L'ÉPÎTRE AUX ROMAINS.
CCCI. Introduction. — La misère de l'homme.
§ 1529. Il me tardait d'arriver à cette Épître, une des plus importantes portions de la Parole de Dieu, celle qu'on a appelée la Clef d'or des Écritures. Toutes les lettres de Paul sont pleines de doctrine; partout la lumière divine y éclate; à propos de tout, on y retrouve les grands dogmes du salut, indiqués, rappelés, si ce n'est toujours exposés et développés; cependant, celles que nous avons lues jusqu'ici sont plutôt, comme je l'ai dit (§ 1513), des lettres de circonstances, ou si l'on veut des lettres d'affaires, en entendant ce mot dans le même sens que notre Seigneur (§113). Ici, au contraire, nous avons une lettre entièrement dogmatique, un vrai traité de théologie, complet et divin, comme jamais aucun n'a pu l'être. On a dit quelquefois que la Bible n'est pas un système de religion, et l'on a dit vrai dans un sens. On ne saurait nier cependant qu'elle ne pose certains principes fondamentaux, auxquels les écrivains sacrés rattachent de nombreuses conséquences, principes elles-mêmes de nouvelles déductions; or, ce bel ensemble de doctrines forme bien certainement un système. Non seulement cela, mais encore Dieu n'a pas voulu nous laisser le soin de recueillir ça et là dans le saint livre les vérités fondamentales et leurs principaux corollaires; il les a lui-même résumés en quelques pages, afin que d'un coup d'œil on pût savoir tout ce qu'il faut et par là s'expliquer tout le reste. Ces quelques pages, c'est l'Épître aux Romains; et veuille le Saint-Esprit, qui l'a dictée, nous l'expliquer lui-même, pour notre salut et pour la gloire de Dieu!
§ 1530. Il ne peut y avoir qu'un avis sur l'époque où cette lettre fut écrite. Paul n'avait pas encore été à Rome, et il allait à Jérusalem, porteur de la collecte qui s'était faite en Grèce pour les saints de la Judée (§ 1 459). Cela, joint à d'autres détails que nous verrons à la fin de l'épître, conduit à penser qu'elle fut écrite au moment de quitter Corinthe, l'an 58 (§§ 1516, 1528). Avant de partir d'Éphèse, Paul avait eu déjà l'intention de pousser jusqu'à Rome (§ 1321). Contrarié dans son plan, il ne veut pas tourner le dos à l'occident sans avoir satisfait, en partie, le vœu de son cœur; ou plutôt, c'est le Saint-Esprit qui l'incite à adresser aux fidèles de Rome cette lettre qui, dès lors, a éclairé, converti, consolé et sanctifié tant et tant de milliers de pécheurs.
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§ 1531. Sans répéter ce qui a été dit
précédemment sur la manière dont Paul commençait ses lettres,
remarquez cependant, encore une fois, comme il a soin de rappeler
sa qualité d'esclave de Jésus-Christ ou de Dieu, en même temps que
sa vocation et sa mission. Il ajoute qu'il a été mis à part, non
pour prêcher une autre doctrine que ses collègues, mais pour
accomplir une tâche spéciale. Quant à la doctrine, en voici déjà,
bien qu'occasionnellement, un parfait résumé. Il y a une bonne
nouvelle qui vient de Dieu, selon la promesse; c'est la nouvelle
du salut annoncé par les prophètes, point central de la Révélation
tout entière. Cette bonne nouvelle, c'est que les promesses se
sont accomplies en Jésus-Christ, à la fois Fils de l'homme et Fils
de Dieu, né de David selon la chair et de Dieu par le
Saint-Esprit, puis déclaré Fils de Dieu par sa résurrection, ce
qui sous-entend qu'il a été mort....
§ 1532. C'est de ce Jésus et de sa grâce que Paul avait reçu la mission d'amener les nations à la foi, et, par la foi, à l'obéissance; ou, si l’on veut, de les amener à la foi en Jésus-Christ par l'obéissance à la Parole de Dieu; cela peut s'entendre de ces deux manières. Et comme l'église de Rome sortait essentiellement du milieu des nations et non des Juifs, Paul se sentait auprès d'elle un mandat particulier. Il donne à ceux qui la composaient les titres de bien-aimés de Dieu, d'appelés et de saints, parce que ceux que Dieu a convertis ne peuvent pas douter que Dieu ne les aime; puis, c'est en vertu même de cet amour qu'il les a appelés à lui et qu'il les sanctifie: à eux donc, «grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ!»
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8-15
§ 1533. Celui qui aime a de grandes douleurs,
mais aussi de grandes joies. Qu'est-ce que les églises de Galatie
et d'Achaïe n'avaient pas fait souffrir à notre apôtre, et que de
supplications, mêlées de larmes, n'avait-il pas élevées devant le
Seigneur à leur occasion! Celle de Rome, pour autant qu'il la
connaissait, ne lui procurait que de la joie, et cette joie s'exprimait
par
des actions de grâces. Cependant, cette église n'avait pas
encore été enrichie des dons spirituels dont la distribution se
rattachait au ministère des apôtres. Elle s'était formée sans
qu'aucun d'eux y eût coopéré directement. Rome, capitale de
l'empire, voyait affluer dans son sein des hommes de tous les
pays et de toutes les croyances. Sans parler des Juifs de Rome
qui se trouvaient à Jérusalem le jour de la première Pentecôte
(Act. II, 10), bien des individus, juifs ou païens, convertis à
l'Évangile, avaient pu y jeter les semences de la foi et y
devenir le noyau de plusieurs congrégations. L'œuvre prospérait
donc, sous la bénédiction divine; toutefois il entrait dans les
vues du Seigneur qu'un de ses apôtres y allât, un jour,
sanctionner de sa part tout ce qui s'y était fait. Paul, en
particulier, s'y estimait appelé. Il se faisait d'ailleurs une
joie de retremper sa foi dans le contact d'hommes auxquels ni
lui, ni aucun apôtre n'avaient prêché l'Évangile et qui,
néanmoins, entretenaient les mêmes espérances qu'eux. Il avait
déjà plus d'une fois projeté ce voyage, et c'était comme une
dette dont il lui tardait de s'acquitter.
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§ 1534. Il semble que l'apôtre, se
transportant par la pensée dans la capitale de l'Empire romain, se
voie déjà comme entouré d'une foule avide de l'entendre. Mais de
quelle parole fera-t-il retentir les places de cette grande ville,
et ses amphithéâtres et ses écoles? Osera-t-il annoncer aux
maîtres du monde la croix de Jésus-Christ, cette grande folie, au
dire des sages de la terre? Oui; car c'est, après tout, une bonne
nouvelle. Cette bonne nouvelle est le moyen par lequel la
puissance de Dieu sauve ceux qui croient, comme il l'avait dit aux
Corinthiens (§ 1402), et si elle avait dû être prêchée d'abord aux
juifs, ce n'était pas à l'exclusion des gentils.
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§ 1535. Or, voici le point fondamental que
l'apôtre va développer et démontrer dans sa lettre, en attendant
qu'il puisse le faire de vive
voix: c’est en Jésus-Christ seul qu'est la vie; en lui seul que
les pécheurs peuvent trouver une justice digne de Dieu, parce
que cette justice vient de lui; justice, non par les œuvres,
mais «par la foi,» c'est-à-dire que la foi en est le principe;
justice «pour la foi,» c'est-à-dire qu'elle appartient à ceux
qui croient. Le Saint-Esprit avait déjà proclamé cette doctrine
par la bouche du prophète Habacuc (II, § 1138), Paul lui-même
l'avait rappelée aux Galates (§1343); mais, tandis qu'il l'avait
fait occasionnellement et en vue des erreurs opposées, il va
traiter maintenant cette question pour elle-même, l'embrasser
dans sa généralité et montrer que la bonne nouvelle, ou
l'Évangile consiste en ce point essentiel.
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18
à 3: 20
§ 1536. Il s'agit donc de prouver qu'il n'y a,
pour l'homme, de justice possible que par la foi. À cet effet, le
Saint-Esprit établit d'abord que tout homme est pécheur, et que
tout pécheur est perdu. C'est la première de ces vérités qui est
développée avec le plus d'ampleur, et voici quelle me paraît être
la suite des idées.
§ 1537. Un simple coup d'œil jeté sur le monde nous le montre en proie à toutes sortes de misères. Or, loin que ce soit une simple conséquence de ce que le monde ne saurait être ni aussi parfait, ni aussi heureux que son auteur, il nous a été révélé d'En-Haut que tout ce mal est l'effet d'un jugement de Dieu; et il est certain qu'un pareil jugement, ou, comme dit Paul, une pareille «colère» suppose une terrible révolte. Continuons à observer ce qui se passe sur la terre, et nous verrons qu'elle fut, de tout temps, le théâtre d'une profonde impiété et de mille injustices; que les hommes, dépositaires de la vérité, ont enfermé ce trésor dans un réseau de chaînes qui ne sont autres que le péché, le désir du mal et le besoin de le commettre. Tout ce qu'on peut savoir de Dieu, non pas son essence, mais son existence, ses perfections, sa volonté, tout cela leur a été rendu manifeste. Il est vrai que Dieu ne peut être vu; mais sa puissance suprême et son éternelle divinité, se voient clairement, quand on le considère dans l'œuvre de ses mains. Il a voulu qu'il en fût ainsi, pour que l'impiété fût inexcusable. Nul en effet n'osera prétendre que, dans l'origine, Dieu ait jeté les hommes sur la terre en se laissant ignorer d'eux; mais ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu; ils ont été pour lui sans reconnaissance; abusant des dons excellents qu'il leur a faits, en particulier de leur intelligence, ils se sont mis à raisonner sans fin; et, fiers de leur vaine logique, ils ont refusé d'écouter leur sentiment intime (ce qu'on pourrait appeler l'intelligence du cœur), et c'est ainsi qu'ils se sont trouvés remplis de ténèbres. Cela n'a pas empêché, bien au contraire, qu'ils ne se soient estimés sages, philosophes, c'est-à-dire amis de la sagesse; mais à quoi donc cette prétendue sagesse est-elle venue aboutir? à l'énorme folie du culte des idoles! De dégradation en dégradation, après avoir adoré Dieu sous de certains emblèmes, ils sont tombés jusqu'à voir des dieux dans les images de leur fabrication. C'est donc le péché qui a fait l'idolâtrie; puis, par un juste retour, l'idolâtrie a mis le comble à l'immoralité.
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24-31
§ 1538. Il y a là un effet naturel, semblable
à ce qui arrive lorsqu'un homme, s'étant enivré, fait sans honte
les choses les plus honteuses; mais il y a là de plus un jugement
de Dieu. L'homme ayant échangé la vérité contre le mensonge, adoré
la créature au lieu du Créateur éternellement béni, celui-ci s'est
retiré de l'homme, il l'a livré à ses convoitises, remis à Satan,
et, pour résultat immédiat, l'homme s'est déshonoré lui-même par
les plus horribles impuretés. Tel est le premier fruit de l'oubli
de Dieu, et nous ne saunons nous en étonner. Quand on refuse de
chercher en lui son bonheur, on le cherche dans les jouissances
matérielles, et s'il en est qui soient à la fois les plus vives et
les plus faciles, croyez bien que chacun s'y précipitera: on
finira même par y voir tout le but et tout le charme de
l'existence. Oh! quelle dégradation! quelle turpitude! Puis, quand
l'homme s'adonne tout entier au mal, l'estimant le souverain bien,
il ne manque jamais de le perfectionner; et de même que celui qui
se plaît à la cruauté apprend à raffiner les supplices, le
libertin raffine ses débauches; c'est-à-dire qu'il les rend de
plus en plus infâmes. Quand on connaît les mœurs de l'antiquité,
pour avoir lu les livres des historiens, des poètes et des
philosophes, non dans des traductions d'où l'on a dû bannir une
foule d'horreurs, mais dans les originaux mêmes, on sait, hélas!
que ce tableau de la dépravation qui régnait universellement au
temps des apôtres, n'a rien d’exagéré. Il y a tels personnages de
cette époque qu'on fait admirer aux jeunes gens de nos écoles, et
dont ils se détourneraient avec dégoût, s'ils connaissaient les
détails de leur vie privée. Mais l'impureté n’est pas le seul
désordre auquel entraîne l'oubli de Dieu; ou plutôt, ce
désordre-là, confirmant l'âme dans son impiété, le pousse à tous
les autres: c'est ce que vous voyez dans les traits par lesquels
l'apôtre achève sa lugubre et fidèle peinture du monde païen. Il
n’est pas de péchés, de vices et de crimes dont il ne fût souillé.
Cependant, de même que c'est en fermant les yeux à l'évidence
qu'on abandonne Dieu pour les idoles, c'est en étouffant la voix
de la conscience qu'on en vient à cet excès de méchanceté, non
seulement de faire le mal sans remords, mais encore d'approuver
ceux qui le commettent: ceci est la pire des iniquités.
§ 1539. Ce tableau de la corruption païenne au temps de la prédication des apôtres, demeure d'une effrayante vérité quant à cette vaste partie du globe qui est encore plongée dans les ténèbres de l'idolâtrie, et il ne dépeint que trop bien aussi les mœurs mêmes des contrées soi-disant chrétiennes. Les désordres de l'impureté n'y sont pas aussi horribles sans doute, ni aussi publics qu'ils l'étaient jadis à Rome et dans la Grèce, ou qu'ils le sont de nos jours en certains pays idolâtres et mahométans. Mais, bien qu'on voulût pouvoir se persuader le contraire, de toutes les horreurs qui souillèrent ouvertement le sol païen, il n'en est aucune dont il n'y ait des restes secrets au milieu de nous. Certains actes de libertinage y sont d'ailleurs si communs qu'ils ne privent point un homme des honneurs et de l'estime du monde. Celui-ci flétrit le vol de sa réprobation; mais, sauf en quelques circonstances particulièrement aggravantes, il n'a guère d'objections contre la légèreté des mœurs. Quant à l'injustice, à la méchanceté, à l'avarice, à l'envie, au meurtre, aux disputes, à la fraude et à tous les autres péchés qui entrent dans l'énumération de l'apôtre, il n'en est pas un seul dont on puisse dire qu'il soit inouï ou même rare parmi nous. Bien plus, si chacun s'examine, il se sentira repris par sa conscience sur la plupart de ces points, peut-être sur tous. C'est pourquoi, en décrivant ici l'état moral du monde païen, le Saint-Esprit a décrit celui de notre cœur naturel. Tout pécheur inconverti porte en lui un cœur païen; non pas un cœur sans connaissance de Dieu, mais un cœur qui ne lui rend pas gloire; non pas un cœur sans aucun sentiment du juste et de l'injuste, mais un cœur plein de souillures, un cœur, qui fait et approuve le mal, nonobstant les réclamations de la conscience.
2:
1-3
§ 1540. Inexcusable de ne pas connaître Dieu,
l'homme l'est aussi de se livrer au péché; car il sait fort bien
voir et condamner chez les autres les turpitudes dont il se rend
coupable. Il se trompe quelquefois dans ses appréciations,
appelant mal ce qui est bien, comme il appelle bien ce qui est
mal: toutefois, en ce qu'il se constitue juge du bien et du mal,
il proclame qu'il y aura un jugement suprême. Mais, tandis que nos
jugements ne sont pas toujours justes, ce jugement-là sera selon
la vérité; et comment y échapperons-nous, s'il se trouve que nous
commettons fréquemment, sous une forme ou sous une autre, les
péchés que nous condamnons chez autrui? Il est vrai que tout
ici-bas nous parle de la bonté, du support, de la longanimité de
Dieu, et non pas seulement de sa colère. En conséquence, il
semblerait permis de penser qu'un Dieu si bon et si patient ne
traitera pas l'homme à la rigueur; mais si la bonté de Dieu
n'attire que vos mépris; si, loin de vous pousser à la conversion,
elle est pour vous un oreiller de sécurité, un encouragement au
mal, cette richesse de miséricorde doit nécessairement se changer
en trésor de colère, pour le jour de la colère et de la révélation
du juste jugement de Dieu. Alors, chacun sera jugé selon ses
œuvres, et voici à quoi se résumeront les vôtres. Bien que
connaissant Dieu, vous ne l'avez pas adoré et servi; bien que
condamnant le mal, vous l'avez commis; bien qu'invités à la
conversion par l'amour divin, vous êtes demeurés étrangers à sa
grâce! Comment, après cela pourriez-vous échapper au jugement de
Dieu?
2:
7-12
§ 1541. Voici d'ailleurs la règle souveraine
de ce jugement, pour tout homme qui songe à s'y présenter avec ses
œuvres, sans avoir dans le Seigneur Jésus un sauveur et un avocat.
S'il a toujours fait tout ce qui est bon devant Dieu, s'il a
toujours, et sans varier, cherché la vraie gloire et les biens
incorruptibles, l'apôtre ne dit pas qu'il sera sauvé, parce qu'il
n'en aura pas besoin; mais il dit qu'il aura la vie éternelle (§
614). Si, au contraire, il a été de ces hommes qui, fiers de leur
raison, disputent sans cesse avec Dieu, refusent de soumettre leur
âme à la vérité parce qu'ils se plaisent dans l'injustice, il n'a
pas autre chose à attendre que le courroux du Tout-Puissant; car
c'est toujours à cela qu'il faut en revenir: le mal à qui fait le
mal, et le bien à qui fait le bien, Juif ou Grec. Le Juif ayant
reçu le plus de grâces, c'est aussi lui qui tiendra le premier
rang, ou parmi les condamnés, ou parmi les héritiers de la vie
éternelle... Mais, n'est-ce pas par pure supposition que l'apôtre
parle de Juifs et de Grecs qui recueilleront la gloire, l'honneur
et la paix, en échange du bien qu'ils auront fait? C'est ce qui me
paraît hors de doute quant aux païens du moins, lorsque je
considère leur état moral d'après le tableau qu'il vient de
tracer, et encore plus lorsque je dirige mon attention sur les
déclarations solennelles qu'il fait suivre. Dieu n'a point égard à
l'apparence des personnes, dit-il; tous ceux qui auront péché
périront, soit qu'ils aient péché contre une loi écrite, comme les
Juifs, soit qu'ils aient péché contre la loi de leur conscience,
ne possédant pas de loi révélée, ce qui est le cas des païens. Or,
les païens ayant tous été déclarés pécheurs et inexcusables, il en
résulte que tous périront. Parole foudroyante, mes chers lecteurs,
mais qui ne peut pas ne pas être vraie; car autrement ce serait
dire qu'on hérite de la vie éternelle par l'idolâtrie et par le
péché. Parole foudroyante, je le répète, et qui nous prêche bien
clairement nos devoirs envers les pauvres païens.
2:
13-16
§ 1542. Mais les Juifs, régis par la sainte
loi de Dieu, n'ont-ils pas une condition meilleure? Les Juifs, a
dit l'apôtre (verset 12)! ils seront jugés d'après leur loi
(§ 480). Or, dans le jour où Dieu jugera les choses secrètes des
hommes (leurs pensées aussi bien que leurs œuvres, leurs actions
les moins connues aussi bien que les actes de leur vie publique),
qui seront ceux qu'il pourra reconnaître comme justes?
Suffira-t-il d'avoir possédé la loi et d'en avoir entendu la
publication? Ne faudra-t-il pas l'avoir observée? C'est tellement
cela, que si les païens obéissaient toujours à leur conscience,
comme ils le font parfois, ils seraient plus près de la justice
que ne l'est un Juif, qui, connaissant très bien la loi de Dieu,
ne la met pas en pratique. C'est le sens de cette parenthèse; elle
rentre d'ailleurs tout à fait dans l'argumentation de l'apôtre.
2:
17-29
§ 1543. Pour que le Juif soit juste selon la
loi, il ne suffit donc pas qu'il la connaisse. Par elle, sans
doute, il a acquis une supériorité marquée sur le païen de
naissance. Possédant la forme de la connaissance du vrai et du
bon, il a pu être une lumière parmi les nations et il l'est
effectivement devenue (§15); mais à quoi cela peut-il lui servir,
s'il transgresse la loi dont il se glorifie; si, adorant des
lèvres le vrai Dieu, il est en scandale aux peuples de la terre
par ses péchés (§ 526; Ésaïe XXIX, 13); s'il entraîne ainsi les
païens à blasphémer le nom de l'Éternel? Ne sera-t-il pas
finalement plus criminel que ceux sur lesquels il paraissait
d'abord avoir une incontestable supériorité? Quelles que fussent
donc les prérogatives qui se rattachaient à la circoncision, ce
signe caractéristique du peuple régi par la loi révélée, il
demeure certain que le circoncis qui violait la loi n'avait pas
plus de droit à la vie éternelle que l'incirconcis, et, d'un autre
côté, que l'incirconcis qui aurait observé la loi, eût été
héritier de la vie éternelle, bien qu'étranger au peuple Juif.
Enfin, et ceci doit faire réfléchir ceux qui ne sont chrétiens que
par leur baptême, le vrai Juif est celui qui a reçu la
circoncision du cœur dont parlait déjà Moïse (Deut. X, 16; XXX,
6); celle qui est l'œuvre du Saint-Esprit, et non le simple
accomplissement de la lettre, c'est-à-dire du commandement donné à
Abraham. Ce Juif-là est celui que Dieu approuve, quoi que puissent
en penser les hommes.
3:
1-4
§ 1544. Il n’en est pas moins vrai que de
grands avantages se rattachaient à la qualité d'enfant d'Israël,
avantages qui résultaient tous de ce que les Juifs avaient en
dépôt «les oracles sacrés,» savoir les livres de l'Ancien
Testament. Toutefois ce dépôt ne pouvait leur donner la vie
éternelle que s'ils en profitaient pour eux-mêmes. C'est ainsi
qu'on peut achever la pensée de l'apôtre, dont l'extrême concision
rend cet endroit assez difficile à comprendre. Mais que les hommes
croient ou non en la Parole de Dieu, celle-ci n'en doit pas moins
se réaliser, parce que Dieu est fidèle et vrai, tandis que l'homme
est universellement incrédule et menteur. Aussi, le jour du
jugement, jour qui couvrira de confusion les inconvertis, sera le
glorieux triomphe de la justice victorieuse du Seigneur.
3:
5,
8
§ 1545. Là-dessus, Paul se fait une objection
qu'il avait probablement entendue de la bouche de quelque
disputeur de ce siècle. «Dieu est injuste en punissant notre
injustice, puisque notre injustice tourne finalement à la gloire
de sa justice.» Sophisme misérable, auquel il n'y a qu'une
réponse: «Et pourtant, il faut que Dieu juge le monde!» — Voici la
même objection, sous une autre forme: «Tu dis que tout homme est
menteur, et que Dieu est vrai. Mais si Dieu se montre vrai en nous
accusant de mensonge, et si de la sorte nos mensonges tournent à
sa gloire, pourquoi nous traite-t-il en pécheurs, nous qui le
glorifions par nos mensonges mêmes.» À ce nouveau sophisme,
l'apôtre fait une réponse qui revient à ceci: «Dites tout d'un
temps que notre devoir est de faire, non pas ce que nous devons,
mais ce que nous ne devons pas, dans l'espoir qu'il en arrivera du
bien! Il paraît que plusieurs attribuaient cette doctrine aux
apôtres, parce qu'ils prêchaient que Dieu met sa gloire à nous
pardonner nos péchés; mais Paul déclare que la condamnation de
tels hommes sera juste, attendu qu'ils parlent évidemment contre
la vérité et contre leur conscience.
3:
9-19
§ 1546. Après s'être débarrassé de ces
objections, l'apôtre reprend son raisonnement où il l'avait
laissé, savoir que, malgré les avantages dont les Juifs
jouissaient par-dessus les peuples étrangers à l'alliance, ils
n'avaient, personnellement et par nature, pas plus de titres
qu'eux à la vie éternelle, et que, de la sorte, tous sont «sous le
péché.» Quelle expression pleine d'énergie! Comme le bœuf qui ne
peut se débarrasser du joug, quelle que soit la force de son cou;
comme un homme qui est retenu contre terre par le poids d'un
fardeau sous lequel il a succombé; ainsi est l'homme naturel
relativement au péché, que cet homme s'appelle Juif ou Grec. Les
Juifs l'accordaient sans peine pour ce qui concernait les nations.
À leurs yeux, païen et pécheur étaient synonymes (§379); c'est
pourquoi l'apôtre se met à justifier sa doctrine par des citations
de l'Ancien Testament, faisant remarquer que ces citations ne
pouvaient avoir pour objet que ceux auxquels la loi était
adressée. De qui, en effet, David et Ésaïe entendaient-ils parler,
lorsqu'ils disaient: «Il n'y a point de juste... personne qui ait
de l'intelligence... ils se sont tous égarés... leur bouche est
pleine de malédictions... leurs pieds sont agiles pour répandre le
sang... la crainte de Dieu n'est point devant leurs yeux... (Ps.
XIV, 1-3; V, 9; CXL, 3; X, 7; XXXVI, 1; Es. LIX, 1-3)?» De qui, si
ce n'est des Israëlites non convertis de leur temps, semblables,
hélas! aux hommes non convertis de tous les siècles et de tous les
lieux? Voilà donc de quoi fermer la bouche à tout le monde, dit le
Saint-Esprit; et tous étant «sous le péché,» tous sont aussi «sous
la condamnation devant Dieu;», car la condamnation suit le péché,
comme la récolte suit les semailles, et comme la destruction de
l'olivier suit une forte gelée.
3:
20
§ 1547. Voici maintenant la conséquence de
toute l'argumentation: c'est que «nulle chair ne sera justifiée
devant Dieu par des œuvres de loi.» Quelle que soit la loi qui
serve de base au jugement de Dieu: loi révélée, loi de la
conscience, loi qu'on se serait faite à soi-même (Luc XIX, 22);
nul homme quelconque ne saurait être juste et traité comme juste,
si l'on compare avec la loi, ce qu'il a fait et ce qu'il est. Tout
ce que la loi peut, c'est de lui donner la connaissance du péché,
et elle ne le peut sans mettre ses péchés au grand jour; quant à
le justifier, impossible!
CCCII. La justification par la foi.
§ 1548. Avant de poursuivre, récapitulons. Il s'agissait de prouver que tous les hommes sont «sous le péché» et «sous la condamnation.» Saint Paul nous les montre donc méconnaissant Dieu jusqu'à le remplacer par des idoles muettes, ouvrages de leurs mains. De là, le renversement universel des bonnes mœurs et un si grand obscurcissement des lumières de la raison, que l'homme en vient à approuver le mal. Il n'a pu cependant répudier toute notion de la justice divine, ou confondre absolument le mal et le bien. 11 sait, à l'occasion, juger son semblable et se juger lui-même; en sorte qu'il peut fort bien être soumis au jugement de Dieu, et il le sera. Cependant, il existe au milieu des hommes un peuple qui jouit, dès les temps anciens, d'une révélation céleste! Oui; mais ce peuple, qui connaît la loi, qui s'en glorifie, qui la propose aux autres peuples, il la viole, lui, le premier, et, en la violant, il se rend plus coupable que personne, car il est cause que les nations ajoutent à leur idolâtrie des blasphèmes contre le vrai Dieu. Le sceau extérieur de l'alliance de l'Éternel ne saurait diminuer la responsabilité qui pèse sur ce peuple, et les sophismes de ses scribes ne font que démontrer toujours mieux la justice de la condamnation que prononcent contre lui les oracles de Dieu dont il est dépositaire.
§ 1549. Au moment où l'apôtre écrivait sa lettre, il n'y avait dans le monde entier que des païens et des juifs; maintenant, on y compte en outre des sectateurs de Mahomet par centaines de millions, et par millions aussi des êtres qui portent le nom de chrétiens. Mais comme toute son argumentation tend à montrer ce qu'est l'homme naturel, l'homme doué d'âme seulement et non de Saint-Esprit (§ 1406), les changements qu'ont subis les circonstances du monde religieux la laissent subsister dans toute sa force. Le mahométan, bien qu'hostile à toute idolâtrie, est, quant à ses mœurs, au niveau des païens d'autrefois; et le chrétien de nom ne saurait être mieux placé devant Dieu que ne l'étaient les Juifs d'alors. Le baptême d'eau n'efface pas mieux les péchés que ne pouvait le faire la circoncision; et, aussi longtemps qu'une âme n’est pas convertie, la Bible tout entière, le Nouveau Testament compris, n'est qu'une loi, et une loi que nul n'accomplit en tous ses points, avec persévérance. D'où il suit que nous devons nous rendre sérieusement attentifs à cette solennelle déclaration du Saint-Esprit. «Tout le monde est sous la condamnation devant Dieu. C'est pourquoi par des œuvres de loi, nulle chair ne sera justifiée devant lui.»
3:
21-22
§ 1550. Il est donc évident, que s'il est
possible à l'homme d'être juste, ce ne saurait être au moyen d'une
loi, ni par une justice tirée de son propre fonds. Mais voici une
justice indépendante à la fois de l'homme et de toute loi, une
justice que Dieu donne aux pécheurs, afin qu'ils soient justes
devant lui, nonobstant leurs péchés; justice qui surpasse toute
autre justice (§§ 291, 292), car elle est divine et non humaine,
comme le serait celle que nous voudrions baser sur notre
repentance et même sur nos meilleures œuvres. Son excellence, sa
perfection absolue résulte de ce qu'elle a pour principe la foi en
Jésus-Christ. Ce qui ne veut pas dire que la foi expie les péchés,
ni qu'elle soit une œuvre méritoire, ni, encore moins, qu'elle
dispense d'obéir; mais c'est par le moyen de la foi que notre âme
s'unit à Christ et qu'elle participe à sa justice parfaite, en
participant à sa vie. Du reste, la loi et les prophètes rendent
témoignage à cette vérité, comme l'apôtre le montrera plus tard et
comme il l'a fait pressentir, quand il prenait pour texte la
parole d'Habacuc: «Le Juste Vivra Par La Foi.» Ici donc
l'argumentation est parvenue à son terme. Nul n'est juste par ses
œuvres, ou par la loi: on le devient par Jésus-Christ, ou par la
foi. — Ce qui suit n’est qu'un développement et quelques
corollaires.
3:
22-26
§ 1551. Au moyen d'une parenthèse, l'apôtre
ramène l'attention sur l'importante vérité qu'il avait formulée en
ces termes: «Tous sont sous le péché et sous la condamnation.»
Mais cette fois, c'est pour notre encouragement. S'il est vrai
que, malgré bien des différences accessoires ou accidentelles,
tous sont de grands pécheurs devant Dieu et indignes de voir sa
face, il en résulte qu'il n'est aucun homme qui soit plus perdu
que le reste des hommes, nul homme donc que ses péchés excluent
personnellement du salut, bien qu'ils le privent de tout droit à
la vie éternelle. Puis, par cela même que la justice qui sauve
vient de Dieu, elle est d'une richesse inépuisable. Quelle qu'ait
été la conduite antérieure d'un pécheur, dès qu'il croit, Jésus
est pour lui, Jésus est sur lui: c'est pour lui que le sang de
Christ coula sur la croix, c'est sur lui que vient, qu'est déjà
venu l'Esprit de Christ, le Saint-Esprit. Cela résulte aussi de la
gratuité du salut. Ceux qui croient sont justifiés gratuitement;
c'est-à-dire sans qu'ils aient à payer, en aucune manière, le prix
de leur délivrance, ni avant d'avoir cru, ni après. Ils le sont
par la grâce de Dieu; c'est-à-dire par son amour non mérité autant
qu'infini, et en vertu du rachat ou de la rédemption opérée par le
Christ, l'oint de l'Éternel, Jésus notre Sauveur. Avant la
création du monde, il fut résolu dans le conseil de Dieu qu'il se
ferait une expiation par son sang et que cette expiation serait au
bénéfice des croyants. Ainsi s'explique comment ont pu être
justifiés, sans que Dieu cessât d'être juste, des pécheurs tels
qu'Abraham, Moïse, David et tant d'autres, pendant les longs
siècles du support et de la patience de Dieu; c'est même ce qui
explique cette patience étonnante: le Christ était promis, et ceux
qui crurent à la promesse obtinrent la justice qui découle de son
sang expiatoire, sang par lequel le pécheur trouve grâce, en même
temps que la justice de Dieu est satisfaite.
3:
27-28
§ 1552. De là résulte que la justification du
fidèle a son fondement en dehors de lui. Elle a sa source dans
l'amour de Dieu; sa cause, dans le sacrifice de Jésus-Christ: la
foi n'est que le moyen par lequel nous nous mettons en rapport
avec la sainte victime. S'il en est ainsi, l'homme ne peut
s'attribuer en aucune manière, ni dans aucune mesure, la gloire de
son salut; nouvelle preuve en faveur du dogme de la justification
par la foi. Car le salut doit consister dans le relèvement total
de l'homme pécheur. Or, ce qui fait le fond de notre misère depuis
la chute, c'est l'orgueil. Toute doctrine donc qui ne va pas à
l'anéantissement de l'orgueil humain, ne saurait être la doctrine
du salut. Mais (et c'est là ce qui explique l'opposition qu'elle
rencontre), la doctrine de la justification par la foi ôte à
l'homme tout sujet de se glorifier, tandis que la doctrine inverse
est en même temps, fille et mère de l'orgueil. Il s'en suit que la
doctrine de la justification par la foi est bien réellement la
doctrine du salut. En voici maintenant la dernière formule, telle
que l'apôtre nous présente: «L'HOMME EST JUSTIFIÉ PAR LA FOI, SANS
OEUVRES DE LOI.» Ni les œuvres que la loi morale commande, ni
celles que prescrivait la loi cérémonielle, ni aucune des œuvres
de mortification qu'on s'imposerait à soi-même, ne peuvent rendre
juste devant Dieu l'âme qui a péché: c'est la foi seule qui le
peut.
3:
29-30
§ 1553. Remarquez d'ailleurs combien cette
doctrine est plus digne de Dieu que celle qui attribuerait le
salut aux seuls observateurs de la loi, à supposer qu'il y en eût
de tels. Les Juifs possédaient la loi, à l'exclusion des païens;
mais Dieu a voulu se montrer le Dieu des païens aussi bien que
celui des Juifs. Pour cet effet, il a mis le salut à la portée des
uns comme des autres. Donnons à la pensée du Saint-Esprit toute
l'extension dont elle est susceptible. Dieu a voulu que les plus
grands pécheurs pussent être sauvés: il y met sa gloire; mais il
fallait pour cela que le salut fût par la foi et non par les
œuvres. Que serait devenu le brigand converti s'il avait dû se
sauver par des œuvres qui lui étaient matériellement impossibles?
Ne pensez pas cependant 31 que cette doctrine ait pour effet de
renverser la loi de Dieu. Dire que l'homme est justifié par la foi
et non par la loi, ce n'est pas dire que la loi ne serve plus à
rien, qu'elle n'exerce plus aucune autorité. Si elle est
impuissante pour justifier le pécheur, elle peut être bonne à
autre chose; si elle n'a pas le pouvoir de sauver, elle n'est pas
sans pouvoir sur la conscience. Au contraire, loin que la foi, la
vraie foi, affaiblisse dans l'homme le sentiment de l'obligation
morale, elle ne fait que l'affermir. Encore une preuve que cette
doctrine est de Dieu, et mes lecteurs sont priés de s'en souvenir,
pour rejeter tout système qui, sous prétexte de grâce, énerverait
la loi. Du reste, l'apôtre se borne pour le moment à poser cette
thèse, sauf à la prouver plus tard; il veut, auparavant, confirmer
encore par l'Écriture la vérité fondamentale de la justification
par la foi et non par les œuvres.
4:
1-5
§ 1554. Deux hommes, en particulier, occupent
une place éminente dans l'ancien peuple: Abraham, père d'Israël et
de tous les fidèles; David, père et type du roi-messie. L'un et
l'autre furent justes devant Dieu; mais fut-ce par leurs œuvres,
ou par leur foi? Quant à Abraham, ce qui est dit de lui dans la
Genèse est positif (Gen. XV, 6). C'est pourquoi, bien que peu
d'hommes aient montré plus d'obéissance, Abraham ne saurait pas
mieux qu'aucun autre se présenter devant Dieu en s'appuyant sur
ses œuvres. Sa foi, voilà ce qui lui fut compté en guise de
justice. Pécheur de nature, rien de ce qu'il fit de bon ne pouvait
expier ses fautes, ni les compenser; mais ce qui le plaça devant
Dieu dans la position d'un juste, malgré ses péchés, ce fut la foi
qu'il eut aux promesses du Seigneur. Or, c'est dire qu'il fut
sauvé par grâce; car si sa justice eût été le fruit de son
travail, il n'y avait pas à parler de foi comme lui ayant été
imputée à justice; il aurait eu une justice propre et personnelle,
une justice à lui; la vie éternelle lui était due.
4:
6-8
§ 1555. Après Abraham, voyez David. C'est de
lui-même assurément qu'il parle, lorsque, au psaume 32, il
célèbre le bonheur de l'homme à qui le Seigneur pardonne ses
péchés, les couvrant d'un manteau, les effaçant de son compte. Or,
bien que David ne nomme ici, ni la justice, ni la foi, ses paroles
sont citées par Paul à l'appui de sa doctrine, parce que David ne
pouvait pas estimer heureux quelqu'un d'autre que le juste. En
déclarant heureux l'homme à qui Dieu ne compte point le péché, il
déclare indirectement que cet homme, Dieu le tient pour juste. Or,
évidemment, ce n'est pas par les œuvres qu'il est juste, ce
pécheur-là; et si ce n'est par ses œuvres, c'est donc par la foi.
4:
9-12
§ 1556. Ce qu'il y a de tout à fait digne
d'attention, c'est qu'Abraham ne reçut l'ordonnance de la
circoncision que bien longtemps après avoir été revêtu de la
justice qui s'obtient par la foi. La circoncision fut le sceau de
cette justice, précédemment acquise, comme elle le fut, pour
Isaac, de la justice à acquérir par lui. De cette manière, Abraham
a pu devenir spirituellement le père de tous ceux qui croient,
incirconcis et circoncis; des premiers, parce qu'il fut justifié
par sa foi avant de recevoir la circoncision; des seconds, parce
qu'il reçut la circoncision comme sceau de sa foi. Mais pour être
ses enfants, il faut que les uns et les autres aient la foi qui
anima notre père Abraham, avant sa circoncision.
4:
13-17
§ 1557. Remarquez ensuite que la promesse
faite à Abraham se lie étroitement à celle du Rédempteur,
postérité par excellence de ce patriarche (I, §367). Remarquez
enfin que l'accomplissement de cette promesse ne dépendait en
aucune manière de l'accomplissement d'une loi antérieure. Promesse
et loi sont deux idées fort distinctes. La promesse dit ce que
Dieu fera; la loi, ce que nous devons faire; or, ce n'est pas par
des œuvres qu'on reçoit une promesse, c'est par le moyen de la
foi, de cette foi même qui procure la justice. Faire à l'homme une
promesse et y mettre pour condition préalable l'accomplissement
impossible d'une loi, ce serait retirer d'une main ce qu'on aurait
donné de l'autre , car l'homme pécheur ne peut que pécher, tant
qu'il n'a pas reçu les effets de la promesse. En d'autres termes,
faire dépendre d'une loi l'héritage promis, c'est rendre la foi
inutile, puisque c'est l'obéissance et non la foi qui correspond à
l'idée de loi; c'est d'un même coup rendre la promesse impuissante
ou l'annuler, puisque la loi n'aboutit qu'au péché, et le péché, à
la condamnation. Aussi Dieu n'a-t-il rien fait de pareil. Voulant
montrer sa grâce aux pécheurs, il a rattaché tout leur salut à une
promesse et à la foi en cette promesse. C'est par là qu'Abraham
est le père de tous ceux qui croient, et quand Dieu lui dit: «Je
t'ai établi père de beaucoup de nations (Gen. XVII, 5),» il avait
d'avance sous les yeux et dans son cœur, tous ces morts, non
encore nés, qu'il voulait faire vivre en Jésus-Christ; peuple
fidèle qui n'existait pas encore, et qui reçut dans la personne
d'Abraham une divine vocation à la justice que donne la foi.
4:
18-22
§ 1558. Mais qu'est-ce donc que la foi qui
justifie? La meilleure manière de répondre à cette question, c'est
d'étudier avec l'apôtre la foi même du père des croyants. Sa foi
ne fut pas une simple adhésion, semblable à ce qui se passe chez
tant de gens qui croient que Jésus-Christ est le Seigneur,
simplement parce qu'ils n'ont pas de raisons pour penser sur ce
sujet autrement que les fidèles. Abraham s'appropria la promesse
et il y mit son cœur; aussi produisit-elle au dedans de lui
l'effet que produit nécessairement toute promesse grande et
infaillible. Elle y fit briller l'espérance, cet autre mot pour
dire la foi. Mais quelle espérance! Aux yeux de la chair, elle
pouvait sembler folle; car il espéra malgré tout ce qu'il y avait
d'improbable dans les événements nécessaires pour que la promesse
s'accomplît. Sa foi et son espérance eurent leurs faiblesses (I,
§§ 289, 318); mais s'il hésita un moment, ce ne fut pas par
incrédulité. Donnant gloire à Dieu, il fut pleinement persuadé
que, ce qu'il a promis, il est aussi puissant pour l'accomplir;
or, voilà ce qui lui fut imputé à justice. En un mot, il espéra,
non qu'il eût, par devers lui, quelque sujet d'espérer, mais parce
que Dieu avait parlé et qu'il est impossible que Dieu mente, ou
qu'il se voie jamais hors d'état de tenir sa parole.
4:
23-25
§ 1559. Maintenant, il est certain que ce qui
a été dit d'Abraham ne le concerne pas lui seul. Si nous croyons,
si nous espérons comme lui; si, comme lui, nous donnons gloire à
Dieu en nous appuyant sur sa promesse, quelque misérables et
chétifs que nous soyons, la foi nous sera, comme à lui, comptée à
justice. Après cela, notre foi doit avoir pour objet, comme celle
d'Abraham, le Dieu qui a réveillé d'entre les morts Jésus notre
Seigneur; c'est-à-dire Celui qui, après avoir fait les promesses,
a montré par l'envoi du vrai Fils de la promesse, qu'il est
puissant pour accomplir ce qu'il a résolu. Croire en lui, c'est
croire spécialement que Jésus est notre Seigneur, qu'il a été
mort, qu'il est ressuscité et qu'il est vivant au siècle des
siècles. Tel est donc l'objet fondamental de la foi qui sauve:
Christ expiant nos offenses par sa mort et mettant le sceau à
notre justification par son relèvement; Christ souffrant à cause
de nos offenses et ressuscitant à cause de notre justification;
Christ enfin, mourant à notre place sur la croix et nous préparant
une demeure dans le ciel: là est le pardon; ici la justice, pour
autant que ces deux grâces peuvent se séparer l'une de l'autre (§
1492).
CCCIII. La réconciliation avec Dieu par Jésus-Christ.
5:
1-2
§ 1560. Ici commence la seconde partie de
l'Épître. Après une courte introduction, l'apôtre a établi la
doctrine de la justification par la foi, au moyen de raisonnements
déduits de l'expérience et de l'Écriture, et il a déjà tiré
quelques conséquences de cette doctrine. Maintenant il va nous en
montrer les fruits ou, pour mieux dire, le fruit, car tout est
renfermé dans ce seul mot: «La. Paix.» «Dieu,» disait Paul aux
Corinthiens, «Dieu nous a réconciliés avec lui-même par
Jésus-Christ, et il nous a confié le ministère de la
réconciliation; car Dieu était en Christ, réconciliant le monde
avec soi, et il a mis en nous la parole de la réconciliation.
C'est pourquoi nous vous supplions au nom de Christ: Soyez
réconciliés avec Dieu (2 Cor. V, 18-21).» Cela veut dire que, s'il
y a guerre de l'homme pécheur contre Dieu, il y a paix entre Dieu
et le pécheur qui a cru, parce que sa foi lui est imputée à
justice. Jésus-Christ est le médiateur de cette réconciliation;
c'est par lui que ceux qui croient ont obtenu la grâce de devenir
les amis de Dieu. Et quand, après avoir connu les affreuses
misères de l'état de guerre, on a goûté les douceurs de la paix,
on retient fermement cette grâce, gage de la gloire éternelle dont
la vive espérance fait, dès ici-bas, la gloire des croyants.
5:
3-4
§ 1561. «Et non seulement cela,» dit l'apôtre!
Y a-t-il donc quelque chose de plus? Oui; les afflictions et les
peines de la vie, la haine des hommes et leurs mauvais
traitements, qui sont pour le pécheur non converti, les coups
redoutables du Dieu fort et puissant auquel il
ose faire la guerre, sont pour le fidèle les gages de
l'amour d'un Dieu réconcilié. La tribulation lui fait porter ses
regards sur Celui qui a souffert pour nous et sur le jour prochain
de sa venue; il attend en ce jour-là sa délivrance, et c'est avec
patience qu'il l'attend: puis, tandis que le mondain n'apprend
souvent des afflictions que le dégoût de la vie, l'enfant de Dieu
y fait «l'expérience» (vraie traduction), non pas seulement de sa
misère et de ses fragilités, mais surtout de l'infinie bonté du
Seigneur, de la fermeté de ses promesses, de l'excellence de sa
grâce; et ces nombreuses expériences affermissent en lui
l'espérance de la gloire de Dieu.
5:
5-8
§ 1562. Or, cette espérance n'est pas
illusoire, comme le sont la plupart des espérances de ce monde,
comme l'est en particulier l'espérance de l'homme qui cherche sa
justice ailleurs qu'en Jésus-Christ. La raison de la solidité des
espérances du fidèle, c'est qu'il les fonde, tout entières, sur
l'amour de Dieu envers nous, et que, par le Saint-Esprit qui nous
est donné, cet amour de Dieu s'infuse dans nos cœurs et s'y mêle
avec la foi et l'espérance, l'apôtre revenant ainsi aux trois
grands mots qui résument tout (§ 1445). Qu'il est grand d'ailleurs
l'amour que Dieu nous a témoigné en Jésus-Christ et qui est la
source de notre réconciliation avec lui! Par nature, nous sommes
sans force, des impies, des pécheurs; faibles, éloignés de Dieu,
coupables à mille titres: eh! bien, c'est pour de tels êtres que
le Christ mourut. Quel amour incompréhensible!
5:
9-11
§ 1563. De tout ceci résulte une conséquence
vraiment admirable. Non seulement il est clair qu'étant justifiés
par notre foi en l'expiation de Jésus-Christ, nous serons sauvés
par lui de la colère à venir; mais encore, il est vrai de dire que
nous avons pour notre délivrance finale, des garanties plus fortes
que pour notre réconciliation avec Dieu. Celle-ci est le fruit de
la mort de Jésus-Christ, celle-là est le fruit de sa vie; la
première de ces grâces nous a été faite quand nous étions en
guerre avec Dieu, la seconde nous est promise après
réconciliation. Comprenons bien ce raisonnement de la sagesse de
Dieu. Il revient à ceci: Lorsque vous n'aimiez pas Dieu, il vous a
aimés; lorsque vous étiez des pécheurs, il vous a donné son Fils,
il vous a pardonné, il vous a convertis et justifiés; et
maintenant que, par sa grâce, vous croyez, que vous espérez, que
vous aimez, en un mot, que vous êtes réconciliés, serait-il
possible que vous tombassiez jamais sous les coups de sa colère!
5:
12-19
§ 1564. Pour jeter un nouveau jour sur la
doctrine de la justification et sur ses fruits, le Saint-Esprit
rapproche cette grâce de la condamnation qui fut la suite du
premier péché. Après avoir posé le premier terme du parallèle, et
rappelé que, non seulement depuis la publication de la loi, mais
déjà depuis Adam, tous les hommes moururent, soit à cause du péché
d'Adam, soit par un effet de leurs propres péchés, il conclut
qu'Adam fut à certains égards le type de Jésus-Christ. Cependant,
il n'y a pas analogie complète, bien s'en faut. L'apôtre fait
ressortir, tout à l'avantage de Jésus-Christ et de son œuvre, les
dissemblances entre Adam et lui, même en ce qu'ils ont de
semblable. Son raisonnement se résume à ceci: La grâce est une
merveille plus grande que l'offense; la justification, une
merveille plus grande que la condamnation; et si la mort a régné
par un effet du péché d'un seul, à plus forte raison ceux qui
reçoivent l'abondance de la grâce et de la justice, régneront-ils
dans la vie par le moyen de Jésus-Christ. — Cela fait, il reprend
et conclut son parallèle, où tout revient à dire que les hommes
sont condamnés par le i8~i9 péché d'un seul, et que, par la
justice d'un seul, les croyants sont justifiés. Mais, ainsi que
Paul l'a dit ailleurs, le premier homme, fait en âme vivante, est
terrestre; tandis que le second, Esprit vivifiant, est céleste (§
1456); d'où il résulte que les fruits de sa justice, font plus que
contrebalancer ceux de la désobéissance.
5:
20-21
§ 1565. Quelque grave qu'ait été la
désobéissance d'Adam, elle fut dépassée par ses descendants, même
par ceux qui reçurent la loi; car on vit le péché se multiplier, à
mesure que croissaient les connaissances morales. Mais voici la
grande merveille de l'amour de Dieu: c'est que, là où le péché
s'est multiplié, la grâce a surabondé. Lorsque tout semblait
perdu, que le monde entier s'était plongé dans l'idolâtrie, que
les enfants d'Israël eux-mêmes se partageaient entre l'impiété du
saducéisme et le formalisme hypocrite des pharisiens,
Jésus-Christ, le Seigneur, est venu établir un règne de justice,
de paix et de vie, sur les ruines du péché et de la mort. Si bien
qu'il y a en Jésus-.Christ surabondance des grâces que l'homme
perdît en péchant, et nous retrouvons en Lui, par la foi, plus que
nous ne perdîmes en Adam; car l'innocence d'Adam ne le garda pas,
comme nous garde la foi (Jean X, 28, 29).
6:
1-11
§ 1566. Mais si la grâce de Dieu se plaît à
abonder avec le péché, est-il bon de demeurer dans le péché afin
que la grâce se multiplie? — Peut-être mes lecteurs ont-ils
entendu plus d'une fois émettre l'opinion que la doctrine du salut
par pure grâce, est une doctrine dangereuse et immorale. Sans
doute qu'on en peut abuser, car de quoi l'homme pécheur
n'abuse-t-il pas? Toujours est-il que, loin d'être immorale, il
n’est pas de doctrine plus sainte, ou plutôt c'est la seule qui
sanctifie. Pour le sentir, suivez le raisonnement de l'apôtre: il
est profond, mais non pas subtil.
§ 1567. Tout repose sur le verset 5, où nous voyons que la foi qui justifie, par conséquent la vraie foi, unit à Jésus-Christ aussi étroitement qu'une ente est unie à l'arbre qu'on a greffé. De là suit que les fidèles moururent avec Christ sur la croix, que leur vieil homme y fut crucifié avec lui; que, de même, Jésus-Christ ne ressuscita pas seul, mais qu'avec lui ressuscitèrent tous ceux pour lesquels il mourut. Ceci n'est pas une image; c'est une réalité. L'image se trouve dans le baptême, tel qu'il s'administrait généralement autrefois, si ce n'est universellement. L'acte par lequel le néophyte était plongé dans l'eau représentait sa sépulture avec Christ, et l'acte par lequel il ressortait du baptême, représentait son relèvement d'entre les morts. C'est ainsi qu'on était baptisé dans le Christ, c'est-à-dire comme ne faisant qu'un avec lui; ou pour le Christ, c'est-à-dire comme devant lui appartenir désormais. Or, si tel est le sens et l'effet de la foi qui justifie, comment ne pas voir que, loin de pousser au péché, elle le rend, autant qu'il est en elle, tout à fait impossible. Si celui qui croit pèche encore, ce n'est certes pas par la foi qu'il pèche, ce n'est pas sa foi qui le fait pécher. Relisez tout cet endroit de l'Épître: on ne peut qu'être frappé de la force du raisonnement, dès qu'on a bien compris ce que c'est que la foi. Vous vous arrêterez surtout au dernier verset. Le péché est la mort: Christ est la vie; celui qui croit n’est plus dans la mort: il est au contraire dans la vie; ce qui signifie qu'il a décidément fait divorce avec le péché.
6:
12-14
§ 1568. Cela étant, il semble inutile
d'inviter le fidèle à la sainteté, puisque sa foi est la sainteté
même. Mais non, si Dieu nous exhorte à nous convertir, s'il nous
exhorte à croire, il nous exhorte aussi à porter les fruits de la
foi; rien ne se fait en nous que par la sainte Parole de Dieu.
Toujours est-il que les exhortations adressées aux fidèles,
supposent en eux ce par quoi ils sont du nombre des fidèles: la
foi vivante et justifiante. Voici donc ce que le Saint-Esprit dit
à ceux qui sont justifiés par la foi, et ce que la foi des fidèles
reçoit sans hésiter, parce que la parole du Saint-Esprit trouve
Christ au dedans de leur cœur: «Que le péché ne règne point sur
vous»; car le péché, c'est la mort. Et puisque vous vivez
maintenant de la vraie vie, adonnez-vous à la justice, en
consacrant à Dieu tout votre être. L'apôtre ne dit pas d'ailleurs
qu'il n'y ait du tout plus de péché dans les fidèles; mais il dit
que le péché ne domine plus sur eux: la raison en est qu'ils ne
sont pas sous la loi, mais sous la grâce.
6:
15-19
§ 1569. Là-dessus vient une autre objection,
ou plutôt la même objection sous une autre forme. «Quoi donc!
pécherons-nous, parce que nous ne sommes pas sous la loi, mais
sous la grâce?» Voici la réponse; elle ne paraît pas très directe,
mais elle n'en est pas moins décisive. L'homme doit nécessairement
choisir entre deux esclavages: il est esclave, ou du péché ou de
la justice, et, bien que l'apôtre ne s'exprime pas en ces termes,
il est esclave de Satan ou de Dieu, de la loi ou de la grâce. Non
que le péché, Satan et la loi soient une seule et même tyrannie,
comme la justice, Dieu et la grâce sont une même délivrance; mais
à la loi correspond le péché, comme à la grâce correspond la
justice. Or, demander s'il est permis de pécher parce qu'on est
sous la grâce et non sous la loi, c'est supposer qu'on péchera
d'autant plus que, d'esclave du péché, on est devenu l'esclave de
la justice!
6:
16-23
§ 1570. Au surplus, c'est volontairement que
l'homme est esclave, ou du péché, ou de la justice; sous l'un et
l'autre de ces maîtres, il fait en définitive ce qu'il a librement
résolu de faire. Mais il n'y a de vraie liberté que pour ceux qui,
par la grâce de Dieu, obéissent de cœur à la doctrine du salut,
puisqu'ils échappent ainsi à l'esclavage du péché (2 Cor. III, 17;
Jean VIII, 36). Il faut convenir qu'en même temps on s'asservit à
Dieu et à la justice, ce qui est la sanctification; mais vouloir
ce que Dieu veut, n'est-ce pas être libre? Que vous arrivait-il,
dit l'apôtre aux fidèles, lorsque, esclaves du péché, vous étiez
libres à l'égard de la justice, maîtres de faire votre mauvaise
volonté? Quel fruit portiez-vous alors? Des choses dont vous avez
honte aujourd'hui et qui aboutissent à la destruction. Maintenant,
au contraire, vous portez des fruits de sanctification et vous
marchez vers la vie éternelle. D'un côté donc, la mort, solde que
le pécheur gagne péniblement en faisant la guerre à Dieu; et d'un
autre côté, la vie éternelle, don de la grâce de Dieu en notre
Seigneur Jésus-Christ. — Après cela, reprenons la question posée
par l'apôtre: «Pécherons-nous, parce que nous ne sommes pas sous
la loi, mais sous la grâce? Réponse: Non, certes; car sous le
règne de la grâce et par cette grâce même, nous avons secoué
l'esclavage du péché, pour nous adonner à la justice; nous avons
de bon cœur chargé sur nous le joug du Seigneur (§ 613); nous
avons vu tout ce qu'il y a de honteux et de périlleux dans une vie
de péché; sous le règne de la grâce enfin et par elle, nous
possédons Christ au dedans de nous et avec lui l'éternelle paix,
ce qui n'est autre chose que la sainteté.
7:
1-6
§ 1571. Autre manière de le faire sentir.
Comparant une âme qui se convertit, à une femme qui épouse un
nouveau mari, son premier mari étant mort, et reprenant une idée
émise plus haut, le Saint-Esprit établit que les fidèles ont tous
été cloués avec Jésus-Christ en sa croix, comme en Adam tous ont
péché. Mais c'est la loi violée qui a exigé cette mort
ignominieuse, et, de plus, ce qui a été frappé sur la croix, c'est
notre chair, notre vieil homme, le péché, auquel notre âme était,
non seulement asservie, mais volontairement unie et comme mariée.
Or, si ce premier et méchant mari a été crucifié avec
Jésus-Christ, c'est afin que nous pussions épouser Celui qui s'est
réveillé d'entre les morts, et porter, par sa grâce, des fruits de
justice à la gloire de Dieu. Lors donc que nous étions mariés à
notre propre chair, nos passions avaient libre cours nonobstant la
loi; elles étaient même irritées par elle, et ces passions ne
portaient que des fruits de mort. À présent, au contraire, à nous
supposer vraiment convertis, nous sommes affranchis de nos
premiers liens et de la loi qui les avait rendus si amers. Si nous
sommes toujours asservis, ce n'est plus à la lettre, ou en
d'autres termes, à la loi; ce n'est plus selon le vieil homme,
mais selon l'homme nouveau.
7:
7-8
§ 1572. À ce compte-là, c'est une bien
mauvaise chose que la loi; car, d'après tout ce qui vient d'être
dit, elle n’est, semble-t-il, que malfaisante! «Qu'ainsi
n'advienne,» s'écrie l'apôtre! La loi n'est pas péché; la loi ne
pousse pas au péché, elle n'est pas coupable de nos péchés: c'est
elle, au contraire, pour le redire (Ch. III, 20), qui fait
connaître en quoi consiste le péché et tout le mal qu'il recèle.
Par exemple: Comment savons-nous que la convoitise, le simple
désir du mal est vil coupable? Aucune loi humaine ne le proclame;
c'est à peine si la conscience le murmure; mais la loi de Dieu est
formelle sur ce point (Exod. XX, 17). Seulement, il faut ajouter
qu’en me disant: «Tu ne convoiteras point,» la loi n'ôte pas de
mon cœur la convoitise; ceci n'est pas du ressort de la loi. Bien
plus, le péché qui est en ma nature pervertie, s'est plutôt
échauffé à l'ouïe de cette défense, comme au reste à l'ouïe de
toute défense et de tout commandement. Aussi longtemps qu'on
laisse faire à un petit enfant ce qu'il veut et qu'on lui accorde
toutes ses fantaisies, il semble un ange; mais quand arrivent les
exigences du bon ordre, la règle, l'obligation du travail, les
appels au renoncement, alors l'ange devient démon; car sans loi le
péché est mort.
7:
9-12
§ 1573. C'est ce que l'apôtre va faire sentir,
en exposant ce qu'avaient été les diverses phases de sa vie
intérieure. Dans les premières années de sa jeunesse, Paul, alors
Saul, bien qu'élevé, on peut le croire, par des parents qui
l'entretinrent de Dieu et de ses devoirs, Paul vivait sans
connaître la portée spirituelle de la loi; sa conduite toutefois
était bonne à l'extérieur, et sa conscience lui faisait peu de
reproches: il vivait. Mais, quand, à mesure qu'il s'éloigna de
l'enfance, le commandement vint à lui être mieux connu, il sentit
tout ce que son cœur recélait de péché; les fautes se multipliant,
il vit la distance qui le séparait de Dieu, et l'abîme qui se
creusait sous ses pas; le péché reprit vie en lui: il mourut. Ce
fut ainsi que le commandement, qui n'est pas en lui-même une mort,
mais une vie, se tourna en mort, quant à Paul. Le mal venait, non
de la loi, mais du péché qui était en lui. Cela même prouve que la
loi est sainte, l'expression de la sainte volonté de Dieu. Mais si
le commandement est saint, il est aussi juste et bon; c'est-à-dire
qu'il ne prescrit rien que ce qui est dû, rien non plus qui n'ait
pour résultat naturel de nous rendre heureux. Rappelez-vous en
effet les deux grands commandements qui résument tous les autres
(§ 615). Quoi de plus saint, de plus juste et à la fois de plus
bienfaisant! En disant que le commandement fut une mort pour lui,
Paul a voulu dire qu'il fut, non pas la cause, mais l'occasion de
sa détresse, tout le mal étant venu du péché. Or, voilà
précisément ce qui montre combien est excessive la corruption
naturelle de notre cœur; c'est qu'une loi sainte, juste et bonne,
ne puisse finalement que nous perdre. — Je sens qu'ici, non moins
qu'ailleurs, j'affaiblis singulièrement les paroles de l'Écriture;
mais comme je ne puis aspirer à les rendre en des termes plus
forts et qu'il ne servirait à rien de les répéter purement et
simplement, je me borne à les expliquer, et l'explication ne
saurait jamais avoir l'énergie du texte sacré.
7:
14-23
§ 1574. La loi donc, bien qu'appelée ailleurs
une Lettre, par opposition à l'Esprit (§§ 1486, 1571), la loi est
néanmoins spirituelle: spirituelle dans sa source, qui est Dieu;
spirituelle dans son principe fondamental, qui est l'amour;
spirituelle dans ses prescriptions mêmes, puisqu'elle défend la
convoitise; mais moi, dit Paul, moi, considéré dans mon état
naturel, je suis charnel, vendu au péché. La disposition au mal
n'est pas complètement bannie de mon cœur; ce qui le prouve, c'est
que, souvent, je fais le mal que je ne voudrais pas, et je ne fais
pas le bien que je voudrais. Cependant, mon cœur renouvelé ne
trouve rien à reprendre dans la loi de Dieu: je l'estime bonne;
bien plus, comme David, je puis dire que je l'aime (Ps. CX1X, 97).
Il y a donc, en quelque sorte, deux moi dans mon homme actuel; un
moi en qui nul bien n'habite: c'est ma chair, le péché habitant en
mon âme; puis, un moi qui prend plaisir en la loi de Dieu: c'est
mon homme intérieur. En d'autres termes, je suis à la fois sous
une loi ou sous une puissance de péché, et sous une loi ou sous
une puissance de grâce; et, quoique celle-ci m'ait délivré de
l'esclavage du péché, toujours est-il que je me retrouve, trop
souvent hélas! sous l'influence de la loi ou de la puissance qui
est dans mes membres, c'est-à-dire dans ma chair, dans mon vieil
homme. Il n'est pas d'enfant de Dieu qui n'ait fait ces
humiliantes expériences.
7:
24-25
§ 1575. Tout ceci enrichit la doctrine de Paul
d'une idée nouvelle et fort importante. On aurait pu croire que
celui qui est justifié par la foi n'a plus rien à démêler avec le
péché, parce qu'il n'est pas sous la loi, mais sous la grâce.
Maintenant, l'exposition de la vérité sur ce point est complète.
La foi qui justifie, place le fidèle en de telles relations avec
Jésus-Christ, que, non seulement il n'est plus sous la
condamnation portée contre le péché, mais encore qu'il est délivré
de l'esclavage de cet ennemi. Ce n'est pas à dire qu'il n'ait plus
à lutter contre lui, ni même qu'il remporte constamment la
victoire. C'est pourquoi, le fidèle aura toujours à pousser ce
cri, non de détresse, mais de componction: «Misérable homme que je
suis! qui est-ce qui me délivrera du corps de cette mort?» D'un
autre côté, comme il cherche et trouve en Jésus-Christ sa
délivrance de tous les moments, de même qu'il y a cherché et
trouvé le pardon de ses péchés passés et sa réconciliation avec
Dieu, il aura toujours à s'écrier aussi, le cœur plein de
reconnaissance: «Je rends grâces à Dieu, par Jésus-Christ notre
Seigneur!»
§ 1576. En résumé, si nous sommes de ceux, dont le Saint-Esprit a renouvelé l'entendement, il ne nous VII viendra pas à la pensée de nous soulever contre la loi de Dieu, dont le sommaire est l'amour. Au contraire, nous nous y soumettrons de grand cœur, parce qu'elle est sainte, juste, bonne et spirituelle; nous lui vouerons une obéissance de dévouement et non de contrainte; nous l'aimerons enfin, par la raison même que nous ne sommes plus sous la loi; c'est-à-dire sous la condamnation et sous le péché, mais que nous sommes sous la grâce, et par là dans l'amour et dans la paix de Dieu. — C'est vraiment une belle et sanctifiante doctrine, que celle de la justification par la foi!
CCCIV. Privilèges du pécheur justifié.
8:
1-4
§ 1577. La pensée exprimée au commencement de
vil l ce chapitre, se lie évidemment à celle qui termine le
chapitre V. Les deux chapitres intermédiaires ont été employés à
prévenir certaines objections, tout en jetant un nouveau jour sur
le sujet principal, savoir les grâces qui découlent de la
justification par la foi. Le Saint-Esprit les avait d'abord
résumées en un seul mot: la paix ou la réconciliation avec Dieu (§
1560); il reprend la même idée en disant: «Il n'y a donc
maintenant aucune condamnation pour ceux qui, dans le Christ
Jésus, marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit.» Le jour
même où le pécheur se convertit, il passe de la mort à la vie.
Réconcilié avec Dieu, justifié par la foi, il n'y a plus, pour
lui, de condamnation possible, par la raison que, dès ce moment,
il est un avec Christ. La foi établit entre Jésus et nous une
union tellement intime que nous sommes en lui, comme si nous
faisions partie de sa personne; et, par cela même, nous ne
pourrions être condamnés sans qu'il le fût de nouveau. Comme
conséquence de cette union et bien que les fidèles aient
constamment à lutter contre la chair, ils ne marchent pas selon la
chair; ce n'est plus la chair qui est le principe de leur
activité, c'est l'Esprit. Cet Esprit est un esprit vivifiant, qui
communique aux âmes la vie même du Christ; et il y a une loi de
l'Esprit, c'est-à-dire que l'Esprit agit avec puissance, pour
affranchir les âmes de la loi ou de la puissance du péché et de la
mort. Ainsi, le Fils de Dieu, notre Sauveur, opère, par son
sacrifice et par son Esprit, ce dont la loi de Dieu était
absolument incapable, non par quelque imperfection qui résidât en
elle, mais par le péché qui est en nous. C'est une eau pure, la
loi de Dieu! mais le vase qui devait la contenir est souillé;
c'est une lumière, mais une lumière qui tombe sur un verre terni.
Or, ce que ne pouvait faire la loi, Dieu l'a effectué par l'envoi
de son Fils. Celui-ci, devenu semblable à nous, a subi la
malédiction du péché: il a reçu en sa chair la condamnation
méritée par les hommes, non seulement afin de les délivrer de la
peine du péché, mais aussi pour que l'ordonnance de la loi fût
accomplie en ceux qui marchent, non selon la chair, mais selon
l'Esprit. C'est-à-dire qu'il purifie le vase en s'y répandant et
qu'il polit le verre en le traversant. Donc, le fidèle est tout à
la fois délivré de la condamnation de la loi, et rendu capable de
soumettre son cœur à cette même loi. De plus, s'il y a opposition
entre la loi et la grâce, entre les œuvres et la foi, cette
opposition n'existe que pour le pécheur irrégénéré; elle disparaît
en Christ. Hors de lui, la loi nous tue; parce que, hors de lui,
l'obéissance à la loi est impossible; en lui, au contraire,
l'obéissance, fruit de l'Esprit, devient douce et possible: la loi
ne va plus à la mort.
8:
5-8
§ 1578. Et voici ce qu'on peut envisager comme
le développement de cette idée. Ce qui est né de la chair est
chair, a dit Jésus-Christ (Jean III, 6); ceux qui sont selon la
chair, sont donc les pécheurs irrégénérés. Or, de tels hommes ont
leurs pensées aux choses de la chair; leur esprit et leur cœur
s'occupent par-dessus tout des intérêts de la terre et du présent
siècle; s'ils ne méditent pas sans cesse de nouveaux péchés, on
peut bien dire toutefois qu'ils se procurent, le plus qu'ils
peuvent, la satisfaction de leurs goûts et de leurs penchants
naturels; car, je le disais tout à l'heure, le principe de leur
activité est la chair. Il n'en va pas ainsi du pécheur régénéré.
Nonobstant le mal qui est encore au dedans de lui, ses pensées se
tournent à l'ordinaire du côté de Dieu, de sa grâce, de sa Parole;
il y a pour lui un monde spirituel qui domine le monde terrestre,
un avenir céleste auprès duquel tout ce qu'on appelle avenir
ici-bas n'est que vanité; en un mot, Christ et son œuvre lui sont
la réalité suprême. Tout cela résulte de ce qu'il a est passé de
la mort à la vie. La pensée de la chair est une mort qui
n'engendre que la mort; les fidèles donc ne sauraient s'y plaire,
eux en qui réside maintenant la vraie vie. Les pensées de l'Esprit
étant au contraire des pensées productrices de paix et de vie, il
ne se peut qu'elles ne deviennent leurs propres pensées. La raison
d'ailleurs qui fait des pensées de la chair une mort, c'est que la
chair est en hostilité continuelle contre Dieu. Le mot est fort,
mais il est vrai. Il n'y a personne qui, s'il se laissait aller à
la vanité de ses pensées, s'il faisait tout ce que lui dicte son
mauvais cœur, ne marchât, d'égarements en égarements, toujours
plus loin de Dieu, et ne finît par faire bande avec ceux qui se
posent fièrement comme les adversaires de toute piété et de tout
bien. Car la pensée de la chair est mauvaise, c'est-à-dire qu'elle
est tout l'opposé de Dieu et de ses pensées. Il n'est donc pas
étonnant qu'elle ne se soumette pas à la loi de Dieu, et il est
vrai d'ajouter avec l'apôtre, que même elle ne le peut, vu que le
péché ne saurait être saint, ni vouloir le devenir. C'est
pourquoi, le pécheur, avant sa conversion, ne saurait plaire à
Dieu d'aucune sorte. Si donc Dieu nous a convertis, ce n'est pas à
raison de quelque chose qui, étant en nous, nous ait mérité cette
grâce. C'est parce qu'il a plû à Dieu de nous sauver, et non parce
que nous lui avons plû.
8:
9-11
§ 1579. Quant à ceux à qui Paul écrivait et
auxquels il avait donné le titre d'appelés et de saints (Ch. 1,
7), il aime à voir en eux des hommes animés du Saint-Esprit et
réellement convertis au Seigneur. Mais comme il pouvait cependant
se trouver au milieu d'eux des gens qui n'eussent que les
apparences de la foi, il ajoute: «Si du moins l'Esprit de Dieu
habite en vous»; ce qu'il accompagne de cette importante
déclaration: «Si quelqu'un n'a pas l'Esprit de Christ, celui-là
n'est point à lui.» Que mes lecteurs y fassent donc une sérieuse
attention. Il en est peu, je pense, qui prissent froidement leur
parti de n'avoir rien de commun avec Jésus-Christ; mais pour être
sauvé par lui, il ne suffit pas de lui appartenir de nom, ou par
une foi morte: il faut avoir été baptisé du Saint-Esprit. Supposé
donc que Christ soit en nous par son Esprit, la vie de Dieu est
notre partage, grâce à la justice que donne la foi, bien que nous
demeurions assujettis à la mort temporelle, à cause du péché qui
s'agite encore au dedans de nous. Outre cela, notre corps étant
actuellement l'habitation d'une âme en qui l'Esprit de Dieu
réside, il est impossible aussi qu'il ne se réveille d'entre les
morts, à la suite de Jésus-Christ. Il n'est donc pas nécessaire,
comme les Catholiques et les Luthériens le supposent, que notre
corps se soit nourri du corps même de Jésus, pour avoir en soi les
éléments de l'immortalité: il suffit que nous recevions le
Seigneur par la foi, car il habite ainsi dans nos âmes et dans nos
corps, par son Esprit (§ 521).
8:
12-18
§ 1580. À considérer tout cela, il est évident
que nous n'avons aucune obligation à la chair. La chair! le péché!
le vieil homme! ils ne nous ont fait et ils ne nous font que du
mal, la mort étant le terme auquel ils conduisent. Il s'agit donc
aussi de leur livrer un combat à outrance; condition sans laquelle
nous ne saurions atteindre la vie éternelle. Mais l'Esprit de Dieu
peut seul nous pousser à cette sainte lutte contre nous-mêmes et
nous y faire triompher. Or, courage, mes chers lecteurs! car,
c’est là finalement ce qui caractérise les fils et les filles du
Tout-Puissant. Étant justifiés devant Dieu et réconciliés avec lui
par la foi, son Esprit nous conduit à la bataille. Non un esprit
de crainte et d'esclavage, mais d'amour et d'adoption, lequel nous
certifie que nous «sommes enfants de Dieu, ses héritiers et les
cohéritiers de Christ.... si toutefois nous souffrons avec lui,»
dit l'apôtre. Cela ne signifie pas que la souffrance puisse expier
nos péchés, ni que toute manière de souffrir soit un gage de la
gloire à venir. Il s'agit ici des souffrances de la foi, soit de
celles qu'on endure de la part du monde quand on appartient au
Christ, soit des afflictions, même les plus communes, quand on les
supporte patiemment, en vue de celui qui a tant souffert pour
nous. Si nous souffrons ainsi avec le Christ, nous sommes vraiment
sur le chemin du bonheur que Jésus nous a acquis, et nous
estimerons nos souffrances peu de choses en comparaison de la
gloire à venir qui doit être révélée lors du dernier avènement du
Seigneur (§1491).
8:
19-25
§ 1581. Des souffrances des enfants de Dieu,
l'apôtre dirige son regard sur les souffrances qu'endurent, de
diverses manières, les êtres qui nous entourent. Tous, dit-il,
sont soumis à la vanité à cause de l'homme; c'est-à-dire qu'ils
subissent, eux aussi, les conséquences de la chute (I, § 130).
Puis, personnifiant la création, par une de ces images hardies qui
rappelle les oracles des anciens prophètes, il la représente comme
attendant la révélation de la gloire des enfants de Dieu,
soupirant et étant en travail d'enfantement, dans l'espérance
d'une sorte de rédemption pour elle-même. En effet, tout porte à
croire que cette terre, après avoir été le théâtre de la
souffrance et de la malédiction, à cause du péché, aura aussi sa
résurrection et sa glorification, à cause du sang que Jésus-Christ
y a répandu. C'est ce qui se fera, quand le Seigneur viendra
mettre ses rachetés en possession de la gloire céleste. En
attendant, ce n'est pas seulement la création matérielle qui
soupire et s'agite, cherchant un état meilleur; ce ne sont pas
seulement les masses incrédules et perverties qui soupirent et
s'agitent, espérant trouver dans les commotions politiques ou
autrement, le bonheur qui leur manque; les fidèles mêmes, bien
qu'ils recueillent dès à présent les prémices de l'Esprit,
soupirent en attendant l'effet définitif de leur adoption, dans la
délivrance de leur corps, ou dans leur résurrection. Ils jouissent
déjà des autres grâces du salut: du pardon, de la paix, de la
sanctification, des consolations de l'Esprit; mais la grâce du
relèvement de leur corps, c'est en espérance seulement qu'ils la
possèdent; une espérance, il est vrai, VIII qui ne confond point,
une espérance qui produit une attente patiente, mais enfin une
espérance qui n'est pas encore la possession: de là, leurs
soupirs.
8:
26-27
§ 1582. Ils ne sont pas seuls à soupirer. Le
Saint-Esprit, l'auteur de notre régénération, le souffle de notre
vie nouvelle, notre Consolateur, vient au secours de nos
infirmités. Il supplée notamment à l'infirmité de nos prières,
intervenant pour nous par des soupirs inexprimables, soit au
dedans de nos cœurs, soit devant le trône des miséricordes. Or,
l'Éternel, qui scrute les cœurs, connaît les pensées que le
Saint-Esprit met en nous, puisque ce sont les pensées de ce même
Esprit intercédant pour nous, selon l'amour infini de Dieu.
Quelles doctrines magnifiques! Au fond, tel est la charité du
Père, qu'il n'est pas besoin que personne le supplie en notre
faveur (Jean XVI, 26); toutefois le Fils prie pour nous (§§ 902,
910), et le Saint-Esprit aussi! Voyez donc quelle assurance nous
devons avoir dans l'accomplissement de la grâce de Dieu!
Comprend-on, après cela, qu'ayant de tels intercesseurs dans le
ciel, on en ait imaginé d'autres encore, tels que la Vierge Marie
et les Saints? La Parole de Dieu nous dit bien que le Saint-Esprit
intervient pour les saints qui sont sur la terre; mais nulle part
elle nous dit que les saints, dans le ciel, interviennent pour
nous auprès du Saint-Esprit ou auprès de Jésus.
8:
28-30
§ 1583. Si tout ce qui est en Dieu, savoir le
Père, le Fils et le Saint-Esprit, concourt au bien des fidèles, il
n'y a rien d'étonnant que toutes choses au monde y coopèrent
également. La raison en est que la rédemption des élus, la gloire
de Jésus-Christ et celle de Dieu le font qu'un; or, toutes choses
au monde travaillent ensemble pour la gloire de Dieu. Quant à la
glorification des fidèles en particulier, voici l'admirable série
de faits qui l'amènent, l'expliquent et la rendent indubitable.
D'abord, ce qui les distingue des autres hommes c'est qu'ils
aiment Dieu, en vertu de l'appel que, dans sa volonté suprême, il
lui a plû de leur adresser. Avant qu'ils fussent au monde, Dieu
les a connus; alors aussi il décida de les rendre conformes à
l'image de son Fils, pour retrouver ce qu'Adam a perdu (l'image de
Dieu), et pour les faire devenir membres d'une famille nouvelle
dont Dieu est le père par adoption, et dont Jésus est le frère
aîné, en tant qu'homme. Mais ceux à l'égard desquels Dieu décida
cela d'avance, il les a appelés par une vocation efficace, il les
a justifiés au moyen de la foi, et ils sont déjà comme glorifiés,
tant il est impossible qu'une œuvre ainsi commencée n'atteigne pas
son parfait achèvement. Si donc vous vous demandez qui sont ceux
que Dieu glorifiera? Vous répondrez: Ceux qui aiment Dieu. Mais
qui sont ceux qui aiment Dieu? Réponse: Ceux que Dieu a justifiés.
Qui justifie-t-il? — Ceux qu'il a appelés. Qui appelle-t-il? —
Ceux qu'il a décidé d'avance de rendre conformes à son Fils. En
faveur de qui a-t-il pris cette décision? — En faveur de ceux
qu'il a connus d'avance, selon un dessein arrêté en lui-même. 0
vous, qui, par la foi en Jésus, aimez Dieu dans la sincérité de
votre âme! quelles plus fortes garanties voudriez-vous de la
gloire éternelle qui vous est échue en partage?
8:
31-39
§ 1584. Cette gloire, cependant, n'est pas
encore pleinement réalisée. Le fidèle a de grandes souffrances et
de rudes combats. Que d'ennemis lui font la guerre, et combien sa
faiblesse n'est-elle pas grande quelquefois! Cela est vrai; mais,
dit l'apôtre, si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? S'il
nous aime, que nous fait la haine du monde? S'il nous protège, que
nous peuvent nos ennemis? S'il se tient près de nous, quelles
douleurs ne surmonterons-nous pas? Après le don qu'il nous a fait
de son Fils, de son Unique, de quoi pourrions-nous avoir besoin,
qu'il ne nous le donne gratuitement, comme il nous a donné le
salut? Si, par la pensée, nous nous transportons au dernier jour,
et devant le tribunal suprême, il nous sera bien permis d'éprouver
quelque émotion, car quelle journée sérieuse que celle-là! mais de
l'appréhension; mais des craintes; mais de la terreur! impossible.
En effet, qui pourrait intenter accusation contre des élus de
Dieu? Serait-ce Dieu lui-même, armé de sa loi sainte et
redoutable? Mais c'est Dieu qui justifie ses élus, et comment se
porterait-il accusateur de ceux qu'il a revêtus de sa justice? À
supposer, par impossible, que Dieu, que sa loi, nous accusassent,
qui est-ce qui condamnera? Celui qui siégera sur le tribunal
suprême, c'est Christ, notre Jésus (§ 473). Or, pourrait-il nous
condamner, lui qui mourut à cause de nos offenses, qui est
ressuscité à cause de notre justification, et qui même intercède
pour nous? Qu'y a-t-il donc de plus solidement assuré que le salut
des fidèles? Qu'est-ce qui pourrait séparer de l'amour de Christ,
ceux pour lesquels il s'est donné, afin d'effacer ce qui faisait
séparation entre eux et l'Éternel (Es. LIX, 2)? Rien, absolument
rien de ce qu'on peut nommer sur la terre, dans le ciel et dans
les enfers, rien n'est capable de priver les fidèles de l'amour de
leur Dieu, parce qu'il est scellé en la croix de Jésus-Christ et
qu'il y va de sa gloire même.
§ 1585. Quelles magnifiques promesses, chers lecteurs, et qu'ils sont grands les privilèges de ceux qui croient en Jésus-Christ! Repassez dans votre cœur les quatre derniers chapitres que nous avons étudiés. S'ils ne vous disent rien, je vous plains de toute mon âme, car ce serait la preuve que vous n'avez pas une étincelle de vraie foi. Alors, je n'aurais qu'un mot à vous adresser, et je le ferais avec une grande affection: Convertissez-vous et croyez à l'Évangile; afin que, justifiés par la foi vous connaissiez et vous goûtiez les glorieux et éternels, privilèges des enfants de Dieu.
CCCV. La doctrine du salut, dans ses rapports avec le peuple Juif.
Chap
9-11
§ 1586. La troisième partie de l'Épître est
contenue dans les trois chapitres qui vont faire le sujet de cette
Étude. Quoique l'église de Rome se composât essentiellement de
païens convertis et que, dans tous les cas, l'apôtre eût surtout
en vue cette classe de disciples, il ne lui était pas permis
d'oublier les Juifs et la position en apparence si nouvelle que sa
doctrine leur faisait. Des païens eux-mêmes pouvaient lui objecter
que ses principes étaient en contradiction avec les privilèges dé
ses concitoyens, privilèges qui, d'après l'Ancien Testament,
semblaient devoir être irrévocables. C'est à quoi l'apôtre avait
déjà répondu en passant (§§ 1543, 1544), mais il va maintenant le
faire plus à fond.
9:
1-5
§ 1587. D'abord, il proteste, dans les termes
les plus énergiques, de sa profonde affection pour le peuple
d'Israël, ce peuple dont il faisait lui-même partie; il rappelle
que tel fut jadis son zèle pour le judaïsme, qu'il se conduisit
longtemps en homme qui, de gaîté de cœur, appellerait sur lui la
malédiction. En sorte que, s'il prêchait maintenant une doctrine
en apparence contraire au judaïsme, il fallait que le Saint-Esprit
l'eût bien profondément pénétré de cette doctrine. Après cela, il
énumère les immenses prérogatives de ses frères selon la chair.
Fils de celui qui fut appelé Vainqueur de Dieu (I, § 481), adoptés
par l'Éternel pour être son peuple, les Juifs ont eu la gloire de
servir le vrai Dieu, défigurer dans tous ses testaments, de lui
devoir leurs lois et les ordonnances de leur culte, d'être les
objets directs ou indirects de toutes ses promesses, de compter
parmi leurs ancêtres les vrais pères des fidèles; mais surtout,
d'avoir donné naissance à Jésus-Christ, Israélite en tant
qu'homme, et Dieu au-dessus de toutes choses, béni éternellement.
Jamais aucune nation ne jouit de pareilles faveurs. Vous voyez que
Paul est le premier à le reconnaître, selon la Parole de Dieu, et
combien de soi-disant chrétiens qui l'oublient, dans le mépris
qu'ils professent pour le peuple d'Israël.
9:
6-13
§ 1588. Mais peut-être que la Parole de Dieu
«est tombée,» selon l'expression de l'apôtre: tout cela fut vrai,
mais ne l'est plus; les privilèges d'Israël étaient grands, ils
lui ont été enlevés! Non, dit Paul; en ce qui touche au salut
éternel, ils demeurent ce qu'ils furent toujours. Dans aucun temps
il n'a suffi d'appartenir extérieurement au peuple d'Israël pour
être vraiment Israélite. Les Pharisiens qui persécutèrent Jésus,
n'étaient pas Israël au même titre que Nathanaël (Jean I, 48); ni
Saül, fils de Kis, au même titre que David; ni Coré et ses
complices, au même titre que Caleb et Josué. Ainsi, pour être la
postérité d'Abraham, tous ne sont pas ses enfants (Jean VIII, 39).
C'est, ajoute l'apôtre, ce que l'Éternel a voulu déclarer, en
faisant d'Isaac, à l'exclusion d'Ismaël et des fils de Kétura, la
tige de la famille privilégiée. Isaac fut le fils de la promesse;
et qui ne croit pas à la promesse, ne fait pas partie du véritable
Israël. Puis, Isaac lui-même eut deux fils, dont un seul fut
héritier de cette promesse. Or, remarquez que ce ne fut point en
vertu de ses œuvres, mais en vertu d'une élection divine. De ces
deux faits résultent que, de tout temps, on ne fut vraiment
Israélite que par la foi et par une grâce spéciale et personnelle.
9:
14-18
§ 1589. Mais à entendre la chose de cette
manière, n'y a-t-il pas de l'injustice en Dieu? Paul s’était déjà
posé cette question, presque dans les mêmes termes, et il y avait
répondu en disant: Quoi qu'il en soit, il faut de toute nécessité
qu'il juge le monde (§ 1545). Cette fois, il se borne à citer deux
passages de l'Ancien Testament qui reviennent à dire que Dieu est
le maître, qu'il est souverain, et qu'il ne doit compte à personne
de ses actes (Exod. XXXIII, 19; IX, 16). Dieu fait miséricorde,
sans autre raison que sa miséricorde même. Et puisque c'est par
miséricorde qu'on est sauvé, ce ne sont donc pas les efforts de
notre volonté, ni le déploiement de nos forces qui nous sauvent.
D'un autre côté, Dieu n'est pas obligé de sauver tout le monde;
car s'il y était obligé, ce ne serait plus de la miséricorde, mais
une nécessité. Bien plus, Dieu n’est pas tout miséricorde; ou,
pour mieux dire, si, dans un sens, il est tout miséricorde, tout
amour, il est aussi tout sainteté, tout justice; et, quand un
Pharaon méprise sa voix et sa puissance, il lui fait sentir cette
puissance par l'endurcissement du cœur, le plus terrible des
jugements (I, § 677).
9:
19-29
§ 1590. Alors donc, pourquoi se plaint-il
encore, puisque tout finit par se passer selon sa volonté, soit
quant à ceux qui sont sauvés, soit quant à ceux qui se perdent? —
Il faut avouer que cette objection se présente naturellement à
l'esprit, et de plus, que l'apôtre semble d'abord renoncer à en
faire la réfutation, se bornant à nous nier le droit d'entrer en
discussion sur ce point. Cependant, ceci même est une première
réponse à l'objection. Vous ne comprenez pas le mystère des
décrets de Dieu et vous en contestez la justice! Mais qui es-tu, ô
homme! pour disputer avec Dieu, toi, non seulement sa créature,
mais encore sa créature révoltée? Est-il étonnant que la créature
ne comprenne pas le fond de la pensée du Créateur, et que le
rebelle méconnaisse l'équité de son juge? La comparaison que fait
l'apôtre, comme toutes les comparaisons et toutes les paraboles,
ne doit pas être serrée de trop près, autrement on lui ferait dire
ce qui ne fut pas dans l'intention du Saint-Esprit. Il n'entend
pas que l'homme n'ait pas plus de part à son salut qu'une masse de
terre n’en a dans la confection du vase que le potier en fait
sortir; car c'est volontairement que l'homme s'assujettit au
péché, par l'influence de Satan, et volontairement aussi qu'il
s'adonne à la justice, par l'action de la grâce sur son cœur.
Toujours est-il que, devant la majesté et la sainteté de Dieu,
nous ne sommes que terre et boue; puis, il est certain que, dans
tous les cas, Dieu demeure le souverain maître de ses œuvres,
libre d'en faire ce qu'il lui plaît; enfin, ce qui n'est pas moins
incontestable, c'est qu'il use d'une étonnante patience envers les
hommes mêmes que leurs péchés destinent à magnifier sa colère et
sa puissance, tandis qu'il fera briller les richesses de son amour
envers ceux que, dans sa grâce, il a préparés pour la gloire: les
uns, vases de colère; les autres, vases de miséricorde. Voilà une
première réponse, ou du moins de quoi nous fermer la bouche, pour
peu que nous ayons le sentiment de notre néant devant Dieu.
9:
24-29
§ 1591. Une seconde réponse est tirée des
faits ou de l'expérience. Je ne saurais admettre, dites-vous, que
Dieu en agisse de la sorte! Mais enfin, les choses sont-elles
ainsi, ou non? Si elles sont ainsi, soyez sûr qu'elles ne sont pas
indignes de Dieu, et qu'un jour vient où tout sera mis au clair, à
la gloire éternelle de votre Créateur. Pour ce qui concerne en
particulier la réjection des Juifs et le salut des païens, comme
résultat d'une libre détermination de Dieu, il est incontestable
que le fait a eu lieu. Le Seigneur s'est acquis un peuple nouveau,
pris d'entre les Israëlites et d'entre les Gentils, en rejetant le
gros de la nation Juive. Or, tout cela est tellement l'effet d'une
volonté arrêtée de l'Éternel, qu'il l'avait annoncé plusieurs
siècles d'avance, par la bouche de ses prophètes. C'est ainsi
qu'Osée prophétisa la vocation des Gentils (Os. II, 23; I, 10), et
Ésaïe, le salut d'un petit nombre d'Israélites seulement (Es. X,
22, 23; I, 9). Le fait est tel, je le répète, et il n'y a pas
moyen de disputer contre les faits: c'est la seconde réponse;
voici la troisième.
9:
30-33
§ 1592. Quelle est, en définitive, la cause du
salut des uns et de la réjection des autres? Cette cause est en
eux-mêmes, tout autant qu'elle est en Dieu. Quant aux païens,
égarés comme ils l'étaient, ils n'eurent pas de peine, quand
l'Évangile leur fut prêché, de comprendre qu'ils ne pouvaient
trouver leur justice en eux-mêmes et qu'il leur fallait une
justice venant de Dieu. Ils la cherchèrent donc en Jésus et, au
moment où Paul écrivait, un grand nombre d'entre eux l'avaient
trouvée. Les Juifs, au contraire, fiers de leurs privilèges et
s'estimant justes par leurs œuvres, ne sentaient pas le besoin de
la foi; et, selon la prophétie, ils étaient allés se heurter
contre le rocher des siècles. Jésus-Christ était devenu pour eux
une pierre d'achoppement, ce même Jésus dont il est dit que Celui
qui croit en lui ne sera pas confus (Es. VIII, 14; XXVIII, 16; §§
421, 800, 1111). Voici donc, mes chers lecteurs, à quoi se réduit
la question au point de vue pratique. Il ne s'agit pas de céder à
une curiosité qui ne saurait être satisfaite, ni de vous informer
des conseils secrets du Seigneur à votre égard. Le fait est qu'il
vous appelle au salut; je n'en veux pas d'autre preuve que l'étude
à laquelle vous vous livrez en ce moment. Eh! bien donc,
abandonnez toute idée de vous justifier devant Dieu par vos
œuvres, cherchez votre justice en Jésus-Christ; c'est ainsi que
vous prendrez place parmi les vases de miséricorde que Dieu a
préparés pour sa gloire.
10:
1-13
§ 1593. Ce point est si important que l'apôtre
y revient encore. Il n'y avait rien qui lui tînt plus à cœur ni
qu'il demandât plus vivement à Dieu que le salut des enfants
d'Israël. Or, ce qui mettait obstacle à l'accomplissement de ses
prières, ce n'était pas que ses compatriotes fussent dépourvus de
tous principes religieux. Ils avaient du zèle, mais c'était un
zèle sans connaissance, comme avait été celui de Paul quand il
persécutait les saints, comme est celui de tant de gens parmi
nous. Ils mènent une vie honnête et remplissent certains devoirs
de piété et de bienfaisance; mais, méconnaissant la justice qui
vient de Dieu, ils cherchent à établir leur propre justice et, de
cette manière, ils ne se soumettent pas à l'institution divine
quant à la voie du salut. Rien donc n’est plus clairement exprimé
par l'Écriture que cette doctrine, savoir qu'on se prive
volontairement de la vie éternelle quand on veut se sauver par ses
propres œuvres, non moins que si l'on se permet tous les
égarements du péché.
§ 1594. Comme dans son épître aux Galates, mais avec plus de développement, l'apôtre établit que Christ est la fin ou l'accomplissement de la loi, et que par conséquent c'est en lui seul que se trouve la justice. 5 On peut bien se représenter une justice selon la loi. Ce serait celle qui résulterait de la pratique persévérante et sans tache des commandements de Dieu, obéissance semblable alors à celle de Jésus-Christ. Mais il y a un autre moyen d'être juste, c'est la foi; moyen admirable dans sa simplicité et dans son universalité. En effet, toute l'œuvre de notre rédemption s'étant accomplie par la mort et par la résurrection du Sauveur, il ne s'agit pas de nous demander qui donc ira pour nous au ciel afin de nous réconcilier avec Dieu? qui descendra dans l'abîme, pour en retirer nos corps? D'ailleurs, la prédication de la foi est fort simple; le plus petit enfant sait la répéter: «Christ est mort à cause de nos offenses; il est ressuscité à cause de notre justification,» et c'est une parole qui, si on l'écoute, va bien autrement au cœur que la loi. Que vous reste-t-il donc à faire pour être sauvés, ô vous pécheurs, qui que vous soyez? Rien, si ce n'est de confesser Jésus pour votre Sauveur, après avoir cru du cœur que Dieu l'a ressuscité d'entre les morts. Mais remarquez bien que c'est la foi du cœur, et non une autre qui procure la justice; remarquez en outre qu'il faut la confession de la bouche, car si le cœur est plein, la bouche parle; et si nous ne confessons pas le Seigneur devant les hommes, il ne nous confessera pas dans le ciel (§§ 409, 639).
10:
11-13
§ 1595. Toujours est-il que la voie du salut
est, ainsi que je l'ai dit, d'une admirable simplicité, ce que
l'apôtre exprime en empruntant ces termes au prophète Joël:
«Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé (Joël II, 32)».
Ces mêmes paroles proclament l'universalité de la grâce de Dieu en
ce sens, que Juif ou Grec, petit ou grand, riche ou pauvre, savant
ou ignorant, tout pécheur, quel que soit le nombre ou la gravité
de ses fautes, est autorisé à croire en Jésus-Christ, à invoquer
son nom; et, faisant cela, il est sauvé. C'est ce que le
Saint-Esprit avait déjà déclaré, au commencement de cette épître
(§ 1553), et ce qui ressort avec évidence de maintes paroles des
prophètes, comme de tous les enseignements de Jésus-Christ (§517).
10:
14-21
§ 1596. De là résulte la nécessité de la
prédication du salut par toute la terre. Car pour invoquer le
Seigneur, il faut croire en lui; pour croire en lui, il faut en
avoir entendu parler; pour en entendre parler, il faut que
quelqu'un le prêche; et pour qu'il y en ait qui le prêchent, il
faut qu'ils soient envoyés de Dieu, l'auteur du salut dans ce qui
y sert de préparation, comme dans ce qui le commence et dans ce
qui l'achève. Et voilà ce qu'avaient aussi prédit les prophètes de
l'Ancien Testament (Es. LII, 7). Mais la foi est un acte
d'obéissance; c'est la soumission du cœur à la Parole de Dieu et
le consentement au moyen choisi par sa grâce pour sauver les
pécheurs. Ceci nous explique pourquoi l'homme, qui est tout
révolte contre Dieu, se révolte aussi contre la prédication du
salut par la foi, selon ce qu'avait dit le même prophète (Es.
LIII, 1). Déjà du temps de l'apôtre, la Parole de Dieu, cette
parole sans laquelle la foi est impossible, avait été annoncée à
une multitude de peuples divers sous le ciel; mais que
d'incrédulité n'avait-elle pas rencontrée! Israël l'avait entendue
le premier, et, plus incrédule que les païens, il avait confirmé,
par son incrédulité même, la vérité des oracles qui annonçaient
que les nations devanceraient Israël dans le règne de Dieu, parce
qu'Israël se montrerait toujours le peuple rebelle et contredisant
par excellence (Deut. XXXII, 21; Es. LXV, 1,2). Ainsi, nouvel
exemple que le salut est par pure grâce, soit qu'on pense aux
nations qui ont trouvé Dieu, bien qu'elles ne le cherchassent pas;
soit qu'on tourne, avec Paul, un regard de tristesse sur cet
ancien peuple qui perdit Dieu, parce qu'il se croyait trop sûr de
le posséder.
11:
1-5
§ 1597. Faudra-t-il conclure de tout cela que
Dieu a rejeté son peuple? Non pas son peuple tout entier, dit
Paul. Pour preuve, il cite son propre exemple, et il aurait pu
nommer bien d'autres Israëlites avec lui; car ils se comptaient
par milliers, les fils d'Abraham qui, dès les premiers jours,
embrassèrent l'Évangile. Il est certain, toutefois, que le gros de
la nation avait repoussé le Seigneur, et le repoussait encore. Ce
n'était pas un fait absolument nouveau. À diverses époques et
notamment au temps d'Élie le prophète, malgré les prérogatives
assurées au peuple Juif, l'Éternel n'avait été le Dieu que d'un
très petit nombre, d'une quantité presque imperceptible de
fidèles. Si donc on estime, comme on le doit, que, même alors,
Israël ne laissait pas d'être le peuple de la promesse, il n'y
avait pas de raison pour qu'on en jugeât autrement à l'heure où
Paul écrivait: le peuple en masse était incrédule, mais il y avait
là des âmes que Dieu s'était réservées, selon l'élection de grâce
(II, § 1373. Table Analyt. Résidu).
11:
6
§ 1598. «Selon l'élection de grâce,» dit
l'apôtre, et ce mot de «grâce» ne saurait reparaître sans qu'il
l'explique de nouveau. La grâce, relativement au salut, c'est le
contraire de l'œuvre; tellement le contraire que, si quelqu'un
prétend à être sauvé en vertu de ses œuvres, il n'y a plus de
grâce pour lui, et que, si quelqu'un croit en la grâce de Dieu, il
ne parlera plus jamais de ses œuvres pour s'en faire un mérite.
11:
7-10
§ 1599. Reprenant le fil de ses idées, Paul
conclut donc en disant, que les Juifs ayant cherché le salut dans
la vertu de leurs prérogatives nationales, ne l'y ont pas trouvé,
parce que ce n'est pas là qu'il pouvait être; mais que, les élus
de Dieu ayant cherché ce salut dans le Christ, en vue duquel
existaient ces prérogatives, ils l'ont obtenu de la grâce de Dieu.
Quant aux premiers, leur endurcissement n'était que la juste
conséquence de l'obstination à ne pas écouter les messagers de
Dieu, comme l'avaient annoncé leurs prophètes (Es. XXIX. 10; Deut.
XXIX, 4; Ps. LXIX, 22, 23). Or, parmi ceux qui appartiennent au
corps extérieur de l'Église, combien n'en est-il pas qui attirent
sur eux cette même malédiction! En méprisant la prédication de
l'Évangile et en profanant la Cène du Seigneur, ils se placent dès
ici-bas sous la condamnation qui attend les réprouvés Aussi, ne
les voit-on que trop souvent, au sortir de leurs soi-disant
assemblées de culte, jurer, blasphémer, s'enivrer, persécuter les
enfants de Dieu. À eux donc aussi, leur table leur devient un
piège et une occasion de chute, et une rétribution (§ 1436).
11:
11-21
§ 1600. En résumé, les Juifs présentèrent, à
toutes les époques, sauf peut-être au temps de Josué (II, § 48),
le même spectacle qu'au temps des apôtres: masse incrédule, petit
troupeau de fidèles. Seulement, la distinction n'avait jamais été
aussi tranchée qu'après la venue de Jésus-Christ. Ceux qui le
rejetèrent, et ce fut incomparablement le plus grand nombre,
continuèrent la nation juive proprement dite, et c'est ainsi que
la nation, dans son ensemble, fut à son tour rejetée. Mais si
Israël est tombé, est-ce de manière à ne pas se relever? Question
d'avenir que l'apôtre résout par l'Esprit de prophétie, et c’est
un de ces passages qui attestent, d'une façon particulière,
l'inspiration divine de ses écrits (§§ 1306, 1457). Car, bien que
la prophétie que nous avons sous les yeux ne soit pas encore
accomplie en ce qu'elle a de plus essentiel, elle l'est à ce jour
d'une manière assez remarquable pour mériter, dans son ensemble,
une pleine confiance. La voici:
§ 1601. Non; répond l'apôtre, les Juifs ne sont pas tombés pour toujours. Dire que le salut parvient aux nations afin de provoquer à jalousie les enfants d'Israël, c'est dire qu'un jour viendra, où, stimulés par l'exemple et par la foi des nations, leur cœur se tournera vers Dieu. Bien plus, si, par leur chute, le monde s'est vu enrichi des grâces de Dieu, leur retour en masse sera une bénédiction ineffable pour le monde entier; et si leur réjection a coïncidé avec la réconciliation du monde, si elle l'a même facilitée (§1260), leur retour sera comme une vie d'entre les morts, ou l'occasion et le moyen de conversions innombrables et de réveils inouïs parmi les peuples. En attendant, Israël demeure une sainte race; sainte dans ses prémices, André, Pierre, Jean, Jaques, Paul et ceux de leurs frères en la chair qui reçurent l'Évangile; sainte dans sa racine, Abraham, Isaac et Jacob; sainte aussi dans son ensemble, mais d'une autre manière, car les mots saint et sainteté, comme les mots foi et fidèle ont un sens large et un sens étroit, faciles à distinguer suivant les cas. L'apôtre compare les convertis d'entre les nations aux branches d'un olivier sauvage qui auraient été greffées sur les branches tronçonnées d'un olivier franc, le peuple Juif. Il les invite en conséquence à ne pas triompher de la chute d'Israël, à ne pas le mépriser (ce que font, hélas! tant de soi-disant chrétiens); mais à se souvenir qu'après tout, Israël est la racine d'où les païens convertis et ceux qui en descendent, tirent leur sève et leur huile. Il est vrai que les branches du véritable olivier furent retranchées à cause de leur incrédulité et que nous qui les avons remplacées, nous nous tenons debout par la foi; mais malheur à ceux qui ne voient là qu'une occasion de s'enorgueillir! Demeurons plutôt dans une crainte salutaire; car, si Dieu n'épargna pas les branches naturelles, il n'a pas épargné non plus cette église de Corinthe d'où Paul écrivait, ni celles d'Éphèse, de Philippes, de Césarée, d'Antioche, branches entées sur l'olivier, branches maintenant retranchées; et l'église de Rome elle-même, à qui Paul adressait sa lettre, qu'est-elle devenue?
11:
22
§ 1602. Tout ceci conduit à considérer Dieu
sous le double aspect de sa bonté et de sa sévérité. Les uns, ne
voulant voir en Dieu qu'un Dieu de bonté, finissent par annuler sa
justice. De cette manière, ils font de lui un complice de nos
iniquités, un ami et un fauteur du vice: idée de Dieu qui est
souverainement fausse et immorale. D'autres, tout pénétrés de
terreur, ne voient que la sévérité avec laquelle Dieu traite, de
siècle en siècle, le monde des impies et qu'il révélera plus
magnifique et plus épouvantable encore au dernier jour: idée
partiale également, quoique dans un autre sens; erreur qui éloigne
de Dieu, et qui, par là, produit les mêmes conséquences
d'immoralité. C'est donc à considérer tout à la fois la bonté et
la sévérité de Dieu que gît la sûreté de nos âmes. Quand on voit
de quels jugements il a frappé le Juif incrédule, si longtemps
comblé des bontés de son Dieu, il y a de quoi nous donner à
réfléchir, à nous-mêmes, objets actuels de ses promesses. Pour
qu'il ne nous arrive pas comme à eux, croyons à l'amour de Dieu
tout en pensant à sa sévérité, et croyons à sa sévérité sans
jamais oublier son amour. En d'autres termes, croyons du cœur à
Jésus-Christ, car c'est en Lui que l'Éternel est un Dieu fort,
juste et sauveur (Ésaïe XLV, 21).
11:
23-29
§ 1603. Pour en revenir à Israël, ce
malheureux peuple sera donc relevé de son incrédulité, et alors il
sera enté de nouveau. Il n'y a rien là qui dépasse la puissance de
Dieu; car s'il a pu se former un peuple d'entre les païens, il
doit lui être plus facile, pour ainsi dire, de rétablir les Juifs
dans leur état primitif. Ils eurent le tort de se croire pour
toujours le peuple de Dieu à l'exclusion de tous les autres:
n'allons pas nous imaginer que nous, issus des païens, nous le
soyons devenus à l'exclusion perpétuelle des enfants d'Israël.
Leur endurcissement n'est que partiel, et il ne doit durer que
jusqu'à ce que la plénitude des nations soit entrée. Alors, selon
les oracles des prophètes (Ésaïe , LIX, 20 , 21), la plénitude des
Juifs entrera pareillement dans la voie du salut qui est en
Jésus-Christ. Pour le moment, ils en rejettent la bonne nouvelle
et c'est pour cela qu'ils sont encore sous la malédiction
prononcée par le plus ancien de leurs prophètes et déjà si souvent
accomplie (I, §§ 1033, 1034); mais ils ne laissent pas d'être, en
tant que peuple et pour un temps à venir, les objets d'une
élection et d'une vocation de Dieu qui ne sauraient se démentir.
§ 1604. Vue en ce qu'elle a d'essentiel, rien de plus clair que cette admirable prophétie. Israël sera réintégré dans l'alliance de Dieu. Mais, est-ce à dire que tous les individus qui appartiendront à ce peuple au jour de sa conversion seront vraiment convertis! Le rétablissement d'Israël doit-il s'entendre de son retour dans le pays de Canaan? Ce retour précèdera-t-il ou suivra-t-il sa conversion? Après ce grand événement, Israël continuera-t-il de former un peuple à part? Enfin, que faut-il entendre par la plénitude des nations qui doit être entrée avant que tout Israël soit sauvé? Il y a diversité d'opinion entre les chrétiens sur tous ces points, et il est pénible de devoir prendre un parti, vu que, de manière ou d’autre, on se met en désaccord avec des hommes éminents par leur foi et par leur piété. Sans répéter ce que j'ai dit si souvent sur les obscurités dont il a plû à Dieu d'envelopper ses oracles, même les plus clairs, et laissant de côté les questions auxquelles cette prophétie ne me paraît toucher nullement (comme de savoir si le rétablissement d'Israël aura lieu avant ou après le retour du Seigneur), je dirai qu'à mes yeux le verset 25 ne saurait avoir d'autre sens, sinon qu'un jour vient où tous les peuples de la terre abandonneront l'idolâtrie pour se ranger sous les étendards de l'Évangile. Cela ne signifie pas que les cœurs de tous seront régénérés, que tous auront revêtu la robe de noces; mais tous, bons et mauvais, seront entrés dans la salle du festin (§ 803). C'est alors que la plénitude des Juifs (remarquez le même mot aux versets 12 et 25), entrera à son tour, et que sa conversion sera pour le monde christianisé comme une vie d'entre les morts. Croire, après cela, que les Juifs seront remis en possession de Canaan sans s'être auparavant convertis, c'est ce qui me paraît contraire à la marche constante de l'Éternel envers son peuple (II, § 138); et même, penser qu'une fois rétablis dans la terre sainte et convertis, ils y reprendront leur antique position distincte au milieu des autres peuples, c'est ce que je ne saurais concilier avec ce qui est dit, qu'en Jésus-Christ, il n'y a ni Juif, ni 2J729 Grec (Gal. III, 28). Cette dernière considération fait douter à quelques-uns qu'Israël doive occuper de nouveau le pays de ses pères; mais pourquoi non, s'il est bien entendu d'ailleurs que ses institutions et son culte d'alors ne seront pas de nature à rompre l'unité du corps de Christ, corps dont Israël sera, peut-être, le membre le plus éminent!
11:
30-36
§ 1605. Quoi qu'il en soit de ces idées, que
je ne donne pas à mes lecteurs sans quelque défiance, il demeure
parfaitement certain que les nations, toutes rebelles, sont reçues
les unes après les autres en la miséricorde de Dieu; il ne l'est
pas moins que les Juifs obtiendront aussi miséricorde, malgré leur
rébellion actuelle. De cette manière, tous les peuples de la terre
auront été successivement en état de révolte contre Dieu, mais un
jour vient où ils rentreront tous dans l'ordre, par un effet de la
grâce de ce même Dieu. C'est après avoir exprimé cette grande et
touchante prophétie, que, toujours sous l'inspiration divine,
l'apôtre cède à une de ces émotions qui lui étaient si ordinaires
et qui montrent combien son âme était pénétrée des vérités qu'il
annonçait. Non, rien n'est profond ni abondant comme la sagesse et
la science de Dieu; rien n'est insondable comme ses jugements, ni
inscrutable comme les moyens qu'il emploie pour arriver à ses
fins. Personne ne fut avec lui quand il formait ses plans;
personne ne peut se vanter de lui avoir été nécessaire pour les
exécuter. De lui, par lui et pour lui sont toutes choses. Tout
procède de lui, tout se fait par lui, tout s'accomplit pour lui. À
lui donc soit la gloire éternellement. Amen! — O! mes chers
lecteurs, n'hésitez pas à joindre votre amen à celui de Paul. Mais
la vraie manière de le faire, c'est de reconnaître sincèrement que
tout ce que vous possédez: corps, vie, âme, repentance, foi,
sainteté, tout vous vient du Seigneur; que tout ce qu'il y a de
bon en vous, s'est fait par sa Parole et par son Esprit; c'est
enfin de vouloir rapporter à sa gloire votre existence tout
entière, dès ce monde et pendant l'éternité; ce qui suppose à coup
sûr qu'on est réellement converti.
CCCVI. Conséquences morales de la doctrine posée dans l'Épître.
§ 1606. La quatrième partie de l'Épître est toute d'exhortations, et c'est ainsi que l'apôtre complète l'exposition de la doctrine du salut. Il rappelle aux fidèles de Rome les devoirs de ceux qui sont justifiés par la foi, devoirs qui résultent précisément de ce qu'ils ne sont plus sous la loi, mais sous la grâce. Il avait dit que les justifiés «marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit (Ch. VIII, 1);» il va nous apprendre ce que c'est que marcher de cette manière.
12:
1
§ 1607. Le grand motif qui détermine la
conduite d'un enfant de Dieu, c'est la considération de la
miséricorde qui lui a été faite. L'amour infini que le Père nous a
témoigné et la réconciliation qu'il a opérée par le sacrifice de
son Fils, sollicitent de notre part quelque chose d'analogue, et
ce quelque chose le Saint-Esprit le produit en nous. Il ne saurait
plus être question d'offrir à Dieu des victimes d'expiation, à
côté de la grande victime dont le sang coula en Gethsémané et sur
le Calvaire; mais il y avait, sous l'ancienne loi, des sacrifices
d'actions de grâces, types de la consécration de nos personnes à
celui qui nous a tout pardonné. Il faut que, saints
sacrificateurs, nous lui offrions nos corps, et par là tout notre
être, comme une victime vivante et non sanglante; sainte, d'une
sainteté réelle et non conventionnelle; agréable à Dieu,
c'est-à-dire acceptée de lui, étant offerte par la foi. Voilà ce
qui constitue essentiellement le culte spirituel des rachetés,
selon la Parole de Dieu, et, si vous y réfléchissez, rien n'est
plus raisonnable.
12:
2
§ 1608. Cette entière consécration de nos âmes
et de nos corps à Celui qui les a rachetés, ne peut se faire sans
que nous rompions avec les principes, les maximes, les coutumes,
le train de vie du présent siècle, généralement si contraires à la
volonté de Dieu. Pour cela, il faut que nous soyons transformés
par le renouvellement de notre entendement, ou régénérés; car,
dans son état naturel, notre âme est toute au présent siècle, et
nous ne saurions en venir à aimer ce que nous haïssions, à haïr ce
que nous aimions, sans que notre être soit complètement changé.
Or, ce qui constitue essentiellement en nous l'être moral, c'est
la volonté: une volonté opposée à celle de Dieu, tant que nous ne
sommes pas convertis. C'est donc seulement après notre conversion
que nous pouvons connaître par expérience ce qu'est la volonté du
Seigneur. Jusque-là, nous ne la faisons pas, et, parce que nous ne
la faisons pas et qu'elle est en opposition avec la nôtre, elle
nous déplaît souverainement. Mais une fois convertis et faisant la
volonté de Dieu, nous ne saurions manquer de la trouver bonne,
aimable et parfaite. Et si l'on s'étonnait que l'apôtre adressât
une telle recommandation à des gens qu'il suppose évidemment
changés, je ferais observer que notre rupture avec le monde et le
renouvellement de notre cœur, ne sont, en aucun temps, tellement
consommés qu'il ne reste plus rien à y ajouter.
12:
3-8
§ 1609. La pensée de l'Église était une de
celles qui préoccupaient le plus notre apôtre. Nous l'avons vu
dans toutes ses épîtres, et ce sujet ne pouvait manquer d'avoir sa
place dans un traité de théologie tel que celui-ci. Le devoir de
ceux qui sont justifiés par la foi étant de se consacrer
entièrement à Dieu et de vivre d'une manière distincte de celle du
monde, il résulte de ces deux faits qu'ils forment une société à
part, une sainte assemblée qui manifeste par son existence même la
présence de l'Esprit de Christ sur la terre. Or, s'il est
indispensable, pour la gloire du Seigneur, que chacun de ses
rachetés vive d'une vie sainte, il ne l'est pas moins que, dans
leur capacité collective, ou en corps d'Église, ils donnent au
monde le spectacle d'une société bien organisée. Le grand moyen
pour cela, c'est que les membres de l'Église soient revêtus d'une
véritable humilité et animés d'une charité sincère. Humbles, nous
ne surferons pas notre valeur réelle: charitables, nous nous
traiterons les uns les autres comme membres du même corps et ce ne
seront pas les plus faibles que nous honorerons le moins. Humbles
et charitables tout à la fois, il est clair que nous ne serons
jamais l'occasion de scandales tels que ceux qui avaient affligé
l'église de Corinthe.
12:
6-8
§ 1610. Il est nécessaire aussi, dans
l'intérêt de l'ordre, que ceux qui ont reçu du Seigneur des dons
spéciaux pour l'édification commune, puissent les exercer, qu'ils
les exercent réellement et qu'ils n'exercent que ces dons, sans
aspirer à une position et à une activité qui ne leur appartiennent
pas. Encore sur ce point, il faut humilité et charité chez tous. À
défaut de quoi, l’on verra des hommes (et souvent un seul homme
dans une église nombreuse) s'arroger tous les emplois; parce que
d'autres, peu soucieux du bien qu'ils pourraient faire, aiment
mieux enfouir le talent qui leur est confié. Tout comme on en
verra qui, par orgueil, ne voudront pas que personne ait, dans
l'Église, aucune charge spéciale d'enseignement, d'exhortation, de
présidence, d'administration.
§ 1611. Je rappelais tout à l'heure l'église de Corinthe, où l'orgueil avait fait tant de mal; ne remarquez-vous pas avec moi le silence que l'apôtre garde là-dessus, bien qu'il écrivît de cette ville même. Nouvelle preuve de sa charité. Quand il l'avait fallu, il s'était adressé directement aux coupables; mais parler défavorablement d'eux à d'autres qu'à eux, c'est ce que l'Esprit qui l'animait ne lui aurait pas permis.
12:
9-21
§ 1612. L'apôtre continue à diriger notre
attention sur la charité et sur l'humilité, ces deux grands traits
du caractère chrétien. Il entremêle son discours d'exhortations
générales qui ne sont pas sans rapport avec son sujet spécial;
toutefois ce n'est plus essentiellement en vue de l'ordre qui doit
régner dans l'Église.
§ 1613. Aimer sans sincérité, ce n'est pas aimer. Se donner le nom de frères, se serrer cordialement la main, se faire de mutuelles protestations d'amitié, tout cela peut exister sans véritable affection. De plus, l'affection chrétienne ne peut réellement animer que des cœurs qui ont en horreur le mal, et qui se tiennent collés au bien. Tout se lie en morale. Celui qui s'adonne au péché peut avoir de vives passions, égoïstes et charnelles; mais aimer qui que ce soit et quoi que ce soit en Christ, c'est ce qui lui est impossible. Si nos cœurs, au contraire, ont été purifiés par la foi, cette même foi nous unit à tous les disciples du Sauveur par les liens d'une vraie fraternité; de là, une affection sincère, des prévenances et des égards mutuels, honnêteté qui n'est pas dictée par les convenances sociales, mais par l'amour; de là, un vif désir de se rendre utile et un grand empressement à se mettre au service d'autrui. Hélas! depuis Caïn jusqu'à nos jours, l'expérience démontre que la fraternité en Adam ne suffit pas pour unir les cœurs!
§ 1614. Dire que la vraie charité est inséparable de la pureté, c'est dire aussi qu'elle l'est de la piété. Comment aimer ses frères, aimer son prochain, tant qu'on n'aime pas Dieu! Aussi l'apôtre est-il conduit, par une liaison toute naturelle, à faire ici la peinture d'une âme pieuse. Être, dans ses relations avec Dieu, plein d'une sainte ferveur; se donner entièrement à lui, comme un esclave à son maître; se réjouir des espérances que sa Parole nous ouvre; souffrir avec patience les maux qu'il nous assigne; persévérer enfin dans la prière: tel est le propre d'une piété véritable. Et voyez comme tout cela se lie. Il n'y a que l'amour pour réaliser ces merveilles. Lui seul peut faire que, passionnés comme nous le sommes de liberté, nous nous livrions entre les mains de Dieu; que, si fort attachés au présent et répugnant si fort à toute douleur, nous puissions nous réjouir dans la souffrance, et, par cette joie, ne presque plus sentir nos peines; que, nous enfin, qui ne goûtons volontiers que la compagnie de ceux qui flattent nos passions, nous en venions à estimer au-dessus de tout, et à rechercher par nos prières la sainte société de Dieu! Et si nous aimons Dieu, comment n'aimerons-nous pas ceux qui sont nés de lui?
§ 1615. D'une exhortation à la piété, qui n'est autre que l'amour de Dieu, il est donc facile de revenir à l'amour des frères, ou de ceux que l'Évangile appelle les saints. Si nous les aimons, il est sûr que nous ne les laisserons pas dans le besoin. La bienfaisance et l'aumône rentrent ainsi dans la charité, bien que ce ne soit pas toute la charité (§ 1442). Les étrangers auront aussi part à notre affection, et quand ils se réclameront de nous, nous ne les repousserons pas: c'est le propre de l'hospitalité. Les hommes mêmes qui nous persécutent seront les objets de notre bienveillance: nous leur rendrons bénédictions pour malédictions; car, en général, le disciple de Jésus ne sait pas maudire. Du reste, nos cœurs doivent être animés d'une telle sympathie, qu'oubliant nos propres douleurs, nous sachions nous réjouir de ce qui fait la joie de nos frères, et qu'oubliant aussi nos sujets de joie, nous sachions pleurer avec ceux qui pleurent. Tout cela doit partir du cœur et ne pas consister en vaines grimaces, comme il arrive chez les gens du monde, si habiles à se déguiser. Que ce ne soit pas non plus cette sympathie qui n'est due qu'à un secret retour sur soi-même; égoïsme qui nous ferme le cœur, s'il s'agit de maux dont nous pouvons nous croire à l'abri, ou qui y soulève des mouvements d'envie, s'il s'agit de biens auxquels il nous semble que nous aurions autant de droit que personne.
§ 1616. La perfection de la charité, de la sympathie, de l'union des cœurs, consisterait à ce qu'il y eût entre tous, au milieu de différences extérieures inévitables, une parfaite communauté de pensées et de sentiments, surtout dans l'estime qu'on fait les uns des autres. L'acheminement à cet idéal, c'est encore l'humilité. Pour marcher d'accord avec un enfant, il faut qu'on se mette à son pas; pour être avec lui la main dans la main, il faut qu'on se baisse, car il ne saurait se hausser. Ne recherchons pas les choses que les hommes réputent élevées, grandes, magnifiques; tenons-nous plutôt parmi celles qu'ils appellent petites et qui sont humbles. Ne soyons pas fiers de notre prétendue sagesse; et, quant à la vraie, ne croyons pas qu'elle réside en nous seuls ou que nous en ayons la meilleure part. De cette manière, nos yeux, nos cœurs, nos mains se rencontreront plus aisément: car si tous s'élèvent, chacun voudra monter le plus haut; mais si tous s'humilient, un même niveau les trouvera prosternés la face contre terre.
§ 1617. Supposez donc un homme humble et charitable tout à la fois; impossible qu'il rende à quelqu'un mal pour mal: rappelez-vous David et Scimhi. Il aime trop son prochain et il a trop à cœur la gloire de Dieu, pour nourrir des intentions malveillantes, lors même qu'elles sembleraient se justifier par le mal qu'on lui a fait. Non content de cela, il s'efforce d'être en paix avec tout le monde. Ce n'est pas toujours possible, car nous ne devons pas acheter la paix aux dépens de Dieu et de nos devoirs; mais tout ce que la charité et l'humilité peuvent conseiller de renoncement à sa propre volonté, à ses propres intérêts, à son propre repos; tout ce qu'elles savent dicter de bons procédés, de support, de patience: tout cela doit être mis par nous en usage, afin d'avoir la paix avec tous les hommes. C'est pourquoi, nous nous garderons de toute vengeance, car ce serait accepter la guerre et la prolonger; au lieu de cela, nous laisserons agir la justice de Dieu, nous lui ferons place en quelque sorte, comprenant bien que la vengeance est une usurpation sur ses droits souverains. Loin donc de rendre le mal pour le mal, nous rendrons plutôt le bien pour le mal, et, de vaincus que nous paraissions, nous sortirons vainqueurs de cette lutte; nos ennemis se sentiront comme brûlés par notre amour, et à force de leur faire du bien, nous finirons peut-être par surmonter leur malveillance.
13:
1-5
§ 1618. Il n'est pas de devoir sur lequel la
Parole de Dieu soit plus explicite que sur la soumission qui est
due aux autorités civiles. «Rendez à César ce qui est à César,»
avait dit notre Seigneur (§ 806). Ici, l'exhortation se formule en
des termes plus généraux, afin qu'elle puisse s'appliquer à tous
les temps et à tous les lieux. Dieu veut la société; celle-ci
suppose un ordre établi, et l'ordre ne peut subsister que s'il y a
quelque autorité qui le maintienne; condition d'existence
tellement indispensable, que le plus mauvais gouvernement vaut
mieux que l'absence de tout gouvernement, ou que ce qu'on appelle
l'anarchie. C'est donc par la volonté de Dieu qu'il y a des
autorités dans l'État. En conséquence, ceux qui résistent à
l'autorité, résistent à l'ordonnance de Dieu; ils pèchent, et
s'exposent aux coups de la justice divine. Le magistrat est établi
pour réprimer le mal qui abonderait dans la société et la
détruirait bientôt, s'il n'y avait des lois et des juges. Sous ce
rapport, on peut dire avec le Saint-Esprit, que ceux qui
gouvernent, quels qu'ils soient, sont serviteurs de Dieu pour le
bien de tous. De là résultent deux choses: la première, que, si
nous sommes des citoyens paisibles et soumis, nous n'aurons
généralement rien à craindre de l'autorité; la seconde, que nous
devons lui obéir, non pas seulement à cause de l'épée qui est en
sa main, mais encore par motif de conscience, à cause de l'origine
de son pouvoir. Mais si le prince, s'opposant à l'autorité divine,
exige de nous le contraire de ce qu'elle veut, que ferons-nous? La
réponse se trouve ailleurs (§ 1125). Et s'il nous persécute à
cause de notre foi? Nous prierons pour lui; et, afin de surmonter
le mal par le bien, loin de nous révolter, nous montrerons un
véritable empressement à obéir en tout ce qui n'est pas immoral.
Or, remarquez qu'au temps de l'apôtre, les Juifs subissaient le
joug d'une puissance étrangère à laquelle plusieurs pensaient que
la religion même leur ordonnait de se soustraire; les Romains de
leur côté, n'avaient été délivrés de la tyrannie des Tibère, des
Caligula et des Claude, que pour tomber sous celle d'un Néron.
13:
6-7
§ 1619. Ils étaient lourds aussi les impôts et
les péages qui pesaient alors sur les ressortissants du vaste
empire romain, et il y aurait eu immensément à dire, même au point
de vue moral, sur l'emploi qu'on faisait des sommes énormes qui
entraient dans le trésor public, ou enrichissaient les agents du
fisc. Or, sans prétendre que des citoyens n'aient, dans aucun cas,
à se faire rendre compte des deniers publics, ce que la politique
moderne a introduit en maints royaumes, la Parole de Dieu exige
que nous contribuions sans murmures aux charges de la société, et
que nous voyions surtout le côté par lequel ces charges sont un
vrai bien, puisque c'est par le produit des impôts et des péages
que l'État pourvoit au maintien de l'ordre public. Non seulement
nous paierons loyalement les impôts; mais, ce qui est souvent plus
difficile, nous aurons pour ceux qui nous gouvernent la crainte et
le respect qui sont dûs à leurs fonctions et à leur rang: c'est
ainsi que nous leur rendrons tout ce qui leur appartient.
13:
8-10
§ 1620. Du reste, nous nous devons tous
beaucoup, les uns aux autres, et il faut que nous ayons à cœur de
nous acquitter envers chacun, sans rien redevoir à personne. Sur
un point toutefois, nous ne nous estimerons jamais libérés. Plus
nous aimerons nos frères, plus nous éprouverons le besoin de les
aimer encore. Ou bien cela veut dire que pour nous acquitter
envers notre prochain, il faut l'aimer; car celui qui aime,
accomplit la seconde table de la loi, comme il est facile de s'en
assurer par l'examen de chacun des commandements dont elle se
compose. En général donc, l'amour est l'accomplissement de la loi.
— Quelques personnes entendent le verset 8, comme si l'apôtre
avait voulu interdire aux fidèles de contracter aucune espèce de
dettes. Sans doute qu'emprunter pour se livrer à de folles
dépenses à ou des spéculations hasardées, emprunter sans savoir de
quelle manière on remboursera, emprunter enfin et se faire presser
pour s'acquitter, bien qu'on soit dans l'aisance; rien de cela ne
saurait se concilier avec les dispositions d'un disciple de
Jésus-Christ, mais je doute qu'on ait là le vrai sens du passage.
13:
11-14
§ 1621. Pour rendre ses lecteurs sérieusement
attentifs à ses exhortations, l'apôtre leur fait observer que
c'était l'heure de veiller et non de dormir, parce que le salut
était plus près d'eux que lorsqu'ils avaient cru. Le salut
signifie ici la délivrance finale, l'entière rédemption de nos
corps, au jour de la venue de Jésus-Christ (Ch. VIII, 23). Ainsi,
ce que, dans le langage des hommes, on appelle La Mort, dans le
langage de la foi, s'appelle Le Salut; et au lieu de dire, comme
beaucoup de gens le feraient et comme cela est vrai en un certain
sens (Jean IX, 4): Le jour s'en va et la nuit vient; le
Saint-Esprit dit aux fidèles: La nuit tend à sa fin et le jour va
luire! En effet, tandis que, pour le mondain, il n'y a de lumière
que celle de la vie présente et qu'il n'y a que ténèbres au-delà
du sépulcre; pour l'enfant de Dieu, c'est la vie présente qui est
une nuit, en comparaison du grand et beau jour de la venue de
Jésus-Christ, et de la glorieuse éternité qui doit suivre. Mais
comme Paul le disait aux Thessaloniciens (§ 1289), il en résulte
que le fidèle, véritable enfant de la lumière, doit éviter toute
œuvre de ténèbres; non seulement la gourmandise, l'ivrognerie, le
libertinage, l'impureté, œuvres d'iniquité qui se consomment
généralement la nuit; mais encore les disputes, la jalousie et
bien d'autres péchés non moins graves. Nous savons d'ailleurs
qu'au jour de Christ, il faudra être trouvé revêtu et non pas nu
(2 Cor. V, 3); or, c'est par la foi qu'on se revêt de la robe de
noce, vêtement du salut qui ne saurait être autre chose que la
grâce et les mérites de notre Seigneur Jésus-Christ. Enfin,
puisque le principe du péché est dans le dérèglement de nos
désirs, il s'agit de nous surveiller nous-mêmes à cet égard. Ne
regardons pas comme un bonheur de pouvoir toujours nous
satisfaire, et ne craignons pas les privations par lesquelles les
convoitises de notre chair sont mises sous une utile et sévère
discipline.
14:
1-23;
15: 1-4
§ 1622. C'est ici la quatrième fois, je pense
(§§ 1420, 1427, 1433), que l'apôtre revient sur un devoir dont la
valeur résulte de l'insistance même qu'il y met. Il faut dire que
personne n'était mieux placé pour le recommander, non seulement
parce qu'il eut souvent l'occasion d'appuyer de son exemple le
précepte, mais encore parce qu'il s'en faut de beaucoup qu'il fût
un de ces faibles qu'il recommandait à la condescendance de leurs
frères. Par les faibles en la foi, il entend ici, comme ailleurs,
ceux qui, comprenant difficilement les principes de la liberté
chrétienne, ne pouvaient se faire à l'idée que ce qui avait été
déclaré impur par la loi de Dieu (certains aliments par exemple),
pût cesser d'être impur, ni que les choses jadis saintes, selon
cette même loi, n'eussent pas conservé une sainteté particulière.
Il faut bien considérer ce point, afin qu'on ne pense pas qu'il
eût envisagé comme une simple faiblesse, d'estimer, par exemple,
qu'on peut en certaines occasions haïr ses ennemis, ou se soulever
contre l'autorité, ou avoir quelque indulgence pour ses penchants
charnels. Mais avec une foi vraie, vive et sainte, avec une foi
sur bien des points fort éclairée, on peut conserver des
faiblesses du genre de celles que Paul avait en vue; comme serait
parmi nous l'importance qu'on attache à certains jours de fête,
aux murs des temples, au costume des officiants, au chant des
psaumes ou à celui des cantiques, à l'usage des liturgies dans le
culte, faiblesses d'autant moins excusables qu'il n'y a pas ici de
loi de Dieu à alléguer pour leur défense, mais faiblesses
néanmoins qu'il faut savoir ménager.
§ 1623. Au surplus, ces faiblesses des fidèles ne peuvent porter, on le conçoit, que sur des choses pour lesquelles il n'y a ni injonctions, ni prohibitions expresses du Seigneur. L'apôtre en cite deux qui consistaient, l'une à ne se nourrir que de légumes, plutôt sans doute que de s'exposer à manger des viandes consacrées aux idoles; l'autre, à estimer certains jours particulièrement saints, selon des ordonnances antérieures qui n'avaient pas été formellement révoquées par Jésus-Christ. Il suppose d'ailleurs évidemment que ces erreurs, légères en soi, n'étaient pas aggravées par l'erreur judaïsante au sujet de laquelle il avait dû écrire aux Galates toute une lettre. Ce n'était pas pour pouvoir être sauvés que ceux-là ne mangeaient pas de viande, et que ceux-ci jugeaient un jour au-dessus de l'autre. Ils croyaient tous être par là plus agréables au Seigneur qui les avait rachetés. C'est un premier point qu'il faut noter soigneusement; car si nous devons, dans une certaine mesure, condescendre aux infirmités de tout le monde, il s'agit surtout de condescendre à celles de nos frères en la foi. Ainsi, lorsque dans une église composée généralement de gens pieux, bon nombre d'entre eux tiendraient, par faiblesse de foi, à certaines pratiques non expressément contraires à l'Évangile, il serait bon d'user envers eux du support que recommande l'apôtre; mais si le maintien de ces pratiques était réclamé par une multitude ignorante et incrédule, dans l'intérêt de ses habitudes hypocrites et formalistes, il y aurait certainement de tout autres devoirs à remplir.
14:
1-3
§ 1624. Cela posé, nous ne devons faire aucune
difficulté de recevoir dans l'Église ceux qui ont des faiblesses
compatibles avec la foi, de leur ouvrir nos maisons, de leur
témoigner en toute rencontre que nous les tenons pour frères, d'y
mettre même un empressement particulier, évitant surtout d'entrer
avec eux dans des disputes d'opinions, comme dit l'apôtre. Non que
nous ne devions chercher à les éclairer s'ils nous questionnent ou
si l'occasion s'en présente naturellement; mais il ne faut pas
nous croire obligés de les amener à nos convictions, comme si les
différences qui nous séparent étaient fort essentielles. Après
quoi, nous devons éviter de mépriser celui qui est faible en la
foi, comme il lui est interdit, à son tour, de condamner ceux qui,
plus éclairés, ne se font pas les mêmes scrupules que lui.
14:
3-12
§ 1625. Les motifs à en agir ainsi, sont d'un
ordre très élevé. Si nous devons accueillir les faibles, c'est que
Dieu lui-même les a reçus; et si le faible ne doit pas juger le
fort, c'est que celui-ci a pour maître le Seigneur. Est-il à
blâmer de ce qu'il marche d'un pas ferme dans le service de son
maître? Serait-il avantageux à la gloire du Seigneur que tous ses
serviteurs fussent également faibles? Ne doit-on pas s'attendre
plutôt qu'il rendra les forts plus forts encore. La grande raison
d'ailleurs pour que des frères se supportent, c'est que les uns et
les autres agissent par la foi, bien qu'avec des lumières
différentes; c'est qu'ils ont, les uns et les autres, réellement à
cœur de faire ce qui est agréable au Seigneur; c'est qu'ils sont à
lui et dans la vie et dans la mort, à lui qui s'est donné pour
chacun d'eux et qui a repris la vie pour dominer sur tous; c'est
enfin parce que juger nos frères, c'est empiéter sur les droits
judiciaires du Seigneur, et oublier que le plus fort même a des
faiblesses dont il rendra compte à Dieu.
14:
13-23
§ 1626. Là ne se bornent pas nos devoirs
envers les faibles: il faut de plus que nous évitions de leur être
une occasion de péché, ou en les contristant pour des choses au
fond assez indifférentes, ou en leur faisant faire, à notre
exemple, des démarches que leur conscience condamnerait. Dans l'un
et l’autre cas, il y a manque de charité, et, autant qu'il est en
soi, l'on pousse à sa perte une âme pour laquelle le Seigneur
mourut; dans l'un et l’autre cas, on expose au blâme une chose
bonne au fond, je veux dire la liberté des enfants de Dieu; dans
les deux cas enfin, l'on oublie que ce qui fait l'essence des
privilèges du royaume de Dieu, ce n'est pas la liberté de faire ou
de ne pas faire, mais la justice, la paix et la joie, fruits du
Saint-Esprit; ceci doit aller avant tout. Il sera donc à la fois
agréable à Dieu et approuvé des hommes, celui qui, renonçant par
condescendance à sa liberté, dans les choses où il est réellement
libre, montre sa soumission au Seigneur, par cette condescendance
même, afin de procurer la paix et l'édification de l'Église,
objets d'une importance suprême. En agir autrement, c'est pécher
d'une façon très positive. Mieux vaudrait ne jamais manger de
viande, ne jamais boire de vin, que d’être une occasion de chute à
ses frères; car, en définitive, il n'est point ordonné de manger
de la viande ni de boire du vin: ceci rentre dans les choses
permises, dont on doit s'abstenir si elles n'édifient pas.
§ 1627. Il faut donc savoir, à l'occasion, faire le sacrifice de sa foi; par où l'on ne saurait entendre ici que certaines persuasions au sujet de ce qui est permis ou non. Celui qui mangeait librement de la viande sans s'informer si elle avait été consacrée aux idoles, croyait qu'en Jésus-Christ toutes choses sont pures, c'est-à-dire, que sous l'Évangile nul aliment n'est souillé, et il avait raison de le croire. Mais suivant les cas, il devait réserver pour lui ses convictions, garder sa liberté devant le Seigneur, et en faire le sacrifice dans l'intérêt de ses frères, s'il ne voulait s'exposer au jugement de Dieu. Il est clair du reste que, dans le doute, il faut s'abstenir; car, en matière pareille, tout ce qui ne se fait pas avec une entière persuasion, ou, comme dit l'apôtre, «avec foi,» est péché. Maxime qui, même en la généralisant, demeure vraie; puisque elle revient à dire que celui qui est dans la chair ne saurait plaire à Dieu.
15:
1-4
§ 1628. En résumé donc, il faut que celui qui
est fort, loin d'écraser les faibles de sa supériorité, sache,
porter leurs infirmités et, en vue de leur édification, renoncer à
ce qui lui serait agréable. Dans ces questions de liberté
chrétienne, nous nous laissons fort souvent conduire par ce qui
nous plaît, bien plus que par le désir de glorifier le Seigneur.
Mais combien cela n'est il pas indigne d'un disciple de ce Jésus,
qui, loin de chercher sa propre satisfaction, a tout quitté et
tout souffert pour nous; lui, le Tout-Puissant, pour nous qui, par
nature, ne sommes pas des faibles en la foi, mais des méchants et
des impies (§ 1562). À ce sujet, l'apôtre emprunte d'un Psaume une
citation bien significative (LXIX, 9), et il termine ses
instructions par quelques mots d'une grande importance: «Toutes
les choses qui ont été écrites auparavant, l'ont été pour notre
enseignement, afin que par le moyen de la patience et de la
consolation des Écritures, nous possédions l'espérance».
CCCVII. Conclusion de l'Épître; vœux et salutations.
§ 1629. Avant de passer outre, résumons le traité théologique dont nous venons de faire l'étude. Tous étant pécheurs, nul ne saurait être juste autrement que par la foi; c'est ce qui a d'abord été nettement établi par l'écrivain inspiré. Puis, ayant exposé et démontré la doctrine de la justification par la foi, il a parlé des privilèges du pécheur, justifié et réconcilié de la sorte avec Dieu. Cela fait, il a montré que la doctrine du salut gratuit n'est point en contradiction avec les prérogatives de l'ancien peuple. Il vient enfin de tracer le tableau des dispositions morales du fidèle, dispositions qui consistent essentiellement dans l'humilité et dans la charité, jointes à des mœurs pures. Sans toucher aux détails de la vie, il nous a cependant montré les fidèles tour à tour membres de l'Église et de la société civile; puis il nous a dit de quelle manière ils doivent se conduire les uns envers les autres, relativement à certains
15:
5-7
§ 1630. Ainsi, l'apôtre venait de parler de la
patience et de la consolation que donnent les Écritures; de là, il
passe à exprimer le vœu que le Dieu de la patience et de la
consolation donne aux fidèles de Rome cet amour, ce bon accord
dont il les avait entretenus, afin qu'étant tous un en Christ, ils
glorifiassent d'une même bouche le Dieu et Père de notre Seigneur
Jésus-Christ, et qu'ils se fissent accueil les uns aux autres, de
même que le Christ les avait pris à lui pour la gloire de Dieu. Ce
vœu si excellent, qui nous montre de nouveau tout ce qu'il y avait
de charité dans le cœur de Paul, nous rappelle en même temps deux
grandes doctrines morales: l'une, l'importance de l'union entre
les disciples de Jésus-Christ; l'autre, le devoir de se proposer
toujours pour but la gloire de Dieu.
15:
8-13
§ 1631. C'est aussi la gloire de Dieu, et
notamment la gloire de sa vérité ou de sa véracité, que
Jésus-Christ a eu en vue, lorsque, se mettant au service de la
circoncision, c'est-à-dire des Juifs, il est venu ratifier,
accomplir les promesses faites à leurs pères, tout en
accomplissant également les paroles des prophètes qui annonçaient
la miséricorde dont les nations deviendraient les objets. Dans une
de ces prophéties, le Christ lui-même se présente comme voulant
confesser le nom de l'Éternel parmi les nations (Ps. XVIII, 49);
dans deux autres, ces mêmes nations sont invitées à louer
l'Éternel (Deut. XXXII, 43; Ps. CXVII, 1); la quatrième exprime
nettement quel est celui auquel sera donné le gouvernement des
nations et en qui elles mettront leur espérance, savoir un
descendant de Jessé, ou d'Isaïe (Ésaïe XI, 1, 10). Toutes ces
promesses s'étant fidèlement accomplies par Jésus-Christ, l'apôtre
exprime le vœu qu'elles s'accomplissent en chacun de ceux auxquels
il écrivait, et j'invite mes lecteurs à transformer ce vœu en
prière. 0 Dieu de l'espérance, daigne remplir mon cœur de toute
paix et de toute joie dans la foi, pour que j'abonde dans
l'espérance, par la puissance de l'Esprit saint! Amen.
15:
14-32
§ 1632. Il paraît que Paul avait les meilleurs
renseignements sur l'église de Rome. Il ne doutait pas que les
frères ne fussent pleins de bonté les uns envers les autres,
qu'ils n'eussent une grande connaissance de la vérité et qu'ils ne
fussent en état de s'avertir et de s'exhorter mutuellement, trois
choses qu'on ne trouve plus guère dans ce qu'on appelle de nos
jours l'Église de Rome et qu'on serait bienheureux de voir dans
toutes les églises fondées sur le pur Évangile. Si donc Paul
écrivait aux Romains, ce n'était pas qu'il les crût peu favorisés
des grâces de Dieu; mais, en sa qualité d'apôtre des nations, il
avait une mission spéciale auprès d'eux. Jusqu'à ce jour, ses
travaux avaient été bénis au-delà de tout ce qu'il aurait pu
imaginer; car, sans être jamais allé où d'autres apôtres avaient
annoncé l'Évangile, il avait eu la joie de le prêcher dans une
foule de lieux, depuis Jérusalem jusqu'en Illyrie (§ 1516). Il ne
restait plus aucune de ces contrées qui n'eût été plus ou moins
évangélisée par lui. Des bords de l'Adriatique où il était
parvenu, ses regards et son cœur s'étaient portés plus à l'ouest
encore, et maintenant tout son désir était de pousser jusqu'en
Espagne, c'est-à-dire jusqu'au bout du monde occidental, selon les
connaissances géographiques de ce temps. Ses nombreux travaux
l'avaient empêché de voir Rome, mais il comptait bien y passer
quand il irait en Espagne et même y prendre avec lui quelques
frères. Pour le moment, il retournait à Jérusalem, porteur de la
collecte qu'on avait faite en Macédoine et en Achaïe. Il avait
toutefois le pressentiment que ce nouveau voyage en Judée ne
serait pas sans péril pour sa personne, et il demande instamment à
ses frères de combattre avec lui dans leurs prières à Dieu, pour
qu'il ne tombât pas sous les coups des Juifs incrédules, qu'il pût
au contraire se rendre chez eux avec joie et y trouver quelque
repos, si telle était la volonté du Seigneur. Nous verrons dans
nos prochaines Études, comment le désir de l'apôtre fut satisfait.
15:
33
§ 1633. Un vœu tout semblable aux précédents
sort ici du cœur de l'apôtre: «Que le Dieu de la paix soit avec
vous tous!» Ce verset, rapproché des versets 5 et 13, nous
présente Dieu, comme le Dieu de la patience et de la consolation,
le Dieu de l'espérance, le Dieu de la paix: tel est le Dieu de
l'Évangile. Ne l’oubliez jamais, ô vous, avec qui j'ai le bonheur
de m'entretenir de ce Dieu plein de grâces et d'amour!
Approchez-vous de lui par Jésus, demandez-lui continuellement le
Saint-Esprit, et vous saurez par expérience tout ce qu'on trouve
en lui de patience, de consolations, de paix et d'espérance.
16:
1-15
§ 1634. Après avoir recommandé aux fidèles de
Rome la sœur par l'intermédiaire de laquelle il leur envoyait sa
lettre, Paul les charge de ses salutations pour vingt-quatre
personnes, sans compter plusieurs autres qu'il salue
collectivement. Il y avait à Rome, capitale de l'empire, des
hommes originaires de tout pays, et, bien que Paul n'y fût point
encore allé lui-même, il n'est pas étonnant qu'il y connût assez
de monde. Il se peut d'ailleurs qu'il y en eût, parmi ceux qu'il
nomme, dont il avait simplement entendu parler. Après cela, si
nous avons ici plus de salutations que dans les lettres écrites
aux églises de Thessalonique, de Galatie et de Corinthe, cela
s'explique par la raison même que ces églises lui étaient
personnellement connues et que son cœur l'aurait porté à saluer
tous les frères, nom par nom. À Rome, au contraire, il ne blessait
personne en ne nommant que ceux avec lesquels il avait quelques
relations.
§ 1635. Parmi eux, vous remarquerez Priscille et Aquilas, ces époux chrétiens que nous avons vus à Corinthe et à Éphèse et qui, maintenant, étaient retournés à leur premier établissement de Rome, l'édit de Claude ayant pris fin avec son auteur (§§ 1258, 1259). Vous remarquerez aussi le nom d'Epainète, le premier de ceux qui avaient embrassé l'Évangile en Achaïe, comme Stéphanas avait été le premier qui l'eût reçu à Corinthe (Cor. XVI, 15); puis les noms d'Andronicus et de Junias, parents de Paul, convertis avant lui et ses compagnons de captivité dans une occasion dont le livre des Actes ne parle pas, non plus que de celle où Aquilas et Priscille avaient exposé leur vie pour Paul. Plus bas, vous avez Rufus, qu'on croit être le fils de ce Simon de Cyrène qui porta la croix de Jésus (Marc XV, 21) et dont la femme avait été pour Paul une seconde mère, dans le temps peut-être qu'il faisait ses études à Jérusalem.
§ 1636. Il est d'ailleurs deux choses à observer ici; d'abord les conquêtes que l'Évangile avait faites à Rome, puisqu'il s'y trouvait plus d'une assemblée de frères, ce qu'on voit par le commencement du verset 5; ensuite, le grand nombre de femmes auxquelles l'apôtre rend le témoignage de s'être donné beaucoup de peine dans l'intérêt du Seigneur. Ainsi, bien que les femmes ne soient pas appelées à prêcher la Parole de Dieu dans les assemblées, elles ne sont pas privées néanmoins du glorieux privilège de gagner des âmes à Jésus-Christ: elles y ont même une vocation spéciale; car l'exposition de la vérité qui sort d'une foi simple et d'un cœur pénétré, modeste et affectueux, est toujours celle qui porte le plus de fruits.
16:
16
§ 1637. À ses propres salutations, l'apôtre
fait succéder celles des églises avec lesquelles il était surtout
en rapports. Il leur avait dit l'intention qu'il nourrissait de
visiter aussi l'église de Rome, et elles l'avaient chargé de lui
témoigner l'intérêt unanime des frères. Cet intérêt, est-il
nécessaire de le dire, ne reposait pas sur ce que l'église de Rome
fût alors, comme elle en eut plus tard l'absurde et coupable
prétention, la mère et la maîtresse de toutes les églises, ni même
sur ce qu'elle fût devenue le prétendu siège épiscopal de l'apôtre
Pierre. Cet intérêt se rattachait plutôt à son isolement. Si
Pierre s'y était trouvé à cette époque, comment se ferait-il que
l'apôtre ne l'eût pas salué? et s'il y avait été précédemment,
Paul aurait-il pu regarder comme si nécessaire qu'un apôtre la
visitât enfin (Rom. I, 11)? Toutefois, par sa position même au
centre de l'empire, l'église de Rome attirait l'attention des
autres églises, et nulle peut-être n'avait plus de part aux
prières de tous: il n'y avait pas même besoin pour cela de prévoir
l'horrible persécution qui sévit contre elle quelques années
ensuite, ou l'orgueil plus horrible encore qui fit plus tard de
ses évêques, le fléau de l'église et de l'humanité.
16:
17-20
§ 1638. À ce moment au contraire, les frères
de Rome marchaient de manière à édifier toutes les églises. Cela
n'empêche pas que l'apôtre ne les prémunisse contre les dangers
dont leur foi pouvait se voir menacée par les paroles flatteuses
et les beaux discours de gens, qui, esclaves de leurs passions,
essaieraient tôt ou tard de les entraîner dans le désordre et de
leur enlever la saine doctrine. Or, ce qu'il leur commande, c'est
de se détourner de tels hommes, comme c'est notre devoir à
nous-mêmes en pareil cas. Notre devoir aussi est d'être «sages
quant au bien et simples quant au mal»; c'est-à-dire de mettre
notre sagesse à faire ce que Dieu veut, d'y déployer toute notre
intelligence, notre sagacité, notre savoir-faire; quant au mal, de
nous en éloigner purement et simplement, sans tant de réflexions
et de délibérations. C'est par là qu'on remporte de grandes
victoires sur Satan, en attendant le glorieux jour de la venue de
Jésus-Christ, où le Dieu de la paix l'écrasera sous les pieds des
fidèles. Grande et consolante promesse! Mais si la paix ne vient
qu'après la victoire, la victoire elle-même suppose le combat; et
j'ajoute, en suivant la pensée de l'apôtre, que, pour combattre
avec succès, il faut que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ
soit avec nous.
16:
21-23
§ 1639. Ici viennent les salutations de
quelques disciples de Paul, soit qu'ils fussent avec lui dans ce
moment, soit que, connus de certains frères de Rome, ils l'eussent
chargé de les saluer de leur part, quand il les verrait ou leur
écrirait. D'abord, c'est Timothée, le compagnon habituel des
travaux de Paul; puis ses parents, Lucius, Jason et Sosipater:
Lucius, qui est peut-être un des docteurs d'Antioche dont il est
fait mention, Actes XIII, 1; Jason, qui ne saurait être celui que
nous avons vu à Thessalonique. à moins que des affaires ne
l'eussent appelé à Rome (Act. XVII, 5); Sosipater enfin, dont le
nom ne paraît qu'en cet endroit-ci. Ensuite, nous avons Tertius,
le frère à qui Paul avait dicté cette longue lettre, et qui n'est
autre, selon toute apparence, que Silas, l'ancien collègue de
Paul, autrement dit Sylvain (§ 1272). Son nom hébreu voulait dire
Troisième, en latin Tertius. Écrivant à des Romains, on s'explique
qu'il ait eu l'idée de traduire son nom dans leur langue
maternelle, bien qu'il leur écrivit en grec, idiome généralement
répandu. Les derniers noms qui se présentent ici, sont ceux de
Gaïus, ou Caïus, non pas celui qui est mentionné Act. XIX, 29 et
XX, 4, mais celui que Paul avait jadis baptisé à Corinthe (1 Cor.
1,1 4); d'Éraste, qui avait été momentanément à Éphèse auprès de
Paul (Act, XIX, 22) et qui, bien que converti, occupait un emploi
civil au milieu des païens de Corinthe; de Quartus enfin, sur
lequel nous ne connaissons rien de particulier.
16:
24-27
§ 1640. Mais Paul ne saurait se séparer de
ceux auxquels il écrit, sans reproduire, pour la quatrième ou
cinquième fois, l'expression des vœux que sa charité adressait au
Dieu de toute grâce, savoir à notre Seigneur Jésus-Christ; puis il
élève son âme vers ce même Dieu pour lui rendre la gloire qui lui
est dûe. En le faisant, il rappelle indirectement plusieurs
grandes vérités dont je demande à Dieu de pénétrer l'âme de mes
lecteurs. S'ils sont dans la foi maintenant, qu'ils comprennent
bien que celui qui la leur a donnée peut seul les y affermir et
qu'il le fait au moyen de cette même Parole de grâce par laquelle
ils ont été convertis. Arrivés à la fin de mes Études sur cette
importante Épître, ils éprouveront donc, comme moi, le besoin
qu'éprouva l'apôtre, après l'avoir dictée, celui de bénir Dieu de
ce qu'il a révélé, dans l'accomplissement des temps, le grand
mystère de son amour, et de ce qu'il en a fait parvenir la
prédication jusqu'à nous, à nous postérité, non d'Abraham, mais de
nations si longtemps plongées dans l'idolâtrie. Enfin, ils
comprendront toujours plus, que si la Parole de la foi nous est
prêchée, c'est pour que nous la recevions en des cœurs obéissants.
Par là nous serons en état de joindre notre voix à celle de tous
les saints, pour dire avec l'apôtre: «A Dieu seul sage, par
Jésus-Christ, soit la gloire éternelle. Amen!»
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