Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

VI

L'homme glorifié.

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Rom. 8: 29, 30; Eph. 3: 19; Col. 1: 27-29.

SIXIÈME ÉTUDE

L'homme glorifié.


I.

L'homme selon le plan de Dieu; l'homme éprouvé et tombé; l'homme nouveau en préparation sous l'Ancienne Alliance; l'homme parfait, ou l'homme... tout court, Jésus-Christ; enfin l'homme régénéré et sanctifié, tels sont les cinq sujets d'étude que nous avons successivement envisagés à la lumière de la Bible. Il nous reste à parler de l'homme glorifié, et c'est à ce propos que je vais avoir à vous entretenir du Saint-Esprit et de l'Église, mais beaucoup plus brièvement que je ne le voudrais.

Le Saint-Esprit, nous l'avons vu hier à l'oeuvre; nous avons pénétré dans l'atelier où, derrière le voile de notre chair, le grand Artiste ébauche, dans la matière qu'il a lui-même créée, et modèle de plus en plus nettement les traits de la divine figure qu'il a mission de reproduire.

Mais quoi! aurais-je peut-être provoqué, par mes descriptions, plus de soupirs que de joie, et plus d'objections sceptiques que de confiance? «De chefs-d'oeuvre spirituels, nous n'en voyons guère, se sera dit peut-être tel de mes lecteurs, et ces hommes nouveaux qui devraient donner une si haute idée de l'homme, ces hommes nous semblent, pour la plupart, singulièrement difformes!»

Eh bien, quand de telles appréciations seraient aussi fondées, pour le temps actuel, qu'elles me paraissent excessives, que prouveraient-elles? Prouveraient-elles quoi que ce soit contre le Saint-Esprit qui, pendant vingt siècles, depuis le jour de la Pentecôte, et dans tous les pays, et dans les circonstances et les milieux les plus opposés, a pu susciter des myriades d'hommes, connus ou inconnus, vrais héros de la foi et du courage moral, grands coeurs, nobles caractères, chrétiens authentiques qui ont forcé l'admiration du monde lui-même?

Non, non, de telles objections n'atteindraient pas l'Esprit de Dieu; elles ne frapperaient que nous-mêmes; et, bien loin de prouver que l'oeuvre de l'Esprit est illusoire, elles attesteraient seulement que nous ne nous y sommes pas assez livrés. Car, il est vrai que, au-dessous du niveau normal de son action, l'Esprit est loin de produire tous ses fruits, surtout ces fruits d'amour débordant, de joie chrétienne, de dévouement, d'élévation, de générosité et de puissance communicative qui souvent finissent par gagner les plus hostiles, et, en tout cas, par arracher ce cri de témoignage involontaire: «C'est un vrai, celui-là!»

Pour la gloire de notre Dieu, non moins que pour notre propre avancement spirituel, il faut donc qu'au lieu de nous borner à être des oeuvres quelconques de l'Esprit, nous aspirions à faire honneur à l'Esprit en nous livrant à lui sans réserve.

Oh! une effusion nouvelle de l'Esprit, c'est-à-dire des hommes vraiment hommes!

À propos du perfectionnement de l'homme, il nous faut dire aussi quelques mots de l'Église, car elle doit y concourir largement. Il fut un temps, temps de réaction excessive contre le multitudinisme, où l'action bienfaisante de la collectivité sur l'individu était passablement méconnue. Ce temps, temps de l'individualisme excessif, est passé. Il a donné naissance à de fortes individualités, mais plus originales qu'utiles, et qu'heureuses surtout, parce que, restées isolées, elles ont souffert de leur isolement et emporté avec elles tous leurs trésors.

Aujourd'hui on comprend mieux que le dernier but de Dieu n'est pas l'individu isolé, ni une agglomération d'individus isolés, mais un organisme, une société d'êtres solidaires les uns des autres, et dans la communion desquels l'homme se complète, se corrige, se perfectionne et multiplie ses forces soit en donnant, soit en recevant.

Seulement, pour que l'Église puisse rendre de tels services, il ne faut pas qu'elle tienne ses membres dans une minorité perpétuelle, ou même qu'elle les écrase sous le poids d'une organisation aussi lourde que le char de Jaggernaut. Et, d'autre part, il ne faut pas que, par un excès opposé, elle les comprime dans un cadre trop étroit et trop fermé, au risque que leurs forces, ainsi repliées sur elles-mêmes, ne puissent plus que s'entredétruire (Il y aurait ici à étudier les déformations, les maladies de l'homme nouveau, un peu dénaturé, étiolé, rabougri, au sein de groupes qui se complaisent en eux-mêmes jusqu'à professer le principe — en tout cas le pratiquer — du «moins on est mieux on est!» Nous en avons heureusement fini, ou peu s'en faut, avec le christianisme mièvre, sans virilité, caractérisé par le patois de Canaan, et je ne sais quels airs penchés, quelles attitudes, quel son de voix qui faisaient fuir les hommes.).

Il faut qu'évitant l'un et l'autre mal, l'Église s'applique à concilier, dans une forme simple, souple, indéfiniment extensible, l'unité et la diversité, l'ordre et la liberté, la spontanéité, l'initiative privée et des éléments pondérateurs, les avantages du petit nombre et ceux du grand, l'intimité et le contrôle d'un vaste corps, enfin l'activité extérieure de l'évangélisation et le travail intérieur de la sanctification mutuelle. Il faut qu'au lieu d'accumuler tout, dans le culte et dans l'administration, sur quelques têtes, elle répartisse le plus possible les responsabilités, fasse appel à toutes les aptitudes, latentes ou manifestes, donne ainsi dans son sein un foyer bien chaud aux nouveau-nés spirituels — non pas une serre chaude pourtant, ni une couveuse artificielle — et un champ d'exercice aux chrétiens plus avancés. Il faut qu'elle offre à tous une société de secours mutuels spirituels; une école de perfectionnement par la communion fraternelle, l'exhortation, l'avertissement, la répréhension s'il le faut, la confession et les intercessions mutuelles, l'échange des expériences et les épanchements intimes; enfin par ces occasions de patience, de support, d'égards, de prévenances, de services délicats et de sollicitude, de renoncement à son sens propre et de petits ou grands sacrifices que la vie en commun fournit chaque jour.

Mais, pour atteindre ce but, des progrès marqués dans l'organisation suffiraient-ils? Certes, je ne fais pas fi de l'organisation: une bonne organisation favorise l'expansion de la vie, tandis qu'une mauvaise l'entrave; une bonne organisation, on l'a dit, n'additionne pas les forces existantes, elle les multiplie. Mais encore faut-il que ces forces existent, parce que la vie existe, sans quoi on aura, comme dans la vision d'Ézéchiel, des cadavres complets, superbes, mais des cadavres. «Parce que l'Esprit n'y était pas,» nous a dit le prophète.

Oh! cette vie qui fond tous les coeurs en un seul coeur, cette vie qui crée la vraie communion fraternelle avec les bienfaits dont elle est la source, cette vie, qui nous la donnera plus intense et plus débordante sinon l'Esprit lui-même qui seul vivifie? Unissons donc nos efforts, c'est-à-dire surtout nos prières, pour qu'elle abonde dans tout ce qui se dit le corps de Christ. Ne nous lassons pas de prier; utilisons fidèlement, au lieu de l'enfouir, ce que nous avons de vie; si nous connaissons des obstacles secrets à son effusion, livrons-les sans retard et sans réserve à Jésus-Christ. Et ce sera le réveil!


II.

Et, maintenant, supposons que toutes les conditions et tous les moyens de développement de l'homme nouveau soient réunis. Le Saint-Esprit est là; l'Église digne de ce nom est là; la Parole de Dieu est là; et du côté de l'homme la foi vivante, l'emploi fidèle de tous les moyens de grâce, la vigilance, tout est là. «À quel degré de perfectionnement pensez-vous, me dira-t-on, que le chrétien normal pourra parvenir ici-bas?»

En fait de réponse, je pourrais me borner à vous dire comme les apôtres: «Tendez à la perfection.» — «Courez vers le but.» — «je ne suis pas, disait saint Paul, parvenu à la perfection, mais je fais une chose, c'est qu'oubliant ce qui est derrière moi, et, tendu en avant vers ce qui est devant moi, je cours vers le but

Cependant, s'il est dans la question posée des points où la lumière donnée à l'Église n'est pas complète, il en est d'autres où nous tomberons aisément d'accord; à la condition, toutefois, que nous nous entendions sur le sens des mots employés.

Celui de perfection, surtout, que comprend-il à nos yeux? Pour moi, il comprend tout. La perfection, c'est le tout; la sainteté, c'est la partie.

La sainteté, c'est la perfection morale; mais, à côté de la perfection morale, il y a la perfection de l'esprit et la perfection de l'organisme physique. LA PERFECTION, C'EST L'ENTIER ACCOMPLISSEMENT DU BUT DIVIN DANS L'ESPRIT, L'ÂME ET LE CORPS.

À ce compte-là, sur deux points, en tout cas, il semble bien évident que la vie présente n'est pas la perfection elle-même pour le chrétien.

Le corps du régénéré a, certes, une part à la gloire qu'il abrite; n'est-il pas le temple du Saint-Esprit? Ne subit-il pas l'action de son oeuvre sanctifiante, puisque Paul demandait pour les Thessaloniciens que le Dieu de paix les sanctifiât entièrement, et que l'esprit, l'âme et le corps fussent conservés irrépréhensibles pour le jour de Christ?

Et qui n'a eu l'occasion de contempler cette action de l'Esprit sur le corps dans le changement total d'expression qu'une conversion décisive apporte souvent avec elle? Et qui n'a pu suivre les progrès de la sanctification et du perfectionnement dans le regard, et quelquefois dans toute l'attitude de chrétiens entrés plus avant dans la voie de la consécration à Christ? Chez tel vieillard mûri au service de Christ, ou sur le visage de telle femme qui a été non seulement une mère selon Dieu pour ses propres enfants, mais aussi une mère spirituelle pour un grand nombre d'âmes, et chez cette femme héroïque qui a dû se lever comme une Débora et livrer les suprêmes combats de la justice, qui n'a surpris comme le phénomène affaibli de cette lumière surnaturelle rapportée du Sinaï par Moïse? Oh! le front de tel chrétien que nous ayons connu, et, surtout, de telle chrétienne, ce n'est déjà plus la terre quelquefois, c'est comme l'aube blanchissante de l'éternelle gloire!

Et sur le lit de mort, sur le visage de tel enfant chéri, ou de tel chrétien tombé vainqueur sur le champ de bataille, n'avez-vous pas vu, un jour, le rayonnement de l'âme déjà glorifiée, rayonnement à travers les nuages qu'amoncelle la souffrance. Oh! certains lits de mort chrétiens, oh! les transfigurations du Thabor, et ces ravissements, ces extases qui, tout à coup, ôtent à ceux qui déjà pleurent tout désir de retenir leurs bien-aimés! Oh! ces portes qui s'entr'ouvrent, ces échappées sur le ciel, ces évidences subites, et, même, quand l'âme a pris son vol, ce sceau de grandeur et de royale beauté qu'elle laisse après elle sur l'enveloppe terrestre, et, après les suprêmes contractions, tout à coup cette ineffable sérénité qui se répand encore sur le visage chéri, comme, le soir, sur nos Alpes, au coucher du soleil, la seconde coloration après quelques instants de blancheur cadavéreuse, tout cela n'est-il pas la preuve que le corps a dès ici-bas quelque chose de la gloire future?

Et, cependant, il n'en demeure pas moins dans son état naturel de corps d'humiliation, de corps de poudre, exposé à des maux sans nom et sans nombre; de corps souvent bien lourd à l'âme, lourd jusqu'à l'accabler; un corps condamné à la mort à cause du péché, et qui doit être semé dans un état de faiblesse et de corruptibilité.

Aussi le chrétien attend-il avec ardeur l'heure où, dans un corps tout neuf, sera commencée l'oeuvre de la rédemption, l'heure où l'on ne pourra plus mourir, a dit Jésus. «Ils seront comme les anges, ils ne pourront plus mourir.» Oh! ne plus pouvoir mourir, vous qui savez ce que c'est que mourir, vous qui avez vu mourir, vous dont l'âme est en deuil, ou qui tremblez de l'être bientôt peut-être, vous tous qui savez que la vie présente ne connaît que des bonheurs brisés et des bonheurs menacés, entendez-vous: ils ne pourront plus mourir! Plus d'enfants que père et mère ont à déposer de leur sein dans un froid cercueil; plus d'époux enlevés à la tendresse d'une femme et d'enfants chéris; plus de mères appelées à laisser leur précieux trésor dans nos mains d'hommes ou de parents qui ne valent jamais les leurs! Ils ne pourront plus mourir! Oh! quand viendra le jour de cette perfection?

Et quand viendra celui où «nous connaîtrons comme nous avons été connus?» Car, sous ce rapport aussi, nous n'avons que les arrhes de l'héritage. Aujourd'hui, nous possédons bien, par l'Esprit, une sagesse entre les parfaits qui est refusée au monde. «Des choses que l'oeil n'avait pas vues, que l'oreille n'avait pas entendues, et qui n'étaient pas montées au coeur de l'homme nous ont été révélées par l'Esprit de Dieu, qui sonde jusqu'aux profondeurs mêmes de Dieu.» — «Nous avons la pensée de Christ.» Les trésors de la science cachée en Christ nous sont ouverts, ou entr'ouverts, et à notre foi nous pouvons ajouter la connaissance.

Toutefois, ne l'oublions pas, un saint Paul lui-même, favorisé de tant de révélations que nous sommes occupés voici vingt siècles à sonder, un saint Paul compare sa science chrétienne actuelle à ses connaissances d'enfant. «Quand j'étais enfant, dit-il, je parlais comme un enfant, le jugeais comme un enfant; mais maintenant que je suis devenu homme, j'ai aboli ce qui était de l'enfant.» De même pour la science de la vie présente quand nous serons dans la gloire. «À présent, nous ne connaissons qu'en partie, nous voyons comme en énigme, comme dans un miroir.» — «Si quelqu'un, dit encore l'apôtre, croit savoir quelque chose, il n'a encore rien connu comme il faut connaître.» Le fond des choses nous échappe. C'est le bord des voies divines que nous entrevoyons. À une foule innombrable de «pourquoi,» nous devons répondre: «J'ignore.» La science n'est que l'ignorance consciente d'elle-même. Les plus instruits dans la science des choses de Dieu doivent, à chaque pas, renouveler l'aveu du grand poète:

Tu me réponds, ô Dieu!

mais encore des nuages

Me voilent ta splendeur, céleste vérité;

Que ne puis-je bientôt, sur de plus purs rivages,

Par delà tous les âges

Contempler ta beauté!


Et cette impatience est légitime! Le Saint-Esprit ne nous a-t-il pas mis en goût de tout connaître? Ici encore cette vie transitoire ne nous met-elle pas dans une contradiction, qui a ses nobles douleurs, entre le principe de l'omniscience que nous portons déjà en nous, et les limites étroites où il, est forcé de se mouvoir?

Et si nous n'étions condamnés qu'à des ignorances! Mais qui dit ignorance dit facilement erreur, inévitable erreur, et infailliblement divergences ; c'est-à-dire bien vite divisions, morcellement, fragmentation du corps de Christ; par conséquent, souffrances et préjudice pour l'Évangile. Oh! quand viendra donc, sous ce rapport aussi, l'achèvement du grand oeuvre?

Reste le point le plus difficile: la perfection morale. Il y faut distinguer deux faces:

La sanctification proprement dite, ou communication de la nature divine, chacun reconnaît qu'elle ne saurait s'accomplir tout entière ici-bas. Aussi le livre de l'Apocalypse dit-il, dans son dernier chapitre «Que celui qui est saint soit encore sanctifié» S'il nous arrive de parler, avec saint Paul, d'une sanctification entière, c'est donc en pensant à la nécessité d'une oeuvre qui soit toujours plus continue, toujours plus envahissante et toujours plus intense, mais sans que nous prétendions par là qu'elle ne soit plus susceptible de progrès en intensité.

Et de la purification quant au péché lui-même que dirons-nous? Nous en dirons ce que dit saint Jean, par exemple. Il consacre trois termes à ce sujet dans sa première épître: «Pratiquer le péché,» — «pécher, et «avoir du péché

«Pratiquer le péché,» c'est là, à ses yeux, le trait caractéristique de ce qui est du diable; par conséquent en opposition absolue avec tout «ce qui est né de Dieu.»

En second lieu, «pécher;» le verbe «pécher» désignant non plus une répétition habituelle et consentie, mais un acte isolé, une défaillance, une exception, une surprise. Eh bien, il pose en principe qu'à cet égard «celui qui demeure en Christ ne pèche plus.» Et ce principe, il le propose comme but à ses lecteurs, en leur disant que, s'il leur écrit, c'est «afin qu'ils ne pèchent pas.» — «Toutefois, ajoute-t-il, pour prévoir le cas d'une exception possible, — je dis possible, je ne dis pas inévitable, — si quelqu'un a péché, nous avons un avocat auprès du Père.» Et que de fois ne l'avons-nous pas béni pour cette consolante addition!

Vient enfin le troisième terme, le plus vague, «avoir du péché,» dont saint Jean dit: «Si nous disons que nous n'avons pas du péché, nous nous abusons.» Par là, semble-t-il, il entend que le chrétien le plus sanctifié aura toujours, quelque part en lui, fût-ce à l'état absolument latent et impuissant, dans le sang sans doute, le principe de la race déchue, le péché héréditaire qu'il léguera à ses enfants, comme il lui a été légué à lui-même, en sorte que les enfants de parents entièrement sanctifiés n'en devront pas moins être régénérés en reconnaissant qu'ils sont «nés dans le péché et dans la corruption

Le péché subsistant, fut-ce à l'état latent, quelque part dans mon être; la chair, vaincue il est vrai, et crucifiée, et séparée de l'homme nouveau, mais non anéantie; la chair, qui convoite encore contre l'esprit, alors même qu'elle ne réussirait pas à contaminer l'esprit, c'est encore la possibilité du péché. Par conséquent, c'est le péril, l'incessant péril; c'est aussi l'obligation d'une vigilance continuelle; c'est l'état de guerre et l'état de siège, avec ses rigueurs, ses privations forcées, son régime exceptionnel et sévère ; c'est saint Paul disant: «je tiens mon corps assujetti et je le traite durement, de peur qu'après avoir prêché aux autres je ne sois trouvé moi-même comme non recevable!» — «Celui qui combat vit entièrement de régime ;» c'est encore, par conséquent, là aussi, un état transitoire; c'est le principe de la perfection sans la perfection. Et quelle soif de la perfection n'allume pas, à la longue, dans l'âme fidèle, ce principe de la perfection sans la perfection! «Seigneur Jésus, viens bientôt!» ce cri de sainte désespérance jaillit toujours plus d'une telle âme, ou celui-ci, poussé par un ancien chrétien: «Quand serai-je là où je ne pécherai plus et ne verrai plus pécher les autres?»


III.

Aussi, quelque heureux que le chrétien soit de rester au service de son Maître quelque temps encore sur cette terre, tout le pousse à désirer le retour de Christ.

«Viens, Seigneur, pour que tous les voiles tombent enfin! Viens, afin que toute désharmonie et toute contradiction interne prenne fin dans mon être et dans ton corps qui est l'Église. Viens, afin que l'image de Dieu, à laquelle depuis si longtemps tu travailles en mon âme, soit enfin achevée et manifestée dans toute sa gloire qui sera la tienne, ô mon Sauveur!... »

Et la Bible répond — «Il vient bientôt!» Bientôt le retour de Christ pour son peuple. Bientôt le corps nouveau, le corps spirituel, organe parfait d'une âme parfaite; corps donné aux uns et aux autres, à ceux qui se sont endormis en Christ et à ceux qui, témoins de sa venue, seront transformés sans passer par la mort. Et tous enlevés ensemble par l'ascension de l'Église. Tous appelés à régner avec Christ pendant cette phase intermédiaire entre la terre et le ciel qui est le millénium.

La foi a pris fin; la vue, glorieuse vue, commence. Ils voient le Christ tel qu'il est; et, le voyant tel qu'il est, ils lui sont rendus semblables.

Plus d'imperfections, ni dans l'esprit, ni dans l'âme. Et ils règnent; ils sont sur le trône. Mais pour eux régner c'est encore servir; et plus que jamais ils servent, et avec quel amour! car il s'agit d'un suprême effort pour sauver le monde. L'Antéchrist a fait ses preuves; il a eu son heure ; toute la puissance de la terre et de l'enfer a été à ses pieds; et, néanmoins, il a fini par un épouvantable échec. À Christ, maintenant, de mettre sous les yeux du monde le spectacle contraire, celui non plus seulement d'un homme parfait et d'hommes selon Dieu, mais d'une société selon Dieu, d'une humanité telle qu'elle pourrait être.

Oh! à ce moment, quelle vision fugitive et ineffable passe devant mes yeux!

et voilà, de toute part, les plus nobles représentants de l'humanité qui apportent au Seigneur les richesses des nations, ce que les peuples ont de plus précieux et de plus magnifique, c'est-à-dire le fruit exquis de l'industrie, de la science, de l'art et des lettres. Oh! que le génie de l'homme inspiré par l'amour de Dieu est infini, maintenant! Oh! la musique vraiment sacrée, interprétée par des organes sanctifiés! la peinture vraiment chrétienne, la poésie vraiment inspirée! Il me semble, en en parlant, que je revois ce que j'ai si souvent admiré, la toile de notre cher Paul Robert: cet escalier grandiose qui monte de la terre, et ces soixante jeunes filles et femmes qui le gravissent pour porter à Dieu les emblèmes et les prémices du travail; et plus elles montent, plus leur figure rayonne; et quels transports en apercevant, puis en voyant et en contemplant distinctement le Christ qui revient!

Et si beau que soit ce ciel, ce n'est pourtant pas encore le ciel! Car après le ciel sur la terre, la vie chrétienne, et le ciel entre ciel et terre, les gloires du millénium, IL Y AURA LE CIEL DANS LE CIEL, la gloire et la béatitude suprêmes.

Mais ici je perds pied décidément, car la Bible ne va guère, dans ses descriptions, au-delà de ces gloires intermédiaires du millénium. Celles du troisième ciel, quelles paroles d'homme pourraient les dire? Dans quels termes, à l'aide de quelles images? Et s'il n'a pas été accordé à saint Paul de raconter ce qu'il a vu dans son extase, si un saint Jean doit écrire: «Ce que nous serons n'a pas encore été manifesté,» comment pourrais-je bégayer quelque chose de la gloire finale et éternelle? Aussi répéterai-je seulement ce que Dieu nous a dit de ce ciel: «Nous verrons sa face et nous serons remplis de toute plénitude.» — «Dieu sera tout en tous.» La communion de tous en Dieu sera parfaite. L'harmonie universelle sera pleinement rétablie. D'un bout à l'autre de l'univers ce ne sera qu'un coeur et qu'une âme en Dieu. Et Dieu se donnera tellement à tous qu'à part la différence d'origine, chez le Créateur origine d'essence, chez la créature origine de grâce, tout sera tellement commun qu'on ne voit pas, vraiment pas ce que Dieu compte se réserver pour lui-même.

Et de siècle en siècle, si l'on peut encore parler de siècles, tous, adorant le Père, le Fils et le Saint-Esprit, rediront, en jetant aux pieds de Dieu leurs couronnes:

«A Celui qui nous a tant aimés que de nous créer à son image et de restaurer cette image après la chute;

à Celui qui par son sang nous a rachetés de la puissance et de la peine du péché pour faire de nous ses frères; et à l'Esprit qui nous a régénérés, sanctifiés et glorifiés, au Dieu trois fois saint, Père, Fils et Saint-Esprit, un seul Dieu éternellement béni soient honneur et gloire dès maintenant et à jamais! Amen.»

flamFin


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