CONDAMANTION ET REDEMPTION
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- JE disais
autrefois: «Le péché me domine:»
- Qui me
dévoilera sa terrible origine?
- Est-il
chez moi le fruit d'un pouvoir limité?
- Est-il
chez moi l'abus de trop de liberté?»
- Et je
cherchais partout la clef de ce mystère,
- J'évoquais
devant moi les sages de la terre,
- Les
vivants et les morts, et jusqu'à ces débris
- Que l'on
découvre à peine aux antiques écrits.
- Mais ma
course était vaine et ma veille inféconde:
- Je disais:
A demain! mais toujours nuit profonde!
-
- Et je
restais encor dans ce jour de demain,
- Perdu dans
les replis du labyrinthe humain.
- Il me
sembla plus tard que, touché de ma peine,
- Dieu me
tendait sa main, de grâces toute pleine;
- Et qu'un
Esprit nouveau dont je suivais la loi,
- Consolant
et priant, venait d'éclore en moi.
- Et
relisant alors, plein d'une ardeur nouvelle,
- Ce livre
où resplendit la pensée éternelle,
- Je vis que
les humains, rebelles en tout lieu,
- Sont
maudits sur la terre et rejetés de Dieu.
- Mais
l'homme, aux premiers temps, parfait de sa nature,
- Cheminait
devant lui sans effort ni murmure.
- À la
beauté divine ils se laissait ravir,
- Vivait
pour être heureux, invoquer et bénir;
- Dieu
l'aimait, comme on aime un enfant plein de grâce,
- Et l'homme
lui parlait, comme un fils, face à face.
- Le fruit
de la science, au jardin d'Orient,
- Étalait au
regard son éclat verdoyant.
-
- L'âme
devait le fuir, de peur d'être maudite;
- Mais le
serpent l'offrit à la femme séduite;
- Et sitôt
que ses mains en eurent approché,
- Voilà
que dans son cœur s'éleva le péché!
- Depuis,
comme le sang qui bout dans chaque veine,
- Le péché
s'est fondu dans la substance humaine;
- Il lui
tient par des nœuds tout puissants et tout forts
- C'est
l'âme de son âme et le corps de son corps.
- C'est un
arbre éternel, au germe héréditaire,
- Qui mûrit
avec nous dans le sein de la mère,
- Et quand
nous en sortons, épand, frère jumeau,
- En même
temps que nous sa feuille et son rameau.
- Et moi,
vil rejeton d'une race coupable,
- Comme tous
les humains sa puissance m'accable.
- Chaque
jour vers la terre il me tient attaché,
- J'enfante
chaque jour des œuvres au péché.
- Quel
avenir m'attend? car cette courte vie
- N'est pas
d'indifférence et de néant suivie:
- J'ai
quelque chose en moi de vivant et de fort
- Qui doit
vaincre le temps et survivre à la mort.
- Mon âme
viendra-t-elle, adultère et perdue,
- Revivre
avec le Dieu dont elle est descendue?
- Mais il
est sainteté, justice et pureté,
- Et sa
gloire répugne à mon indignité.
- Me voilà
donc banni du séjour des délices,
- Par ses
perfections et par mes propres vices,
- Car dans
l'ordre éternel tout doit subir son sort,
- La
sainteté, la vie, et le péché, la mort.
- Dieu le
veut! ma vertu me fera-t-elle absoudre?
- Mais elle
est à ses yeux plus vile que la poudre!
- Le bien,
si je le fais, c'est pour moi, non pour lui:
- Je soulage
pour moi les angoisses d'autrui;
- Amour,
gratuité, pardon, miséricorde,
- Je fais
tout pour moi seul, tant mon péché déborde!
- De sorte
qu'au grand jour où nos faits paraîtront,
- Ce seront
mes vertus qui me condamneront!
- Et maudit,
et tremblant sous le courroux céleste,
- Désormais
me voilà! sans appui qui me reste,
- Et forcé,
pauvre humain, d'implorer à genoux
- Mon
pardon, devant Dieu qui nous condamne tous.
- Mais quand
je vais à lui, d'une âme consternée,
- Voilà que
sa justice apparaît indignée,
- Et du mont
de Sina ce cri terrible sort:
- «Du péché,
fils d'Adam, le salaire est la mort.»
- La mort!
et quelle mort! Au fond du noir abîme
- Sentir
peser sur soi l'éternité du crime!
- Voir
parfois un rayon du mystique soleil,
- Ouïr des
chants joyeux dans un Éden vermeil,
- Et dire
chaque jour, plein d'un tourment qui ronge:
- «Ce
n'est donc point, hélas! l'illusion d'un songe!
- Jamais,
jamais pour moi, pauvre déshérité,
- Cet air
pur, ce beau ciel, cette douce clarté!
- Je
chercherais en vain dans l'ardeur de ma fièvre,
- Un peu de
l'eau du ciel pour raffraîchir ma lèvre,
- Je
voudrais vainement, dévoré par le feu,
- M'épanouir
une heure à la face de Dieu,
- Je ne
saurais franchir ces régions maudites,
- Et les
splendeurs du ciel me seront interdites!
- C'est là
mon avenir, rien contre cette loi,
- Car près
du Saint des saints qui plaiderait pour moi?»
- Et je
découvre alors sur une croix infâme
- Un martyr
qu'on déchire; il s'en va rendre l'âme;
- Et près de
succomber sous d'horribles douleurs,
- Il me dit:
«Ne crains plus! c'est pour toi que je meurs!»
- O tableau
devant qui, muette et palpitante,
- L'imagination
s'incline et s'épouvante!
- O le
plus grand amour, le plus beau dévouement
- Dont la
terre jamais ait vu le monument!
- On dit que
dans le ciel, quand les anges sondèrent
- Ces
sublimes secrets que les temps dévoilèrent,
- Troublés
et confondus de pitié pour leur roi,
- Ils
couvrirent leur face, en un muet effroi.
- Tout ce
que leur esprit qu’il illuminait Dieu lui-même
- Avait su
concevoir de sa bonté suprême,
- N'avait
pu, jusque-là, leur faire pressentir
- Le trépas
inouï qui devait s'accomplir.
- Et quand
l'heure arriva sur l'éternelle cime
- Où dut se
consommer l'holocauste sublime,
- Ils
voulurent comprendre, en venant ici-bas,
- Cet
immense mystère et ne le purent pas!
- L'univers
dévoré d'une angoisse infinie
- De son
maître expirant déplora l'agonie;
- Le soleil
se voila, le ciel fut ébranlé,
- Et dans
ses profondeurs l'on vit l'enfer troublé.
- Les saints
et les martyrs, dont les voix immortelles
- Avaient
prophétisé ces douleurs solennelles,
- S'arrachant
à leur tombe, élevèrent la voix
- Et
pleurèrent devant les tourments de la croix!
- Rien ne
resta muet au ciel et dans l'abîme,
- Et tout,
excepté l'homme, adora la victime!
- Quand elle
s'éteignit, dans un dernier soupir,
- Les
foudres de Sina parurent s'assoupir:
- Des
paroles d'espoir réjouirent la terre,
- Et l'on
vit, terminant leur implacable guerre,
- La Justice
et la Paix, dans un pudique hymen,
- S'embrasser
sous la croix et se donner la main!
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- Lorsque
ces vérités m'eurent frappé la vue,
- Je me
sentis, dans l'âme, une joie inconnue.
- C'était
comme l'extase et les émotions
- Que
feraient dans le cœur de saintes visions.
- «Les
voilà donc trouvés, ces problèmes austères
- Dont ma
raison, me dis-je, épiait les mystères!
- Je
comprends aujourd'hui ce qui m'était toujours
- Apparu,
comme une ombre, au sentier de mes jours!
- C’est
l’homme, et non pas Dieu, qui fit germer au monde
- Ce
poison du péché d'où vint la mort seconde;
- Et je
n'en ferai plus, dans un doute cruel,
- Contre la
Providence un blasphème éternel.
- Le
Seigneur désormais ne sera plus sévère;
- Il
m'invite à m'asseoir sous l'arbre du Calvaire,
- Et, me
montrant le Fils, il me dit, qu'à ce nom,.
- Si je sais
l'invoquer, me viendra le pardon.
- Je vais
donc aujourd'hui, moi, pauvre enfant rebelle,
- Prendre
part au banquet de la joie éternelle,
- Me
confiant au Dieu dont l'amour s'est porté
- Entre le
cœur qui pleure et le Ciel irrité.
- Oh! gloire
soit à Dieu dont la grâce indicible
- A fait
lever pour moi l'étoile de la Bible!
- Gloire à
l'Esprit divin dont la voix m'a parlé!
- Gloire au
Fils qui me sauve et qui m'a consolé!
- Gloire au
Dieu trois fois Saint! désormais plus de doute!
- Je vois le
jour d'en haut s'épandre sur ma route!
- J'entends
sur le chemin, où Christ est descendu,
- Ce que
l'homme charnel n'a jamais entendu!
- Gloire à
Dieu! Gloire à Dieu! son amour qui m'enflamme
- Me fait un
saint repos qui me restaure l'âme,
- Et, dans
le même amour, je vivrai devant lui
- Toute
l'éternité, comme au temps d'aujourd'hui!»
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- L.
Dussaud. Pasteur
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- (Essai
de poésies chrétiennes 1836)
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