Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Réflexions contre le vice de l'ivrognerie

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J'ai eu de fréquentes occasions de me convaincre qu'il existe dans ce Canton un grand nombre de familles qui sont dans une grande pauvreté par une suite du péché de l'ivrognerie, et comme il est du devoir de tout bon Citoyen de faire ses efforts pour prévenir un si grand malheur, les réflexions que je vais vous présenter ne sont pas toutes de nature à pouvoir vous être communiquées dès la chaire, et je me flatte que la manière amicale avec laquelle je vais vous entretenir sur cet important sujet, pourra produire sur vous une impression durable et un effet salutaire.

Quoiqu'il se trouve dans toutes nos paroisses un grand nombre d'hommes pour lesquels cette instruction n'est heureusement pas nécessaire, elle ne laissera pas de les confirmer dans leurs habitudes de tempérance, et de les préserver des tentations et des mauvais exemples, en voyant les suites fatales d'un vice aussi odieux.

Je m'adresse particulièrement aux pères de famille, parce que le bien-être et le bonheur de tous ceux qui vivent dans leur dépendance, est intimement liés à leur conduite. Je vais chercher à les convaincre, que l'habitude de l'ivrognerie et de la débauche tend à les rendre malheureux déjà dans cette vie.

Je commencerai par signaler les maux nombreux que vous attirez sur vos têtes par ce vice scandaleux. Il paraît difficile au premier coup d'œil de vous convaincre que vous êtes les premières victimes de ce vice, indépendamment des conséquences fâcheuses qui en résultent pour votre famille, car vous allez me dire que le plaisir que vous procure la société de vos compagnons de joie, est le seul qui soit à votre portée; qu'il serait bien dur de vous refuser cette jouissance, et de vous empêcher de ranimer vos forces épuisées, lorsque vous avez supporté la fatigue et la chaleur du jour.

Je suis loin de vous blâmer, et je désire au contraire que vos désirs à cet égard puissent être satisfaits, mais permettez que je vous demande, s'il ne serait pas plus naturel que vous vous donnassiez ces délassements sous votre toit, avec les membres de votre famille; car si vous ne cherchez que la satisfaction des besoins du corps, et non l'excès dans la boisson, je ne comprendrais pas que vous ne pussiez réparer vos forces qu'au cabaret.

Vous me direz, nous y rencontrons des compagnons agréables et gais, tandis qu'à la maison nous n'aurions d'autre société qu'une femme ennuyeuse et des enfants pleureurs. Si telle est votre réponse, il est certain que vous demandez quelque chose de plus que le repos, et que ce qui pourrait simplement réparer vos forces; votre intention est de boire avec excès, et de vous livrer au désordre et à la débauche.

Car qui peut ignorer que c'est là votre habitude constante toutes les fois que vous vous réunissez avec des camarades qui ont les mêmes inclinations que vous, et rien ne peut mettre fin à vos excès que le manque d'argent ou de crédit.

Voilà le vice affreux que je cherche à prévenir, je vous sollicite donc de vouloir prêter votre attention aux réflexions que je viens vous présenter.
Je désirerais d'abord que vous voulussiez penser, à tête reposée, à ce que sont ces amis de bonne société dans la compagnie desquels vous vous complaisez, et pour lesquels vous vous séparez de votre femme et de vos enfants, prêtez l'oreille à mes conseils plutôt qu'à ces hommes, que vous ne jugez que dans un état d'ivresse.
Ce sont pour la plupart des misérables, incapables d'amitié, qui manquent de vraie charité, et qui vous refuseraient assistance dans votre détresse, lors même qu'ils seraient en état de vous obliger.
Toutes ces apparences d'honnêteté et d'amitié qui vous enchantent ne sont que les protestations de misérables désœuvrés, voleurs ou fripons qui sont prêts d'un moment à l'autre à trahir leurs complices. Croyez-moi, si vous veniez à tomber dans la misère ou dans quelque détresse, cherchez du secours ou de la protection ailleurs qu'auprès d'eux, vous les recevrez peut-être de tel de vos voisins que vous méprisez aujourd'hui, parce qu'ils ne participent pas à vos débauches.

Réfléchissez ensuite, combien vous vous sentez misérable, lorsqu'après avoir passé une nuit, et peut-être le jour suivant dans ces excès honteux, vous commencez à reprendre l'usage de votre raison et de vos sens. S'il reste dans votre cœur quelque sentiment d'affection pour votre famille ,ne craignez-vous pas de rentrer dans votre demeure, où vous êtes sûr d'apercevoir la douleur, la détresse, les besoins les plus urgents qu'éprouvent ceux qui devraient être l'objet de vos sollicitudes et de vos soins.
Votre femme poussée à bout peut-être par là fréquente répétition de vos excès, vous attend sur la porte avec les reproches les plus durs; il serait plus sage sans doute qu'elle s'abstînt de le faire, car elle gagnerait plus par le silence que par les plaintes les plus bruyantes, mais qui oserait la blâmer en pensant aux maux auxquels elle est en proie par une suite de vos dérèglements?
L'irritation de votre femme excite votre colère et votre rage, des injures vous en venez aux coups, et vous vous abandonnez à de tels emportements, qu'on ne sait jusqu’où ils vous entraîneraient, si les voisins alarmés ne venaient par pitié à son secours. Après de semblables scènes vous prenez un air sombre et méprisant, la terreur continue à régner dans votre habitation, elle se peint dans l'extérieur de votre femme et de vos enfants tremblants, et vous sortez pour chercher l'occasion de recommencer vos désordres si on consent à vous fournir du vin à crédit.

Et lorsqu'enfin vous êtes dans la nécessité de retourner à votre ouvrage pour ne pas mourir de faim, le travail ne vous offre qu'ennui et dégoût. Vous ne retrouvez plus cette sérénité, ce calme de l'âme qui accompagne le manœuvre honnête dans son travail journalier, et qui allège pour lui le poids du travail.
Et quand les suites de l'ivrognerie n'affaibliraient pas votre corps de manière à vous rendre presque incapable de travail, ce qui arrive à quelques-uns, votre âme agitée rendrait votre tâche rebutante, et vous la rempliriez si mollement, que ceux qui vous emploient cesseraient de s'adresser à vous.
Et quelle serait la conséquence de ce malheur?
La pauvreté qui fondrait sur vous comme un homme armé, et votre détresse augmentant, vous finiriez par vous engager avec des vagabonds et des voleurs pour faire cesser les besoins les plus urgents, ce qui ne tarderait pas à vous conduire à une mort infâme, ou bien vous finiriez par vous enrôler comme soldat, en abandonnant votre famille aux charités de la commune, pensée qui ne tarderait pas, lorsque vous en viendriez à y réfléchir de sang-froid, à vous déchirer le cœur. Mais jetez les yeux sur un de vos voisins sobres, qui peut-être n'avait comme vous que son travail journalier pour pourvoir à son entretien, qui avait le même nombre d'enfants à nourrir, vous le verrez et toute sa famille dans une condition aisée, aucun d'eux n'éprouvant la faim, aucun d'eux ne présentant par ses vêtements le désordre de sa famille.

Et d'où vient cette différence?
Vous me direz, qu'il a eu une femme plus soigneuse et plus industrieuse que la vôtre; mais réfléchissez-vous que votre femme n'a pu montrer de l'ordre et de l'économie, lorsque vous consumiez en débauches presque tout ce que vous gagniez, et que quand elle eût eu cette disposition, vous ne lui aviez pas laissé les moyens de la mettre en pratique!
Comment aurait-elle le cœur à l'économie, quand elle voit que par là elle vous facilite les moyens de dépenser davantage.
Rappelez-vous lorsque vous vous êtes réuni pour la première fois, si sa conduite n'a pas été différente, si elle n'a pas montré plus d'affection pour vous, et plus de soin dans les détails de son ménage.
Si donc elle est aujourd'hui si différente, à qui imputerez-vous ce changement?

Il y a dans le cœur de la plupart des femmes un si grand fond de sentiments d'affection, d'amour pour leurs enfants, qu'il est rare qu'elles manquent à leurs devoirs si leur mari de son côté remplit les siens. Et quand il en est autrement, ne l'imputez pour l'ordinaire qu'au mauvais choix de celui qui, au lieu de prendre une compagne dans une famille honnête et religieuse, dont les individus se distinguent par leur activité et leur bonne conduite, a préféré prendre pour femme quelque jeune fille sans expérience élevée dans l'oisiveté, qui n'a jamais pu rester longtemps dans le même service, n'ayant aucune qualité solide qui put la rendre recommandable, tandis que celle-ci sans inclination a pris un mari pour satisfaire ses passions et s'exempter de la nécessité du travail.
S'étonnerait-on après cela qu'un tel choix n'offrît qu'une mauvaise femme, il serait presque impossible qu'elle fût autre chose, si même elle ne finit pas par se livrer à l'ivrognerie et au libertinage?


Vous me direz que ce voisin sobre dont j'oppose la conduite à la vôtre a eu plus de bonheur que vous, qu'il a trouvé des amis dans le monde, tandis que vous n'avez eu que votre travail pour vous soutenir. Que personne ne vous a été en secours, qu'on se refuse même de prendre vos enfants en service, tandis que les siens trouvent de bonnes places. Cela est vrai, mais je vous demanderai, comment se fait-il que votre voisin trouve des amis, si ce n'est parce que sa conduite est meilleure que la vôtre? Votre dérèglement de mœurs n'a pas permis aux gens charitables de faire quelque chose pour vous. Quelques légers secours auraient été insuffisants, vos besoins extravagants demandaient des charités considérables, et vous ne deviez pas vous attendre que l'on s'élargit à votre égard pour fournir aux dépenses qu'entraîne votre conduite débauchée.

Quant à votre voisin, on sait que les plus légers dons lui profitent, et l'homme charitable qui les accorde a la satisfaction de voir que la famille entière en jouit; on sait que rien n'est perdu, que rien n'est mal employé, que tout est appliqué à des objets de nécessité, vous devez donc comprendre pourquoi on préfère aider votre voisin.

Vous ne sauriez être surpris, si vous y réfléchissez, qu'on ne veuille pas de vos enfants pour domestiques, lorsqu'ils sont en âge de servir, à moins qu'il ne soit indifférent de recevoir dans sa famille des fripons, ou des filles perdues.
Vous avez, par vos désordres, privé vos enfants des secours de l'instruction des écoles, vous leur avez donné des exemples de vice, et la détresse dans laquelle ils ont souvent été, le manque de nourriture et de vêtements les a souvent réduits à la nécessité de piller et de voler; avec de telles habitudes, qui voudrait s'hasarder de les introduire dans sa famille?
Mais les enfants de votre voisin ont été élevés avec soin, ils ont appris à lire dès leur enfance, ils ont appris dans leur Catéchisme à avoir en horreur toute espèce de vol et de friponnerie, à se conduire avec respect et modestie vis-à-vis de leurs supérieurs, ils ont eu de plus de bons exemples sous les yeux dans leur famille, de tels enfants trouveront toujours de l'encouragement, tandis que les vôtres seront dédaignés et rejetés.

Mais ce n'est pas tout, que deviendront ces pauvres et malheureux enfants que chacun repousse?
Hélas! les garçons seront avec le temps des voleurs, et les filles des prostituées, et vous vivrez peut-être assez longtemps pour être témoin des justes châtiments qu'ils se seront attirés; quelques-uns peut-être périront sur l’échafaud, en prononçant jusqu'à leur dernier soupir les plus terribles malédictions contre vous qui avez été la cause de leur infamie.

Et bien, tous ces malheurs procèdent de votre mauvaise conduite. Vous, votre femme et vos enfants, avez concouru à vous rendre tous malheureux et cela uniquement parce que vous n'avez pas voulu renoncer à l'ivrognerie.
Ne trembleriez-vous pas à cette idée, n'auriez-vous pas votre conduite en horreur?
Vous me dites que vous êtes souvent bien à plaindre, qu'à la vue de vos pauvres enfants, vous avez souvent pris la résolution de renoncer à votre intempérance, mais que vous ne savez comment il se fait vos bonnes résolutions s'évanouissent, que vous manquez de force pour résister à la force de l'habitude et des séductions.

Mais parlez-moi franchement, vous me direz qu'il y a des maîtres pour qui vous travaillez, qui s'attendent à ce que vous devez dépenser avec eux au cabaret une partie du prix de votre travail, et que vous craignez qu'un refus ne vous expose à leur mécontentement.
Je vous répondrai: qu'il ne saurait y avoir un bon maître qui puisse exiger que son ouvrier sacrifie et dissipe ce qui doit servir à l'entretien de sa famille. Que s'il s'en trouvait d'aussi vils il ne faudrait pas balancer à se refuser à leur demande au risque même de perdre leur faveur.

Aussi longtemps que votre conduite sera bonne et que vous serez connu pour un homme honnête et laborieux, vous ne manquerez jamais d'ouvrage. Les maîtres ont autant besoin de bons domestiques, que les domestiques de bons maîtres, ils ne se sépareront pas d'un ouvrier par la raison que sa conduite est régulière et recommandable.

Vous me direz qu'il arrive quelquefois que vous ne pouvez conclure un marché sans le pot de vin. Je sais que plusieurs pensent ainsi, mais quels que soient ceux qui le pensent, on aperçoit dans cet usage de la bassesse et de la méchanceté; car cet usage indique que vous espérez qu'en échauffant de vin la tête de celui avec qui vous voulez traiter, vous pourrez tirer quelque avantage de sa faiblesse et de l'altération plus ou moins grande de sa raison. Mais je ne saurais voir une grande différence entre un homme qui use d'un semblable moyen, et celui qui dérobe l'argent d'un pauvre homme qu'il trouve endormi sous une haie à son retour dans sa cabane.

Vous pourrez me dire que vous n'entrez jamais dans les cabarets dans l'intention d'y boire avec excès; c'est par inadvertance que cela vous arrive, et vous vous flattez que votre faute en sera plus excusable.
Mon bon ami, je veux bien croire ce que vous me dites, mais n'êtes-vous pas extrêmement blâmable de vous lier à des sociétés qui se livrent souvent aux excès de l'intempérance, et qui s'y livreront encore.
Vous craignez que par vos refus constants vous ne soyez en but au ridicule, et vous ne pouvez supporter cette idée. Mais il est bien étonnant que cette fausse honte vous soit un piège pour vous porter au mal, il paraît que vous ne craignez point la censure des honnêtes gens qui vous blâment de fréquenter de semblables compagnies, c'est cependant l'approbation des braves gens que vous devriez rechercher, et non celle de gens dont l'éloge vous est peu honorable.
Ce même raisonnement vous servirait donc d'excuse pour forcer des maisons et dérober, si ces personnes l'exigeaient de votre complaisance, car certainement en cas de refus de votre part, elles vous accuseraient de faiblesse et de manque de courage. Mais ces excuses et toute autre ne sauraient avoir aucun poids, si vous vouliez réfléchir aux terribles conséquences auxquelles vous vous exposez dans la vie à venir.

C'est sur cet objet important que je vais porter les yeux.
Mais avant tout, je voudrais, vous convaincre que les mauvaises habitudes peuvent être domptées; il faut sans doute un grand degré de force pour les rompre, mais, si vous y travaillez avec sincérité, vous êtes sûr de la victoire.

Je vous recommanderais d'abord de ne pas vous borner à vous séparer insensiblement, et par degrés de vos liaisons d'intempérance, mais de rompre absolument et tout à coup. Il y a des tentations auxquelles on ne peut se soustraire sans prendre la fuite, et celle-ci est du nombre.
Si vous vous imaginez être le maître de vous rapprocher de ces sociétés, quand il vous plaira, sans courir le risque, de retomber dans vos premiers excès, vous méconnaissez absolument vos forces, et vous ne tarderez pas à apprendre à vos dépens que vos bonnes résolutions se dissiperont en fumée.
Il est probable que la nature de vos occupations journalières vous rapprochera de cette société, et que vous serez souvent sollicité à prendre part à leurs orgies. Il vous en coûtera beaucoup dans le commencement, de vous refuser à leurs sollicitations, mais si vous avez assez d'empire sur vous pour résister pour quelque temps, et d'être ferme dans votre résolution, toutes les difficultés seront vaincues, car le plaisir et la satisfaction que vous éprouverez auprès de votre femme et de vos enfants, augmentera chaque jour, jusqu'à ce qu'enfin vous n'éprouverez aucun désir de vous rapprocher de vos camarades de plaisir.
Il serait à désirer alors que votre femme eût assez de sens pour vous prévenir et vous obliger en toute manière, sans jamais se permettre un mot de reproche sur votre conduite passée, ce moyen serait bien propre à vous confirmer dans le bien.
Quant à vos enfants, comme ils se trouveraient moins en souffrance et mieux nourris, ils vous témoigneraient leur joie, ils regagneraient votre affection par leurs touchantes caresses. Si donc vous avez assez de courage, pour résister pour un peu de temps aux sollicitations de vos compagnons de débauche, vous courrez peu de danger de retomber dans le désordre.


Ajoutez que vous aurez l'avantage de trouver des dispositions de bienveillance chez ceux pour qui vous n'étiez auparavant, qu'un objet de mépris. Les braves gens, en vous voyant disposé à changer de vie et à abandonner votre mauvais train, s'empresseraient à vous montrer de l'intérêt, en vous aidant à fixer vos bonnes résolutions, de manière qu'en perdant la faveur de vos compagnons d'intempérance, vous gagneriez l'amitié de gens plus estimables.

En agissant ainsi, vous recouvrerez encore la faveur du Tout-Puissant que vous aviez perdue par vos désordres, avantage inappréciable, si vous portez vos regards sur les biens spirituels qui accompagnent votre changement de vie.

Je vous ai dit en commençant qu'une vie de débauche et d'ivrognerie ne se borne pas à vous rendre malheureux pour le temps présent, mais encore pour la vie à venir, je vais développer cette idée.

Sachez, vous, qui vivez dans l'intempérance, que le Dieu des Cieux ne vous a pas appelé à l'existence vous et vos semblables, comme le sont les bêtes brutes qui n'ont que quelques années de vie, qui ensuite rentrent dans la poussière sans qu'il en reste de trace. Il est certain que vous êtes vivants en ce moment, mais il ne l'est pas moins que vous ressusciterez un jour avec votre corps, lors même qu'il aura été décomposé dans le cercueil, et que vous vivrez dans un autre monde, pour y être heureux ou malheureux pendant l'éternité. Vous sentez donc qu'il est de la plus grande importance pour vous et pour nous tous de savoir lequel de ces deux états de bonheur ou de malheur sera notre partage. Mais de la manière dont vous vivez aujourd'hui vous ne saurez attendre d'autre sort que celui des malheureux. Car voyez dans quel chemin d'iniquité vous marchez habituellement.

Le péché de l'ivrognerie est odieux de sa nature et vous entraîne par une pente naturelle à toute autre espèce de vice.
La profanation du jour du repos (jour que vous choisissez d'ordinaire pour vos débauches) est un crime que Dieu a déclaré qu'il punirait très sévèrement.
Les jurements, les blasphèmes horribles et les imprécations qui sortent incessamment de votre bouche, provoquent la colère de Dieu.
Il est effrayant de penser à toutes les infamies que vous vous permettez dans vos débauches nocturnes, et rien ne prouve mieux la grande patience et le support de Dieu que de voir que sa foudre ne vous écrase pas, et ne vous précipite pas au tombeau.

C'est dans ces rassemblements que les jurements de toute espèce frappent les oreilles, et insultent la majesté de Dieu, que vous en contractez l'habitude, de manière que dans vos conversations journalières vous ne pouvez vous empêcher de blasphémer à chaque instant votre Créateur. Je ne ferai pas de recherche sur les autres péchés dont l'intempérance vous rend coupable, je crois qu'en vous examinant vous en trouveriez plusieurs, mais je vous ferai observer qu'il suffirait des péchés dont j'ai fait mention pour motiver votre condamnation dans l'éternité si vous ne vous repentez pas. 

Et si vous pensiez que parce que Dieu ne vous fait pas ressentir sur le moment le châtiment que provoqué votre impiété, il n'y donne pas d'attention, et que vos désordres seront impunis, vous seriez dans une grossière erreur. Dieu voit et prend connaissance de tout ce qui se passe sur la terre, et il arrive souvent que des provocations réitérées le déterminent à un châtiment immédiat.
L'histoire ancienne en présente plusieurs exemples consignés dans l'Écriture, et nous en avons des exemples sous nos yeux. Mais si Dieu diffère souvent ses jugements, c'est «qu'il a fixé un jour auquel il jugera le monde entier», en sorte que ceux qui échappent aujourd'hui n'en seront pas moins punis plus tard.

Il n'est pas en notre pouvoir de décrire les peines dont les méchants seront affligés dans une autre vie sans en avoir eu l'expérience, et Dieu veuille que nul d'entre nous ne soit dans le cas de les connaître un jour. Mais l'Écriture nous en parle assez clairement pour nous effrayer à salut, je ne rappellerai ici qu'un seul passage de ce saint Livre.
Le Sauveur nous exhorte dans son Évangile de nous arracher un œil, ou de nous couper la main droite s'ils nous faisaient broncher, c'est-à-dire, qu'il vaut mieux nous priver d'une jouissance quelconque, plutôt que de risquer de déplaire au Dieu tout-puissant, et la raison que notre Seigneur en donne est que Dieu peut nous précipiter dans l'enfer, où le ver ne meurt point, et où le feu ne s'éteint point. Or le ver qui ne meurt point, c'est le remord d'une conscience criminelle, et le feu qui ne s'éteint point, ce sont les flammes des tourments de l'enfer.

Connaissez-vous des déclarations plus expresses et plus effrayantes?
Rappelez-vous si lorsque vous avez éprouvé les angoisses d'une âme agitée ou des douleurs cruelles dans votre corps, même pendant un petit nombre de jours, vous ne vous êtes pas abandonné à de tristes plaintes?
Si on vous eût annoncé que vous les éprouveriez pendant des années, vous eussiez dit qu'elles étaient au-dessus de vos forces. Songez donc à ce que vous éprouverez, lorsque vous saurez que ces tourments de l'âme et du corps réunis doivent durer non des mois pu des années, mais pendant l'éternité.

Je sais que vous n'avez jamais réfléchi sérieusement à ce que sont des peines d'une durée sans fin; car en y réfléchissant il vous eût été impossible de vous laisser aller au cours de vos désordres.
Si le malheureux précipité dans l'enfer apprenait que ses tourments seraient adoucis, après les avoir enduré mille ans, cette nouvelle lui causerait une joie inexprimable, quoique mille ans l'enferment un espace de temps effrayant, mais hélas! le malheureux, après avoir souffert mille ans, et dix mille ans, ne sera pas plus rapproché du terme de ses peines, qu'au moment où il les ressentit pour la première fois; c'est pendant l'éternité qu'il est appelé à souffrir.
O éternité, comment le pécheur peut-il penser à sa durée sans fin, et ne pas mourir de frayeur!

Voilà cependant l'abîme qu'il ouvre sous ses pas en marchant dans les sentiers du vice.
Pourrait-il en avoir la connaissance, et goûter un moment de repos?
Je ne le pense pas non plus que lui; si donc il éprouve les sentiments d'une créature humaine, ne s'écrie-t-il pas avec émotion: oh, enseigne-moi ce que je dois faire pour être sauvé! Comment fuirai-je la colère qui est à venir?

Voilà le point où je désire vous amener.
Je désire vous faire connaître le danger que vous courez, pour que vous cherchiez à l'éviter.
O Dieu tout bon, accorde-moi de réussir! si donc je suis parvenu à vous émouvoir, par ce que je viens de vous dire, si vous sentez au-dedans de vous quelques bonnes dispositions dans votre âme, permettez que je vous conjure de ne pas les repousser, mais de voir dans cette disposition un avertissement de la grâce de Dieu qui vous convie à la repentance; et si vous le dédaignez, pensez que ce sera peut-être le dernier.

Pensez combien vous êtes heureux que ces maux affreux ne soient pas encore tombés sur vous, que la porte ne soit pas encore fermée, que l'heure ne soit pas encore passée, et qu'il soit encore en votre pouvoir d'être heureux.

Pensez aussi au sort effrayant de ces malheureux, de vos compagnons de débauche qui vous ont précédé et qui sont morts dans leurs péchés; pensez que leur jugement est prononcé sans retour, et combien vous avez de grâces à rendre à Dieu de vous avoir conservé la vie.

Lorsque vous aurez sérieusement médité sur votre état, je vous conjure de venir à moi, à moi qui suis votre Pasteur, et je vous enseignerai ce que vous avez à faire pour vous sauver d'une destruction finale. Je vous demande de vous adresser à votre Pasteur, afin que vous puissiez lui ouvrir votre cœur sans gêne, et le mettre en état de juger quelles sont les instructions qui s'appliquent le mieux à vos circonstances.
Je veux que vous sachiez que je ne vous refuserai jamais les secours qui sont en mon pouvoir, qu'aucun reproche sur le passé ne sortira de ma bouche, mais que comme votre ami et votre Pasteur, je ferai tous mes efforts pour vous arracher à votre perdition qui est inévitable, si vous ne changez de conduite.

Voilà ce que j'avais à vous dire pour le moment, dans l'espérance où je suis, que vous ne vous refuserez pas de me consulter dans les diverses circonstances où vous pourriez vous rencontrer. 


Je ne finirai cependant pas sans ajouter quelques conseils à ceux de mes paroissiens qui se sont jusqu'ici préservés, par la grâce de Dieu, des vices dont je viens de parler.

Je les exhorterai en premier lieu, à être sans cesse sur leurs gardes, pour ne jamais profaner, sous quelque prétexte que ce soit; le saint jour du repos, et ne jamais négliger le culte public.

J'insiste d'autant plus sur ce point, que ceux qui ont été enlevés à la vie par une mort violente, ont généralement avoué que cette inattention pour le jour du Seigneur avait été le commencement de leur ruine, car il est naturel de penser que lorsqu'on en vient à négliger Dieu, il doit nous abandonner, ce qui fait que nous tombons aisément dans les pièges que le démon nous tend sans cesse.

J'observe encore qu'il ne suffit pas d'entrer les jours du Sabbat dans les Temples, pour remplir les devoirs que nous impose le culte de Dieu, je ne puis voir sans amertume la conduite de quelques-uns de ceux qui se rendent dans l'Église, et qui ne paraissent donner aucune attention au lieu où ils se trouvent et au but pour lequel on s'y rassemble.
Quelques-uns y dorment pendant une partie du service, d'autres s'y permettent des conversations oiseuses, ou s'amusent à faire des observations sur les assistants. 

Quelques-uns se plaignent qu'ils ne recueillent aucun avantage de leur fréquentation du culte, et je n'ai pas de peine à le croire, car ils n'y apportent aucune intention de plaire à Dieu, et l'idée de sa présence ne paraît faire aucune impression sur eux.

Ceux donc qui veulent s'assurer la faveur du Tout-Puissant, doivent réfléchir qu'en se rendant au Temple, ils entrent dans la Maison de Dieu; qu'ils doivent élever leur cœur à Dieu au moment où ils y ont pris place, qu'ils doivent dès que le service commence fixer leurs pensées sur les prières, suivre le Ministre dans la lecture des diverses parties de la Liturgie, réfléchir que c'est en la présence du grand Dieu qu'ils prient, que son œil les observe, et qu'il est disposé à écouter et à exaucer leurs prières, si c'est avec attention et sincérité qu'ils les lui présentent, sans quoi il les rejette avec mépris.

Lorsqu'on lit l'Écriture, ils doivent penser que c'est la parole de Dieu, que quoiqu'ils ne puissent conserver dans leur mémoire qu'une petite partie de ce qu'ils entendent, ainsi que du Sermon, cette petite partie peut insensiblement leur donnera connaissance de la voie du salut. Je leur recommande encore de ne pas dissiper le reste de ce saint jour en conversations frivoles et inutiles. Dieu veut que ce jour soit consacré au bien de leur âme. Ils doivent donc lire des livres de piété dans leurs maisons, et surtout l'Évangile, ou se réunir avec des voisins religieux, avec lesquels ils puissent avoir des conversations édifiantes sur les choses qui appartiennent à la justice et à la sainteté.

Le Dimanche ainsi écoulé leur assurera les plus grands avantages. Pendant la semaine, ils ne se permettront jamais, de sortir de leurs maisons sans avoir adressé à Dieu une courte prière, et ils en feront de même avant de se livrer le soir au sommeil, n'oubliant jamais d'apporter à l'acte de la prière l'attention et le respect dû à celui à qui elle s'adresse.

Et si l'on s'est rendu coupable du moindre péché, ne fut-ce que d'avoir proféré des paroles téméraires et sans réflexion, on devra prier Dieu de nous en accorder le pardon par les mérites de Jésus-Christ. Cette habitude sera très propre à nous préserver contre les tentations au mal.

Quant à l'ordre à établir dans nos familles, je recommanderai aux pères et mères de surveiller avec soin la conduite de leurs enfants à mesure qu'ils se développent, cette négligence a souvent été fatale à plusieurs. Je leur dirai que le plus riche héritage ne saurait être pour ces enfants un bien comparable aux sentiments que vous aurez gravé de bonne heure dans leur cœur, pour les attacher à Dieu et à la Religion. On ne peut les préserver trop tôt contre les mauvaises habitudes, prévenir trop tôt la disposition qu'ils à mentir, à jurer, à désobéir, à commettre d'autres vices. C'est dans leur jeunesse qu'il faut les corriger, si vous laissez vieillir l'habitude, vous ne pourrez la déraciner.

Lorsque des jeunes gens auront été élevés avec soin sous le toit paternel, et qu'ils pourront s'offrir comme ouvriers ou domestiques, le dernier service que leurs parents sont dans le cas de leur rendre sera de bien choisir les familles dans lesquelles ils les placeront; si pour leur procurer des gages plus considérables, vous les introduisez dans des familles connues par des mœurs licencieuses, il est vraisemblable qu'ils perdront entièrement le fruit des soins que vous vous serez donnés sans qu'ils recueillent aucun avantage d'un peu plus d'argent qu'ils auront reçu, car dans ces familles les domestiques perdent le goût de la frugalité et de l'économie, dissipent leur gain au jeu ou à d'autres extravagances, et finissent par se perdre pour là vie présente et pour celle qui est a venir.

Je n'étendrai pas davantage ces réflexions. Je les termine par un conseil général, qui vous préservera contre la force des tentations si vous voulez le suivre scrupuleusement.
C'est de vous demander souvent quel sera mon sort si je viens à mourir?

Lorsque l'homme est au bord de la tombe, il est frappé d'horreur, et cherche autour de lui des secours et des consolations; mais où les trouvera-t-il?
Ce ne sera pas dans les objets du monde qui disparaissent pour lui, ni dans les larmes de ses amis, qui ne peuvent lui donner ni soulagement ni consolation; ce ne peut donc être que dans la miséricorde de Dieu et par les mérites de Jésus-Christ.
Mais ces espérances sont vaines, si nous n'avons fait aucun effort pour le servir, et pour lui plaire pendant que, nous jouissions de la santé.
Si nos consciences nous rendent le témoignage de l'avoir fait sincèrement, alors nous avons la certitude que Dieu sera notre Protecteur.
Mais si au contraire nous savons que nous avons vécu sans attention à ses lois, sans respect pour ses commandements, que dans toutes nos actions nous avons suivi nos propres convoitises, alors l'horreur et la honte seront notre partage.

Ah! si l'homme réfléchissait à ceci lorsqu'il est tenté de commettre un péché, connaissez-vous quelque considération sur la terre qui pût lui faire négliger son devoir?

Je finis en suppliant le Tout-Puissant au nom et par l'intercession de son Fils Jésus-Christ, de fortifier des secours de son Saint-Esprit ceux d'entre vous qui sont debout, et de les maintenir jusqu'à la fin dans la pratique des bonnes œuvres.

Quant à ceux qui sont tombés, puisse Dieu dans sa miséricorde les relever, afin que tous soient parfaits participants du bonheur au grand jour des rétributions.

Quant à moi à qui le soin de vos âmes a été confié, puissé-je en rendre compte avec satisfaction au Seigneur qui me les a confiées.

Tel est, mes chers frères et paroissiens le voeu constant, et telle est la fervente prière de votre Pasteur qui veut être aussi Votre ami.

FIN


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