petite contrariété;

ailleurs, d’un peu de pluie ou de vent,

en attendant que le lendemain on se plaigne de trop de calme et de chaleur.

Si du moins on se plaignait de tout cela dans la juste mesure que tout cela mérite, on pourrait se justifier en alléguant que ces plaintes ne sont que l’expression d’une véritable douleur; mais non, on s’en plaint avec une force, avec une amertume qui feraient dire à de plus pauvres ou de plus souffrants, s’ils entendaient ces plaintes: ce sont des blasphèmes!

Ah! regardons, regardons à la vie de celui qui n’avait pas un lieu pour reposer sa tête, et nous trouverons alors notre demeure toujours suffisante;

regardons à sa misère qui lui faisait demander l’hospitalité qu’on lui refuse, et nous nous trouverons alors assez riches.

Comptons les insultes qu’on lui prodigue, les coups qu’on lui inflige, les clous dont on perce ses membres;

regardons-le expirer sur la croix, oubliant ses souffrances et priant pour ceux qui le font souffrir;

alors nous apprendrons à supporter sans plaintes les petits maux qui effleurent notre existence, et à bénir Dieu de nous avoir épargné de plus grandes épreuves.

Nous avons beau arranger notre vie, ici-bas, pour le calme et la joie; il sera toujours vrai que le chrétien doit charger sa croix, suivre son maître et marcher au milieu des persécutions du monde, ou des épreuves envoyées par Dieu lui-même.

Le signe distinctif des chrétiens, c’est la croix!


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XIIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU IX, 1 à 17.

Suis-moi. Obéissance immédiate


Jésus dit à Matthieu: «SUIS-MOI

Sans hésitation ni retard, Matthieu se lève et suit Jésus.

Un autre jour, Jésus avait adressé la même parole à un autre disciple; mais celui-ci avait répondu: Permets-moi d’abord d'aller ensevelir mon père.

Lequel des deux fit mieux?

Matthieu évidemment.

Cependant lequel imitons-nous?

L’autre certainement.

L’excuse de celui-ci était excellente: comment se refuser le temps d’ensevelir son père!

Nos excuses ne sont pas moins bonnes:

Avant de suivre Jésus, nous voulons d’abord gagner notre vêtement et notre pain,

prendre un peu de repos ou de délassement, nous promettant bien de courir sur les traces du Maître, dès que nos affaires seront réglées.

Mais que répond Jésus à ce disciple? «Laisse les morts ensevelir leurs morts; toi, suis-moi.»

Que nous répondrait-il donc s'il était là pour approprier ses paroles à notre excuse: «Recherches d’abord le royaume des Cieux et sa justice; le reste vous sera donné par dessus.»

Aussi notre lenteur à obéir est-elle inexcusable. On ne peut pas nous reprocher de transgresser habituellement la volonté du Seigneur; mais:

Notre lenteur à obéir montre assez combien nous coûte l’obéissance.

On ne peut pas dire que nous ne suivions pas les traces du Sauveur; mais c’est de si loin, qu’évidemment ce n’est pas sans regret ni fatigue.

Nous nous arrêtons, nous nous relevons, et effrayés, nous nous remettons en chemin.

Après quelques pas, nouvelle fatigue, nouveau repos, long assoupissement jusqu’à ce qu’un autre réveil et une autre terreur viennent nous jeter quelques pas en avant.

Telle est notre marche dans la vie chrétienne: pénible, lente, et tortueuse, quand elle ne va pas à reculons!

Ce qui nous séduit et nous trompe, c’est que nous comptons toujours faire le lendemain les quelques pas que nous nous sommes épargnés la veille, et comme le lendemain ne peut avoir soin que de ce qui le regarde, comme déjà toutes ses heures sont prises, il se trouve que la tâche reste arriérée ou s’arrière encore davantage.

Oh! funestes bonnes intentions pour l’avenir! Que de mal vous m’avez fait, que d’heures, de jours, d’années vous m’avez dérobés! Si du moins je pouvais dire que vous ne m’en arracherez plus!

Oui, je veux me défier des beaux projets, comme d’une ruse de Satan. Je veux faire aujourd’hui ce qui peut être fait aujourd’hui, me rappelant bien que LE RENVOYER, CE N’EST QUE VOILER LE REFUS DE L’ACCOMPLIR.

Jamais le chrétien n’est plus heureux que dans la prompte obéissance.

Autant il souffre à marchander avec sa conscience, autant il trouve de joie à partir à son premier ordre.

Dans le premier cas, c’est un esclave qui traîne sa chaîne;

dans le second, c’est un fils qui court en liberté. La joie de l’obéissance le rend léger, lui donne de la force, et dès que Jésus l’appelle de nouveau, il se lève et le suit promptement, comme le fit Matthieu.

Il est probable qu’en donnant à Lévi l’ordre de le suivre, Jésus lui en donna aussi le désir et la force, soit par l’autorité de sa parole, soit par l’inspiration de son Esprit.

Eh bien, ne nous adresse-t-il pas la même parole? «SUIS-MOI?»

Ne nous offre-t-il pas le même Esprit?

Sans doute.

Donc, gardons-nous de croire qu’il y ait entre nos circonstances et celle de Matthieu une opposition qui explique sa promptitude et excuse notre lenteur.

C’est le même Jésus qui nous parle; son ordre nous a été conservé précisément par ce même apôtre; non sans doute comme un simple souvenir à conserver, mais encore comme un précepte à suivre.

Enfin c’est le même Esprit qui dans ce moment presse notre conscience de suivre Jésus et de lui obéir avec promptitude. Dire que cet ordre: «SUIS-MOI,» et cet exemple: «IL SE LEVA ET LE SUIVIT,» ne nous concernent pas nous-mêmes et ne nous sont pas applicables à l’instant, ce serait encore une de ces subtilités raisonneuses qui prouvent précisément ce qu’elles veulent cacher:

notre manque d’obéissance, notre paresse, notre lâcheté.

Jésus ne demande qu’une preuve, il nous dit: «Suis-moi.» Sans répondre, levons-nous et marchons!


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XIIIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU IX, 18 à 38.

Le paralytique descendu par les toits

Une lecture attentive de la Bible fait découvrir au croyant une foule de preuves de sa divinité qui échappent à l’incrédule. En voici deux exemples puisés dans ce chapitre:

1. Quand le paralytique vient demander la guérison de son corps, Jésus lui dit: «Tes péchés te sont pardonnés.»

2. Lorsque la femme malade depuis douze ans s’approche pour être guérie d’une perte de sang, le Sauveur lui dit: «Ta foi t’a sauvée.»

C’est-à-dire que, dans les deux cas, c’est une guérison physique qu’on demande au Sauveur, et que dans les deux cas, C’EST UN BIEN SPIRITUEL QU’IL ACCORDE: à l’un, le pardon de ses péchés, à l’autre, le salut.

À la première lecture de ce passage, un incrédule s’étonnerait sans doute de voir Jésus accorder tout autre chose que ce qu’on lui demande.

À première vue, un chrétien éprouvera peut-être l'étonnement contraire en voyant les malades ne pas demander tout d’abord au Sauveur le pardon de leurs péchés. Mais qu’on y réfléchisse, et l’on sentira la convenance parfaite qui existe, au contraire, entre les deux conduites attribuées ici aux divers personnages.

N’est-ce pas, en effet, le propre de l’homme de songer avant tout à son corps?

Et n’est-il pas, au contraire, digne de la Divinité de s’occuper premièrement du salut des âmes?

Ici, l’homme pense en homme, fait une demande d’homme;

mais Jésus pense en Dieu, et fait une réponse de Dieu.

Toutefois, l’évangéliste ne fait aucune remarque à cet égard; il semble même ne s’être pas aperçu de la différence entre l’objet de la demande et celui de la réponse, évidemment il n’est qu’historien.

Un inventeur, pour relever le mérite de son héros imaginaire, n’aurait-il pas, au contraire, dit que Jésus exauça de suite les prières qu’on lui faisait et non des demandes qu’on ne lui adressait pas? Sans doute. Mais Matthieu, sans se préoccuper de tout cela, raconte simplement ce qu’il a vu.

Si par le naturel de son récit, la justesse de ses caractères, la candeur de sa parole, il révèle un Dieu, c’est sans l’avoir cherché; c’est le pur et simple résultat de la réalité des faits; c’est que LA VÉRITÉ PORTE AVEC ELLE SON INIMITABLE CACHET.

Cette double disposition, du côté de Jésus, à se préoccuper avant tout des biens éternels, et du côté de ceux qui s’approchent de lui à rechercher au contraire les biens de ce monde, se retrouve du reste à chaque page de l’Évangile.

Voyez quelle foule innombrable de malades viennent ou sont apportés à Jésus, tandis que dans ce même livre on ne trouve que les rares exemples d’une Madeleine pleurant sur ses péchés, et d’un brigand demandant à Jésus de se souvenir de lui après sa mort!

Voyez les troupes demander le pain qui périt, les Apôtres, eux-mêmes, s’informer de l’époque d’un règne terrestre; tandis que le Fils de Dieu ramène toujours les pensées vers le ciel, et prend occasion du monde matériel pour rappeler le monde invisible:

le puits de Jacob le conduit à parler de l’eau jaillissante en vie éternelle;

le pain distribué au peuple l’amène à l’entretenir de la nourriture qui ne se corrompt pas;

et toujours dans sa parole le ciel se substitue à la terre, l’éternité au temps, l’esprit à la matière, comme on doit l’attendre d’un être qui, descendu du bienheureux séjour, se trouve, ici-bas, en terre étrangère, l’esprit préoccupé et le cœur rempli de ce qu’il a vu de toute éternité.

Telles sont les preuves nombreuses, mais souvent cachées, que la Bible nous donne de sa divine origine. Semblable à la terre stérile aussi longtemps qu’on la laisse inculte, féconde dès qu’on la laboure, ce saint volume n’est qu’un livre insipide pour le lecteur dédaigneux qui le feuillette, tandis que fouillé par le fidèle, il produit en abondance des fruits savoureux qu’une main divine a pu seule y déposer.

On peut dire même que la Bible donne à chacun ce que chacun lui demande: des armes à l’incrédule, comme un bouclier au croyant.

C’est donc à nous à la lire, non pas sans doute, avec un cœur séduit et des yeux fermés, mais dans un esprit de prière et avec le désir de trouver la vérité.



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XIVe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU X, 1 à 20.

Prudent comme le serpent, simple comme la colombe


«Soyez prudents comme des serpents, et simples comme des colombes.»

On cite souvent ces paroles; mais presque toujours pour justifier sa prudence et bien rarement pour s’exhorter à la simplicité. On ferait beaucoup mieux en faisant le contraire.

Ce qui nous manque, ce n’est pas la prudence, c’est la simplicité; à tel point, que l’usage excessif de la première nous fait manquer aux règles de la seconde.

Nous portons cette prudence jusque dans les choses de Dieu, et là jusqu'à l’excès; nous voulons parer à toutes les difficultés, lever tous les obstacles, sans examiner si peut-être ils ne viennent pas du Seigneur, ou si nos moyens pour les combattre sont bien légitimes.

Oh! nous sommes prudents, trop prudents; mais d’une prudence qui effrayerait des cœurs plus candides, et bien différente de celle de Jésus.

Cependant la simplicité n’est pas moins recommandée que la prudence, elle n’est pas moins en harmonie avec le caractère de celui dont la parole doit toujours être oui ou non.

Ce n’est pas pour rien, sans doute, que cette simplicité nous est présentée dans la Bible sous la même image que le Saint-Esprit.

Oui, l’Esprit de Dieu est simple, droit, naïf; lisez plutôt les pages de l’Évangile, écrites sous sa dictée.

Aussi, voyez comme cette simplicité de la Parole de Dieu lui gagne le cœur; comme elle donne confiance à la vérité de ses récits; comme elle subjugue, avec le temps, les esprits les plus prévenus, et conduit, sans autres preuves, l’incrédule à la foi, le blasphémateur à la sainteté.

Pourquoi donc ne pas imiter ce que nous admirons?

Pourquoi nous cuirasser de précautions, nous envelopper de silence, ne marcher qu’au milieu de détours, et peut-être de ruses, lorsque nous voyons Dieu, par des moyens tout opposés, atteindre le même but?

Nous rendrions ainsi notre christianisme recommandable dans le monde, et lui ouvririons les cœurs en parlant nous-mêmes à cœur ouvert.

Oui, ayons plus de confiance dans la cause de la vérité, si du moins c’est bien elle que nous défendons.

Ne prétendons pas être plus zélés que Dieu, plus chrétiens que Christ; quand notre maître veut que son œuvre éprouve un échec entre nos mains, acceptons ce revers comme mérité par nous, et nous réservant peut-être la réussite pour plus tard.

Soyons simples, droits, sincères, quoi qu’il arrive, et laissons à Dieu le soin de veiller sur les conséquences de notre droiture et de notre sincérité.

Eh! combien il y a plus de charmes dans cette ouverture de cœur; plus de plaisir dans cette main tendue et serrée, plus de bonheur dans cette parole droite, souriante et simple que dans tous ces efforts, pour voiler une vérité qu’on croit nuisible; dans toutes ces politesses affectées, qui ne trompent personne; dans toutes ces exagérations du sentiment qui ne servent qu’à faire soupçonner son absence.

Ah! si le prudent selon le monde, pouvait apprendre comment on le juge, comme il se hâterait d’être simple selon l’Évangile, même en vue de son intérêt.

Toutefois, ce n’est pas un calcul que Christ nous propose; car ce serait encore de la prudence, et la pire de toutes: la prudence de l’hypocrisie.

Soyons donc simples, non par habileté,

mais par confiance en Dieu et par amour pour la vérité.


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XVe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU X, 21 à 42.

Haine du monde pour le chrétien


À première vue, cette prédiction de Jésus à ses disciples: «Vous serez haïs de tous, à cause de mon nom,» est véritablement étrange.

On se demande comment les chrétiens, appelés par leur maître, à aimer tous les hommes et à leur faire du bien, pourront, par là même, s’en faire haïr. Mais quand la réflexion, s’aidant de l’expérience, vient apprécier cette triste prévision, on reconnaît que rien n’est plus fondé.

Le chrétien parle de foi, de pardon, de sainteté, et l’inconverti, pour qui toutes ces choses sont antipathiques, s’ennuie, se fatigue, s’irrite à les entendre seulement nommer.

Le fidèle, garda-t-il le plus profond silence, que sa vie pure et sainte, mise en face des souillures du monde, suffirait pour irriter celui qu'elle condamne par ce contraste.

La vue seule des vertus chrétiennes est pénible à supporter pour qui veut rester dans le vice; c’est un miroir qui lui montre la laideur de son visage; c’est un soleil qui fait ressortir les taches de sa vie; et comme cette laideur, ces taches morales plaisent à ce pécheur, il faut bien qu’il haïsse celui dont la foi et la pureté chrétiennes pressent sa conscience d’incessants aiguillons.

Aussi, Christ lui-même, ses Apôtres, les chrétiens des premiers siècles et tous ceux qui après eux ont voulu vivre et parler selon la piété ont-ils été profondément haïs par ce monde qu’ils voulaient convertir.

Maintenant, si nous faisons un retour sur nous-mêmes, chrétiens du XIXe siècle (et du XXIe), nous reconnaîtrons qu’en général le monde ne nous hait pas; nous vivons avec lui en assez bonne intelligence: il nous voit, il nous sourit; comme à notre tour nous lui accordons nos visites et nos sourires.

Pourquoi cela?

Il est bien à craindre que cette dernière supposition ne soit la plus exacte, surtout quand on remarque les précautions que nous prenons pour être chrétiens dans la société, le silence dans lequel nous tenons notre foi, le calme de notre action évangélique, notre disposition à nous décharger, sur une association, de notre devoir personnel de travailler à l’extension du règne de Dieu.

Aussi, notre christianisme, renfermé dans le secret de notre cœur, d'où il ne sort guère que pour se manifester dans le sanctuaire du cercle étroit de nos amis, notre christianisme passe-t-il inaperçu de la multitude; comment donc pourrait-il la blesser?

Notre vie chrétienne s’harmonise doucement avec celle du monde; comment pourrait-elle lui faire honte et nous en faire haïr?

Non, c’est impossible, et si parfois nous sentons la haine de ce monde, c’est pour des motifs tout autres que celui de notre fidélité.

Il faut le dire ici: chacun de nous a sur les doctrines de l’Évangile, ou sur les formes de l’Église, sa petite idée particulière, et dès lors favorite. S’il se tait habituellement sur les points essentiels de la foi, du moins sur ce point secondaire, est-il plein de feu et de courage.

Le monde, plus clairvoyant que les chrétiens ne le jugent, s’aperçoit bien vite de ces faiblesses, et quand il se trouve en face de ses frères en incrédulité, le monde tourne en ridicule l’importance qu’il nous voit attacher à telle opinion spéciale, parce qu’il ne la lie pas avec les grandes doctrines par nous sous-entendues.

Il se persuade (et nous contribuons beaucoup à former cette persuasion) que nous faisons de ce point un point fondamental, une condition de salut; dès lors, trouvant notre prétention déraisonnable, il s’absout lui-même de ne pas y souscrire; et, à la faveur de sa critique fondée à l’égard de notre christianisme si compliqué, il rejette le christianisme si simple de Jésus-Christ.

Nous insistons: lui, nous résiste; nous revenons à la charge, pressant l’importance, la nécessité de notre schibboleth; et le monde, fatigué, harcelé, finit par nous haïr; non à cause du nom de Jésus, mais à cause du nom que nous avons voulu y ajouter. C’est alors que, nous drapant en victimes, nous nous appliquons, mais à tort, la déclaration de Jésus: «Réjouissez-vous et tressaillez de joie

Effaçons-nous devant le soleil évangélique, et laissons à ses rayons toute leur force pour pénétrer dans les cœurs.

Comme Jean-Baptiste, diminuons afin que le Maître croisse, et prenons garde de ne pas être une pierre d’achoppement pour les faibles s’approchant de l’Évangile de Jésus-Christ.


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XVIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU, XI.

Mon joug est doux


«Mon joug est doux.»

Il semble d’abord qu’il y ait contradiction dans les termes de cette affirmation, et qu’un joug ne puisse jamais être une chose douce à porter. Mais examinons de plus près cette parole et nous la trouverons d’une justesse admirable.

Qui que vous soyez et quoi que vous fassiez, un joug pèsera inévitablement sur votre vie:

le joug de la conscience, si vous cédez à la passion;

le joug de la passion, si vous suivez la conscience.

Ces deux forces tirent en sens contraires et l’on ne peut obéir à l’une, sans être déchiré par l’autre.

Voilà ce dont chacun de nous a fait la double expérience; le plus méchant sent encore l’aiguillon du remords, comme le plus saint lutte encore contre de mauvais penchants.

Mais de ces deux jougs, lequel est le plus pesant, même à ne tenir aucun compte de l'Évangile?

Celui de la conscience, répond l’homme que la tentation sollicite au mal; mais dès qu'il a cédé, il change lui-même de langage, et confesse combien lui pèse le joug de sa passion.

Consultez encore les vieillards, les hommes d’expérience, les sages de tous les temps, tous vous diront que tôt ou tard le pécheur gémit et pleure sous le fardeau de ses souvenirs; tous vous diront que la plupart des méchants meurent en regrettant de n’avoir pas mieux vécu; tandis que pas un homme consciencieux ne regrette en mourant d’avoir résisté aux mauvaises suggestions.

En sorte qu’on pourrait déjà dire que:

Comparé au lourd fardeau du mal,

le joug de la conscience est facile à porter.

Mais si cela est vrai du joug de la conscience, juge strict et sévère qui ne parle qu’au nom d’une inflexible loi, combien plus cela sera-t-il reconnu juste du joug,

de Jésus, maître doux et humble de cœur,

de Jésus qui pardonne, de Jésus qui appelle et dit: «Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés

De Jésus qui, fait homme, a connu nos épreuves et partagé nos douleurs;

de Jésus qui ne nous charge pas au-delà de nos forces et qui soulève le fardeau avec nous;

de Jésus qui ne nous commande pas au nom de son droit, mais qui nous prie au nom de son amour, et dont tous les ordres reviennent à cette exhortation: «Aimez-vous comme je vous ai aimés, moi qui donne ma vie pour vous

Qu’on nous dise en quoi ce joug pourrait être encore allégé.

Êtes-vous faibles dans la foi?

Jésus ne vous oblige pas de courir dans ses sentiers, il vous dit d’y marcher et d’y prendre des forces.

Êtes-vous pauvres? Jésus n’exige de vous ni or ni argent; il vous demande ce cœur que vous pouvez lui donner, tout aussi bien que le riche.

Avez-vous comblé la mesure du péché, et votre conscience crie-t-elle justice et condamnation? Jésus vous répond: pardon et grâce.

Graciés et pardonnés, retombez-vous encore de loin en loin, sur la voie étroite de la vie chrétienne? Jésus vous relève et vous pardonne encore; il oublie le passé, porte vos regards vers l’avenir, et vous offre les secours de son Esprit pour raffermir vos pas sur cette voie difficile.

Que pourriez-vous demander de plus?

Rien sans doute; et cependant Jésus fait plus encore: il vous donne une satisfaction intérieure, une paix, une joie dans l’accomplissement du devoir sur lesquelles vous n’aviez pas compté.

Sans doute, la chair lutte encore, mais l’âme lui résiste avec calme; la passion parfois se réveille, mais l’Esprit de Dieu triomphe, et votre vieil homme, affaibli par ces défaites successives, succombe enfin dans cette lutte toujours plus inégale et pour vous toujours plus facile.

Voilà pourquoi le chrétien peut dire avec vérité le joug de mon maître est doux et son fardeau léger.

Courage donc, ces combats, de jour en jour moins pénibles sur la terre, prendront fin dans les cieux.

Alors l’un des deux principes, la passion sera détruite; l’amour du bien seul nous possédera et se développera dans notre âme.

Alors, être saint ne sera plus pour nous un joug, mais un bonheur.

Alors nous comprendrons, par expérience, ces extases des saints hommes de la Bible, qui nous parlent de leurs joies à faire la volonté de Dieu avec un enthousiasme qu’aujourd’hui peut-être nous avons peine à comprendre, mais que nous jugerons tout simple lorsque dans le ciel la passion aura cessé de tyranniser nos cœurs.

Sur la terre la volonté de Dieu, bien que douce et facile, reste encore un joug; mais dans le ciel la volonté de Dieu ne fera qu’une avec notre volonté.

En attendant, veillons et prions.


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XVIIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU XII, 1 à 21.

Je veux la miséricorde et non le sacrifice


«Je veux la miséricorde et non pas le sacrifice.»

Cette parole nous peint très bien et d’un seul trait ce que Dieu demande de l’homme; d’abord, ce ne sont pas des sacrifices, des holocaustes de boucs ou de taureaux; ce ne sont pas des observations de jeûnes ou de fêtes; ce ne sont ni un culte extérieur, ni des actes matériels; mais bien:

Les sentiments de notre cœur, l’amour pour Lui, pour nos frères, et le dévouement qui en découle.

«Le sacrifice que Dieu aime, dit le Psalmiste, c’est un cœur brisé et repentant.»

«Quand même je donnerais tout mon bien aux pauvres, ajoute Paul, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien.»

Ainsi d’un bout à l’autre bout de la Bible, retentissent des échos de cette parole: «Je veux la miséricorde et non pas le sacrifice

Cette vérité est devenue si élémentaire pour le chrétien, qu’il serait superflu d’insister ici pour la faire mieux comprendre: et cependant notre nature humaine nous porte si fortement vers la religion de sacrifices, que sans nous en douter, nous perdons bien souvent de vue celle qui nous demande la miséricorde.

De même que la pierre lancée dans les airs, tend par son poids à retomber en terre, notre âme élancée vers le ciel par l’Évangile de grâce, tend toujours à redescendre vers le culte matériel et l’action terrestre, perdant peu à peu l’esprit qui devrait les inspirer.

Stricts observateurs du sabbat, comme les Pharisiens peut-être, nous interdisons-nous jusqu’au froissement d’un épi de blé, tandis que comme eux, nous épions pour en médire ceux qui se permettent d’y toucher.

Nous montons au temple, poussés par l’habitude ou le devoir, et non par l'esprit de Dieu;

dans notre culte domestique, nous ployons le genou, nous lisons des lèvres, écoutons de l’oreille, mais le cœur assez libre pour suivre tout autres pensées.

Parfois, nous versons l’aumône pour le pauvre auquel une visite, un mot de compassion auraient encore fait plus de bien.

C’est ainsi que nous accomplissons la lettre, tout en échappant à l’esprit; et que nous donnons en sacrifice notre temps, notre argent, nos aises, TOUT EN REFUSANT NOTRE CŒUR.

Il faut bien nous le dire: tout cela, c’est de la forme; tout cela, c’est du bruit; tout cela, ce n’est rien!

Nous ferons beaucoup mieux,

en agissant moins, et en veillant plus sur nos intentions.

À l’avenir observons-nous avec tant de vigilance que nous ne fassions pas un geste, ne disions pas un mot qui ne soient la traduction fidèle de nos pensées.

Peut-être alors notre action et nos paroles n’auront-elles pas une grande portée; mais par cela même nous serons arrachés au danger de prendre l’écorce pour le fruit, la forme pour le fond, la mort pour la vie. Alors, comprenant mieux ce qui nous manque, nous pourrons mieux le demander.

Le plus difficile pour nous, c’est peut-être de reconnaître aujourd’hui notre pharisaïsme. C’est un reproche que nous aimons tant à faire aux autres, que nous sommes bien loin de supposer que nous l’ayons mérité.

Ouvrons donc les yeux à la clarté qui les blesse, prêtons l’oreille au cri qui la déchire; l’important, c’est de voir la lumière et d’entendre la vérité; voici ce qu’il faut avoir le courage de confesser.

Nous, chrétiens, nous avons notre pharisaïsme tout aussi bien que ceux, qu’en dehors de la vraie foi, nous appelons Pharisiens.

Le nôtre, pour être subtil, n’en existe pas moins; la meilleure preuve en sortira de notre vie de croyants: depuis des années nous prions Dieu de nous sanctifier; si toutes nos prières ont été des requêtes de notre cœur et non pas un vain bruit de nos lèvres, comment se fait-il que nous soyons aujourd’hui si peu avancés dans la sainteté?

Depuis des années nous lisons la Parole de Dieu; si toutes lectures bibliques sont tombées sur notre cœur, comme autant de bons grains sur un terrain bien préparé, et non sur le grand chemin de notre intelligence, comment se fait-il que si peu de ces grains aient levé et porté des fruits?

Dieu n’exauce-t-il donc pas les prières?

Sa Parole retourne-t-elle à lui sans effet?

Non! non! mais nos prières n’ont été le plus souvent que de vaines redites; nos lectures que de vaines formalités, et en les faisant les unes et les autres nous avons été de véritables Pharisiens.

Nous avons prié des lèvres, écouté de l’oreille, tout en fermant les avenues de notre âme; et nos études évangéliques, il faut le dire, nous ont donné plus la couleur que le fond du chrétien.

C'est toujours le sacrifice, rarement, bien rarement la miséricorde.

Mon Dieu aie pitié de nous! Tu vois notre misère, nous périssons, si tu ne nous sauves! Viens, Seigneur, viens à notre secours, et que ton Esprit renouvelle notre cœur après avoir renouvelé notre entendement!


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XVIIIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU XII, 22 à 50.

Le péché contre le Saint-Esprit


Qu’est-ce que le péché contre le Saint-Esprit que Jésus nous dit ne pouvoir être pardonné, ni dans ce monde, ni dans l’autre?

La réponse se trouvera dans les circonstances qui ont provoqué cette déclaration.

Jésus par sa simple parole guérit un sourd-muet, en présence de la foule; on peut supposer qu’il avait en vue, non seulement le soulagement du malade, mais encore la conversion des témoins du miracle, et que ce prodige était un moyen employé par le Saint-Esprit, pour porter les hommes à la foi.

Mais les Pharisiens, plutôt que de se rendre à l’évidence, attribuent cette guérison miraculeuse à l’influence de Satan.

Alors Jésus les réprimande, les confond, les condamne, et termine en déclarant que le péché contre le Saint-Esprit ne sera jamais pardonné.

Le péché contre le Saint-Esprit est donc celui dans lequel ces Pharisiens viennent de tomber: on ne comprendrait pas sans cela pourquoi Jésus en parlerait dans ce moment.

Ainsi, résister à l’influence divine qui, d’une manière ou d’une autre veut nous éclairer, et pousser cette résistance jusqu’à rendre l’œuvre de Dieu inutile, tel est le péché contre le Saint-Esprit.

En d’autres termes, pécher contre le Saint-Esprit,

C’est fermer les yeux à la lumière,

c’est repousser le pardon;

C’est refuser le salut,

Et par conséquent, rester sous la condamnation.

Est-il étonnant qu’un tel péché ne puisse être pardonné?

S’il en était autrement, l’homme pourrait continuer à vivre dans le mal et entrer dans le Ciel, encore couvert de ses iniquités; il pourrait rester incrédule et jouir des bénéfices de la foi: il serait pardonné et sauvé malgré lui.

Une comparaison éclairera cette pensée: un homme dépérit chaque jour sous l’influence délétère d’une boisson qu’il affectionne. Un médecin l’en avertit et lui offre un remède infaillible; le malade refuse: est-il étonnant qu’il meure?

De même, l’homme boit chaque jour le péché, comme de l’eau. Jésus, médecin des âmes lui offre son Esprit, pour le purifier. Le pécheur refuse: est-il plus surprenant qu’il reste condamné?

Toutefois, l’un et l’autre veulent justifier leur étrange conduite; et alors le malade dit que le remède est un poison, le Pharisien répond que l’Esprit du Seigneur est l’esprit de Satan, tous deux refusant ainsi le salut, doivent donc nécessairement succomber.

Ce péché irrémissible est donc celui de tout homme, qui, sollicité par la grâce à se convertir, repousse cet appel et reste sous la condamnation.

Ainsi, les chrétiens, déjà convertis et sauvés, ne sauraient le commettre.

Mais qu’ils y prennent garde, un autre danger les menace à côté de ce précipice fermé. L’Esprit de Dieu, après avoir fait accepter la grâce unique du salut, offre les grâces successives de la sanctification, qu’on peut plus ou moins repousser.

Le salut est le même pour tous les élus: c’est le passage de la mort à la vie, mais les élus se sanctifient à différents degrés, comme des êtres organisés avec plus ou moins de force et de santé, continuent également à vivre.

Maintenant si nous venons à nous, nous pourrons dire, peut-être, que nous n’avons pas repoussé le pardon qui du pécheur perdu fait le chrétien sauvé.

Mais, pouvons-nous en dire autant de tous les secours que l’Esprit de Dieu nous a offerts, pour nous rendre toujours plus conformes à Jésus-Christ?

Non; dans ce sens nous péchons chaque jour contre l’Esprit-Saint; nous le contristons; nous l’éteignons en nous; nous le chassons de son temple.

Ce péché ne va pas à la mort, c’est vrai; mais il retarde nos progrès dans la vie spirituelle, et ainsi nous tiendra dans le Ciel, à une plus grande distance du trône de notre Dieu. «Il y a plusieurs places dans la maison de notre Père;» la nôtre pourrait bien être tout près de la porte!

On peut être sauvé, dit Saint Paul, «comme au travers du feu!»

Notre salut accompli, il reste donc encore sous l’influence de l’Esprit un vaste champ à notre activité.

Pécheurs pardonnés et sauvés, réjouissons-nous à la pensée «qu’il n’y a plus pour nous de condamnation;», mais en même temps, «TRAVAILLONS à notre salut, avec crainte et tremblement.»

Travaillons tandis qu’il est jour, car le temps vient où nous regretterons, en vain, d’avoir perdu un jour, une heure, un seul instant!


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XIXe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU XIII, 1 à 23.

Pourquoi Jésus leur parle-t-il en paraboles?


«Pourquoi leur parles-tu par paraboles?» disent les Apôtres à Jésus.

«Afin, répond le maître aux disciples, que vous, vous compreniez et que ceux du dehors ne comprennent pas

Le langage de Christ est donc clair pour les uns, et inintelligible pour les autres.

Cependant, remarquons-le bien: les paroles en sont exactement les mêmes pour les deux classes d’auditeurs, comme aussi les intelligences qui les admettent ou les repoussent, sont de même nature et de même portée.

Comment se fait-il donc que des esprits si semblables reçoivent si différemment les mêmes enseignements?

Comment se fait-il que l’Évangile apparaisse aux uns comme la sagesse de Dieu, et qu’il soit pour les autres folie et scandale?

C’est, nous dit ailleurs Jésus, que Dieu «cache aux intelligents et aux sages ce qu’il révèle aux petits enfants

Mais cette explication ne fait qu’accroître la difficulté: pourquoi Dieu se cache-t-il aux intelligents et aux sages, et se révèle-t-il aux petits enfants?

Le voici: les sages dont il s’agit ici sont les hommes qui s’estiment tels et qui ne le sont pas, car SAINT PAUL OPPOSE LEUR SAGESSE À LA SAGESSE DE DIEU; et les petits enfants dont il est question dans ce passage, sont les hommes qui se font petits, car Jésus dit que ressembler à un enfant, c’est devenir humble comme lui. En sorte qu’en substituant aux expressions sages et petits enfants, ce qu’elles signifient, vous aurez cette pensée:

Dieu se cache aux orgueilleux qui se prétendent sages,

et il se révèle aux humbles qui se sentent petits enfants.

Eh! en effet, pourquoi Dieu donnerait-il son Esprit de lumière à celui qui se croit assez intelligent pour comprendre par lui-même?

Un tel homme ne peut pas le demander, et par conséquent pas le recevoir. D’ailleurs, comment un homme qui est sage à ses propres yeux, un homme content de lui-même, un homme plein de sa propre justice, pourrait-il saisir une doctrine qui l’humilie afin de le sauver?

C’est impossible; son esprit n’est pas tourné de ce côté; en vain la Parole de Dieu l’y pousse; lui, fait effort pour s’en détourner.

Aussi, pour les plus illustres philosophes, la Bible a-t-elle eu de grandes clartés et des obscurités profondes, et l’un d’eux a-t-il pu dire; «l’Évangile a des caractères de vérité grands, frappants, inimitables,» et ajouter aussitôt: «avec tout cela cet Évangile est plein de choses incroyables

Oui, l’Évangile était incroyable pour un homme trop satisfait de son intelligence et de sa moralité pour se persuader que son cœur fût mauvais, sa vie pécheresse, et qu’il n’y eût de salut pour lui que dans la grâce et le pardon.

Oui, en même temps cet Évangile était frappant de vérité pour ce même écrivain, quand il ouvrait sa conscience, instinct divin, à l’influence des beautés morales inspirées par le Saint-Esprit.

Mais si Dieu, par la nature des choses mêmes, ne peut se révéler à ceux qui ne pensent pas avoir besoin de son secours et de sa révélation, comment n’aurait-il pas compassion d’êtres faibles et ignorants, confessant leur ignorance et leur faiblesse, et lui demandant de les éclairer et de les fortifier?

Leur humilité n’est-elle pas le plus touchant motif que puisse émouvoir le cœur d’un Père?

Leur humilité ne sera-t-elle pas le plus puissant ressort pour les pousser à la prière?

Et s’ils prient, Dieu leur refusera-t-il de les entendre?

«Si nous, tout méchants que nous sommes, nous savons donner de bonnes choses à nos enfants, combien plus notre Père céleste ne donnera-t-il pas son Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent!»

Voulons-nous donc avancer dans l’intelligence de la Bible?

Abaissons-nous; que nos genoux fléchissent, que notre tête s’incline; nous sommes devant le Dieu qui fait grâce aux humbles et se révèle aux petits enfants.


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XXe MÉDITATION

Lisez MATTHIEU XIII, 24 à 58.

Quelle est l’origine du mal


La question que les serviteurs adressent au père de famille: «Seigneur, n’as-tu pas semé de la bonne semence dans ton champ; d’où vient donc qu’il y a de l'ivraie?»

Cette question est au fond celle qui, depuis six mille ans, fait le tourment de tous les philosophes: comment se fait-il que cet univers, où la bonté de Dieu brille à chaque pas, porte en même temps des traces de mal et de désordre?

L’explication la plus habituelle des sages du siècle est celle-ci: «nos maux viennent des limites de notre être; ils étaient inévitables dans la création du meilleur des mondes possibles.»

Ce qui revient à dire que Dieu lui-même est imparfait et borné dans sa puissance, car nous concevons un mieux qu’il n’a pas su réaliser.

Le christianisme résout la difficulté d’une toute autre manière; il nous apprend que:

L’ivraie a été semée dans le champ par l’ennemi de nos âmes, par Satan.

Cet être malfaisant, principe du mal, dont il est ici question, est mentionné dans mille autres passages de la Parole de Dieu.

C’est le Serpent qui séduit nos premiers parents, en Éden;

c’est le Tentateur de Christ au désert;

c’est le Malin dont nous prions Dieu de nous délivrer dans l’Oraison dominicale;

c’est le Diable qui entre dans le cœur de Judas;

c’est le Lion rugissant qui rôde autour de nous;

enfin, c’est l’Ange déchu qui doit être au dernier jour lié pour une éternité.

Donc, d’après la Bible, indubitablement il existe un être qui s’oppose aux desseins de Dieu, veut notre malheur et y travaille avec une persévérance et une adresse diaboliques: il existe un être qui se nomme Satan!

Et lors même que la Parole de Dieu ne nous l’aurait pas appris, n’aurions-nous pas trouvé la triste preuve de son existence dans l’étude de notre cœur?

Hélas, avouons-le, l’existence de Dieu n’est pas plus clairement établie par les merveilles de la création que l’existence de Satan par les tempêtes soulevées dans notre âme.

Si Satan n’existe pas, d’où nous viennent donc ces idées mauvaises, tombées subitement dans notre esprit, sans que nous sachions ni pourquoi, ni comment?

D’où nous viennent ces tentations auxquelles nous résistons ou succombons, mais que dans tous les cas nous sentons bien distinctes de nous-mêmes?

Comment nous expliquer en nous cette volonté double et simultanée?

Comment se fait-il, si nous sommes seuls dans notre cœur, que nous aimions le bien en même temps que nous faisons le mal, et qu’ainsi notre volonté et notre action aillent en sens contraires?

N’avez-vous jamais senti une force étrangère, puissante, vous pousser, et porter votre main et vos yeux vers une convoitise en même temps que votre conscience prononçait votre condamnation?

Et cependant n’avez-vous pas accompli ce mal, malgré votre conscience, malgré vos efforts, je dirai presque malgré votre volonté?

C’est vous qui avez cédé, c’est vrai; mais n’est-il pas aussi vrai que vous vous sentiez attirés?

Quand vous avez surmonté la tentation, n'est-elle pas revenue le lendemain? Et une, deux, trois fois vaincue, n’a-t-elle pas triomphé au moment où vous vous y attendiez le moins?

Oui, vous comme moi, moi comme vous, nous avons senti Satan se glisser dans notre âme, nous suggérer des pensées qui nous faisaient frémir, et cela au milieu même de nos plus saintes occupations.

Oui, nous l’avons vu nous caresser jusqu’à l’accomplissement de son désir, alors se retirer en ricanant et nous laisser en proie à la honte et au remords.

Si ce n’est pas Satan qui fait cela, qui est-ce donc?

Est-ce nous, ayant à la fois deux volontés et deux désirs opposés?

Est-ce Dieu qui nous pousse au mal après nous avoir prescrit le bien?

Non, c’est l’ennemi de nos âmes, c’est Satan en personne.

Il faut donc bien nous le dire, et dans cette pensée nous puiserons un nouveau motif pour résister à la passion: quand une mauvaise pensée s’empare de nous et nous tourmente jusqu’à ce que nous l’ayons accomplie, disons-nous que ce n’est pas notre volonté que nous faisons, mais celle de Satan:

nous devenons son ouvrier, et son ouvrier pour travailler contre nous-mêmes;

nous devenons son complice, et son complice pour nous enfoncer un poignard dans le sein.

Ce n’est pas à nous, c’est à lui que nous obéissons; ce n’est pas notre volonté, c’est la sienne que nous suivons; en sorte qu’en abandonnant le service de Dieu, nous ne recouvrons pas notre liberté, mais nous entrons au service de Satan!

Secouons donc un joug honteux, que nous n’avons peut-être toléré jusqu’à ce jour que parce que nous avons cru faire notre propre volonté, et:

Puisque nous ne pouvons servir qu’un maître,

donnons-nous entièrement à Celui dont le joug est doux et le fardeau léger.


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XXIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU XIV, 1 à 21

Hérode. Enchaînement des fautes


Quand on rapproche les deux anneaux extrêmes de la série d'événements que l’Évangile rapporte sur Hérode, on se demande comment ils peuvent appartenir à la chaîne d’une seule et même vie; comment ce prince a pu commencer par consulter le Prophète et finir par lui trancher la tête?

Mais lorsqu'on suit des yeux et de la main les divers chaînons qui unissent ces deux extrémités, l’étonnement disparaît, et il ne reste que cette leçon: que LA PENTE AU MAL EST GLISSANTE, qu’on y avance à son insu, et qu’après les premières fautes, l’homme s’y précipite, comme après le premier pas sur le bord d’un précipice, le voyageur roule inévitablement jusqu’au fond de l’abîme!

Nous allons en étudier un triste exemple.

Hérode a épousé la femme de son frère, VOILÀ SA PREMIÈRE FAUTE.

Toutefois, ce prince est loin d’être un homme de tous points corrompu; il écoute encore la voix de la conscience et prend les conseils de l’homme de Dieu pour gouverner son peuple.

Mais Hérodias, effrayée de l’influence que Jean-Baptiste prend sur l’esprit de son époux, demande que le conseiller soit mis en prison. Hérode, qui a sacrifié son frère à son amour coupable, hésita-t-il longtemps à lui sacrifier encore un étranger?

D’ailleurs, pense-t-il sans doute, enfermer Jean-Baptiste dans la prison de son palais, ce n’est pas lui faire du mal; c’est peut-être le mettre à l'abri des machinations de son ennemie; enfin le Prophète ainsi retenu près de lui, n’en sera que plus facilement consulté. La prison s’ouvre... LE SECOND PAS DANS LE MAL EST ACCOMPLI.

Plus tard Hérode donne une fête; il n’y a là rien de bien condamnable; on y boit avec excès; la faute est un peu plus grave mais elle n’est pas encore énorme; remarquez seulement qu’elle découle de la première.

Quand les têtes sont échauffées, on propose des danses; dans tout autre moment la danse eût peut-être été repoussée; mais après un festin, mais après d’abondantes libations, c’était la chose du monde la plus innocente, c’était un simple délassement.

Oui, mais tenez compte des pensées impures, des désirs coupables qui s’élèvent dans les cœurs, et vous verrez que c’était faire UN TROISIÈME PAS VERS LES BORDS DE L’ABÎME.

La fille d’Hérodias a été si légère, si gracieuse, que la tête affaiblie d’Hérode ne peut résister aux charmes de sa danse voluptueuse, et dans son fol enthousiasme, ce prince promet, avec serment, en récompense à la jeune fille, jusqu’à la moitié de son royaume!

Parole inconsidérée, sans doute; mais parole que l’orgueil va transformer en un joug de fer, sous lequel la volonté d’un roi même devra plier.

La jeune fille, après avoir consulté sa mère, demande la tête de Jean-Baptiste.

Que répondra le roi?

Sa promesse a été faite avec serment; s’il y manque, pense-t-il, les seigneurs de sa cour n’auront plus de confiance en sa parole; d’ailleurs Jean-Baptiste n'est qu’un seul homme, on aurait pu lui demander bien davantage; et alors, mû par la vanité, étourdi par le vin, entraîné par la volupté, Hérode ordonne le supplice!

À CE DERNIER PAS, son pied se pose sur le vide, et le malheureux tombe d’un seul coup au fond du précipice.

Quoi d’étonnant?

N’était-il pas au bord?

Et ce bord, ne l’avait-il pas atteint sans beaucoup de peine, ni de crainte?

Exemple effrayant de l’empire que le mal exerce sur nous, dès que nous lui avons entr’ouvert notre cœur!

Sans doute, la conduite lâche et criminelle d'Hérode nous indigne, nous glace d'épouvante; et cependant:

Qui de nous ne pourrait découvrir dans sa propre vie une chaîne de fautes, imperceptible par un bout, énorme par l'autre?

Ce sont de ces secrets que le monde ignore, mais que chacun peut retrouver en interrogeant sa conscience.

Aussi ferons-nous bien, à l'avenir, de nous défier de nous-mêmes et de ne pas nous imaginer qu’il y ait une si grande distance entre la faute isolée et le vice d’habitude, entre le vice qu’on cache et supporte, et le crime qui épouvante.

Le moyen le plus sûr de ne pas faire le dernier pas,

c’est d’éviter le premier.

Jésus le savait bien, quand il nous a fait dire, non seulement: délivre-nous du mal, mais encore: préserve-nous de la tentation.


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XXIIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU XIV, 22 à 36.

Jésus marchant sur les eaux


Il règne entre les principes et les faits de l’Évangile une harmonie bien digne d’être remarquée.

Les doctrines et l’histoire mêlées, confondues, jetées pêle-mêle à chaque page de ce livre, se fondent si bien ensemble qu’on reste convaincu que Celui qui a posé les préceptes est bien Celui qui dirige les événements. Nous allons en juger.

La vérité, le plus souvent exprimée dans la Bible, sous forme de préceptes ou d’exhortation, est incontestablement celle-ci: CROIS, ET TU SERAS SAUVÉ.

Les passages qui la contiennent sont trop nombreux pour qu’il soit possible de les énumérer ici.

D’un bout à l’autre de l’Évangile, c’est la foi, toujours la foi, que Christ et les Apôtres posent comme base du salut.

Maintenant, pour apprécier le genre d’harmonie dont nous avons parlé, entre les doctrines et les faits de nos saints Livres, rapprochons de cette doctrine du salut par la foi un fait historique, par exemple la belle scène de Jésus marchant sur les eaux et de Pierre allant à sa rencontre.

Au milieu de la mer de Galilée, pendant les ténèbres de la nuit, les Apôtres, livrés à eux-mêmes, aperçoivent tout à coup un corps glisser sur les flots et s’approcher de leur barque.

Ils croient voir un fantôme; et, de frayeur, ils poussent de grands cris. La voix bien connue de Jésus les rassure: c’est moi, dit-il, n’ayez point peur.

La confiance revient au cœur des Apôtres, et Pierre, le plus ardent, s'écrie dans le transport de sa joie et de son admiration: «Seigneur, commande que j’aille à toi sur les eaux.» — «Viens,» lui dit Jésus.

Pierre descend de la nacelle et marche sur la mer.

Ici, déjà, non le précepte, mais l’histoire nous montre PIERRE SOUTENU PAR LA FOI, et dès lors s’avançant sans danger.

Mais le vent, jusque-là douce brise, se fortifie et gronde; Pierre s’effraie, REPASSE DE LA FOI AU DOUTE, et aussitôt commence à s’enfoncer.

Encore ici donc, non le précepte, mais l’histoire nous montre le doute ramenant le danger, comme la foi avait obtenu le secours, et nous présente même ce doute qui n’est ni la foi, ni l’incrédulité, entraînant un péril qui n’est non plus ni la mort, ni le salut.

Il commençait, dit l’Evangéliste avec une admirable justesse d’expression, «il commençait à s’enfoncer

Mais la vue du péril fait sentir à Pierre le besoin du secours; LA FOI SE RANIME DANS SON CŒUR; la prière revient sur ses lèvres; désespérant de lui-même;

IL MET TOUTE SA CONFIANCE AU SAUVEUR et s’écrie:

«Seigneur, Seigneur, sauve-moi!»

Jésus l’exauce; Pierre remonte sur les flots, et bientôt repose paisible dans la nacelle à côté de son Sauveur. C’est-à-dire qu’enfin l’histoire, comme le précepte, nous montre la foi complète produisant un salut également complet.

Voilà donc d’après ce récit, la foi d’un homme servant de mesure exacte aux secours qu’il reçoit de son Dieu:

il croit et marche;

il doute et s’enfonce;

il croit de nouveau et il remonte.

Admirable proportion entre la dose du remède et son efficacité; juste équilibre entre la force et le poids qu’elle soulève; simple et touchant récit, où l'absence comme la présence de la foi concourent à nous montrer que par elle et par elle seule l'homme sera sauvé.

Or, n’est-ce pas là précisément ce que nous avaient déclaré, sous forme de précepte, toutes les pages de la Bible?

Et ne touchons-nous pas du doigt cet admirable accord entre les faits et les doctrines?

Oh! mon Dieu, que la sagesse est grande, que ta parole est admirable, que les traces de ton doigt sur ce Livre sont profondes et resplendissantes de clarté!

Si telle est la foi, quelle n’est donc la puissance du levier que Dieu a mis entre nos mains!

Quel inappréciable trésor ne portons-nous pas dans un vase de terre!

Hélas! ne serait-il pas plus juste de dire quelle perle de grand prix nous laissons enfouie?

Une source d’eau vive nous est ouverte, et nous allons nous creuser des citernes crevassées!

Nous pourrions remuer les montagnes par la foi, et notre incrédulité nous retient immobiles!

Nous restons, nous languissons dans le péché, nous nous traînons sur cette terre quand nous pourrions devenir saints, et nous élever jusqu’aux cieux.

Oh! Jésus, nous nous enfonçons comme Pierre dans l’abîme; donne-nous donc comme à lui de crier: «Seigneur, sauve, sauve-nous!» Nous croyons; mais nous voulons mieux croire;

«subviens, Seigneur, subviens à notre incrédulité!»


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XXIIIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU XV, 1 à 20.

Corban ; L’interprétation pharisienne de la loi


La loi prescrivait aux juifs d’honorer leurs parents, et de faire des offrandes à leur Dieu.

Pour éluder à la fois ces deux obligations, voici comment s’y prirent les Pharisiens:

Si leur père leur demandait quelque secours, ils répondaient: Corban; c’est-à-dire, ce que tu me demandes ne m’appartient plus; je le destine au Seigneur.

Si le prêtre de l’Éternel venait alors réclamer l’offrande, le Pharisien déclarait qu’elle ne devait être livrée qu’après sa mort; et ainsi, débarrassé de son père et de son Dieu, ce strict observateur de la lettre tuait l’esprit de la loi, et restait paisible possesseur de son bien.

Il fit plus: comme l'obligation pesait encore sur la fortune de ses héritiers, il imagina de dire que l’énoncé de la formule de consécration tenait lieu de la consécration elle-même, et qu’ainsi, après sa mort comme pendant sa vie, il était libéré sans rien donner à personne de tout ce qu’il avait promis.

Telle est la doctrine absurde dont parle ici Jésus, et qui déclarait tout homme déchargé de l’obligation de secourir son père pourvu qu’il prononçât ce seul mot: Corban!

À l’ouïe d’un tel principe, l’esprit reste confondu, le cœur se serre, et l’on se demande s’il est bien possible que les hommes l’aient jamais conçu et pratiqué; hélas! cela n’est que trop certain, puisque Jésus le dit; et, d’ailleurs, n’est-ce pas la conséquence logique de cet orgueil humain qui, plutôt que de se déclarer incapable d’accomplir la loi, préfère la fausser et la détruire?

Il est facile de s’en convaincre.

Tout homme mis en présence de la loi divine, est obligé de reconnaître qu’il en a violé tous les commandements.

Mais si l’évidence sollicite cet aveu, l’orgueil défend de le faire, et suggère bientôt les moyens d’y échapper, en affaiblissant les exigences de cette loi.

La loi demande des vertus, c’est-à-dire des œuvres bonnes dans leur principe; mais l’homme s’arrêtant à l’idée d’œuvres, s’attache uniquement dans les siennes à la bonté des résultats.

Quand ces œuvres elles-mêmes coûtent trop à son cœur passionné, il les remplace par d’autres plus faciles; à celles-ci encore trop gênantes, il substitue des œuvres méritoires par convention. Ces dernières, tôt ou tard, jugées trop pénibles, sont tôt ou tard remplacées par de simples paroles, par de vaines formes. C’est ainsi que par degré, l’orgueilleux Pharisien anéantit la loi, tout en prétendant l’accomplir.

Si l’orgueil est la source de toutes ces coupables transformations que l’homme fait subir à la loi de Dieu, tenons-nous donc prosternés dans une profonde humilité.

Écoutons dans toute la pureté la Parole de Sinaï; loin de fermer les yeux aux clartés menaçantes qui s’en échappent contre ses transgresseurs, reconnaissons-nous pour les coupables, implorons notre grâce, et LEVONS NOS REGARDS SUPPLIANTS VERS LA CROIX DU SAUVEUR.

Là, nous trouverons le pardon pour le passé, la force pour l’avenir; et dès lors, ne redoutant plus la loi, dont les foudres ne peuvent plus nous atteindre, nous travaillerons, poussés par l’amour, à suivre les commandements d’un Père, devenus doux et faciles pour le cœur de ses enfants.


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XXIVe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU XV, 21 à 30.

La foi de la Cananéenne


Il n’y a dans la Parole de Dieu qu’une seule définition de la foi; mais il s’y en trouve des milliers d’exemples.

C’est que la foi doit plutôt être sentie que comprise, plutôt être jetée dans notre cœur que déposée dans notre esprit. SUIVONS DONC LA VOIE QUE NOUS TRACE L’ÉVANGILE; étudions les faits au lieu de développer des théories.

Une femme vient demander à Jésus la guérison de sa fille. Il faut que sa confiance soit bien grande, car remarquez qu’elle est étrangère à la patrie, à la religion, à toutes les circonstances de celui qu’elle implore.

Elle fait entendre humblement sa requête,

Jésus ne répond pas;

elle crie de nouveau,

Jésus la repousse;

elle insiste et se prosterne,

le Sauveur l’insulte presque en la comparant à un chien!

Dans cette désespérante extrémité, que va faire la Cananéenne?

Malgré le silence du Sauveur, malgré son refus, malgré ses paroles humiliantes, elle persévère et demande avec un redoublement d’ardeur la guérison de son enfant.

Alors contre l’attente des Apôtres et de la foule, JÉSUS L’EXAUCE ENFIN.

Pourquoi donc le Sauveur a-t-il refusé si longtemps la grâce que finalement il voulait accorder?

La réponse se présente d’elle-même: Jésus voulait ainsi éprouver la foi de cette femme; et s’il pouvait nous rester un doute sur son intention à cet égard, il serait levé par l’examen attentif de sa conduite dans des circonstances tout à fait analogues.

Presque toujours Jésus éprouve la foi de ceux qui le prient avant de les exaucer.

Rencontre-t-il un aveugle?

Il ne le guérit pas de suite, mais il oint ses yeux de boue, et l’envoie se laver dans les eaux de Siloé, et ce n’est que lorsque cet homme a donné une preuve visible de sa foi en se rendant au réservoir qu’il recouvre la vue.

Un second aveugle se présente-t-il encore?

Jésus ne le guérit pas plus vite; mais il le conduit hors de la bourgade, lui frotte les yeux avec de la salive, lui demande s’il voit quelque chose, et ce n’est que lorsque celui-ci répond qu’il voit des hommes qui lui semblent des arbres, que Jésus lui rend complètement la vue.

Ailleurs, c’est un sourd-muet qui n’entend et ne parle qu’après une épreuve du même genre;

Ailleurs, ce sont les aveugles de Jéricho que Jésus laisse courir et crier, et dont il n’ouvre les yeux qu’après avoir entendu leur réponse à cette question: Que voulez-vous que je vous fasse?

Dans l’Ancien-Testament comme dans le Nouveau, l’épreuve de la foi précède son triomphe:

Naaman n’est guéri qu’après s’être plongé sept fois dans le Jourdain;

les murailles de Jéricho ne tombent que lorsque les Israélites en ont fait le tour, chaque matin pendant une semaine;

et ce n’est qu’après avoir levé le couteau sur le sein d’Isaac, qu’Abraham est appelé le père des croyants.

Maintenant, si l’on demande pourquoi Dieu, qui connaît le fond des cœurs, veut cependant nous faire subir des épreuves, comme s’il ne le connaissait pas, répondons à coup sûr qu’il le fait pour notre bien.

Ne discutons pas avec notre Père; il veut éprouver notre foi, qu’il l'éprouve! Et de ces exemples tirons un avertissement salutaire, c’est que

Nous devons persévérer

quand même Dieu semblerait d’abord ne vouloir pas nous exaucer.

Il ne peut pas en être autrement pour nous qu’il n’en a été pour tous les hommes dont nous parle la Bible; c’est ce qu’il faut bien nous dire, et en conséquence, prier et prier jusqu’à ce qu’on nous réponde.

Mais hélas! notre confiance en Dieu est si faible, qu’elle ressemble assez à de la défiance; il semble, en vérité, que ce soit nous qui voulions éprouver Dieu et savoir s’il nous tiendra ce qu’il nous a promis.

Nous prions pendant un certain temps; nous espérons dans une certaine limite, et lorsque l’objet de nos vœux n’arrive pas à l’heure par nous fixée, nous tombons dans le doute, cessons de prier et nous plaignons de n’avoir pas été exaucés.

Ah! ce n’est pas ainsi que croyait et priait la Cananéenne!

Ce n’est pas ainsi que croit et prie le pécheur qui sent sa misère;

Ce n’est pas ainsi que croit et prie celui qui se fait de justes idées de la bonté de son Créateur et de son Père.

Il sait qu’il en a reçu la vie, il sait qu’il ne respire que par le soin de sa providence, et que LE TENDRE PÈRE QUI NOURRIT SON CORPS NE LAISSERA PAS PÉRIR SON ÂME.

La bonté et la puissance de son Dieu dans la nature lui révèlent sa bonté et sa puissance dans la grâce; il espère donc, même contre toute espérance, et attend la paix, la joie du Saint-Esprit au milieu même des angoisses qu’il lui faut traverser, comme il attend avec assurance l’astre du jour après les ombres de la nuit, le printemps après l’hiver, la moisson avec chant de triomphe après les semailles répandues avec larmes.

Prions, croyons; mais prions et croyons avec la persévérance de la Cananéenne, et:

Rappelons-nous qu’avec une instance de moins de sa part,

cette femme s’en retournait sans être exaucée!


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XXVe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU XVI.

Si quelqu’un veut venir avec moi, qu’il renonce à lui-même


«Si quelqu’un veut venir après moi, dit Jésus, qu’il renonce à lui même.»

C’est qu’en effet le renoncement à sa personnalité est la base de la vie chrétienne.

Jésus s’est donné tout entier à nous;

de même nous devons nous donner sans réserve à lui, et aussi longtemps que nous n’aurons pas fait complètement ce sacrifice, aussi longtemps nous gémirons sous les tiraillements d’un cœur partagé.

Oui, voilà la source de nos souffrances morales, faibles chrétiens que nous sommes; c’est qu’en entrant au service de Jésus-Christ, nous voulons rester en partie indépendants.

Comme le serviteur selon le monde, nous offrons à notre Maître une partie de notre temps; mais nous nous réservons certaines heures du jour ou certains jours de l’année.

Comme le serviteur selon le monde, tout en travaillant pour notre Seigneur, nous tenons nos intérêts bien distincts des siens, nous établissons une juste balance entre son salaire et nos fatigues.

Comme le serviteur selon le monde, enfin, nous obéissons plus par l’activité de notre corps que par la soumission de notre esprit, et c’est, sinon en murmurant, du moins avec peine, que nous accomplissons notre tâche;

ainsi dans cette dure servitude, quelles que soient nos oeuvres, notre activité, notre obéissance, nous restons le véritable propriétaire de nos pensées, de nos affections, et ce que nous accordons à Dieu lui est plutôt vendu que donné. Certes, CELA N’EST PAS LÀ SE RENONCER SOI-MÊME.

Aussi, une semblable vie est-elle un supplice prolongé; mille fois mieux vaudrait nous sacrifier tout entiers, nous renoncer complètement; car alors en donnant notre vie à Jésus, nous la retrouverions en lui libre et heureuse.

Le véritable serviteur de Christ n’est plus, comme nous le sommes encore, un esclave dans la maison; il devient le fils, l’héritier, et dès lors, identifiant ses intérêts avec ceux de son Maître, il ne désire plus, ne fait plus que ce que désire et fait son Père.

Plus d’intérêts distincts, plus de volonté propre, plus de personnalité; mais une abnégation, un anéantissement complet du moi.

Dès lors les projets de son Seigneur devenant les siens, il les poursuit comme sa propre œuvre, c’est-à-dire, avec plaisir.

Dès lors ses idées, ses sentiments, le but de son existence, tout s’agrandit; il ne s’aime plus lui seul, mais il aime tous les hommes; il ne cherche plus sa propre gloire; mais lui, vermisseau, travaille à la gloire de Dieu en s’occupant de la conversion du monde, il s’occupe des affaires de sa maison.

Ainsi, d’esclave il devient libre; de serviteur, il devient fils; il retrouve dans ce renoncement lui-même, le bonheur, la vie, la liberté.

Il est vrai que le chrétien peut tenir à la fois de l’esclave et du fils, et ne passer que lentement de la pénible position de l’un à la place si douce de l’autre; sentir un jour la force de ces raisons, et devenir pour un moment fils obéissant; les oublier une heure après, et retomber serviteur tremblant; mais si tel est notre cas, disons-nous bien qu’il nous est impossible d’être véritablement heureux et de nous sanctifier réellement dans cette fausse voie; que d’après Jésus, il faut choisir:

SERVIR DIEU, OU MAMMON;

NOUS DONNER ENTIÈREMENT AU SEIGNEUR,

OU REDEVENIR COMPLÈTEMENT NOTRE PROPRE MAÎTRE.

Notre propre maître? Ah! nous avons trop souffert jadis dans cette liberté, pour y retomber volontairement aujourd’hui.

Nous savons ce qu’il en coûte de traîner, au milieu des plaisirs du monde, une conscience chargée vers le tombeau.

Non, rompons plutôt les liens qui nous retiennent encore dans notre propre esclavage; entrons sans partage au service de notre Dieu, et:

Faisons de sa vie notre vie,

de ses plans nos plans,

de son bonheur et de sa sainteté notre bonheur et notre sainteté.


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XXVIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU XVII.

Transfiguration de Jésus sur le Tabor


Au milieu des événements extraordinaires qui remplissent les Évangiles, il n'en est pas un second peut-être aussi majestueux que la transfiguration de Jésus sur le Thabor.

Le visage de Christ resplendit de divinité, ses vêtements étincellent de lumière; Moïse, jadis le dépositaire de la loi, Élie le grand Prophète d’Israël, tous deux depuis des siècles citoyens des Cieux, redescendent sur la terre pour s’entretenir avec le Sauveur.

Pendant cet échange de pensées profondes et divines, une nuée couvre la montagne, une voix éclatante s’échappe de son sein, et Dieu lui-même fait entendre ces paroles: «C’est ici mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection.»

Mais quel est le but d’une aussi brillante apparition?

Un autre Évangéliste va nous le révéler: «Ils s’entretenaient ensemble de la mort que Jésus devait souffrir

Quelle ne doit donc pas être l’importance d’une mort qui nécessite l’auguste réunion d’Élie, de Moïse, de Jésus et de Dieu!

Mais, qu’ont dit sur cette mort les voix de cette mystérieuse assemblée?

Tous les Évangélistes gardent à cet égard le plus profond silence. Les Apôtres, présents à l’entretien, n’en ont pu pénétrer le sens. Pierre, le plus hardi, le plus intelligent peut-être, semble avoir perdu l’esprit en écoutant ces sublimes discours.

Aussi, cette mort reste-t-elle encore aujourd’hui pour nous un mystère insondable; nous savons qu’elle nous a sauvés; mais comment? nous l’ignorons; pour nous comme pour les Apôtres, comme pour les anges, c’est un mystère dont nous apercevons les bords, mais que nos regards ne sauraient pénétrer jusqu’au fond.

Enfin le spectacle que les Apôtres contemplèrent sur le Thabor et que nous y contemplons nous-mêmes par la foi, est le plus glorieux qui jamais ait brillé sur la terre:

Moïse, représentant de la Parole de Dieu;

Élie, le seul Prophète jugé digne de ne pas mourir;

Jésus, le Sauveur du monde;

Dieu lui-même, personnifié dans le son d’une voix;

voilà les personnages de cette scène imposante; voilà les rayons qui projettent leur gloire sur l’objet de la divine conférence, et voilà enfin ce qui nous fait comprendre que cette mort, contre toutes nos idées humaines, devait être féconde et glorieuse et devenir, selon la promesse des armées célestes, planant sur Bethléem, «un grand sujet de joie pour la nation.»

Prosternons-nous donc devant ce mystère qui nous échappe; mesurons la grandeur de notre salut sur l’importance de la mort qui nous l’assure, et enfin réjouissons-nous de la gloire qu’elle nous présage, à nous chrétiens, destinés à devenir conformes à Celui qui fut transfiguré sur le Thabor, semblables à Jésus-Christ! mais surtout:

Rappelons-nous que cette ressemblance doit commencer

dès ici-bas dans une vie sainte et pure.


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XXVIIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU XVIII, 1 à 22.

La prière de deux ou trois faite au nom de Jésus


«Si deux ou trois d’entre vous, nous dit Jésus, s’accordent sur la terre pour demander quelque chose, tout ce qu’ils demanderont leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux. Car où il y a deux ou trois personnes assemblées en mon nom, j’y suis au milieu d'elles.»

Après avoir lu cette déclaration de Jésus, nous ne voudrions pas dire que Dieu n’exauce pas tout aussi bien la prière secrète du chrétien que la prière publique de l’Église; cependant on ne peut s’empêcher de reconnaître que cette déclaration semble attacher un avantage à la prière faite en commun.

Au reste, on comprend qu’il en soit ainsi quand on se laisse guider par l’analogie de la foi. Le but vers lequel tend toute l’économie évangélique, c’est l’amour des hommes pour Dieu, des hommes entre eux; l’union dans la prière, qui suppose ces deux amours, doit donc être agréable au Seigneur.

Ce ne sont plus des hommes étrangers les uns aux autres qui, chacun fermé dans son cabinet, font monter leur requête vers leur Créateur; ce sont des frères qui, se tenant par la main, présentent à leur Père l’expression d’un sentiment unanime.

Leur affection mutuelle, les vœux des uns pour les autres, cet échange de bons services jusque dans le sein de Dieu, tout cela émeut les entrailles de ce père, réjouit son cœur et le prédispose à les mieux écouter.

Que chacun de nous se rappelle ici ses expériences auprès de son père selon la chair. Ce père n’a-t-il jamais été mieux disposé à vous satisfaire que lorsque, réunis à vos frères et sœurs, vous exprimiez un seul et même désir, et qu’une seule faveur faisait plusieurs heureux?

Non, rien n’est plus touchant qu’une prière commune; aussi, même ici-bas l’infortune qui craint de ne pas obtenir l’objet de sa demande, s’unit-elle à une autre infortune pour solliciter plus efficacement.

Mais la prière, ou si vous le préférez, le culte rendu à Dieu et la lecture de la Bible, pratiqués entre deux ou trois frères ou dans un cercle de famille, offrent encore d’autres avantages.

Il y a réaction des uns sur les autres; quand deux amis s'entretiennent ensemble des choses de Dieu, du choc de leur parole, jaillit la lumière.

On l’a dit: les chrétiens isolés sont des tisons fumants; rapprochés, ils se réchauffent, la flamme brille et le feu sacré reprend toute sa vigueur. Tous les chrétiens ont leurs jours de langueur, mais pour tous ce jour n’est pas le même, et en se rapprochant, les forts d’aujourd’hui soutiendront les faibles, qui devenus forts, à leur tour, leur rendront le même appui demain.

Ne nous bornons donc pas plus au culte particulier qu’au culte public.

Ayons pour lire notre Bible et prier notre Dieu, de petites réunions journalières en famille; ce n’est pas tout. Là, le plus habituellement, un seul parle pour tous, ou si des paroles s’échangent, c’est presque toujours entre le père et l’enfant, entre le maître et le serviteur, ce qui donne à l’entretien le ton et la tournure d’une instruction.

Mais ayons encore nos prières et nos lectures entre amis, entre frères, dans un cercle intime où chacun puisse ouvrir son cœur en toute liberté, sans prétention et sans crainte; confesser sa foi, comme ses doutes, exposer ses expériences, rendre compte de ses pensées secrètes et faire ainsi du bien à ceux mêmes dont il en espère et en retire.

Mais par-dessus tout que ces conversations, ces lectures, ces prières, soient faites avec une grande simplicité.

Si malheureusement quelqu'un s’érige en docteur, les uns l’imiteront, les autres garderont le silence; qui sait si la discussion disputeuse ne s'en suivra pas et ne viendra pas ainsi changer, en une arène d’une vaniteuse science, le sanctuaire de frères réunis pour être mieux exaucés?

Oui, le Sauveur a promis de se trouver là où deux ou trois seraient rassemblés, mais remarquez bien la condition:

«RASSEMBLÉS EN SON NOM!»


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XXVIIIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU XVIII, 21 à 35.

Le pardon des injures


Il est sans doute inutile de rappeler au chrétien, gracié par son Dieu, qu’il doit rester étranger à toute pensée de vengeance.

L’homme qui serait encore capable d’un tel sentiment donnerait par cela même la meilleure preuve qu’il n’a pas encore goûté combien le Seigneur est bon et que lui-même n’est pas encore pardonné.

Mais, si bien des hommes s’abstiennent, sans trop d’effort, de manifester, par des actes ou des paroles, leur antipathie envers ceux qui les offensent, peut-être ne la répriment-ils pas toujours aussi facilement dans le secret de leurs pensées.

Ils pardonnent DE FAIT, c’est vrai; mais ce n’est pas assez:

Jésus veut qu’on pardonne «DE CŒUR.»

C’est donc peu de ne pas tirer vengeance d’une injure; c’est peu de ne pas la rappeler au coupable par des récriminations, et aux autres par des rapports: il faut encore, il faut surtout:

Que le cœur se purifie de toute pensée haineuse, de tout mauvais désir.

Il est vrai que nous ne sommes pas toujours maîtres de notre premier mouvement; il est certain que parfois l’outrage dont nous nous plaignons est si grave, qu’il semble créer une exception; mais quelques réflexions, la contemplation de la vie de Jésus, et surtout la prière, doivent extirper de notre sein jusqu’au dernier vestige de cette racine d’amertume.

Il faut l’accorder; tel homme nous a gravement outragé, cet homme est un méchant.

Mais, après tout, il est ce que nous avons été envers Dieu, qui nous a pardonnés! Sa méchanceté est un tort non seulement à notre égard, mais surtout à l’égard du Seigneur, et dès lors il y a là pour nous, son compagnon de péché, un motif pour le plaindre et non pour l’accabler.

Il n’a pas encore, comme nous, la foi, les sentiments et la vie du chrétien: ses torts en sont la preuve; n’est-il pas en cela d’autant plus malheureux, et notre premier mouvement ne devrait-il pas être de l’éclairer pour l’arracher à la colère à venir?

En nous offensant, ne fait-il pas plus de mal à lui qu’à nous?

Haïrions-nous l’homme qui nous heurterait en se précipitant dans un abîme?

Nous songerions plutôt à lui tendre la main, et si nous ne pouvions arriver jusqu’à lui, du moins, à genoux sur le bord du précipice, nous prierions Dieu de préserver sa vie.

Eh bien! notre ennemi, en nous offensant, précipite son âme dans le gouffre de l’éternelle perdition.

Nous, chrétiens, qui voyons de plus haut et de plus loin que lui, ayons pitié de sa misère et secourons-le, bien loin de le haïr. Dieu nous a bien aimés, nous, tout haïssables que nous étions!

Toutefois il ne faut pas exagérer, ou plutôt dénaturer le pardon des injures, en se prescrivant le rétablissement de rapports amicaux qui parfois seraient peut-être impossibles à soutenir en face du caractère de l’offenseur, ou par la nature de ses torts; cette réconciliation extérieure ne serait qu’une vaine forme, à chaque instant contredite par le sentiment amer resté dans le fond de notre âme.

Non; mais, selon la parole même de Jésus, pardonnons d’abord «DU CŒUR,»

Que toute antipathie s’évanouisse;

Que la prière, la compassion, l’amour même pour le pécheur égaré, pénètrent notre sein apaisé;

Que des services, secrets peut-être, en soient les premiers fruits,

et quand ces sentiments se seront établis en nous, le rapprochement, s’il est possible et désirable, s’opérera de lui-même; n’eussions-nous aucun espoir de le voir jamais s’accomplir, cette conduite ne nous en serait pas moins imposée.

Quand Jésus vint pour la dernière fois à Jérusalem, ce n’était pas pour en guérir les malades, et cependant il pleura sur cette ville!

Quand il monta sur la croix, ce n’était plus pour instruire ses ennemis, mais encore alors il pria pour eux.

Comme cet aimable Sauveur, aimons donc, alors même que nous ne pourrions plus tendre au-dehors une main de réconciliation; prions encore dans le secret, alors même que nous ne pourrions plus exhorter en face, et comme à l’ouïe de la prière de Jésus mourant, le centenier païen fut converti, peut-être aussi, à la faveur de la nôtre, Dieu convertira-t-il notre ennemi; peut-être un jour le verrons nous venir à nous, reconnaître ses torts, et rendre grâce avec nous au Sauveur qui nous aura à tous deux pardonné.


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XXIXe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU XIX, 1 à 30.

Différence entre obtenir la vie éternelle et être sauvé


Ici un jeune seigneur adresse à Jésus cette question: «Que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle?»

Dans le livre des Actes des Apôtres, le geôlier de Philippe fait à Paul cette demande: «Que dois-je faire pour être sauvé?»

Évidemment ces deux hommes tendent au même but: le Ciel.

Comment se fait-il donc que Jésus indique au jeune seigneur une voie toute différente de celle que Paul montre au geôlier?

C’est qu’en poursuivant le même but, le jeune seigneur et le geôlier sont dans des dispositions d’esprit toutes différentes.

En disant: «Que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle,» le premier montre qu’il pense avoir accompli déjà et pouvoir accomplir encore les commandements qui donnent la vie.

En s’écriant au contraire: «Que dois-je faire pour être sauvé,» le second fait comprendre qu’il se juge perdu, digne de mort.

Jésus et Paul entrent, chacun de son côté, dans l’esprit de la question qui leur est adressée: à celui qui prétend mériter le Ciel, Jésus présente la loi à observer; comme à celui qui sent sa misère, Paul offre le pardon à croire.

Mais alors y a-t-il donc deux moyens pour obtenir la vie éternelle: l’un dans les œuvres, l’autre dans la foi; et l’homme est-il capable de remplir également l’une ou l’autre condition?

Ou bien, y a-t-il contradiction entre les conseils de Saint Paul et celui de Jésus-Christ?

Non, ici même où Jésus semble le plus clairement prêcher les œuvres, c’est la grâce qu’il recommande; loin de contredire Paul, il le confirme, et pour nous en convaincre, il suffira d’étudier dans son ensemble le récit que nous venons de lire.

Un jeune seigneur, qui pense avoir en tout et toujours observé la loi de Dieu, vient, pour plus de précaution, demander à Jésus s’il ne lui resterait pas encore une œuvre à accomplir pour obtenir la vie éternelle?

Le Sauveur comprend que cet homme est PLEIN DE SA PROPRE JUSTICE, et se propose de le convaincre de péché. Pour cela il refuse d’abord pour lui-même le titre de bon que le jeune seigneur lui donne: «Dieu seul est bon,» dit-il, et il proclame ainsi, quoique indirectement, la nature pécheresse de tous ceux qui l’écoutent.

Mais le jeune homme ne comprend pas encore.

Alors Jésus fait un nouveau pas dans sa démonstration; il lui dit de garder les commandements; le jeune seigneur, toujours plein de lui-même, répond qu’il les a tous observés.

Surpris de son profond aveuglement, le Sauveur a recours à un grand moyen pour ouvrir les yeux du jeune homme: «Vends tout ce que tu as, lui dit-il, et donne-le aux pauvres.» Cette fois le riche seigneur, mis aux prises avec son avarice, garde le silence et s’en va tout triste.

Il se retire, mais l’instruction continue. «Qui donc peut être sauvé, disent les Apôtres à Jésus, qui vient de déclarer plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille, qu’à ce riche d’entrer dans le royaume des Cieux?» — «Quant à l’homme, cela est impossible, répond enfin le Maître; mais ce qui est impossible à l’homme est possible à Dieu.»

Voilà donc mis complètement à découvert le but auquel le Sauveur tendait depuis le commencement de l’entretien:

il oblige ceux qui l’écoutent:

à reconnaître leur impuissance pour mériter le salut par leurs œuvres,

et à confesser la nécessité de ne l’attendre que de Dieu.

En d’autres termes:

GAGNER LE CIEL EST IMPOSSIBLE À L’HOMME;

mais

LE LUI DONNER EST POSSIBLE À DIEU;

nous serons sauvés, non par nos œuvres, mais par la foi, afin que ce soit par grâce.

On le voit donc, en prêchant en apparence les œuvres, c’est la grâce que Jésus proclame, et par conséquent il s’accorde parfaitement avec Paul, répondant au geôlier qui s’enquiert de la voie du salut: «Crois au Seigneur Jésus-Christ, et tu seras sauvé.»

Oui, la grâce de Dieu est inscrite d’un bout à l’autre bout de la Bible, même dans les passages qui semblent l’annuler. C’est dans ce sens que Paul a dit: «LA LOI EST UN PÉDAGOGUE QUI CONDUIT À CHRIST;», car celui qui la consulte voit bien vite qu’il ne peut l’accomplir, et, par répulsion, il en vient à chercher son salut dans le pardon offert par Jésus-Christ.

Oh! ne le cherchons que là, si nous voulons trouver la paix de l’âme dans cette vie, et le bonheur dans l’éternité; bénissons Celui qui nous a tant aimés que de venir, après notre chute, dans l’abîme, nous tendre encore la main et nous offrir le pardon de nos péchés!


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XXXe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU XX, 1 à 46.

Les ouvriers appelés à différentes heures


Il est impossible de présenter une parabole qui vienne mieux à l’appui de la doctrine du salut de l’homme uniquement opéré par la grâce de Dieu.

Des ouvriers travaillent depuis l’aurore jusqu’au soir; d’autres n’arrivent à la vigne qu’une heure avant la nuit; et cependant le maître donne à tous également un denier.

Quand les premiers, jaloux de la faveur accordée aux seconds, osent la reprocher à leur seigneur, celui-ci leur adresse cette réponse aussi claire que péremptoire:

«Mon ami, je ne te fais point de tort; n’as-tu pas accordé avec moi à un denier? Prends ce qui est à toi, et t’en va; mais si je veux donner à ce dernier autant qu’à loi, ne m’est-il pas permis de faire ce que je veux de mes biens? Ton œil est-il malin de ce que je suis bon?»

Ainsi donc: à tous, la justice; à quelques-uns, la grâce, voilà la règle de conduite de ce père de famille, ou plutôt de notre Dieu.

Or, la justice, qui de nous oserait la réclamer?

Qui de nous prétendrait avoir travaillé toute la journée de sa longue vie?

Qui de nous affirmera qu’il a supporté la chaleur du jour, sans faiblir?

C’est cependant ce qu’il faudrait, pour avoir droit au ciel, comme on a droit à un salaire.

Aussi devant la Bible, offrant à chaque page le pardon, et notre conscience nous reprochant si souvent le péché, est-il bien peu d’hommes qui osent afficher la prétention de gagner le ciel uniquement par leurs œuvres; mais il n’en manque pas qui tiennent du moins ce langage: nous faisons le bien et le mal.

Du premier, nous recevrons la récompense; pour le second, nous obtiendrons le pardon; ainsi, partie par nos œuvres, partie par la grâce, nous serons complètement sauvés.

Ceci n’est après tout que de l’orgueil mal déguisé. Le péché est si patent dans notre vie, que l’homme le plus content de lui-même n’oserait pas le nier. Il accepte donc le pardon; mais en même temps, comme il ne veut à aucun prix se déclarer indigne, il ajoute le lambeau souillé de ses prétendues bonnes œuvres au vêtement de justice que lui présente Jésus-Christ! Ce qui n’est, après tout, que le déguisement d’un orgueil insensé et impie.

Pour nous en convaincre, examinons de plus près cette folle prétention.

Quelle est la part que l’homme qui adopte un tel système se réserve de remplir lui-même dans son salut?

Est-ce l’accomplissement d’une partie de la loi, pendant toute sa vie?

Ou bien l’observation de tous les commandements durant une partie de son existence?

Non, de fait, ce n’est ni l’un ni l’autre.

Il ne s’assujettit à aucune règle précise; il pose, entre le bien indispensable et le mal permis, une limite qu’il avance ou recule selon le besoin du moment; il ajoute dans la balance de la justice divine, juste le poids de grâce et de pardon qu’il croit suffisant pour faire tomber le plateau chargé de ses œuvres; en sorte que le bien imposé, pour lui, c’est celui qu’il a fait; le mal permis, c’est celui qu’il n’a pas évité; et finalement, d’après sa doctrine, la mesure de bonnes œuvres nécessaires, c'est précisément celle qu’il a remplie, et l’homme sauvé par ses mérites et par sa foi, c’est lui et toujours lui.


Non, la loi de Dieu n’est pas ainsi malléable au gré de nos passions; elle est une pour TOUS, et ne s’arrête qu’à la stricte et complète observation de tous les commandements. «Maudit est quiconque ne persévérera pas, dit Dieu lui-même, dans toutes ces choses pour les faire!»

Cette règle, l’avons-nous suivie, cette mesure, l’avons-nous comblée?

Non! mille fois non! Il ne nous reste donc qu’une ressource: la grâce et le pardon qui sauvent, dès à présent, en comblant l’abîme de toute condamnation.

OUI, IL NOUS FAUT CETTE GRÂCE si abondamment offerte dans la Parole de Dieu, et qui déborde de chaque mot de cette citation:

«justifiés gratuitement par la grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ». Quelle accumulation d’évidence! «Justifiés,» — «gratuitement,» — «grâce,» — «rédemption,» — «Sauveur

Et ailleurs: «Ce n’est point par les œuvres afin que personne ne se glorifie

Et ailleurs: «Vous êtes sauvés par la grâce, par la foi; cela ne vient point de vous; c’est un don de Dieu

Et ailleurs.... mais il faudrait citer la Bible entière!

Oh! mon Dieu, que tes dons sont magnifiques, que ton amour est vaste, que ta miséricorde est immense!

QUELS QUE SOIENT NOS PÉCHÉS, TA GRÂCE Y SUFFIT!

Nous savons maintenant que nous sommes sauvés; nous en sommes certains, comme nous sommes certains de notre existence, et de cette assurance vient toute notre joie et tout notre bonheur!

Oh! que ces sentiments se montrent dans notre vie par notre dévouement pour nos frères, jusqu’à ce qu’ils se manifestent dans le Ciel, envers toi, Seigneur, par une telle adoration.


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XXXIe MÉDITATION.

Lisez MATTHIEU XX, 17 à 34.

Jésus, les fils de Zébédée et leur mère


Parmi les procédés nombreux employés pour reproduire les images de la nature, un seul est véritablement fidèle, et fidèle jusqu’à la plus minutieuse exactitude, à tel point que l'œil, aidé du verre le plus puissant, retrouve dans les détails les plus déliés de cette œuvre une irréprochable perfection.

Ce résultat est admirable, mais il cesse de surprendre quand on apprend que le peintre est ici l’astre du jour, et qu’ainsi c’est en quelque sorte la main de Dieu qui conduit le crayon.

De même, parmi les milliers de livres qui retracent la nature humaine, il en est un seul d'une étonnante précision; plus longtemps on l’étudie et de plus près on l’examine, plus aussi on y découvre des perfections inattendues et de nouvelles preuves de son incomparable fidélité.

Ce phénomène admirable n’étonnera pas davantage que le premier, si l’on se rappelle qu’ici l’image est produite sous l’impression du soleil de justice, et qu’elle ne peut dès lors être que la reproduction exacte de la réalité.

Il y a du plaisir à contempler les traits d’un ami exactement reproduits; de même il y a de la joie à trouver dans ce livre ces traces indélébiles de sa divinité. Contemplons donc un instant à ce point de vue celle de ses pages qui se rencontre sous nos yeux.

Jésus, fils de Dieu, venu sur la terre pour sauver ce qui était perdu, se dirige dans ce moment sur Jérusalem où doit s’accomplir son sacrifice expiatoire.

Quelles pensées doivent naturellement l’occuper pendant ce voyage?

Sans doute celles des souffrances qui l’attendent et du salut qu’il va pour accomplir. C’est précisément ce qui arrive: Jésus, nous dit l’Évangéliste, prit à part, sur le chemin, ses douze Apôtres, et leur dit: «Nous montons à Jérusalem; le Fils de l’homme sera livré aux principaux sacrificateurs et aux scribes, et ils le condamneront à mort.»

Du Sauveur, passons aux autres personnages de cette scène.

La mère de Jacques et de Jean se trouve là, auprès de ses fils qu’elle aime et du Seigneur qu’elle sert. Mère tendre et servante croyante, de qui devons-nous supposer qu’elle va s’occuper?

De ses enfants auprès de son Maître. Aussi la voyons-nous se prosterner au pied du Sauveur, et demander pour eux dans son royaume, qu’elle suppose sans doute terrestre, une place à la droite et à la gauche de son trône.

Et les deux fils de cette femme, jeunes hommes, sans doute présomptueux, comme on l’est à cet âge, que répondront-ils aux difficultés que leur présente Jésus?

Probablement qu’ils sauront bien les vaincre! En effet, quand le Sauveur, faisant allusion à ses souffrances et à sa mort, leur dit: «Pouvez-vous boire le calice? nous le pouvons, répondent-ils sans hésiter, ni réfléchir.»

Enfin, leurs collègues, hommes passionnés comme eux, verront-ils sans envie leurs égaux travailler par l'intrigue à s’élever au-dessus d’eux?

Non, certes; aussi nous est-il dit que «les dix autres Apôtres furent indignés contre les deux frères

Admirable esquisse dont chaque trait reproduit un des plis de notre propre cœur, et dont l’ensemble nous force à dire: voilà qui ne peut avoir été peint que d’après nature.

Mais si l’on peut remarquer une variété toute naturelle entre les rôles attribués ici aux Apôtres, aux fils de Zébédée et à leur mère, on peut y saisir aussi un point de ressemblance qui se retrouve, en effet, chez tous les hommes.

La mère, les deux enfants et les disciples, tous tendent à s’élever: c’est par ambition que Jacques et Jean veulent être assis à côté d'un monarque; c’est par ambition que leurs collègues leur refusent ces places; et si l'épouse de Zébédée, en sa qualité de mère, est trop dévouée pour songer d’abord à elle-même, encore reste-t-elle ambitieuse pour ses enfants.

Toujours et partout, même chez des disciples de Jésus-Christ, qui devraient être si saints, même chez des pêcheurs du lac de Génézareth, qui devraient être si humbles, toujours ce besoin naturel de notre cœur de se gonfler.

Chacun prend peut-être une voie différente, mais tous tendent au même but: s’élever au-dessus des autres, paraître plus grands qu’ils ne sont.

Au milieu de cette galerie de portraits plus ou moins semblables entre eux, et qu’on pourrait, avec raison, nommer des portraits de famille, un seul se détache et fait exception. C’est celui du Fils unique de Dieu.

Non seulement Jésus exhorte ses Disciples, à l’humilité, mais comme toujours il joint l’exemple au précepte, en se présentant, lui Dieu, pour modèle à ses propres créatures:

«Que quiconque d’entre vous, dit-il, voudra être le premier, soit le serviteur des autres, comme le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour plusieurs.»

Et nous qui contemplons ce tableau, quand trancherons-nous avec le monde par notre humilité, comme Jésus se détachait de la foule de ses Apôtres?

Ce sera lorsque, comme le reçurent plus tard les Apôtres, nous recevrons nous-mêmes le baptême du Saint-Esprit.

Retirons-nous donc comme eux après avoir senti notre faiblesse, et mettons-nous en prière jusqu’à ce qu’enfin nous soyons exaucés.



 
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