J'ai eu de fréquentes occasions de me convaincre qu'il existe dans ce Canton un grand nombre de familles qui sont dans une grande pauvreté par une suite du péché de l'ivrognerie, et comme il est du devoir de tout bon Citoyen de faire ses efforts pour prévenir un si grand malheur, les réflexions que je vais vous présenter ne sont pas toutes de nature à pouvoir vous être communiquées dès la chaire, et je me flatte que la manière amicale avec laquelle je vais vous entretenir sur cet important sujet, pourra produire sur vous une impression durable et un effet salutaire.
Quoiqu'il se trouve dans toutes nos paroisses un grand nombre d'hommes pour lesquels cette instruction n'est heureusement pas nécessaire, elle ne laissera pas de les confirmer dans leurs habitudes de tempérance, et de les préserver des tentations et des mauvais exemples, en voyant les suites fatales d'un vice aussi odieux.
Je m'adresse particulièrement aux pères de famille, parce que le bien-être et le bonheur de tous ceux qui vivent dans leur dépendance, est intimement liés à leur conduite. Je vais chercher à les convaincre, que l'habitude de l'ivrognerie et de la débauche tend à les rendre malheureux déjà dans cette vie.
Je commencerai par signaler les maux nombreux que vous attirez sur vos têtes par ce vice scandaleux. Il paraît difficile au premier coup d'œil de vous convaincre que vous êtes les premières victimes de ce vice, indépendamment des conséquences fâcheuses qui en résultent pour votre famille, car vous allez me dire que le plaisir que vous procure la société de vos compagnons de joie, est le seul qui soit à votre portée; qu'il serait bien dur de vous refuser cette jouissance, et de vous empêcher de ranimer vos forces épuisées, lorsque vous avez supporté la fatigue et la chaleur du jour.
Je suis loin de vous blâmer, et je désire au contraire que vos désirs à cet égard puissent être satisfaits, mais permettez que je vous demande, s'il ne serait pas plus naturel que vous vous donnassiez ces délassements sous votre toit, avec les membres de votre famille; car si vous ne cherchez que la satisfaction des besoins du corps, et non l'excès dans la boisson, je ne comprendrais pas que vous ne pussiez réparer vos forces qu'au cabaret.
Vous me direz, nous y rencontrons des compagnons agréables et gais, tandis qu'à la maison nous n'aurions d'autre société qu'une femme ennuyeuse et des enfants pleureurs. Si telle est votre réponse, il est certain que vous demandez quelque chose de plus que le repos, et que ce qui pourrait simplement réparer vos forces; votre intention est de boire avec excès, et de vous livrer au désordre et à la débauche.
Car qui peut ignorer que c'est là votre habitude constante toutes les fois que vous vous réunissez avec des camarades qui ont les mêmes inclinations que vous, et rien ne peut mettre fin à vos excès que le manque d'argent ou de crédit.
Voilà
le
vice affreux que je cherche à prévenir, je vous sollicite donc de
vouloir prêter votre attention aux réflexions que je viens vous
présenter.
Je désirerais d'abord que vous voulussiez penser, à tête reposée,
à ce que sont ces amis de bonne société dans la compagnie desquels
vous vous complaisez, et pour lesquels vous vous séparez de votre
femme et de vos enfants, prêtez l'oreille à mes conseils plutôt
qu'à ces hommes, que vous ne jugez que dans un état d'ivresse.
Ce sont pour la plupart des misérables, incapables d'amitié, qui
manquent de vraie charité, et qui vous refuseraient assistance
dans votre détresse, lors même qu'ils seraient en état de vous
obliger.
Toutes ces apparences d'honnêteté et d'amitié qui vous enchantent
ne sont que les protestations de misérables désœuvrés, voleurs ou
fripons qui sont prêts d'un moment à l'autre à trahir leurs
complices. Croyez-moi, si vous veniez à tomber dans la misère ou
dans quelque détresse, cherchez du secours
ou de la protection ailleurs qu'auprès d'eux, vous les recevrez
peut-être de tel de vos voisins que vous méprisez aujourd'hui,
parce qu'ils ne participent pas à vos débauches.
Réfléchissez
ensuite,
combien vous vous sentez misérable, lorsqu'après avoir passé une
nuit, et peut-être le jour suivant dans ces excès honteux, vous
commencez à reprendre l'usage de votre raison et de vos sens. S'il
reste dans votre cœur quelque sentiment d'affection pour votre
famille ,ne craignez-vous pas de rentrer dans votre demeure, où
vous êtes sûr d'apercevoir la douleur, la détresse, les besoins
les plus urgents qu'éprouvent ceux qui devraient être l'objet
de vos sollicitudes et de vos soins.
Votre femme poussée à bout peut-être par là fréquente répétition
de vos excès, vous attend sur la porte avec les reproches les plus
durs; il serait plus sage sans doute qu'elle s'abstînt de le
faire, car elle gagnerait plus par le silence que par les plaintes
les plus bruyantes, mais qui oserait la blâmer en pensant aux maux
auxquels elle est en proie par une suite de vos dérèglements?
L'irritation de votre femme excite votre colère et votre rage, des
injures vous en venez aux coups, et vous vous abandonnez à de tels
emportements, qu'on ne sait jusqu’où ils vous entraîneraient, si
les voisins alarmés ne venaient par pitié à son secours. Après
de semblables
scènes vous prenez un air sombre et méprisant, la terreur continue
à régner dans votre habitation, elle se peint dans l'extérieur de
votre femme et de vos enfants tremblants, et vous sortez pour
chercher l'occasion de recommencer vos désordres si on consent à
vous fournir du vin à crédit.
Et
lorsqu'enfin
vous êtes dans la nécessité de retourner à votre ouvrage pour
ne pas mourir de faim, le travail ne vous offre qu'ennui et
dégoût. Vous ne retrouvez plus cette sérénité, ce calme de l'âme
qui accompagne le manœuvre honnête dans son travail journalier, et
qui allège pour lui le poids du travail.
Et quand les suites de l'ivrognerie n'affaibliraient pas votre
corps de manière à vous rendre presque incapable de travail, ce
qui arrive à quelques-uns, votre âme agitée rendrait votre tâche
rebutante, et vous la rempliriez si mollement, que ceux qui vous
emploient cesseraient de s'adresser à vous.
Et quelle serait la conséquence de ce malheur?
La pauvreté qui fondrait sur vous comme un homme armé, et votre
détresse augmentant, vous finiriez par vous engager avec des
vagabonds et des voleurs pour faire cesser les besoins les plus
urgents, ce qui ne tarderait pas à vous conduire à une mort
infâme, ou bien vous finiriez par vous enrôler comme soldat, en
abandonnant votre famille aux charités de la commune,
pensée qui ne tarderait pas, lorsque vous en viendriez à y
réfléchir de sang-froid, à vous déchirer le cœur. Mais jetez les
yeux sur un de vos voisins sobres, qui peut-être n'avait comme
vous que son travail journalier pour pourvoir à son entretien, qui
avait le même nombre d'enfants à nourrir, vous le verrez et toute
sa famille dans une condition aisée, aucun d'eux n'éprouvant la
faim, aucun d'eux ne présentant par ses vêtements le désordre de
sa famille.
Et
d'où
vient cette différence?
Vous me direz, qu'il a eu une femme plus soigneuse et plus
industrieuse que la vôtre; mais réfléchissez-vous que votre femme
n'a pu montrer de l'ordre et de l'économie, lorsque vous consumiez
en débauches presque tout ce que vous gagniez, et que quand elle
eût eu cette disposition, vous ne lui aviez pas laissé les moyens
de la mettre en pratique!
Comment aurait-elle le cœur à l'économie, quand elle voit que par
là elle vous facilite les moyens de dépenser davantage.
Rappelez-vous lorsque vous vous êtes réuni pour la première fois,
si sa conduite n'a pas été différente, si elle n'a pas montré plus
d'affection pour vous, et plus de soin dans les détails de son
ménage.
Si donc elle est aujourd'hui si différente, à qui imputerez-vous
ce changement?
Il
y
a dans le cœur de la plupart des femmes un si grand fond de
sentiments d'affection, d'amour pour leurs enfants, qu'il
est rare qu'elles manquent à leurs devoirs
si leur mari de son côté remplit les siens. Et quand il en est
autrement, ne l'imputez pour l'ordinaire qu'au mauvais choix de
celui qui, au lieu de prendre une compagne dans une famille
honnête et religieuse, dont les individus se distinguent par leur
activité et leur bonne conduite, a préféré prendre pour femme
quelque jeune fille sans expérience élevée dans l'oisiveté, qui
n'a jamais pu rester longtemps dans le même service, n'ayant
aucune qualité solide qui put la rendre recommandable, tandis que
celle-ci sans inclination a pris un mari pour satisfaire ses
passions et s'exempter de la nécessité du travail.
S'étonnerait-on après cela qu'un tel choix n'offrît qu'une
mauvaise femme, il serait presque impossible qu'elle fût autre
chose, si même elle ne finit pas par se livrer à l'ivrognerie et
au libertinage?
Vous me direz que ce voisin sobre dont j'oppose la conduite à la vôtre a eu plus de bonheur que vous, qu'il a trouvé des amis dans le monde, tandis que vous n'avez eu que votre travail pour vous soutenir. Que personne ne vous a été en secours, qu'on se refuse même de prendre vos enfants en service, tandis que les siens trouvent de bonnes places. Cela est vrai, mais je vous demanderai, comment se fait-il que votre voisin trouve des amis, si ce n'est parce que sa conduite est meilleure que la vôtre? Votre dérèglement de mœurs n'a pas permis aux gens charitables de faire quelque chose pour vous. Quelques légers secours auraient été insuffisants, vos besoins extravagants demandaient des charités considérables, et vous ne deviez pas vous attendre que l'on s'élargit à votre égard pour fournir aux dépenses qu'entraîne votre conduite débauchée.
Quant à votre voisin, on sait que les plus légers dons lui profitent, et l'homme charitable qui les accorde a la satisfaction de voir que la famille entière en jouit; on sait que rien n'est perdu, que rien n'est mal employé, que tout est appliqué à des objets de nécessité, vous devez donc comprendre pourquoi on préfère aider votre voisin.
Vous
ne
sauriez être surpris, si vous y réfléchissez, qu'on ne veuille pas
de vos enfants pour domestiques, lorsqu'ils sont en âge de servir,
à moins qu'il ne soit indifférent de recevoir dans sa famille des
fripons, ou des filles perdues.
Vous avez, par vos désordres, privé vos enfants des secours de
l'instruction des écoles, vous leur avez donné des exemples de
vice, et la détresse dans laquelle ils ont souvent été, le manque
de nourriture et de vêtements les a souvent réduits à la nécessité
de piller et de voler; avec de telles habitudes, qui
voudrait s'hasarder de les introduire dans sa famille?
Mais les enfants de votre voisin ont été élevés avec soin, ils ont
appris à lire dès leur enfance, ils ont
appris dans leur Catéchisme à avoir en horreur toute espèce de vol
et de friponnerie, à se conduire avec respect et modestie
vis-à-vis de leurs supérieurs, ils ont eu de plus de bons exemples
sous les yeux dans leur famille, de tels enfants trouveront
toujours de l'encouragement, tandis que les vôtres seront
dédaignés et rejetés.
Mais
ce
n'est pas tout, que deviendront ces pauvres et malheureux enfants
que chacun repousse?
Hélas! les garçons seront avec le temps des voleurs, et les filles
des prostituées, et vous vivrez peut-être assez longtemps pour
être témoin des justes châtiments qu'ils se seront attirés;
quelques-uns peut-être périront sur l’échafaud, en prononçant
jusqu'à leur dernier soupir les plus terribles malédictions contre
vous qui avez été la cause de leur infamie.
Et
bien,
tous ces malheurs procèdent de votre mauvaise conduite. Vous,
votre femme et vos enfants, avez concouru à vous rendre tous
malheureux et cela uniquement parce que vous n'avez pas voulu
renoncer à l'ivrognerie.
Ne trembleriez-vous pas à cette idée, n'auriez-vous pas votre
conduite en horreur?
Vous me dites que vous êtes souvent bien à plaindre, qu'à la vue
de vos pauvres enfants, vous avez souvent pris la résolution de
renoncer à votre intempérance, mais que vous ne savez comment il
se fait vos bonnes résolutions s'évanouissent, que
vous manquez de force pour résister à la force de l'habitude et
des séductions.
Mais
parlez-moi
franchement, vous me direz qu'il y a des maîtres pour qui vous
travaillez, qui s'attendent à ce que vous devez dépenser avec eux
au cabaret une partie du prix de votre travail, et que vous
craignez qu'un refus ne vous expose à leur mécontentement.
Je vous répondrai: qu'il ne saurait y avoir un bon maître qui
puisse exiger que son ouvrier sacrifie et dissipe ce qui doit
servir à l'entretien de sa famille. Que s'il s'en trouvait d'aussi
vils il ne faudrait pas balancer à se refuser à leur demande au
risque même de perdre leur faveur.
Aussi longtemps que votre conduite sera bonne et que vous serez connu pour un homme honnête et laborieux, vous ne manquerez jamais d'ouvrage. Les maîtres ont autant besoin de bons domestiques, que les domestiques de bons maîtres, ils ne se sépareront pas d'un ouvrier par la raison que sa conduite est régulière et recommandable.
Vous me direz qu'il arrive quelquefois que vous ne pouvez conclure un marché sans le pot de vin. Je sais que plusieurs pensent ainsi, mais quels que soient ceux qui le pensent, on aperçoit dans cet usage de la bassesse et de la méchanceté; car cet usage indique que vous espérez qu'en échauffant de vin la tête de celui avec qui vous voulez traiter, vous pourrez tirer quelque avantage de sa faiblesse et de l'altération plus ou moins grande de sa raison. Mais je ne saurais voir une grande différence entre un homme qui use d'un semblable moyen, et celui qui dérobe l'argent d'un pauvre homme qu'il trouve endormi sous une haie à son retour dans sa cabane.
Vous
pourrez
me dire que vous n'entrez jamais dans les cabarets dans
l'intention d'y boire
avec
excès; c'est par inadvertance que cela vous arrive, et vous vous
flattez que votre faute en sera plus excusable.
Mon bon ami, je veux bien croire ce que vous me dites, mais
n'êtes-vous pas extrêmement blâmable de vous lier à des sociétés
qui se livrent souvent aux excès de l'intempérance, et qui s'y
livreront encore.
Vous craignez que par vos refus constants vous ne soyez en but au
ridicule, et vous ne pouvez supporter cette idée. Mais il est bien
étonnant que cette fausse honte vous soit un piège pour vous
porter au mal, il paraît que vous ne craignez point la censure des
honnêtes gens qui vous blâment de fréquenter de semblables
compagnies, c'est cependant l'approbation des braves gens que vous
devriez rechercher, et non celle de gens dont l'éloge vous est peu
honorable.
Ce même raisonnement vous servirait donc d'excuse pour forcer des
maisons et dérober, si ces personnes l'exigeaient de votre
complaisance, car certainement en cas de refus de votre
part, elles vous accuseraient de faiblesse
et de manque de courage. Mais ces excuses et toute autre ne
sauraient avoir aucun poids, si vous vouliez réfléchir aux
terribles conséquences auxquelles vous vous exposez dans la vie à
venir.
C'est
sur
cet objet important que je vais porter les yeux.
Mais avant tout, je voudrais, vous convaincre que les mauvaises
habitudes peuvent être domptées; il faut sans doute un grand degré
de force pour les rompre, mais, si vous y travaillez avec
sincérité, vous êtes sûr de la victoire.
Je
vous
recommanderais d'abord de ne pas vous borner à vous séparer
insensiblement, et par degrés de vos liaisons d'intempérance, mais
de rompre absolument et tout à coup. Il y a des tentations
auxquelles on ne peut se soustraire sans prendre la fuite, et
celle-ci est du nombre.
Si vous vous imaginez être le maître de vous rapprocher de ces
sociétés, quand il vous plaira, sans courir le risque, de retomber
dans vos premiers excès, vous méconnaissez absolument vos forces,
et vous ne tarderez pas à apprendre à vos dépens que vos bonnes
résolutions se dissiperont en fumée.
Il est probable que la nature de vos occupations journalières vous
rapprochera de cette société, et que vous serez souvent sollicité
à prendre part à leurs orgies. Il vous en coûtera beaucoup dans le
commencement, de vous refuser à leurs sollicitations,
mais
si vous avez assez d'empire sur vous pour résister pour quelque
temps, et d'être ferme dans votre résolution, toutes les
difficultés seront vaincues, car le plaisir et la satisfaction que
vous éprouverez auprès de votre femme et de vos enfants,
augmentera chaque jour, jusqu'à ce qu'enfin vous n'éprouverez
aucun désir de vous rapprocher de vos camarades de plaisir.
Il serait à désirer alors que votre femme eût assez de sens pour
vous prévenir et vous obliger en toute manière, sans jamais se
permettre un mot de reproche sur votre conduite passée, ce moyen
serait bien propre à vous confirmer dans le bien.
Quant à vos enfants, comme ils se trouveraient moins en souffrance
et mieux nourris, ils vous témoigneraient leur joie, ils
regagneraient votre affection par leurs touchantes caresses. Si
donc vous avez assez de courage, pour résister pour un peu de
temps aux sollicitations de vos compagnons de débauche, vous
courrez peu de danger de retomber dans le désordre.
Ajoutez que vous aurez l'avantage de trouver des dispositions de bienveillance chez ceux pour qui vous n'étiez auparavant, qu'un objet de mépris. Les braves gens, en vous voyant disposé à changer de vie et à abandonner votre mauvais train, s'empresseraient à vous montrer de l'intérêt, en vous aidant à fixer vos bonnes résolutions, de manière qu'en perdant la faveur de vos compagnons d'intempérance, vous gagneriez l'amitié de gens plus estimables.
En agissant ainsi, vous recouvrerez encore la faveur du Tout-Puissant que vous aviez perdue par vos désordres, avantage inappréciable, si vous portez vos regards sur les biens spirituels qui accompagnent votre changement de vie.
Je vous ai dit en commençant qu'une vie de débauche et d'ivrognerie ne se borne pas à vous rendre malheureux pour le temps présent, mais encore pour la vie à venir, je vais développer cette idée.
Sachez, vous, qui vivez dans l'intempérance, que le Dieu des Cieux ne vous a pas appelé à l'existence vous et vos semblables, comme le sont les bêtes brutes qui n'ont que quelques années de vie, qui ensuite rentrent dans la poussière sans qu'il en reste de trace. Il est certain que vous êtes vivants en ce moment, mais il ne l'est pas moins que vous ressusciterez un jour avec votre corps, lors même qu'il aura été décomposé dans le cercueil, et que vous vivrez dans un autre monde, pour y être heureux ou malheureux pendant l'éternité. Vous sentez donc qu'il est de la plus grande importance pour vous et pour nous tous de savoir lequel de ces deux états de bonheur ou de malheur sera notre partage. Mais de la manière dont vous vivez aujourd'hui vous ne saurez attendre d'autre sort que celui des malheureux. Car voyez dans quel chemin d'iniquité vous marchez habituellement.
Le
péché
de l'ivrognerie est odieux de sa nature et vous entraîne par une
pente naturelle à toute autre espèce de vice.
La profanation du jour du repos (jour que vous choisissez
d'ordinaire pour vos débauches) est un crime que Dieu a
déclaré qu'il punirait très sévèrement.
Les jurements, les blasphèmes horribles et les imprécations qui
sortent incessamment de votre bouche, provoquent la colère de
Dieu.
Il est effrayant de penser à toutes les infamies que vous vous
permettez dans vos débauches nocturnes, et rien ne prouve mieux la
grande patience et le support de Dieu que de voir que sa foudre ne
vous écrase pas, et ne vous précipite pas au tombeau.
C'est dans ces rassemblements que les jurements de toute espèce frappent les oreilles, et insultent la majesté de Dieu, que vous en contractez l'habitude, de manière que dans vos conversations journalières vous ne pouvez vous empêcher de blasphémer à chaque instant votre Créateur. Je ne ferai pas de recherche sur les autres péchés dont l'intempérance vous rend coupable, je crois qu'en vous examinant vous en trouveriez plusieurs, mais je vous ferai observer qu'il suffirait des péchés dont j'ai fait mention pour motiver votre condamnation dans l'éternité si vous ne vous repentez pas.
Et
si
vous pensiez que parce que Dieu ne vous fait pas ressentir
sur le moment le châtiment que provoqué votre impiété, il n'y
donne pas d'attention, et que vos désordres seront impunis, vous
seriez dans une grossière erreur. Dieu voit et prend connaissance
de tout ce qui se passe sur la terre, et il arrive souvent que des
provocations réitérées le déterminent à un châtiment immédiat.
L'histoire ancienne en présente plusieurs exemples consignés dans
l'Écriture, et nous en avons des exemples sous nos yeux. Mais si
Dieu diffère souvent ses jugements, c'est «qu'il a fixé un jour
auquel il jugera le monde entier», en sorte que ceux qui échappent
aujourd'hui n'en seront pas moins punis plus tard.
Il
n'est
pas en notre pouvoir de décrire les peines dont les méchants
seront affligés dans une autre vie sans en avoir eu l'expérience,
et Dieu veuille que nul d'entre nous ne soit dans le cas de les
connaître un jour. Mais l'Écriture nous en parle assez clairement
pour
nous effrayer à salut, je ne rappellerai ici qu'un seul
passage de ce saint Livre.
Le Sauveur nous exhorte dans son Évangile de nous arracher un
œil, ou de nous couper la main droite s'ils nous faisaient
broncher, c'est-à-dire, qu'il vaut mieux nous priver d'une
jouissance quelconque, plutôt que de risquer de déplaire au
Dieu tout-puissant, et la raison que notre Seigneur en
donne
est que Dieu peut nous précipiter dans l'enfer, où le ver ne
meurt point, et où le feu ne s'éteint point. Or le ver qui ne
meurt point, c'est le remord d'une conscience criminelle, et
le feu qui ne s'éteint point, ce sont les flammes des
tourments de l'enfer.
Connaissez-vous
des
déclarations plus expresses et plus effrayantes?
Rappelez-vous si lorsque vous avez éprouvé les angoisses d'une âme
agitée ou des douleurs cruelles dans votre corps, même pendant un
petit nombre de jours, vous ne vous êtes pas abandonné à de
tristes plaintes?
Si on vous eût annoncé que vous les éprouveriez pendant des
années, vous eussiez dit qu'elles étaient au-dessus de vos forces.
Songez donc à ce que vous éprouverez, lorsque vous saurez que ces
tourments de l'âme et du corps réunis doivent durer non des mois
pu des années, mais pendant l'éternité.
Je
sais
que vous n'avez jamais réfléchi sérieusement à ce que sont des
peines d'une durée sans fin; car en y réfléchissant il vous eût
été impossible de vous laisser aller au cours de vos désordres.
Si le malheureux précipité dans l'enfer apprenait que ses
tourments seraient adoucis, après les avoir enduré mille ans,
cette nouvelle lui causerait une joie inexprimable, quoique mille
ans l'enferment un espace de temps effrayant, mais hélas! le
malheureux, après avoir souffert mille
ans, et dix mille ans, ne sera pas plus rapproché du terme de ses
peines, qu'au moment où il les ressentit pour la première fois;
c'est pendant l'éternité qu'il est appelé à souffrir.
O éternité, comment le pécheur peut-il penser à sa durée sans fin,
et ne pas mourir de frayeur!
Voilà
cependant
l'abîme qu'il ouvre sous ses pas en marchant dans les sentiers du
vice.
Pourrait-il en avoir la connaissance, et goûter un moment de
repos?
Je ne le pense pas non plus que lui; si donc il éprouve les
sentiments d'une créature humaine, ne s'écrie-t-il pas avec
émotion: oh, enseigne-moi ce que je dois faire pour être sauvé!
Comment fuirai-je la colère qui est à venir?
Voilà
le
point où je désire vous amener.
Je désire vous faire connaître le danger que vous courez, pour que
vous cherchiez à l'éviter.
O Dieu tout bon, accorde-moi de réussir! si donc je suis parvenu à
vous émouvoir, par ce que je viens de vous dire, si vous sentez
au-dedans de vous quelques bonnes dispositions dans votre âme,
permettez que je vous conjure de ne pas les repousser, mais de
voir dans cette disposition un avertissement de la grâce de Dieu
qui vous convie à la repentance; et si vous le dédaignez, pensez
que ce sera peut-être le dernier.
Pensez combien vous êtes heureux que ces maux affreux ne soient pas encore tombés sur vous, que la porte ne soit pas encore fermée, que l'heure ne soit pas encore passée, et qu'il soit encore en votre pouvoir d'être heureux.
Pensez aussi au sort effrayant de ces malheureux, de vos compagnons de débauche qui vous ont précédé et qui sont morts dans leurs péchés; pensez que leur jugement est prononcé sans retour, et combien vous avez de grâces à rendre à Dieu de vous avoir conservé la vie.
Lorsque
vous
aurez sérieusement médité sur votre état, je vous conjure de venir
à moi, à moi qui suis votre Pasteur, et je vous enseignerai ce que
vous avez à faire pour vous sauver d'une destruction finale. Je
vous demande de vous adresser à votre Pasteur, afin que vous
puissiez lui ouvrir votre cœur sans gêne, et le mettre en état de
juger quelles sont les instructions qui s'appliquent le mieux à
vos circonstances.
Je veux que vous sachiez que je ne vous refuserai jamais les
secours qui sont en mon pouvoir, qu'aucun reproche sur le passé ne
sortira de ma bouche, mais que comme votre ami et votre Pasteur,
je ferai tous mes efforts pour vous arracher à votre perdition qui
est inévitable, si vous ne changez de conduite.
Voilà ce que j'avais à vous dire pour le moment, dans l'espérance où je suis, que vous ne vous refuserez pas de me consulter dans les diverses circonstances où vous pourriez vous rencontrer.
J'insiste d'autant plus sur ce point, que ceux qui ont été enlevés à la vie par une mort violente, ont généralement avoué que cette inattention pour le jour du Seigneur avait été le commencement de leur ruine, car il est naturel de penser que lorsqu'on en vient à négliger Dieu, il doit nous abandonner, ce qui fait que nous tombons aisément dans les pièges que le démon nous tend sans cesse.
J'observe
encore
qu'il ne suffit pas d'entrer les jours du Sabbat dans les Temples,
pour remplir les devoirs que nous impose le culte de Dieu, je ne
puis voir sans amertume la conduite de quelques-uns de ceux qui se
rendent dans l'Église, et qui ne paraissent donner aucune
attention au lieu où ils se trouvent et au but pour lequel on s'y
rassemble.
Quelques-uns y dorment pendant une partie du service, d'autres s'y
permettent des conversations oiseuses, ou s'amusent à faire des
observations sur les assistants.
Quelques-uns se plaignent qu'ils ne recueillent aucun avantage de leur fréquentation du culte, et je n'ai pas de peine à le croire, car ils n'y apportent aucune intention de plaire à Dieu, et l'idée de sa présence ne paraît faire aucune impression sur eux.
Ceux donc qui veulent s'assurer la faveur du Tout-Puissant, doivent réfléchir qu'en se rendant au Temple, ils entrent dans la Maison de Dieu; qu'ils doivent élever leur cœur à Dieu au moment où ils y ont pris place, qu'ils doivent dès que le service commence fixer leurs pensées sur les prières, suivre le Ministre dans la lecture des diverses parties de la Liturgie, réfléchir que c'est en la présence du grand Dieu qu'ils prient, que son œil les observe, et qu'il est disposé à écouter et à exaucer leurs prières, si c'est avec attention et sincérité qu'ils les lui présentent, sans quoi il les rejette avec mépris.
Lorsqu'on lit l'Écriture, ils doivent penser que c'est la parole de Dieu, que quoiqu'ils ne puissent conserver dans leur mémoire qu'une petite partie de ce qu'ils entendent, ainsi que du Sermon, cette petite partie peut insensiblement leur donnera connaissance de la voie du salut. Je leur recommande encore de ne pas dissiper le reste de ce saint jour en conversations frivoles et inutiles. Dieu veut que ce jour soit consacré au bien de leur âme. Ils doivent donc lire des livres de piété dans leurs maisons, et surtout l'Évangile, ou se réunir avec des voisins religieux, avec lesquels ils puissent avoir des conversations édifiantes sur les choses qui appartiennent à la justice et à la sainteté.
Le Dimanche ainsi écoulé leur assurera les plus grands avantages. Pendant la semaine, ils ne se permettront jamais, de sortir de leurs maisons sans avoir adressé à Dieu une courte prière, et ils en feront de même avant de se livrer le soir au sommeil, n'oubliant jamais d'apporter à l'acte de la prière l'attention et le respect dû à celui à qui elle s'adresse.
Et si l'on s'est rendu coupable du moindre péché, ne fut-ce que d'avoir proféré des paroles téméraires et sans réflexion, on devra prier Dieu de nous en accorder le pardon par les mérites de Jésus-Christ. Cette habitude sera très propre à nous préserver contre les tentations au mal.
Quant à l'ordre à établir dans nos familles, je recommanderai aux pères et mères de surveiller avec soin la conduite de leurs enfants à mesure qu'ils se développent, cette négligence a souvent été fatale à plusieurs. Je leur dirai que le plus riche héritage ne saurait être pour ces enfants un bien comparable aux sentiments que vous aurez gravé de bonne heure dans leur cœur, pour les attacher à Dieu et à la Religion. On ne peut les préserver trop tôt contre les mauvaises habitudes, prévenir trop tôt la disposition qu'ils à mentir, à jurer, à désobéir, à commettre d'autres vices. C'est dans leur jeunesse qu'il faut les corriger, si vous laissez vieillir l'habitude, vous ne pourrez la déraciner.
Lorsque des jeunes gens auront été élevés avec soin sous le toit paternel, et qu'ils pourront s'offrir comme ouvriers ou domestiques, le dernier service que leurs parents sont dans le cas de leur rendre sera de bien choisir les familles dans lesquelles ils les placeront; si pour leur procurer des gages plus considérables, vous les introduisez dans des familles connues par des mœurs licencieuses, il est vraisemblable qu'ils perdront entièrement le fruit des soins que vous vous serez donnés sans qu'ils recueillent aucun avantage d'un peu plus d'argent qu'ils auront reçu, car dans ces familles les domestiques perdent le goût de la frugalité et de l'économie, dissipent leur gain au jeu ou à d'autres extravagances, et finissent par se perdre pour là vie présente et pour celle qui est a venir.
Je
n'étendrai
pas davantage ces réflexions. Je les termine par un conseil
général, qui vous préservera contre la force des tentations si
vous voulez le suivre scrupuleusement.
C'est de vous demander souvent quel sera mon sort si je viens à
mourir?
Lorsque
l'homme
est au bord de la tombe, il est frappé d'horreur, et cherche
autour de lui des secours et des
consolations; mais où les trouvera-t-il?
Ce ne sera pas dans les objets du monde qui disparaissent pour
lui, ni dans les larmes de ses amis, qui ne peuvent lui donner ni
soulagement ni consolation; ce ne peut donc être que dans la
miséricorde de Dieu et par les mérites de Jésus-Christ.
Mais ces espérances sont vaines, si nous n'avons fait aucun effort
pour le servir, et pour lui plaire pendant que, nous jouissions de
la santé.
Si nos consciences nous rendent le témoignage de l'avoir fait
sincèrement, alors nous avons la certitude que Dieu sera notre
Protecteur.
Mais si au contraire nous savons que nous avons vécu sans
attention à ses lois, sans respect pour ses commandements, que
dans toutes nos actions nous avons suivi nos propres convoitises,
alors l'horreur et la honte seront notre partage.
Ah! si l'homme réfléchissait à ceci lorsqu'il est tenté de commettre un péché, connaissez-vous quelque considération sur la terre qui pût lui faire négliger son devoir?
Je finis en suppliant le Tout-Puissant au nom et par l'intercession de son Fils Jésus-Christ, de fortifier des secours de son Saint-Esprit ceux d'entre vous qui sont debout, et de les maintenir jusqu'à la fin dans la pratique des bonnes œuvres.
Quant à ceux qui sont tombés, puisse Dieu dans sa miséricorde les relever, afin que tous soient parfaits participants du bonheur au grand jour des rétributions.
Quant à moi à qui le soin de vos âmes a été confié, puissé-je en rendre compte avec satisfaction au Seigneur qui me les a confiées.
Tel est, mes chers frères et paroissiens le voeu constant, et telle est la fervente prière de votre Pasteur qui veut être aussi Votre ami.
FIN
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