Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'ÉPÎTRE AUX ROMAINS.


CCCI. Introduction. — La misère de l'homme.

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§ 1529. Il me tardait d'arriver à cette Épître, une des plus importantes portions de la Parole de Dieu, celle qu'on a appelée la Clef d'or des Écritures. Toutes les lettres de Paul sont pleines de doctrine; partout la lumière divine y éclate; à propos de tout, on y retrouve les grands dogmes du salut, indiqués, rappelés, si ce n'est toujours exposés et développés; cependant, celles que nous avons lues jusqu'ici sont plutôt, comme je l'ai dit (§ 1513), des lettres de circonstances, ou si l'on veut des lettres d'affaires, en entendant ce mot dans le même sens que notre Seigneur (§113). Ici, au contraire, nous avons une lettre entièrement dogmatique, un vrai traité de théologie, complet et divin, comme jamais aucun n'a pu l'être. On a dit quelquefois que la Bible n'est pas un système de religion, et l'on a dit vrai dans un sens. On ne saurait nier cependant qu'elle ne pose certains principes fondamentaux, auxquels les écrivains sacrés rattachent de nombreuses conséquences, principes elles-mêmes de nouvelles déductions; or, ce bel ensemble de doctrines forme bien certainement un système. Non seulement cela, mais encore Dieu n'a pas voulu nous laisser le soin de recueillir ça et là dans le saint livre les vérités fondamentales et leurs principaux corollaires; il les a lui-même résumés en quelques pages, afin que d'un coup d'œil on pût savoir tout ce qu'il faut et par là s'expliquer tout le reste. Ces quelques pages, c'est l'Épître aux Romains; et veuille le Saint-Esprit, qui l'a dictée, nous l'expliquer lui-même, pour notre salut et pour la gloire de Dieu!

§ 1530. Il ne peut y avoir qu'un avis sur l'époque où cette lettre fut écrite. Paul n'avait pas encore été à Rome, et il allait à Jérusalem, porteur de la collecte qui s'était faite en Grèce pour les saints de la Judée (§ 1 459). Cela, joint à d'autres détails que nous verrons à la fin de l'épître, conduit à penser qu'elle fut écrite au moment de quitter Corinthe, l'an 58 (§§ 1516, 1528). Avant de partir d'Éphèse, Paul avait eu déjà l'intention de pousser jusqu'à Rome (§ 1321). Contrarié dans son plan, il ne veut pas tourner le dos à l'occident sans avoir satisfait, en partie, le vœu de son cœur; ou plutôt, c'est le Saint-Esprit qui l'incite à adresser aux fidèles de Rome cette lettre qui, dès lors, a éclairé, converti, consolé et sanctifié tant et tant de milliers de pécheurs.

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§ 1531. Sans répéter ce qui a été dit précédemment sur la manière dont Paul commençait ses lettres, remarquez cependant, encore une fois, comme il a soin de rappeler sa qualité d'esclave de Jésus-Christ ou de Dieu, en même temps que sa vocation et sa mission. Il ajoute qu'il a été mis à part, non pour prêcher une autre doctrine que ses collègues, mais pour accomplir une tâche spéciale. Quant à la doctrine, en voici déjà, bien qu'occasionnellement, un parfait résumé. Il y a une bonne nouvelle qui vient de Dieu, selon la promesse; c'est la nouvelle du salut annoncé par les prophètes, point central de la Révélation tout entière. Cette bonne nouvelle, c'est que les promesses se sont accomplies en Jésus-Christ, à la fois Fils de l'homme et Fils de Dieu, né de David selon la chair et de Dieu par le Saint-Esprit, puis déclaré Fils de Dieu par sa résurrection, ce qui sous-entend qu'il a été mort....

§ 1532. C'est de ce Jésus et de sa grâce que Paul avait reçu la mission d'amener les nations à la foi, et, par la foi, à l'obéissance; ou, si l’on veut, de les amener à la foi en Jésus-Christ par l'obéissance à la Parole de Dieu; cela peut s'entendre de ces deux manières. Et comme l'église de Rome sortait essentiellement du milieu des nations et non des Juifs, Paul se sentait auprès d'elle un mandat particulier. Il donne à ceux qui la composaient les titres de bien-aimés de Dieu, d'appelés et de saints, parce que ceux que Dieu a convertis ne peuvent pas douter que Dieu ne les aime; puis, c'est en vertu même de cet amour qu'il les a appelés à lui et qu'il les sanctifie: à eux donc, «grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ!»

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§ 1533. Celui qui aime a de grandes douleurs, mais aussi de grandes joies. Qu'est-ce que les églises de Galatie et d'Achaïe n'avaient pas fait souffrir à notre apôtre, et que de supplications, mêlées de larmes, n'avait-il pas élevées devant le Seigneur à leur occasion! Celle de Rome, pour autant qu'il la connaissait, ne lui procurait que de la joie, et cette joie s'exprimait par des actions de grâces. Cependant, cette église n'avait pas encore été enrichie des dons spirituels dont la distribution se rattachait au ministère des apôtres. Elle s'était formée sans qu'aucun d'eux y eût coopéré directement. Rome, capitale de l'empire, voyait affluer dans son sein des hommes de tous les pays et de toutes les croyances. Sans parler des Juifs de Rome qui se trouvaient à Jérusalem le jour de la première Pentecôte (Act. II, 10), bien des individus, juifs ou païens, convertis à l'Évangile, avaient pu y jeter les semences de la foi et y devenir le noyau de plusieurs congrégations. L'œuvre prospérait donc, sous la bénédiction divine; toutefois il entrait dans les vues du Seigneur qu'un de ses apôtres y allât, un jour, sanctionner de sa part tout ce qui s'y était fait. Paul, en particulier, s'y estimait appelé. Il se faisait d'ailleurs une joie de retremper sa foi dans le contact d'hommes auxquels ni lui, ni aucun apôtre n'avaient prêché l'Évangile et qui, néanmoins, entretenaient les mêmes espérances qu'eux. Il avait déjà plus d'une fois projeté ce voyage, et c'était comme une dette dont il lui tardait de s'acquitter.

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§ 1534. Il semble que l'apôtre, se transportant par la pensée dans la capitale de l'Empire romain, se voie déjà comme entouré d'une foule avide de l'entendre. Mais de quelle parole fera-t-il retentir les places de cette grande ville, et ses amphithéâtres et ses écoles? Osera-t-il annoncer aux maîtres du monde la croix de Jésus-Christ, cette grande folie, au dire des sages de la terre? Oui; car c'est, après tout, une bonne nouvelle. Cette bonne nouvelle est le moyen par lequel la puissance de Dieu sauve ceux qui croient, comme il l'avait dit aux Corinthiens (§ 1402), et si elle avait dû être prêchée d'abord aux juifs, ce n'était pas à l'exclusion des gentils.

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§ 1535. Or, voici le point fondamental que l'apôtre va développer et démontrer dans sa lettre, en attendant qu'il puisse le faire de vive voix: c’est en Jésus-Christ seul qu'est la vie; en lui seul que les pécheurs peuvent trouver une justice digne de Dieu, parce que cette justice vient de lui; justice, non par les œuvres, mais «par la foi,» c'est-à-dire que la foi en est le principe; justice «pour la foi,» c'est-à-dire qu'elle appartient à ceux qui croient. Le Saint-Esprit avait déjà proclamé cette doctrine par la bouche du prophète Habacuc (II, § 1138), Paul lui-même l'avait rappelée aux Galates (§1343); mais, tandis qu'il l'avait fait occasionnellement et en vue des erreurs opposées, il va traiter maintenant cette question pour elle-même, l'embrasser dans sa généralité et montrer que la bonne nouvelle, ou l'Évangile consiste en ce point essentiel.

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§ 1536. Il s'agit donc de prouver qu'il n'y a, pour l'homme, de justice possible que par la foi. À cet effet, le Saint-Esprit établit d'abord que tout homme est pécheur, et que tout pécheur est perdu. C'est la première de ces vérités qui est développée avec le plus d'ampleur, et voici quelle me paraît être la suite des idées.

§ 1537. Un simple coup d'œil jeté sur le monde nous le montre en proie à toutes sortes de misères. Or, loin que ce soit une simple conséquence de ce que le monde ne saurait être ni aussi parfait, ni aussi heureux que son auteur, il nous a été révélé d'En-Haut que tout ce mal est l'effet d'un jugement de Dieu; et il est certain qu'un pareil jugement, ou, comme dit Paul, une pareille «colère» suppose une terrible révolte. Continuons à observer ce qui se passe sur la terre, et nous verrons qu'elle fut, de tout temps, le théâtre d'une profonde impiété et de mille injustices; que les hommes, dépositaires de la vérité, ont enfermé ce trésor dans un réseau de chaînes qui ne sont autres que le péché, le désir du mal et le besoin de le commettre. Tout ce qu'on peut savoir de Dieu, non pas son essence, mais son existence, ses perfections, sa volonté, tout cela leur a été rendu manifeste. Il est vrai que Dieu ne peut être vu; mais sa puissance suprême et son éternelle divinité, se voient clairement, quand on le considère dans l'œuvre de ses mains. Il a voulu qu'il en fût ainsi, pour que l'impiété fût inexcusable. Nul en effet n'osera prétendre que, dans l'origine, Dieu ait jeté les hommes sur la terre en se laissant ignorer d'eux; mais ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu; ils ont été pour lui sans reconnaissance; abusant des dons excellents qu'il leur a faits, en particulier de leur intelligence, ils se sont mis à raisonner sans fin; et, fiers de leur vaine logique, ils ont refusé d'écouter leur sentiment intime (ce qu'on pourrait appeler l'intelligence du cœur), et c'est ainsi qu'ils se sont trouvés remplis de ténèbres. Cela n'a pas empêché, bien au contraire, qu'ils ne se soient estimés sages, philosophes, c'est-à-dire amis de la sagesse; mais à quoi donc cette prétendue sagesse est-elle venue aboutir? à l'énorme folie du culte des idoles! De dégradation en dégradation, après avoir adoré Dieu sous de certains emblèmes, ils sont tombés jusqu'à voir des dieux dans les images de leur fabrication. C'est donc le péché qui a fait l'idolâtrie; puis, par un juste retour, l'idolâtrie a mis le comble à l'immoralité.

1: 24-31
§ 1538. Il y a là un effet naturel, semblable à ce qui arrive lorsqu'un homme, s'étant enivré, fait sans honte les choses les plus honteuses; mais il y a là de plus un jugement de Dieu. L'homme ayant échangé la vérité contre le mensonge, adoré la créature au lieu du Créateur éternellement béni, celui-ci s'est retiré de l'homme, il l'a livré à ses convoitises, remis à Satan, et, pour résultat immédiat, l'homme s'est déshonoré lui-même par les plus horribles impuretés. Tel est le premier fruit de l'oubli de Dieu, et nous ne saunons nous en étonner. Quand on refuse de chercher en lui son bonheur, on le cherche dans les jouissances matérielles, et s'il en est qui soient à la fois les plus vives et les plus faciles, croyez bien que chacun s'y précipitera: on finira même par y voir tout le but et tout le charme de l'existence. Oh! quelle dégradation! quelle turpitude! Puis, quand l'homme s'adonne tout entier au mal, l'estimant le souverain bien, il ne manque jamais de le perfectionner; et de même que celui qui se plaît à la cruauté apprend à raffiner les supplices, le libertin raffine ses débauches; c'est-à-dire qu'il les rend de plus en plus infâmes. Quand on connaît les mœurs de l'antiquité, pour avoir lu les livres des historiens, des poètes et des philosophes, non dans des traductions d'où l'on a dû bannir une foule d'horreurs, mais dans les originaux mêmes, on sait, hélas! que ce tableau de la dépravation qui régnait universellement au temps des apôtres, n'a rien d’exagéré. Il y a tels personnages de cette époque qu'on fait admirer aux jeunes gens de nos écoles, et dont ils se détourneraient avec dégoût, s'ils connaissaient les détails de leur vie privée. Mais l'impureté n’est pas le seul désordre auquel entraîne l'oubli de Dieu; ou plutôt, ce désordre-là, confirmant l'âme dans son impiété, le pousse à tous les autres: c'est ce que vous voyez dans les traits par lesquels l'apôtre achève sa lugubre et fidèle peinture du monde païen. Il n’est pas de péchés, de vices et de crimes dont il ne fût souillé. Cependant, de même que c'est en fermant les yeux à l'évidence qu'on abandonne Dieu pour les idoles, c'est en étouffant la voix de la conscience qu'on en vient à cet excès de méchanceté, non seulement de faire le mal sans remords, mais encore d'approuver ceux qui le commettent: ceci est la pire des iniquités.

§ 1539. Ce tableau de la corruption païenne au temps de la prédication des apôtres, demeure d'une effrayante vérité quant à cette vaste partie du globe qui est encore plongée dans les ténèbres de l'idolâtrie, et il ne dépeint que trop bien aussi les mœurs mêmes des contrées soi-disant chrétiennes. Les désordres de l'impureté n'y sont pas aussi horribles sans doute, ni aussi publics qu'ils l'étaient jadis à Rome et dans la Grèce, ou qu'ils le sont de nos jours en certains pays idolâtres et mahométans. Mais, bien qu'on voulût pouvoir se persuader le contraire, de toutes les horreurs qui souillèrent ouvertement le sol païen, il n'en est aucune dont il n'y ait des restes secrets au milieu de nous. Certains actes de libertinage y sont d'ailleurs si communs qu'ils ne privent point un homme des honneurs et de l'estime du monde. Celui-ci flétrit le vol de sa réprobation; mais, sauf en quelques circonstances particulièrement aggravantes, il n'a guère d'objections contre la légèreté des mœurs. Quant à l'injustice, à la méchanceté, à l'avarice, à l'envie, au meurtre, aux disputes, à la fraude et à tous les autres péchés qui entrent dans l'énumération de l'apôtre, il n'en est pas un seul dont on puisse dire qu'il soit inouï ou même rare parmi nous. Bien plus, si chacun s'examine, il se sentira repris par sa conscience sur la plupart de ces points, peut-être sur tous. C'est pourquoi, en décrivant ici l'état moral du monde païen, le Saint-Esprit a décrit celui de notre cœur naturel. Tout pécheur inconverti porte en lui un cœur païen; non pas un cœur sans connaissance de Dieu, mais un cœur qui ne lui rend pas gloire; non pas un cœur sans aucun sentiment du juste et de l'injuste, mais un cœur plein de souillures, un cœur, qui fait et approuve le mal, nonobstant les réclamations de la conscience.

2: 1-3
§ 1540. Inexcusable de ne pas connaître Dieu, l'homme l'est aussi de se livrer au péché; car il sait fort bien voir et condamner chez les autres les turpitudes dont il se rend coupable. Il se trompe quelquefois dans ses appréciations, appelant mal ce qui est bien, comme il appelle bien ce qui est mal: toutefois, en ce qu'il se constitue juge du bien et du mal, il proclame qu'il y aura un jugement suprême. Mais, tandis que nos jugements ne sont pas toujours justes, ce jugement-là sera selon la vérité; et comment y échapperons-nous, s'il se trouve que nous commettons fréquemment, sous une forme ou sous une autre, les péchés que nous condamnons chez autrui? Il est vrai que tout ici-bas nous parle de la bonté, du support, de la longanimité de Dieu, et non pas seulement de sa colère. En conséquence, il semblerait permis de penser qu'un Dieu si bon et si patient ne traitera pas l'homme à la rigueur; mais si la bonté de Dieu n'attire que vos mépris; si, loin de vous pousser à la conversion, elle est pour vous un oreiller de sécurité, un encouragement au mal, cette richesse de miséricorde doit nécessairement se changer en trésor de colère, pour le jour de la colère et de la révélation du juste jugement de Dieu. Alors, chacun sera jugé selon ses œuvres, et voici à quoi se résumeront les vôtres. Bien que connaissant Dieu, vous ne l'avez pas adoré et servi; bien que condamnant le mal, vous l'avez commis; bien qu'invités à la conversion par l'amour divin, vous êtes demeurés étrangers à sa grâce! Comment, après cela pourriez-vous échapper au jugement de Dieu?

2: 7-12
§ 1541. Voici d'ailleurs la règle souveraine de ce jugement, pour tout homme qui songe à s'y présenter avec ses œuvres, sans avoir dans le Seigneur Jésus un sauveur et un avocat. S'il a toujours fait tout ce qui est bon devant Dieu, s'il a toujours, et sans varier, cherché la vraie gloire et les biens incorruptibles, l'apôtre ne dit pas qu'il sera sauvé, parce qu'il n'en aura pas besoin; mais il dit qu'il aura la vie éternelle (§ 614). Si, au contraire, il a été de ces hommes qui, fiers de leur raison, disputent sans cesse avec Dieu, refusent de soumettre leur âme à la vérité parce qu'ils se plaisent dans l'injustice, il n'a pas autre chose à attendre que le courroux du Tout-Puissant; car c'est toujours à cela qu'il faut en revenir: le mal à qui fait le mal, et le bien à qui fait le bien, Juif ou Grec. Le Juif ayant reçu le plus de grâces, c'est aussi lui qui tiendra le premier rang, ou parmi les condamnés, ou parmi les héritiers de la vie éternelle... Mais, n'est-ce pas par pure supposition que l'apôtre parle de Juifs et de Grecs qui recueilleront la gloire, l'honneur et la paix, en échange du bien qu'ils auront fait? C'est ce qui me paraît hors de doute quant aux païens du moins, lorsque je considère leur état moral d'après le tableau qu'il vient de tracer, et encore plus lorsque je dirige mon attention sur les déclarations solennelles qu'il fait suivre. Dieu n'a point égard à l'apparence des personnes, dit-il; tous ceux qui auront péché périront, soit qu'ils aient péché contre une loi écrite, comme les Juifs, soit qu'ils aient péché contre la loi de leur conscience, ne possédant pas de loi révélée, ce qui est le cas des païens. Or, les païens ayant tous été déclarés pécheurs et inexcusables, il en résulte que tous périront. Parole foudroyante, mes chers lecteurs, mais qui ne peut pas ne pas être vraie; car autrement ce serait dire qu'on hérite de la vie éternelle par l'idolâtrie et par le péché. Parole foudroyante, je le répète, et qui nous prêche bien clairement nos devoirs envers les pauvres païens.

2: 13-16
§ 1542. Mais les Juifs, régis par la sainte loi de Dieu, n'ont-ils pas une condition meilleure? Les Juifs, a dit l'apôtre (verset 12)! ils seront jugés d'après leur loi (§ 480). Or, dans le jour où Dieu jugera les choses secrètes des hommes (leurs pensées aussi bien que leurs œuvres, leurs actions les moins connues aussi bien que les actes de leur vie publique), qui seront ceux qu'il pourra reconnaître comme justes? Suffira-t-il d'avoir possédé la loi et d'en avoir entendu la publication? Ne faudra-t-il pas l'avoir observée? C'est tellement cela, que si les païens obéissaient toujours à leur conscience, comme ils le font parfois, ils seraient plus près de la justice que ne l'est un Juif, qui, connaissant très bien la loi de Dieu, ne la met pas en pratique. C'est le sens de cette parenthèse; elle rentre d'ailleurs tout à fait dans l'argumentation de l'apôtre.

2: 17-29
§ 1543. Pour que le Juif soit juste selon la loi, il ne suffit donc pas qu'il la connaisse. Par elle, sans doute, il a acquis une supériorité marquée sur le païen de naissance. Possédant la forme de la connaissance du vrai et du bon, il a pu être une lumière parmi les nations et il l'est effectivement devenue (§15); mais à quoi cela peut-il lui servir, s'il transgresse la loi dont il se glorifie; si, adorant des lèvres le vrai Dieu, il est en scandale aux peuples de la terre par ses péchés (§ 526; Ésaïe XXIX, 13); s'il entraîne ainsi les païens à blasphémer le nom de l'Éternel? Ne sera-t-il pas finalement plus criminel que ceux sur lesquels il paraissait d'abord avoir une incontestable supériorité? Quelles que fussent donc les prérogatives qui se rattachaient à la circoncision, ce signe caractéristique du peuple régi par la loi révélée, il demeure certain que le circoncis qui violait la loi n'avait pas plus de droit à la vie éternelle que l'incirconcis, et, d'un autre côté, que l'incirconcis qui aurait observé la loi, eût été héritier de la vie éternelle, bien qu'étranger au peuple Juif. Enfin, et ceci doit faire réfléchir ceux qui ne sont chrétiens que par leur baptême, le vrai Juif est celui qui a reçu la circoncision du cœur dont parlait déjà Moïse (Deut. X, 16; XXX, 6); celle qui est l'œuvre du Saint-Esprit, et non le simple accomplissement de la lettre, c'est-à-dire du commandement donné à Abraham. Ce Juif-là est celui que Dieu approuve, quoi que puissent en penser les hommes.

3: 1-4
§ 1544. Il n’en est pas moins vrai que de grands avantages se rattachaient à la qualité d'enfant d'Israël, avantages qui résultaient tous de ce que les Juifs avaient en dépôt «les oracles sacrés,» savoir les livres de l'Ancien Testament. Toutefois ce dépôt ne pouvait leur donner la vie éternelle que s'ils en profitaient pour eux-mêmes. C'est ainsi qu'on peut achever la pensée de l'apôtre, dont l'extrême concision rend cet endroit assez difficile à comprendre. Mais que les hommes croient ou non en la Parole de Dieu, celle-ci n'en doit pas moins se réaliser, parce que Dieu est fidèle et vrai, tandis que l'homme est universellement incrédule et menteur. Aussi, le jour du jugement, jour qui couvrira de confusion les inconvertis, sera le glorieux triomphe de la justice victorieuse du Seigneur.

3: 5, 8
§ 1545. Là-dessus, Paul se fait une objection qu'il avait probablement entendue de la bouche de quelque disputeur de ce siècle. «Dieu est injuste en punissant notre injustice, puisque notre injustice tourne finalement à la gloire de sa justice.» Sophisme misérable, auquel il n'y a qu'une réponse: «Et pourtant, il faut que Dieu juge le monde!» — Voici la même objection, sous une autre forme: «Tu dis que tout homme est menteur, et que Dieu est vrai. Mais si Dieu se montre vrai en nous accusant de mensonge, et si de la sorte nos mensonges tournent à sa gloire, pourquoi nous traite-t-il en pécheurs, nous qui le glorifions par nos mensonges mêmes.» À ce nouveau sophisme, l'apôtre fait une réponse qui revient à ceci: «Dites tout d'un temps que notre devoir est de faire, non pas ce que nous devons, mais ce que nous ne devons pas, dans l'espoir qu'il en arrivera du bien! Il paraît que plusieurs attribuaient cette doctrine aux apôtres, parce qu'ils prêchaient que Dieu met sa gloire à nous pardonner nos péchés; mais Paul déclare que la condamnation de tels hommes sera juste, attendu qu'ils parlent évidemment contre la vérité et contre leur conscience.

3: 9-19
§ 1546. Après s'être débarrassé de ces objections, l'apôtre reprend son raisonnement où il l'avait laissé, savoir que, malgré les avantages dont les Juifs jouissaient par-dessus les peuples étrangers à l'alliance, ils n'avaient, personnellement et par nature, pas plus de titres qu'eux à la vie éternelle, et que, de la sorte, tous sont «sous le péché.» Quelle expression pleine d'énergie! Comme le bœuf qui ne peut se débarrasser du joug, quelle que soit la force de son cou; comme un homme qui est retenu contre terre par le poids d'un fardeau sous lequel il a succombé; ainsi est l'homme naturel relativement au péché, que cet homme s'appelle Juif ou Grec. Les Juifs l'accordaient sans peine pour ce qui concernait les nations. À leurs yeux, païen et pécheur étaient synonymes (§379); c'est pourquoi l'apôtre se met à justifier sa doctrine par des citations de l'Ancien Testament, faisant remarquer que ces citations ne pouvaient avoir pour objet que ceux auxquels la loi était adressée. De qui, en effet, David et Ésaïe entendaient-ils parler, lorsqu'ils disaient: «Il n'y a point de juste... personne qui ait de l'intelligence... ils se sont tous égarés... leur bouche est pleine de malédictions... leurs pieds sont agiles pour répandre le sang... la crainte de Dieu n'est point devant leurs yeux... (Ps. XIV, 1-3; V, 9; CXL, 3; X, 7; XXXVI, 1; Es. LIX, 1-3)?» De qui, si ce n'est des Israëlites non convertis de leur temps, semblables, hélas! aux hommes non convertis de tous les siècles et de tous les lieux? Voilà donc de quoi fermer la bouche à tout le monde, dit le Saint-Esprit; et tous étant «sous le péché,» tous sont aussi «sous la condamnation devant Dieu;», car la condamnation suit le péché, comme la récolte suit les semailles, et comme la destruction de l'olivier suit une forte gelée.

3: 20 
§ 1547. Voici maintenant la conséquence de toute l'argumentation: c'est que «nulle chair ne sera justifiée devant Dieu par des œuvres de loi.» Quelle que soit la loi qui serve de base au jugement de Dieu: loi révélée, loi de la conscience, loi qu'on se serait faite à soi-même (Luc XIX, 22); nul homme quelconque ne saurait être juste et traité comme juste, si l'on compare avec la loi, ce qu'il a fait et ce qu'il est. Tout ce que la loi peut, c'est de lui donner la connaissance du péché, et elle ne le peut sans mettre ses péchés au grand jour; quant à le justifier, impossible!


CCCII. La justification par la foi.


§ 1548. Avant de poursuivre, récapitulons. Il s'agissait de prouver que tous les hommes sont «sous le péché» et «sous la condamnation.» Saint Paul nous les montre donc méconnaissant Dieu jusqu'à le remplacer par des idoles muettes, ouvrages de leurs mains. De là, le renversement universel des bonnes mœurs et un si grand obscurcissement des lumières de la raison, que l'homme en vient à approuver le mal. Il n'a pu cependant répudier toute notion de la justice divine, ou confondre absolument le mal et le bien. 11 sait, à l'occasion, juger son semblable et se juger lui-même; en sorte qu'il peut fort bien être soumis au jugement de Dieu, et il le sera. Cependant, il existe au milieu des hommes un peuple qui jouit, dès les temps anciens, d'une révélation céleste! Oui; mais ce peuple, qui connaît la loi, qui s'en glorifie, qui la propose aux autres peuples, il la viole, lui, le premier, et, en la violant, il se rend plus coupable que personne, car il est cause que les nations ajoutent à leur idolâtrie des blasphèmes contre le vrai Dieu. Le sceau extérieur de l'alliance de l'Éternel ne saurait diminuer la responsabilité qui pèse sur ce peuple, et les sophismes de ses scribes ne font que démontrer toujours mieux la justice de la condamnation que prononcent contre lui les oracles de Dieu dont il est dépositaire.

§ 1549. Au moment où l'apôtre écrivait sa lettre, il n'y avait dans le monde entier que des païens et des juifs; maintenant, on y compte en outre des sectateurs de Mahomet par centaines de millions, et par millions aussi des êtres qui portent le nom de chrétiens. Mais comme toute son argumentation tend à montrer ce qu'est l'homme naturel, l'homme doué d'âme seulement et non de Saint-Esprit (§ 1406), les changements qu'ont subis les circonstances du monde religieux la laissent subsister dans toute sa force. Le mahométan, bien qu'hostile à toute idolâtrie, est, quant à ses mœurs, au niveau des païens d'autrefois; et le chrétien de nom ne saurait être mieux placé devant Dieu que ne l'étaient les Juifs d'alors. Le baptême d'eau n'efface pas mieux les péchés que ne pouvait le faire la circoncision; et, aussi longtemps qu'une âme n’est pas convertie, la Bible tout entière, le Nouveau Testament compris, n'est qu'une loi, et une loi que nul n'accomplit en tous ses points, avec persévérance. D'où il suit que nous devons nous rendre sérieusement attentifs à cette solennelle déclaration du Saint-Esprit. «Tout le monde est sous la condamnation devant Dieu. C'est pourquoi par des œuvres de loi, nulle chair ne sera justifiée devant lui.»

3: 21-22
§ 1550. Il est donc évident, que s'il est possible à l'homme d'être juste, ce ne saurait être au moyen d'une loi, ni par une justice tirée de son propre fonds. Mais voici une justice indépendante à la fois de l'homme et de toute loi, une justice que Dieu donne aux pécheurs, afin qu'ils soient justes devant lui, nonobstant leurs péchés; justice qui surpasse toute autre justice (§§ 291, 292), car elle est divine et non humaine, comme le serait celle que nous voudrions baser sur notre repentance et même sur nos meilleures œuvres. Son excellence, sa perfection absolue résulte de ce qu'elle a pour principe la foi en Jésus-Christ. Ce qui ne veut pas dire que la foi expie les péchés, ni qu'elle soit une œuvre méritoire, ni, encore moins, qu'elle dispense d'obéir; mais c'est par le moyen de la foi que notre âme s'unit à Christ et qu'elle participe à sa justice parfaite, en participant à sa vie. Du reste, la loi et les prophètes rendent témoignage à cette vérité, comme l'apôtre le montrera plus tard et comme il l'a fait pressentir, quand il prenait pour texte la parole d'Habacuc: «Le Juste Vivra Par La Foi.» Ici donc l'argumentation est parvenue à son terme. Nul n'est juste par ses œuvres, ou par la loi: on le devient par Jésus-Christ, ou par la foi. — Ce qui suit n’est qu'un développement et quelques corollaires.

3: 22-26
§ 1551. Au moyen d'une parenthèse, l'apôtre ramène l'attention sur l'importante vérité qu'il avait formulée en ces termes: «Tous sont sous le péché et sous la condamnation.» Mais cette fois, c'est pour notre encouragement. S'il est vrai que, malgré bien des différences accessoires ou accidentelles, tous sont de grands pécheurs devant Dieu et indignes de voir sa face, il en résulte qu'il n'est aucun homme qui soit plus perdu que le reste des hommes, nul homme donc que ses péchés excluent personnellement du salut, bien qu'ils le privent de tout droit à la vie éternelle. Puis, par cela même que la justice qui sauve vient de Dieu, elle est d'une richesse inépuisable. Quelle qu'ait été la conduite antérieure d'un pécheur, dès qu'il croit, Jésus est pour lui, Jésus est sur lui: c'est pour lui que le sang de Christ coula sur la croix, c'est sur lui que vient, qu'est déjà venu l'Esprit de Christ, le Saint-Esprit. Cela résulte aussi de la gratuité du salut. Ceux qui croient sont justifiés gratuitement; c'est-à-dire sans qu'ils aient à payer, en aucune manière, le prix de leur délivrance, ni avant d'avoir cru, ni après. Ils le sont par la grâce de Dieu; c'est-à-dire par son amour non mérité autant qu'infini, et en vertu du rachat ou de la rédemption opérée par le Christ, l'oint de l'Éternel, Jésus notre Sauveur. Avant la création du monde, il fut résolu dans le conseil de Dieu qu'il se ferait une expiation par son sang et que cette expiation serait au bénéfice des croyants. Ainsi s'explique comment ont pu être justifiés, sans que Dieu cessât d'être juste, des pécheurs tels qu'Abraham, Moïse, David et tant d'autres, pendant les longs siècles du support et de la patience de Dieu; c'est même ce qui explique cette patience étonnante: le Christ était promis, et ceux qui crurent à la promesse obtinrent la justice qui découle de son sang expiatoire, sang par lequel le pécheur trouve grâce, en même temps que la justice de Dieu est satisfaite.

3: 27-28
§ 1552. De là résulte que la justification du fidèle a son fondement en dehors de lui. Elle a sa source dans l'amour de Dieu; sa cause, dans le sacrifice de Jésus-Christ: la foi n'est que le moyen par lequel nous nous mettons en rapport avec la sainte victime. S'il en est ainsi, l'homme ne peut s'attribuer en aucune manière, ni dans aucune mesure, la gloire de son salut; nouvelle preuve en faveur du dogme de la justification par la foi. Car le salut doit consister dans le relèvement total de l'homme pécheur. Or, ce qui fait le fond de notre misère depuis la chute, c'est l'orgueil. Toute doctrine donc qui ne va pas à l'anéantissement de l'orgueil humain, ne saurait être la doctrine du salut. Mais (et c'est là ce qui explique l'opposition qu'elle rencontre), la doctrine de la justification par la foi ôte à l'homme tout sujet de se glorifier, tandis que la doctrine inverse est en même temps, fille et mère de l'orgueil. Il s'en suit que la doctrine de la justification par la foi est bien réellement la doctrine du salut. En voici maintenant la dernière formule, telle que l'apôtre nous présente: «L'HOMME EST JUSTIFIÉ PAR LA FOI, SANS OEUVRES DE LOI.» Ni les œuvres que la loi morale commande, ni celles que prescrivait la loi cérémonielle, ni aucune des œuvres de mortification qu'on s'imposerait à soi-même, ne peuvent rendre juste devant Dieu l'âme qui a péché: c'est la foi seule qui le peut.

3: 29-30
§ 1553. Remarquez d'ailleurs combien cette doctrine est plus digne de Dieu que celle qui attribuerait le salut aux seuls observateurs de la loi, à supposer qu'il y en eût de tels. Les Juifs possédaient la loi, à l'exclusion des païens; mais Dieu a voulu se montrer le Dieu des païens aussi bien que celui des Juifs. Pour cet effet, il a mis le salut à la portée des uns comme des autres. Donnons à la pensée du Saint-Esprit toute l'extension dont elle est susceptible. Dieu a voulu que les plus grands pécheurs pussent être sauvés: il y met sa gloire; mais il fallait pour cela que le salut fût par la foi et non par les œuvres. Que serait devenu le brigand converti s'il avait dû se sauver par des œuvres qui lui étaient matériellement impossibles? Ne pensez pas cependant 31 que cette doctrine ait pour effet de renverser la loi de Dieu. Dire que l'homme est justifié par la foi et non par la loi, ce n'est pas dire que la loi ne serve plus à rien, qu'elle n'exerce plus aucune autorité. Si elle est impuissante pour justifier le pécheur, elle peut être bonne à autre chose; si elle n'a pas le pouvoir de sauver, elle n'est pas sans pouvoir sur la conscience. Au contraire, loin que la foi, la vraie foi, affaiblisse dans l'homme le sentiment de l'obligation morale, elle ne fait que l'affermir. Encore une preuve que cette doctrine est de Dieu, et mes lecteurs sont priés de s'en souvenir, pour rejeter tout système qui, sous prétexte de grâce, énerverait la loi. Du reste, l'apôtre se borne pour le moment à poser cette thèse, sauf à la prouver plus tard; il veut, auparavant, confirmer encore par l'Écriture la vérité fondamentale de la justification par la foi et non par les œuvres.

4: 1-5
§ 1554. Deux hommes, en particulier, occupent une place éminente dans l'ancien peuple: Abraham, père d'Israël et de tous les fidèles; David, père et type du roi-messie. L'un et l'autre furent justes devant Dieu; mais fut-ce par leurs œuvres, ou par leur foi? Quant à Abraham, ce qui est dit de lui dans la Genèse est positif (Gen. XV, 6). C'est pourquoi, bien que peu d'hommes aient montré plus d'obéissance, Abraham ne saurait pas mieux qu'aucun autre se présenter devant Dieu en s'appuyant sur ses œuvres. Sa foi, voilà ce qui lui fut compté en guise de justice. Pécheur de nature, rien de ce qu'il fit de bon ne pouvait expier ses fautes, ni les compenser; mais ce qui le plaça devant Dieu dans la position d'un juste, malgré ses péchés, ce fut la foi qu'il eut aux promesses du Seigneur. Or, c'est dire qu'il fut sauvé par grâce; car si sa justice eût été le fruit de son travail, il n'y avait pas à parler de foi comme lui ayant été imputée à justice; il aurait eu une justice propre et personnelle, une justice à lui; la vie éternelle lui était due.

4: 6-8
§ 1555. Après Abraham, voyez David. C'est de lui-même assurément qu'il parle, lorsque, au psaume 32, il célèbre le bonheur de l'homme à qui le Seigneur pardonne ses péchés, les couvrant d'un manteau, les effaçant de son compte. Or, bien que David ne nomme ici, ni la justice, ni la foi, ses paroles sont citées par Paul à l'appui de sa doctrine, parce que David ne pouvait pas estimer heureux quelqu'un d'autre que le juste. En déclarant heureux l'homme à qui Dieu ne compte point le péché, il déclare indirectement que cet homme, Dieu le tient pour juste. Or, évidemment, ce n'est pas par les œuvres qu'il est juste, ce pécheur-là; et si ce n'est par ses œuvres, c'est donc par la foi.

4: 9-12
§ 1556. Ce qu'il y a de tout à fait digne d'attention, c'est qu'Abraham ne reçut l'ordonnance de la circoncision que bien longtemps après avoir été revêtu de la justice qui s'obtient par la foi. La circoncision fut le sceau de cette justice, précédemment acquise, comme elle le fut, pour Isaac, de la justice à acquérir par lui. De cette manière, Abraham a pu devenir spirituellement le père de tous ceux qui croient, incirconcis et circoncis; des premiers, parce qu'il fut justifié par sa foi avant de recevoir la circoncision; des seconds, parce qu'il reçut la circoncision comme sceau de sa foi. Mais pour être ses enfants, il faut que les uns et les autres aient la foi qui anima notre père Abraham, avant sa circoncision.

4: 13-17
§ 1557. Remarquez ensuite que la promesse faite à Abraham se lie étroitement à celle du Rédempteur, postérité par excellence de ce patriarche (I, §367). Remarquez enfin que l'accomplissement de cette promesse ne dépendait en aucune manière de l'accomplissement d'une loi antérieure. Promesse et loi sont deux idées fort distinctes. La promesse dit ce que Dieu fera; la loi, ce que nous devons faire; or, ce n'est pas par des œuvres qu'on reçoit une promesse, c'est par le moyen de la foi, de cette foi même qui procure la justice. Faire à l'homme une promesse et y mettre pour condition préalable l'accomplissement impossible d'une loi, ce serait retirer d'une main ce qu'on aurait donné de l'autre , car l'homme pécheur ne peut que pécher, tant qu'il n'a pas reçu les effets de la promesse. En d'autres termes, faire dépendre d'une loi l'héritage promis, c'est rendre la foi inutile, puisque c'est l'obéissance et non la foi qui correspond à l'idée de loi; c'est d'un même coup rendre la promesse impuissante ou l'annuler, puisque la loi n'aboutit qu'au péché, et le péché, à la condamnation. Aussi Dieu n'a-t-il rien fait de pareil. Voulant montrer sa grâce aux pécheurs, il a rattaché tout leur salut à une promesse et à la foi en cette promesse. C'est par là qu'Abraham est le père de tous ceux qui croient, et quand Dieu lui dit: «Je t'ai établi père de beaucoup de nations (Gen. XVII, 5),» il avait d'avance sous les yeux et dans son cœur, tous ces morts, non encore nés, qu'il voulait faire vivre en Jésus-Christ; peuple fidèle qui n'existait pas encore, et qui reçut dans la personne d'Abraham une divine vocation à la justice que donne la foi.

4: 18-22
§ 1558. Mais qu'est-ce donc que la foi qui justifie? La meilleure manière de répondre à cette question, c'est d'étudier avec l'apôtre la foi même du père des croyants. Sa foi ne fut pas une simple adhésion, semblable à ce qui se passe chez tant de gens qui croient que Jésus-Christ est le Seigneur, simplement parce qu'ils n'ont pas de raisons pour penser sur ce sujet autrement que les fidèles. Abraham s'appropria la promesse et il y mit son cœur; aussi produisit-elle au dedans de lui l'effet que produit nécessairement toute promesse grande et infaillible. Elle y fit briller l'espérance, cet autre mot pour dire la foi. Mais quelle espérance! Aux yeux de la chair, elle pouvait sembler folle; car il espéra malgré tout ce qu'il y avait d'improbable dans les événements nécessaires pour que la promesse s'accomplît. Sa foi et son espérance eurent leurs faiblesses (I, §§ 289, 318); mais s'il hésita un moment, ce ne fut pas par incrédulité. Donnant gloire à Dieu, il fut pleinement persuadé que, ce qu'il a promis, il est aussi puissant pour l'accomplir; or, voilà ce qui lui fut imputé à justice. En un mot, il espéra, non qu'il eût, par devers lui, quelque sujet d'espérer, mais parce que Dieu avait parlé et qu'il est impossible que Dieu mente, ou qu'il se voie jamais hors d'état de tenir sa parole.

4: 23-25
§ 1559. Maintenant, il est certain que ce qui a été dit d'Abraham ne le concerne pas lui seul. Si nous croyons, si nous espérons comme lui; si, comme lui, nous donnons gloire à Dieu en nous appuyant sur sa promesse, quelque misérables et chétifs que nous soyons, la foi nous sera, comme à lui, comptée à justice. Après cela, notre foi doit avoir pour objet, comme celle d'Abraham, le Dieu qui a réveillé d'entre les morts Jésus notre Seigneur; c'est-à-dire Celui qui, après avoir fait les promesses, a montré par l'envoi du vrai Fils de la promesse, qu'il est puissant pour accomplir ce qu'il a résolu. Croire en lui, c'est croire spécialement que Jésus est notre Seigneur, qu'il a été mort, qu'il est ressuscité et qu'il est vivant au siècle des siècles. Tel est donc l'objet fondamental de la foi qui sauve: Christ expiant nos offenses par sa mort et mettant le sceau à notre justification par son relèvement; Christ souffrant à cause de nos offenses et ressuscitant à cause de notre justification; Christ enfin, mourant à notre place sur la croix et nous préparant une demeure dans le ciel: là est le pardon; ici la justice, pour autant que ces deux grâces peuvent se séparer l'une de l'autre (§ 1492).


CCCIII. La réconciliation avec Dieu par Jésus-Christ.


5: 1-2
§ 1560. Ici commence la seconde partie de l'Épître. Après une courte introduction, l'apôtre a établi la doctrine de la justification par la foi, au moyen de raisonnements déduits de l'expérience et de l'Écriture, et il a déjà tiré quelques conséquences de cette doctrine. Maintenant il va nous en montrer les fruits ou, pour mieux dire, le fruit, car tout est renfermé dans ce seul mot: «La. Paix.» «Dieu,» disait Paul aux Corinthiens, «Dieu nous a réconciliés avec lui-même par Jésus-Christ, et il nous a confié le ministère de la réconciliation; car Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec soi, et il a mis en nous la parole de la réconciliation. C'est pourquoi nous vous supplions au nom de Christ: Soyez réconciliés avec Dieu (2 Cor. V, 18-21).» Cela veut dire que, s'il y a guerre de l'homme pécheur contre Dieu, il y a paix entre Dieu et le pécheur qui a cru, parce que sa foi lui est imputée à justice. Jésus-Christ est le médiateur de cette réconciliation; c'est par lui que ceux qui croient ont obtenu la grâce de devenir les amis de Dieu. Et quand, après avoir connu les affreuses misères de l'état de guerre, on a goûté les douceurs de la paix, on retient fermement cette grâce, gage de la gloire éternelle dont la vive espérance fait, dès ici-bas, la gloire des croyants.

5: 3-4
§ 1561. «Et non seulement cela,» dit l'apôtre! Y a-t-il donc quelque chose de plus? Oui; les afflictions et les peines de la vie, la haine des hommes et leurs mauvais traitements, qui sont pour le pécheur non converti, les coups redoutables du Dieu fort et puissant auquel il ose faire la guerre, sont pour le fidèle les gages de l'amour d'un Dieu réconcilié. La tribulation lui fait porter ses regards sur Celui qui a souffert pour nous et sur le jour prochain de sa venue; il attend en ce jour-là sa délivrance, et c'est avec patience qu'il l'attend: puis, tandis que le mondain n'apprend souvent des afflictions que le dégoût de la vie, l'enfant de Dieu y fait «l'expérience» (vraie traduction), non pas seulement de sa misère et de ses fragilités, mais surtout de l'infinie bonté du Seigneur, de la fermeté de ses promesses, de l'excellence de sa grâce; et ces nombreuses expériences affermissent en lui l'espérance de la gloire de Dieu.

5: 5-8
§ 1562. Or, cette espérance n'est pas illusoire, comme le sont la plupart des espérances de ce monde, comme l'est en particulier l'espérance de l'homme qui cherche sa justice ailleurs qu'en Jésus-Christ. La raison de la solidité des espérances du fidèle, c'est qu'il les fonde, tout entières, sur l'amour de Dieu envers nous, et que, par le Saint-Esprit qui nous est donné, cet amour de Dieu s'infuse dans nos cœurs et s'y mêle avec la foi et l'espérance, l'apôtre revenant ainsi aux trois grands mots qui résument tout (§ 1445). Qu'il est grand d'ailleurs l'amour que Dieu nous a témoigné en Jésus-Christ et qui est la source de notre réconciliation avec lui! Par nature, nous sommes sans force, des impies, des pécheurs; faibles, éloignés de Dieu, coupables à mille titres: eh! bien, c'est pour de tels êtres que le Christ mourut. Quel amour incompréhensible!

5: 9-11
§ 1563. De tout ceci résulte une conséquence vraiment admirable. Non seulement il est clair qu'étant justifiés par notre foi en l'expiation de Jésus-Christ, nous serons sauvés par lui de la colère à venir; mais encore, il est vrai de dire que nous avons pour notre délivrance finale, des garanties plus fortes que pour notre réconciliation avec Dieu. Celle-ci est le fruit de la mort de Jésus-Christ, celle-là est le fruit de sa vie; la première de ces grâces nous a été faite quand nous étions en guerre avec Dieu, la seconde nous est promise après réconciliation. Comprenons bien ce raisonnement de la sagesse de Dieu. Il revient à ceci: Lorsque vous n'aimiez pas Dieu, il vous a aimés; lorsque vous étiez des pécheurs, il vous a donné son Fils, il vous a pardonné, il vous a convertis et justifiés; et maintenant que, par sa grâce, vous croyez, que vous espérez, que vous aimez, en un mot, que vous êtes réconciliés, serait-il possible que vous tombassiez jamais sous les coups de sa colère!

5: 12-19
§ 1564. Pour jeter un nouveau jour sur la doctrine de la justification et sur ses fruits, le Saint-Esprit rapproche cette grâce de la condamnation qui fut la suite du premier péché. Après avoir posé le premier terme du parallèle, et rappelé que, non seulement depuis la publication de la loi, mais déjà depuis Adam, tous les hommes moururent, soit à cause du péché d'Adam, soit par un effet de leurs propres péchés, il conclut qu'Adam fut à certains égards le type de Jésus-Christ. Cependant, il n'y a pas analogie complète, bien s'en faut. L'apôtre fait ressortir, tout à l'avantage de Jésus-Christ et de son œuvre, les dissemblances entre Adam et lui, même en ce qu'ils ont de semblable. Son raisonnement se résume à ceci: La grâce est une merveille plus grande que l'offense; la justification, une merveille plus grande que la condamnation; et si la mort a régné par un effet du péché d'un seul, à plus forte raison ceux qui reçoivent l'abondance de la grâce et de la justice, régneront-ils dans la vie par le moyen de Jésus-Christ. — Cela fait, il reprend et conclut son parallèle, où tout revient à dire que les hommes sont condamnés par le i8~i9 péché d'un seul, et que, par la justice d'un seul, les croyants sont justifiés. Mais, ainsi que Paul l'a dit ailleurs, le premier homme, fait en âme vivante, est terrestre; tandis que le second, Esprit vivifiant, est céleste (§ 1456); d'où il résulte que les fruits de sa justice, font plus que contrebalancer ceux de la désobéissance.

5: 20-21
§ 1565. Quelque grave qu'ait été la désobéissance d'Adam, elle fut dépassée par ses descendants, même par ceux qui reçurent la loi; car on vit le péché se multiplier, à mesure que croissaient les connaissances morales. Mais voici la grande merveille de l'amour de Dieu: c'est que, là où le péché s'est multiplié, la grâce a surabondé. Lorsque tout semblait perdu, que le monde entier s'était plongé dans l'idolâtrie, que les enfants d'Israël eux-mêmes se partageaient entre l'impiété du saducéisme et le formalisme hypocrite des pharisiens, Jésus-Christ, le Seigneur, est venu établir un règne de justice, de paix et de vie, sur les ruines du péché et de la mort. Si bien qu'il y a en Jésus-.Christ surabondance des grâces que l'homme perdît en péchant, et nous retrouvons en Lui, par la foi, plus que nous ne perdîmes en Adam; car l'innocence d'Adam ne le garda pas, comme nous garde la foi (Jean X, 28, 29).

6: 1-11
§ 1566. Mais si la grâce de Dieu se plaît à abonder avec le péché, est-il bon de demeurer dans le péché afin que la grâce se multiplie? — Peut-être mes lecteurs ont-ils entendu plus d'une fois émettre l'opinion que la doctrine du salut par pure grâce, est une doctrine dangereuse et immorale. Sans doute qu'on en peut abuser, car de quoi l'homme pécheur n'abuse-t-il pas? Toujours est-il que, loin d'être immorale, il n’est pas de doctrine plus sainte, ou plutôt c'est la seule qui sanctifie. Pour le sentir, suivez le raisonnement de l'apôtre: il est profond, mais non pas subtil.

§ 1567. Tout repose sur le verset 5, où nous voyons que la foi qui justifie, par conséquent la vraie foi, unit à Jésus-Christ aussi étroitement qu'une ente est unie à l'arbre qu'on a greffé. De là suit que les fidèles moururent avec Christ sur la croix, que leur vieil homme y fut crucifié avec lui; que, de même, Jésus-Christ ne ressuscita pas seul, mais qu'avec lui ressuscitèrent tous ceux pour lesquels il mourut. Ceci n'est pas une image; c'est une réalité. L'image se trouve dans le baptême, tel qu'il s'administrait généralement autrefois, si ce n'est universellement. L'acte par lequel le néophyte était plongé dans l'eau représentait sa sépulture avec Christ, et l'acte par lequel il ressortait du baptême, représentait son relèvement d'entre les morts. C'est ainsi qu'on était baptisé dans le Christ, c'est-à-dire comme ne faisant qu'un avec lui; ou pour le Christ, c'est-à-dire comme devant lui appartenir désormais. Or, si tel est le sens et l'effet de la foi qui justifie, comment ne pas voir que, loin de pousser au péché, elle le rend, autant qu'il est en elle, tout à fait impossible. Si celui qui croit pèche encore, ce n'est certes pas par la foi qu'il pèche, ce n'est pas sa foi qui le fait pécher. Relisez tout cet endroit de l'Épître: on ne peut qu'être frappé de la force du raisonnement, dès qu'on a bien compris ce que c'est que la foi. Vous vous arrêterez surtout au dernier verset. Le péché est la mort: Christ est la vie; celui qui croit n’est plus dans la mort: il est au contraire dans la vie; ce qui signifie qu'il a décidément fait divorce avec le péché.

6: 12-14
§ 1568. Cela étant, il semble inutile d'inviter le fidèle à la sainteté, puisque sa foi est la sainteté même. Mais non, si Dieu nous exhorte à nous convertir, s'il nous exhorte à croire, il nous exhorte aussi à porter les fruits de la foi; rien ne se fait en nous que par la sainte Parole de Dieu. Toujours est-il que les exhortations adressées aux fidèles, supposent en eux ce par quoi ils sont du nombre des fidèles: la foi vivante et justifiante. Voici donc ce que le Saint-Esprit dit à ceux qui sont justifiés par la foi, et ce que la foi des fidèles reçoit sans hésiter, parce que la parole du Saint-Esprit trouve Christ au dedans de leur cœur: «Que le péché ne règne point sur vous»; car le péché, c'est la mort. Et puisque vous vivez maintenant de la vraie vie, adonnez-vous à la justice, en consacrant à Dieu tout votre être. L'apôtre ne dit pas d'ailleurs qu'il n'y ait du tout plus de péché dans les fidèles; mais il dit que le péché ne domine plus sur eux: la raison en est qu'ils ne sont pas sous la loi, mais sous la grâce.

6: 15-19
§ 1569. Là-dessus vient une autre objection, ou plutôt la même objection sous une autre forme. «Quoi donc! pécherons-nous, parce que nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce?» Voici la réponse; elle ne paraît pas très directe, mais elle n'en est pas moins décisive. L'homme doit nécessairement choisir entre deux esclavages: il est esclave, ou du péché ou de la justice, et, bien que l'apôtre ne s'exprime pas en ces termes, il est esclave de Satan ou de Dieu, de la loi ou de la grâce. Non que le péché, Satan et la loi soient une seule et même tyrannie, comme la justice, Dieu et la grâce sont une même délivrance; mais à la loi correspond le péché, comme à la grâce correspond la justice. Or, demander s'il est permis de pécher parce qu'on est sous la grâce et non sous la loi, c'est supposer qu'on péchera d'autant plus que, d'esclave du péché, on est devenu l'esclave de la justice!

6: 16-23
§ 1570. Au surplus, c'est volontairement que l'homme est esclave, ou du péché, ou de la justice; sous l'un et l'autre de ces maîtres, il fait en définitive ce qu'il a librement résolu de faire. Mais il n'y a de vraie liberté que pour ceux qui, par la grâce de Dieu, obéissent de cœur à la doctrine du salut, puisqu'ils échappent ainsi à l'esclavage du péché (2 Cor. III, 17; Jean VIII, 36). Il faut convenir qu'en même temps on s'asservit à Dieu et à la justice, ce qui est la sanctification; mais vouloir ce que Dieu veut, n'est-ce pas être libre? Que vous arrivait-il, dit l'apôtre aux fidèles, lorsque, esclaves du péché, vous étiez libres à l'égard de la justice, maîtres de faire votre mauvaise volonté? Quel fruit portiez-vous alors? Des choses dont vous avez honte aujourd'hui et qui aboutissent à la destruction. Maintenant, au contraire, vous portez des fruits de sanctification et vous marchez vers la vie éternelle. D'un côté donc, la mort, solde que le pécheur gagne péniblement en faisant la guerre à Dieu; et d'un autre côté, la vie éternelle, don de la grâce de Dieu en notre Seigneur Jésus-Christ. — Après cela, reprenons la question posée par l'apôtre: «Pécherons-nous, parce que nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce? Réponse: Non, certes; car sous le règne de la grâce et par cette grâce même, nous avons secoué l'esclavage du péché, pour nous adonner à la justice; nous avons de bon cœur chargé sur nous le joug du Seigneur (§ 613); nous avons vu tout ce qu'il y a de honteux et de périlleux dans une vie de péché; sous le règne de la grâce enfin et par elle, nous possédons Christ au dedans de nous et avec lui l'éternelle paix, ce qui n'est autre chose que la sainteté.

7: 1-6
§ 1571. Autre manière de le faire sentir. Comparant une âme qui se convertit, à une femme qui épouse un nouveau mari, son premier mari étant mort, et reprenant une idée émise plus haut, le Saint-Esprit établit que les fidèles ont tous été cloués avec Jésus-Christ en sa croix, comme en Adam tous ont péché. Mais c'est la loi violée qui a exigé cette mort ignominieuse, et, de plus, ce qui a été frappé sur la croix, c'est notre chair, notre vieil homme, le péché, auquel notre âme était, non seulement asservie, mais volontairement unie et comme mariée. Or, si ce premier et méchant mari a été crucifié avec Jésus-Christ, c'est afin que nous pussions épouser Celui qui s'est réveillé d'entre les morts, et porter, par sa grâce, des fruits de justice à la gloire de Dieu. Lors donc que nous étions mariés à notre propre chair, nos passions avaient libre cours nonobstant la loi; elles étaient même irritées par elle, et ces passions ne portaient que des fruits de mort. À présent, au contraire, à nous supposer vraiment convertis, nous sommes affranchis de nos premiers liens et de la loi qui les avait rendus si amers. Si nous sommes toujours asservis, ce n'est plus à la lettre, ou en d'autres termes, à la loi; ce n'est plus selon le vieil homme, mais selon l'homme nouveau.

7: 7-8
§ 1572. À ce compte-là, c'est une bien mauvaise chose que la loi; car, d'après tout ce qui vient d'être dit, elle n’est, semble-t-il, que malfaisante! «Qu'ainsi n'advienne,» s'écrie l'apôtre! La loi n'est pas péché; la loi ne pousse pas au péché, elle n'est pas coupable de nos péchés: c'est elle, au contraire, pour le redire (Ch. III, 20), qui fait connaître en quoi consiste le péché et tout le mal qu'il recèle. Par exemple: Comment savons-nous que la convoitise, le simple désir du mal est vil coupable? Aucune loi humaine ne le proclame; c'est à peine si la conscience le murmure; mais la loi de Dieu est formelle sur ce point (Exod. XX, 17). Seulement, il faut ajouter qu’en me disant: «Tu ne convoiteras point,» la loi n'ôte pas de mon cœur la convoitise; ceci n'est pas du ressort de la loi. Bien plus, le péché qui est en ma nature pervertie, s'est plutôt échauffé à l'ouïe de cette défense, comme au reste à l'ouïe de toute défense et de tout commandement. Aussi longtemps qu'on laisse faire à un petit enfant ce qu'il veut et qu'on lui accorde toutes ses fantaisies, il semble un ange; mais quand arrivent les exigences du bon ordre, la règle, l'obligation du travail, les appels au renoncement, alors l'ange devient démon; car sans loi le péché est mort.

7: 9-12
§ 1573. C'est ce que l'apôtre va faire sentir, en exposant ce qu'avaient été les diverses phases de sa vie intérieure. Dans les premières années de sa jeunesse, Paul, alors Saul, bien qu'élevé, on peut le croire, par des parents qui l'entretinrent de Dieu et de ses devoirs, Paul vivait sans connaître la portée spirituelle de la loi; sa conduite toutefois était bonne à l'extérieur, et sa conscience lui faisait peu de reproches: il vivait. Mais, quand, à mesure qu'il s'éloigna de l'enfance, le commandement vint à lui être mieux connu, il sentit tout ce que son cœur recélait de péché; les fautes se multipliant, il vit la distance qui le séparait de Dieu, et l'abîme qui se creusait sous ses pas; le péché reprit vie en lui: il mourut. Ce fut ainsi que le commandement, qui n'est pas en lui-même une mort, mais une vie, se tourna en mort, quant à Paul. Le mal venait, non de la loi, mais du péché qui était en lui. Cela même prouve que la loi est sainte, l'expression de la sainte volonté de Dieu. Mais si le commandement est saint, il est aussi juste et bon; c'est-à-dire qu'il ne prescrit rien que ce qui est dû, rien non plus qui n'ait pour résultat naturel de nous rendre heureux. Rappelez-vous en effet les deux grands commandements qui résument tous les autres (§ 615). Quoi de plus saint, de plus juste et à la fois de plus bienfaisant! En disant que le commandement fut une mort pour lui, Paul a voulu dire qu'il fut, non pas la cause, mais l'occasion de sa détresse, tout le mal étant venu du péché. Or, voilà précisément ce qui montre combien est excessive la corruption naturelle de notre cœur; c'est qu'une loi sainte, juste et bonne, ne puisse finalement que nous perdre. — Je sens qu'ici, non moins qu'ailleurs, j'affaiblis singulièrement les paroles de l'Écriture; mais comme je ne puis aspirer à les rendre en des termes plus forts et qu'il ne servirait à rien de les répéter purement et simplement, je me borne à les expliquer, et l'explication ne saurait jamais avoir l'énergie du texte sacré.

7: 14-23
§ 1574. La loi donc, bien qu'appelée ailleurs une Lettre, par opposition à l'Esprit (§§ 1486, 1571), la loi est néanmoins spirituelle: spirituelle dans sa source, qui est Dieu; spirituelle dans son principe fondamental, qui est l'amour; spirituelle dans ses prescriptions mêmes, puisqu'elle défend la convoitise; mais moi, dit Paul, moi, considéré dans mon état naturel, je suis charnel, vendu au péché. La disposition au mal n'est pas complètement bannie de mon cœur; ce qui le prouve, c'est que, souvent, je fais le mal que je ne voudrais pas, et je ne fais pas le bien que je voudrais. Cependant, mon cœur renouvelé ne trouve rien à reprendre dans la loi de Dieu: je l'estime bonne; bien plus, comme David, je puis dire que je l'aime (Ps. CX1X, 97). Il y a donc, en quelque sorte, deux moi dans mon homme actuel; un moi en qui nul bien n'habite: c'est ma chair, le péché habitant en mon âme; puis, un moi qui prend plaisir en la loi de Dieu: c'est mon homme intérieur. En d'autres termes, je suis à la fois sous une loi ou sous une puissance de péché, et sous une loi ou sous une puissance de grâce; et, quoique celle-ci m'ait délivré de l'esclavage du péché, toujours est-il que je me retrouve, trop souvent hélas! sous l'influence de la loi ou de la puissance qui est dans mes membres, c'est-à-dire dans ma chair, dans mon vieil homme. Il n'est pas d'enfant de Dieu qui n'ait fait ces humiliantes expériences.

7: 24-25
§ 1575. Tout ceci enrichit la doctrine de Paul d'une idée nouvelle et fort importante. On aurait pu croire que celui qui est justifié par la foi n'a plus rien à démêler avec le péché, parce qu'il n'est pas sous la loi, mais sous la grâce. Maintenant, l'exposition de la vérité sur ce point est complète. La foi qui justifie, place le fidèle en de telles relations avec Jésus-Christ, que, non seulement il n'est plus sous la condamnation portée contre le péché, mais encore qu'il est délivré de l'esclavage de cet ennemi. Ce n'est pas à dire qu'il n'ait plus à lutter contre lui, ni même qu'il remporte constamment la victoire. C'est pourquoi, le fidèle aura toujours à pousser ce cri, non de détresse, mais de componction: «Misérable homme que je suis! qui est-ce qui me délivrera du corps de cette mort?» D'un autre côté, comme il cherche et trouve en Jésus-Christ sa délivrance de tous les moments, de même qu'il y a cherché et trouvé le pardon de ses péchés passés et sa réconciliation avec Dieu, il aura toujours à s'écrier aussi, le cœur plein de reconnaissance: «Je rends grâces à Dieu, par Jésus-Christ notre Seigneur!»

§ 1576. En résumé, si nous sommes de ceux, dont le Saint-Esprit a renouvelé l'entendement, il ne nous VII viendra pas à la pensée de nous soulever contre la loi de Dieu, dont le sommaire est l'amour. Au contraire, nous nous y soumettrons de grand cœur, parce qu'elle est sainte, juste, bonne et spirituelle; nous lui vouerons une obéissance de dévouement et non de contrainte; nous l'aimerons enfin, par la raison même que nous ne sommes plus sous la loi; c'est-à-dire sous la condamnation et sous le péché, mais que nous sommes sous la grâce, et par là dans l'amour et dans la paix de Dieu. — C'est vraiment une belle et sanctifiante doctrine, que celle de la justification par la foi!


CCCIV. Privilèges du pécheur justifié.


8: 1-4
§ 1577. La pensée exprimée au commencement de vil l ce chapitre, se lie évidemment à celle qui termine le chapitre V. Les deux chapitres intermédiaires ont été employés à prévenir certaines objections, tout en jetant un nouveau jour sur le sujet principal, savoir les grâces qui découlent de la justification par la foi. Le Saint-Esprit les avait d'abord résumées en un seul mot: la paix ou la réconciliation avec Dieu (§ 1560); il reprend la même idée en disant: «Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui, dans le Christ Jésus, marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit.» Le jour même où le pécheur se convertit, il passe de la mort à la vie. Réconcilié avec Dieu, justifié par la foi, il n'y a plus, pour lui, de condamnation possible, par la raison que, dès ce moment, il est un avec Christ. La foi établit entre Jésus et nous une union tellement intime que nous sommes en lui, comme si nous faisions partie de sa personne; et, par cela même, nous ne pourrions être condamnés sans qu'il le fût de nouveau. Comme conséquence de cette union et bien que les fidèles aient constamment à lutter contre la chair, ils ne marchent pas selon la chair; ce n'est plus la chair qui est le principe de leur activité, c'est l'Esprit. Cet Esprit est un esprit vivifiant, qui communique aux âmes la vie même du Christ; et il y a une loi de l'Esprit, c'est-à-dire que l'Esprit agit avec puissance, pour affranchir les âmes de la loi ou de la puissance du péché et de la mort. Ainsi, le Fils de Dieu, notre Sauveur, opère, par son sacrifice et par son Esprit, ce dont la loi de Dieu était absolument incapable, non par quelque imperfection qui résidât en elle, mais par le péché qui est en nous. C'est une eau pure, la loi de Dieu! mais le vase qui devait la contenir est souillé; c'est une lumière, mais une lumière qui tombe sur un verre terni. Or, ce que ne pouvait faire la loi, Dieu l'a effectué par l'envoi de son Fils. Celui-ci, devenu semblable à nous, a subi la malédiction du péché: il a reçu en sa chair la condamnation méritée par les hommes, non seulement afin de les délivrer de la peine du péché, mais aussi pour que l'ordonnance de la loi fût accomplie en ceux qui marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit. C'est-à-dire qu'il purifie le vase en s'y répandant et qu'il polit le verre en le traversant. Donc, le fidèle est tout à la fois délivré de la condamnation de la loi, et rendu capable de soumettre son cœur à cette même loi. De plus, s'il y a opposition entre la loi et la grâce, entre les œuvres et la foi, cette opposition n'existe que pour le pécheur irrégénéré; elle disparaît en Christ. Hors de lui, la loi nous tue; parce que, hors de lui, l'obéissance à la loi est impossible; en lui, au contraire, l'obéissance, fruit de l'Esprit, devient douce et possible: la loi ne va plus à la mort.

8: 5-8
§ 1578. Et voici ce qu'on peut envisager comme le développement de cette idée. Ce qui est né de la chair est chair, a dit Jésus-Christ (Jean III, 6); ceux qui sont selon la chair, sont donc les pécheurs irrégénérés. Or, de tels hommes ont leurs pensées aux choses de la chair; leur esprit et leur cœur s'occupent par-dessus tout des intérêts de la terre et du présent siècle; s'ils ne méditent pas sans cesse de nouveaux péchés, on peut bien dire toutefois qu'ils se procurent, le plus qu'ils peuvent, la satisfaction de leurs goûts et de leurs penchants naturels; car, je le disais tout à l'heure, le principe de leur activité est la chair. Il n'en va pas ainsi du pécheur régénéré. Nonobstant le mal qui est encore au dedans de lui, ses pensées se tournent à l'ordinaire du côté de Dieu, de sa grâce, de sa Parole; il y a pour lui un monde spirituel qui domine le monde terrestre, un avenir céleste auprès duquel tout ce qu'on appelle avenir ici-bas n'est que vanité; en un mot, Christ et son œuvre lui sont la réalité suprême. Tout cela résulte de ce qu'il a est passé de la mort à la vie. La pensée de la chair est une mort qui n'engendre que la mort; les fidèles donc ne sauraient s'y plaire, eux en qui réside maintenant la vraie vie. Les pensées de l'Esprit étant au contraire des pensées productrices de paix et de vie, il ne se peut qu'elles ne deviennent leurs propres pensées. La raison d'ailleurs qui fait des pensées de la chair une mort, c'est que la chair est en hostilité continuelle contre Dieu. Le mot est fort, mais il est vrai. Il n'y a personne qui, s'il se laissait aller à la vanité de ses pensées, s'il faisait tout ce que lui dicte son mauvais cœur, ne marchât, d'égarements en égarements, toujours plus loin de Dieu, et ne finît par faire bande avec ceux qui se posent fièrement comme les adversaires de toute piété et de tout bien. Car la pensée de la chair est mauvaise, c'est-à-dire qu'elle est tout l'opposé de Dieu et de ses pensées. Il n'est donc pas étonnant qu'elle ne se soumette pas à la loi de Dieu, et il est vrai d'ajouter avec l'apôtre, que même elle ne le peut, vu que le péché ne saurait être saint, ni vouloir le devenir. C'est pourquoi, le pécheur, avant sa conversion, ne saurait plaire à Dieu d'aucune sorte. Si donc Dieu nous a convertis, ce n'est pas à raison de quelque chose qui, étant en nous, nous ait mérité cette grâce. C'est parce qu'il a plû à Dieu de nous sauver, et non parce que nous lui avons plû.

8: 9-11
§ 1579. Quant à ceux à qui Paul écrivait et auxquels il avait donné le titre d'appelés et de saints (Ch. 1, 7), il aime à voir en eux des hommes animés du Saint-Esprit et réellement convertis au Seigneur. Mais comme il pouvait cependant se trouver au milieu d'eux des gens qui n'eussent que les apparences de la foi, il ajoute: «Si du moins l'Esprit de Dieu habite en vous»; ce qu'il accompagne de cette importante déclaration: «Si quelqu'un n'a pas l'Esprit de Christ, celui-là n'est point à lui.» Que mes lecteurs y fassent donc une sérieuse attention. Il en est peu, je pense, qui prissent froidement leur parti de n'avoir rien de commun avec Jésus-Christ; mais pour être sauvé par lui, il ne suffit pas de lui appartenir de nom, ou par une foi morte: il faut avoir été baptisé du Saint-Esprit. Supposé donc que Christ soit en nous par son Esprit, la vie de Dieu est notre partage, grâce à la justice que donne la foi, bien que nous demeurions assujettis à la mort temporelle, à cause du péché qui s'agite encore au dedans de nous. Outre cela, notre corps étant actuellement l'habitation d'une âme en qui l'Esprit de Dieu réside, il est impossible aussi qu'il ne se réveille d'entre les morts, à la suite de Jésus-Christ. Il n'est donc pas nécessaire, comme les Catholiques et les Luthériens le supposent, que notre corps se soit nourri du corps même de Jésus, pour avoir en soi les éléments de l'immortalité: il suffit que nous recevions le Seigneur par la foi, car il habite ainsi dans nos âmes et dans nos corps, par son Esprit (§ 521).

8: 12-18
§ 1580. À considérer tout cela, il est évident que nous n'avons aucune obligation à la chair. La chair! le péché! le vieil homme! ils ne nous ont fait et ils ne nous font que du mal, la mort étant le terme auquel ils conduisent. Il s'agit donc aussi de leur livrer un combat à outrance; condition sans laquelle nous ne saurions atteindre la vie éternelle. Mais l'Esprit de Dieu peut seul nous pousser à cette sainte lutte contre nous-mêmes et nous y faire triompher. Or, courage, mes chers lecteurs! car, c’est là finalement ce qui caractérise les fils et les filles du Tout-Puissant. Étant justifiés devant Dieu et réconciliés avec lui par la foi, son Esprit nous conduit à la bataille. Non un esprit de crainte et d'esclavage, mais d'amour et d'adoption, lequel nous certifie que nous «sommes enfants de Dieu, ses héritiers et les cohéritiers de Christ.... si toutefois nous souffrons avec lui,» dit l'apôtre. Cela ne signifie pas que la souffrance puisse expier nos péchés, ni que toute manière de souffrir soit un gage de la gloire à venir. Il s'agit ici des souffrances de la foi, soit de celles qu'on endure de la part du monde quand on appartient au Christ, soit des afflictions, même les plus communes, quand on les supporte patiemment, en vue de celui qui a tant souffert pour nous. Si nous souffrons ainsi avec le Christ, nous sommes vraiment sur le chemin du bonheur que Jésus nous a acquis, et nous estimerons nos souffrances peu de choses en comparaison de la gloire à venir qui doit être révélée lors du dernier avènement du Seigneur (§1491).

8: 19-25
§ 1581. Des souffrances des enfants de Dieu, l'apôtre dirige son regard sur les souffrances qu'endurent, de diverses manières, les êtres qui nous entourent. Tous, dit-il, sont soumis à la vanité à cause de l'homme; c'est-à-dire qu'ils subissent, eux aussi, les conséquences de la chute (I, § 130). Puis, personnifiant la création, par une de ces images hardies qui rappelle les oracles des anciens prophètes, il la représente comme attendant la révélation de la gloire des enfants de Dieu, soupirant et étant en travail d'enfantement, dans l'espérance d'une sorte de rédemption pour elle-même. En effet, tout porte à croire que cette terre, après avoir été le théâtre de la souffrance et de la malédiction, à cause du péché, aura aussi sa résurrection et sa glorification, à cause du sang que Jésus-Christ y a répandu. C'est ce qui se fera, quand le Seigneur viendra mettre ses rachetés en possession de la gloire céleste. En attendant, ce n'est pas seulement la création matérielle qui soupire et s'agite, cherchant un état meilleur; ce ne sont pas seulement les masses incrédules et perverties qui soupirent et s'agitent, espérant trouver dans les commotions politiques ou autrement, le bonheur qui leur manque; les fidèles mêmes, bien qu'ils recueillent dès à présent les prémices de l'Esprit, soupirent en attendant l'effet définitif de leur adoption, dans la délivrance de leur corps, ou dans leur résurrection. Ils jouissent déjà des autres grâces du salut: du pardon, de la paix, de la sanctification, des consolations de l'Esprit; mais la grâce du relèvement de leur corps, c'est en espérance seulement qu'ils la possèdent; une espérance, il est vrai, VIII qui ne confond point, une espérance qui produit une attente patiente, mais enfin une espérance qui n'est pas encore la possession: de là, leurs soupirs.

8: 26-27
§ 1582. Ils ne sont pas seuls à soupirer. Le Saint-Esprit, l'auteur de notre régénération, le souffle de notre vie nouvelle, notre Consolateur, vient au secours de nos infirmités. Il supplée notamment à l'infirmité de nos prières, intervenant pour nous par des soupirs inexprimables, soit au dedans de nos cœurs, soit devant le trône des miséricordes. Or, l'Éternel, qui scrute les cœurs, connaît les pensées que le Saint-Esprit met en nous, puisque ce sont les pensées de ce même Esprit intercédant pour nous, selon l'amour infini de Dieu. Quelles doctrines magnifiques! Au fond, tel est la charité du Père, qu'il n'est pas besoin que personne le supplie en notre faveur (Jean XVI, 26); toutefois le Fils prie pour nous (§§ 902, 910), et le Saint-Esprit aussi! Voyez donc quelle assurance nous devons avoir dans l'accomplissement de la grâce de Dieu! Comprend-on, après cela, qu'ayant de tels intercesseurs dans le ciel, on en ait imaginé d'autres encore, tels que la Vierge Marie et les Saints? La Parole de Dieu nous dit bien que le Saint-Esprit intervient pour les saints qui sont sur la terre; mais nulle part elle nous dit que les saints, dans le ciel, interviennent pour nous auprès du Saint-Esprit ou auprès de Jésus.

8: 28-30
§ 1583. Si tout ce qui est en Dieu, savoir le Père, le Fils et le Saint-Esprit, concourt au bien des fidèles, il n'y a rien d'étonnant que toutes choses au monde y coopèrent également. La raison en est que la rédemption des élus, la gloire de Jésus-Christ et celle de Dieu le font qu'un; or, toutes choses au monde travaillent ensemble pour la gloire de Dieu. Quant à la glorification des fidèles en particulier, voici l'admirable série de faits qui l'amènent, l'expliquent et la rendent indubitable. D'abord, ce qui les distingue des autres hommes c'est qu'ils aiment Dieu, en vertu de l'appel que, dans sa volonté suprême, il lui a plû de leur adresser. Avant qu'ils fussent au monde, Dieu les a connus; alors aussi il décida de les rendre conformes à l'image de son Fils, pour retrouver ce qu'Adam a perdu (l'image de Dieu), et pour les faire devenir membres d'une famille nouvelle dont Dieu est le père par adoption, et dont Jésus est le frère aîné, en tant qu'homme. Mais ceux à l'égard desquels Dieu décida cela d'avance, il les a appelés par une vocation efficace, il les a justifiés au moyen de la foi, et ils sont déjà comme glorifiés, tant il est impossible qu'une œuvre ainsi commencée n'atteigne pas son parfait achèvement. Si donc vous vous demandez qui sont ceux que Dieu glorifiera? Vous répondrez: Ceux qui aiment Dieu. Mais qui sont ceux qui aiment Dieu? Réponse: Ceux que Dieu a justifiés. Qui justifie-t-il? — Ceux qu'il a appelés. Qui appelle-t-il? — Ceux qu'il a décidé d'avance de rendre conformes à son Fils. En faveur de qui a-t-il pris cette décision? — En faveur de ceux qu'il a connus d'avance, selon un dessein arrêté en lui-même. 0 vous, qui, par la foi en Jésus, aimez Dieu dans la sincérité de votre âme! quelles plus fortes garanties voudriez-vous de la gloire éternelle qui vous est échue en partage?

8: 31-39
§ 1584. Cette gloire, cependant, n'est pas encore pleinement réalisée. Le fidèle a de grandes souffrances et de rudes combats. Que d'ennemis lui font la guerre, et combien sa faiblesse n'est-elle pas grande quelquefois! Cela est vrai; mais, dit l'apôtre, si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? S'il nous aime, que nous fait la haine du monde? S'il nous protège, que nous peuvent nos ennemis? S'il se tient près de nous, quelles douleurs ne surmonterons-nous pas? Après le don qu'il nous a fait de son Fils, de son Unique, de quoi pourrions-nous avoir besoin, qu'il ne nous le donne gratuitement, comme il nous a donné le salut? Si, par la pensée, nous nous transportons au dernier jour, et devant le tribunal suprême, il nous sera bien permis d'éprouver quelque émotion, car quelle journée sérieuse que celle-là! mais de l'appréhension; mais des craintes; mais de la terreur! impossible. En effet, qui pourrait intenter accusation contre des élus de Dieu? Serait-ce Dieu lui-même, armé de sa loi sainte et redoutable? Mais c'est Dieu qui justifie ses élus, et comment se porterait-il accusateur de ceux qu'il a revêtus de sa justice? À supposer, par impossible, que Dieu, que sa loi, nous accusassent, qui est-ce qui condamnera? Celui qui siégera sur le tribunal suprême, c'est Christ, notre Jésus (§ 473). Or, pourrait-il nous condamner, lui qui mourut à cause de nos offenses, qui est ressuscité à cause de notre justification, et qui même intercède pour nous? Qu'y a-t-il donc de plus solidement assuré que le salut des fidèles? Qu'est-ce qui pourrait séparer de l'amour de Christ, ceux pour lesquels il s'est donné, afin d'effacer ce qui faisait séparation entre eux et l'Éternel (Es. LIX, 2)? Rien, absolument rien de ce qu'on peut nommer sur la terre, dans le ciel et dans les enfers, rien n'est capable de priver les fidèles de l'amour de leur Dieu, parce qu'il est scellé en la croix de Jésus-Christ et qu'il y va de sa gloire même.

§ 1585. Quelles magnifiques promesses, chers lecteurs, et qu'ils sont grands les privilèges de ceux qui croient en Jésus-Christ! Repassez dans votre cœur les quatre derniers chapitres que nous avons étudiés. S'ils ne vous disent rien, je vous plains de toute mon âme, car ce serait la preuve que vous n'avez pas une étincelle de vraie foi. Alors, je n'aurais qu'un mot à vous adresser, et je le ferais avec une grande affection: Convertissez-vous et croyez à l'Évangile; afin que, justifiés par la foi vous connaissiez et vous goûtiez les glorieux et éternels, privilèges des enfants de Dieu.


CCCV. La doctrine du salut, dans ses rapports avec le peuple Juif.


Chap 9-11
§ 1586. La troisième partie de l'Épître est contenue dans les trois chapitres qui vont faire le sujet de cette Étude. Quoique l'église de Rome se composât essentiellement de païens convertis et que, dans tous les cas, l'apôtre eût surtout en vue cette classe de disciples, il ne lui était pas permis d'oublier les Juifs et la position en apparence si nouvelle que sa doctrine leur faisait. Des païens eux-mêmes pouvaient lui objecter que ses principes étaient en contradiction avec les privilèges dé ses concitoyens, privilèges qui, d'après l'Ancien Testament, semblaient devoir être irrévocables. C'est à quoi l'apôtre avait déjà répondu en passant (§§ 1543, 1544), mais il va maintenant le faire plus à fond.

9: 1-5
§ 1587. D'abord, il proteste, dans les termes les plus énergiques, de sa profonde affection pour le peuple d'Israël, ce peuple dont il faisait lui-même partie; il rappelle que tel fut jadis son zèle pour le judaïsme, qu'il se conduisit longtemps en homme qui, de gaîté de cœur, appellerait sur lui la malédiction. En sorte que, s'il prêchait maintenant une doctrine en apparence contraire au judaïsme, il fallait que le Saint-Esprit l'eût bien profondément pénétré de cette doctrine. Après cela, il énumère les immenses prérogatives de ses frères selon la chair. Fils de celui qui fut appelé Vainqueur de Dieu (I, § 481), adoptés par l'Éternel pour être son peuple, les Juifs ont eu la gloire de servir le vrai Dieu, défigurer dans tous ses testaments, de lui devoir leurs lois et les ordonnances de leur culte, d'être les objets directs ou indirects de toutes ses promesses, de compter parmi leurs ancêtres les vrais pères des fidèles; mais surtout, d'avoir donné naissance à Jésus-Christ, Israélite en tant qu'homme, et Dieu au-dessus de toutes choses, béni éternellement. Jamais aucune nation ne jouit de pareilles faveurs. Vous voyez que Paul est le premier à le reconnaître, selon la Parole de Dieu, et combien de soi-disant chrétiens qui l'oublient, dans le mépris qu'ils professent pour le peuple d'Israël.

9: 6-13
§ 1588. Mais peut-être que la Parole de Dieu «est tombée,» selon l'expression de l'apôtre: tout cela fut vrai, mais ne l'est plus; les privilèges d'Israël étaient grands, ils lui ont été enlevés! Non, dit Paul; en ce qui touche au salut éternel, ils demeurent ce qu'ils furent toujours. Dans aucun temps il n'a suffi d'appartenir extérieurement au peuple d'Israël pour être vraiment Israélite. Les Pharisiens qui persécutèrent Jésus, n'étaient pas Israël au même titre que Nathanaël (Jean I, 48); ni Saül, fils de Kis, au même titre que David; ni Coré et ses complices, au même titre que Caleb et Josué. Ainsi, pour être la postérité d'Abraham, tous ne sont pas ses enfants (Jean VIII, 39). C'est, ajoute l'apôtre, ce que l'Éternel a voulu déclarer, en faisant d'Isaac, à l'exclusion d'Ismaël et des fils de Kétura, la tige de la famille privilégiée. Isaac fut le fils de la promesse; et qui ne croit pas à la promesse, ne fait pas partie du véritable Israël. Puis, Isaac lui-même eut deux fils, dont un seul fut héritier de cette promesse. Or, remarquez que ce ne fut point en vertu de ses œuvres, mais en vertu d'une élection divine. De ces deux faits résultent que, de tout temps, on ne fut vraiment Israélite que par la foi et par une grâce spéciale et personnelle.

9: 14-18
§ 1589. Mais à entendre la chose de cette manière, n'y a-t-il pas de l'injustice en Dieu? Paul s’était déjà posé cette question, presque dans les mêmes termes, et il y avait répondu en disant: Quoi qu'il en soit, il faut de toute nécessité qu'il juge le monde (§ 1545). Cette fois, il se borne à citer deux passages de l'Ancien Testament qui reviennent à dire que Dieu est le maître, qu'il est souverain, et qu'il ne doit compte à personne de ses actes (Exod. XXXIII, 19; IX, 16). Dieu fait miséricorde, sans autre raison que sa miséricorde même. Et puisque c'est par miséricorde qu'on est sauvé, ce ne sont donc pas les efforts de notre volonté, ni le déploiement de nos forces qui nous sauvent. D'un autre côté, Dieu n'est pas obligé de sauver tout le monde; car s'il y était obligé, ce ne serait plus de la miséricorde, mais une nécessité. Bien plus, Dieu n’est pas tout miséricorde; ou, pour mieux dire, si, dans un sens, il est tout miséricorde, tout amour, il est aussi tout sainteté, tout justice; et, quand un Pharaon méprise sa voix et sa puissance, il lui fait sentir cette puissance par l'endurcissement du cœur, le plus terrible des jugements (I, § 677).


9: 19-29
§ 1590. Alors donc, pourquoi se plaint-il encore, puisque tout finit par se passer selon sa volonté, soit quant à ceux qui sont sauvés, soit quant à ceux qui se perdent? — Il faut avouer que cette objection se présente naturellement à l'esprit, et de plus, que l'apôtre semble d'abord renoncer à en faire la réfutation, se bornant à nous nier le droit d'entrer en discussion sur ce point. Cependant, ceci même est une première réponse à l'objection. Vous ne comprenez pas le mystère des décrets de Dieu et vous en contestez la justice! Mais qui es-tu, ô homme! pour disputer avec Dieu, toi, non seulement sa créature, mais encore sa créature révoltée? Est-il étonnant que la créature ne comprenne pas le fond de la pensée du Créateur, et que le rebelle méconnaisse l'équité de son juge? La comparaison que fait l'apôtre, comme toutes les comparaisons et toutes les paraboles, ne doit pas être serrée de trop près, autrement on lui ferait dire ce qui ne fut pas dans l'intention du Saint-Esprit. Il n'entend pas que l'homme n'ait pas plus de part à son salut qu'une masse de terre n’en a dans la confection du vase que le potier en fait sortir; car c'est volontairement que l'homme s'assujettit au péché, par l'influence de Satan, et volontairement aussi qu'il s'adonne à la justice, par l'action de la grâce sur son cœur. Toujours est-il que, devant la majesté et la sainteté de Dieu, nous ne sommes que terre et boue; puis, il est certain que, dans tous les cas, Dieu demeure le souverain maître de ses œuvres, libre d'en faire ce qu'il lui plaît; enfin, ce qui n'est pas moins incontestable, c'est qu'il use d'une étonnante patience envers les hommes mêmes que leurs péchés destinent à magnifier sa colère et sa puissance, tandis qu'il fera briller les richesses de son amour envers ceux que, dans sa grâce, il a préparés pour la gloire: les uns, vases de colère; les autres, vases de miséricorde. Voilà une première réponse, ou du moins de quoi nous fermer la bouche, pour peu que nous ayons le sentiment de notre néant devant Dieu.

9: 24-29
§ 1591. Une seconde réponse est tirée des faits ou de l'expérience. Je ne saurais admettre, dites-vous, que Dieu en agisse de la sorte! Mais enfin, les choses sont-elles ainsi, ou non? Si elles sont ainsi, soyez sûr qu'elles ne sont pas indignes de Dieu, et qu'un jour vient où tout sera mis au clair, à la gloire éternelle de votre Créateur. Pour ce qui concerne en particulier la réjection des Juifs et le salut des païens, comme résultat d'une libre détermination de Dieu, il est incontestable que le fait a eu lieu. Le Seigneur s'est acquis un peuple nouveau, pris d'entre les Israëlites et d'entre les Gentils, en rejetant le gros de la nation Juive. Or, tout cela est tellement l'effet d'une volonté arrêtée de l'Éternel, qu'il l'avait annoncé plusieurs siècles d'avance, par la bouche de ses prophètes. C'est ainsi qu'Osée prophétisa la vocation des Gentils (Os. II, 23; I, 10), et Ésaïe, le salut d'un petit nombre d'Israélites seulement (Es. X, 22, 23; I, 9). Le fait est tel, je le répète, et il n'y a pas moyen de disputer contre les faits: c'est la seconde réponse; voici la troisième.

9: 30-33
§ 1592. Quelle est, en définitive, la cause du salut des uns et de la réjection des autres? Cette cause est en eux-mêmes, tout autant qu'elle est en Dieu. Quant aux païens, égarés comme ils l'étaient, ils n'eurent pas de peine, quand l'Évangile leur fut prêché, de comprendre qu'ils ne pouvaient trouver leur justice en eux-mêmes et qu'il leur fallait une justice venant de Dieu. Ils la cherchèrent donc en Jésus et, au moment où Paul écrivait, un grand nombre d'entre eux l'avaient trouvée. Les Juifs, au contraire, fiers de leurs privilèges et s'estimant justes par leurs œuvres, ne sentaient pas le besoin de la foi; et, selon la prophétie, ils étaient allés se heurter contre le rocher des siècles. Jésus-Christ était devenu pour eux une pierre d'achoppement, ce même Jésus dont il est dit que Celui qui croit en lui ne sera pas confus (Es. VIII, 14; XXVIII, 16; §§ 421, 800, 1111). Voici donc, mes chers lecteurs, à quoi se réduit la question au point de vue pratique. Il ne s'agit pas de céder à une curiosité qui ne saurait être satisfaite, ni de vous informer des conseils secrets du Seigneur à votre égard. Le fait est qu'il vous appelle au salut; je n'en veux pas d'autre preuve que l'étude à laquelle vous vous livrez en ce moment. Eh! bien donc, abandonnez toute idée de vous justifier devant Dieu par vos œuvres, cherchez votre justice en Jésus-Christ; c'est ainsi que vous prendrez place parmi les vases de miséricorde que Dieu a préparés pour sa gloire.

10: 1-13
§ 1593. Ce point est si important que l'apôtre y revient encore. Il n'y avait rien qui lui tînt plus à cœur ni qu'il demandât plus vivement à Dieu que le salut des enfants d'Israël. Or, ce qui mettait obstacle à l'accomplissement de ses prières, ce n'était pas que ses compatriotes fussent dépourvus de tous principes religieux. Ils avaient du zèle, mais c'était un zèle sans connaissance, comme avait été celui de Paul quand il persécutait les saints, comme est celui de tant de gens parmi nous. Ils mènent une vie honnête et remplissent certains devoirs de piété et de bienfaisance; mais, méconnaissant la justice qui vient de Dieu, ils cherchent à établir leur propre justice et, de cette manière, ils ne se soumettent pas à l'institution divine quant à la voie du salut. Rien donc n’est plus clairement exprimé par l'Écriture que cette doctrine, savoir qu'on se prive volontairement de la vie éternelle quand on veut se sauver par ses propres œuvres, non moins que si l'on se permet tous les égarements du péché.

§ 1594. Comme dans son épître aux Galates, mais avec plus de développement, l'apôtre établit que Christ est la fin ou l'accomplissement de la loi, et que par conséquent c'est en lui seul que se trouve la justice. 5 On peut bien se représenter une justice selon la loi. Ce serait celle qui résulterait de la pratique persévérante et sans tache des commandements de Dieu, obéissance semblable alors à celle de Jésus-Christ. Mais il y a un autre moyen d'être juste, c'est la foi; moyen admirable dans sa simplicité et dans son universalité. En effet, toute l'œuvre de notre rédemption s'étant accomplie par la mort et par la résurrection du Sauveur, il ne s'agit pas de nous demander qui donc ira pour nous au ciel afin de nous réconcilier avec Dieu? qui descendra dans l'abîme, pour en retirer nos corps? D'ailleurs, la prédication de la foi est fort simple; le plus petit enfant sait la répéter: «Christ est mort à cause de nos offenses; il est ressuscité à cause de notre justification,» et c'est une parole qui, si on l'écoute, va bien autrement au cœur que la loi. Que vous reste-t-il donc à faire pour être sauvés, ô vous pécheurs, qui que vous soyez? Rien, si ce n'est de confesser Jésus pour votre Sauveur, après avoir cru du cœur que Dieu l'a ressuscité d'entre les morts. Mais remarquez bien que c'est la foi du cœur, et non une autre qui procure la justice; remarquez en outre qu'il faut la confession de la bouche, car si le cœur est plein, la bouche parle; et si nous ne confessons pas le Seigneur devant les hommes, il ne nous confessera pas dans le ciel (§§ 409, 639).

10: 11-13
§ 1595. Toujours est-il que la voie du salut est, ainsi que je l'ai dit, d'une admirable simplicité, ce que l'apôtre exprime en empruntant ces termes au prophète Joël: «Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé (Joël II, 32)». Ces mêmes paroles proclament l'universalité de la grâce de Dieu en ce sens, que Juif ou Grec, petit ou grand, riche ou pauvre, savant ou ignorant, tout pécheur, quel que soit le nombre ou la gravité de ses fautes, est autorisé à croire en Jésus-Christ, à invoquer son nom; et, faisant cela, il est sauvé. C'est ce que le Saint-Esprit avait déjà déclaré, au commencement de cette épître (§ 1553), et ce qui ressort avec évidence de maintes paroles des prophètes, comme de tous les enseignements de Jésus-Christ (§517).

10: 14-21
§ 1596. De là résulte la nécessité de la prédication du salut par toute la terre. Car pour invoquer le Seigneur, il faut croire en lui; pour croire en lui, il faut en avoir entendu parler; pour en entendre parler, il faut que quelqu'un le prêche; et pour qu'il y en ait qui le prêchent, il faut qu'ils soient envoyés de Dieu, l'auteur du salut dans ce qui y sert de préparation, comme dans ce qui le commence et dans ce qui l'achève. Et voilà ce qu'avaient aussi prédit les prophètes de l'Ancien Testament (Es. LII, 7). Mais la foi est un acte d'obéissance; c'est la soumission du cœur à la Parole de Dieu et le consentement au moyen choisi par sa grâce pour sauver les pécheurs. Ceci nous explique pourquoi l'homme, qui est tout révolte contre Dieu, se révolte aussi contre la prédication du salut par la foi, selon ce qu'avait dit le même prophète (Es. LIII, 1). Déjà du temps de l'apôtre, la Parole de Dieu, cette parole sans laquelle la foi est impossible, avait été annoncée à une multitude de peuples divers sous le ciel; mais que d'incrédulité n'avait-elle pas rencontrée! Israël l'avait entendue le premier, et, plus incrédule que les païens, il avait confirmé, par son incrédulité même, la vérité des oracles qui annonçaient que les nations devanceraient Israël dans le règne de Dieu, parce qu'Israël se montrerait toujours le peuple rebelle et contredisant par excellence (Deut. XXXII, 21; Es. LXV, 1,2). Ainsi, nouvel exemple que le salut est par pure grâce, soit qu'on pense aux nations qui ont trouvé Dieu, bien qu'elles ne le cherchassent pas; soit qu'on tourne, avec Paul, un regard de tristesse sur cet ancien peuple qui perdit Dieu, parce qu'il se croyait trop sûr de le posséder.

11: 1-5
§ 1597. Faudra-t-il conclure de tout cela que Dieu a rejeté son peuple? Non pas son peuple tout entier, dit Paul. Pour preuve, il cite son propre exemple, et il aurait pu nommer bien d'autres Israëlites avec lui; car ils se comptaient par milliers, les fils d'Abraham qui, dès les premiers jours, embrassèrent l'Évangile. Il est certain, toutefois, que le gros de la nation avait repoussé le Seigneur, et le repoussait encore. Ce n'était pas un fait absolument nouveau. À diverses époques et notamment au temps d'Élie le prophète, malgré les prérogatives assurées au peuple Juif, l'Éternel n'avait été le Dieu que d'un très petit nombre, d'une quantité presque imperceptible de fidèles. Si donc on estime, comme on le doit, que, même alors, Israël ne laissait pas d'être le peuple de la promesse, il n'y avait pas de raison pour qu'on en jugeât autrement à l'heure où Paul écrivait: le peuple en masse était incrédule, mais il y avait là des âmes que Dieu s'était réservées, selon l'élection de grâce (II, § 1373. Table Analyt. Résidu).

11: 6
§ 1598. «Selon l'élection de grâce,» dit l'apôtre, et ce mot de «grâce» ne saurait reparaître sans qu'il l'explique de nouveau. La grâce, relativement au salut, c'est le contraire de l'œuvre; tellement le contraire que, si quelqu'un prétend à être sauvé en vertu de ses œuvres, il n'y a plus de grâce pour lui, et que, si quelqu'un croit en la grâce de Dieu, il ne parlera plus jamais de ses œuvres pour s'en faire un mérite.

11: 7-10
§ 1599. Reprenant le fil de ses idées, Paul conclut donc en disant, que les Juifs ayant cherché le salut dans la vertu de leurs prérogatives nationales, ne l'y ont pas trouvé, parce que ce n'est pas là qu'il pouvait être; mais que, les élus de Dieu ayant cherché ce salut dans le Christ, en vue duquel existaient ces prérogatives, ils l'ont obtenu de la grâce de Dieu. Quant aux premiers, leur endurcissement n'était que la juste conséquence de l'obstination à ne pas écouter les messagers de Dieu, comme l'avaient annoncé leurs prophètes (Es. XXIX. 10; Deut. XXIX, 4; Ps. LXIX, 22, 23). Or, parmi ceux qui appartiennent au corps extérieur de l'Église, combien n'en est-il pas qui attirent sur eux cette même malédiction! En méprisant la prédication de l'Évangile et en profanant la Cène du Seigneur, ils se placent dès ici-bas sous la condamnation qui attend les réprouvés Aussi, ne les voit-on que trop souvent, au sortir de leurs soi-disant assemblées de culte, jurer, blasphémer, s'enivrer, persécuter les enfants de Dieu. À eux donc aussi, leur table leur devient un piège et une occasion de chute, et une rétribution (§ 1436).

11: 11-21
§ 1600. En résumé, les Juifs présentèrent, à toutes les époques, sauf peut-être au temps de Josué (II, § 48), le même spectacle qu'au temps des apôtres: masse incrédule, petit troupeau de fidèles. Seulement, la distinction n'avait jamais été aussi tranchée qu'après la venue de Jésus-Christ. Ceux qui le rejetèrent, et ce fut incomparablement le plus grand nombre, continuèrent la nation juive proprement dite, et c'est ainsi que la nation, dans son ensemble, fut à son tour rejetée. Mais si Israël est tombé, est-ce de manière à ne pas se relever? Question d'avenir que l'apôtre résout par l'Esprit de prophétie, et c’est un de ces passages qui attestent, d'une façon particulière, l'inspiration divine de ses écrits (§§ 1306, 1457). Car, bien que la prophétie que nous avons sous les yeux ne soit pas encore accomplie en ce qu'elle a de plus essentiel, elle l'est à ce jour d'une manière assez remarquable pour mériter, dans son ensemble, une pleine confiance. La voici:

§ 1601. Non; répond l'apôtre, les Juifs ne sont pas tombés pour toujours. Dire que le salut parvient aux nations afin de provoquer à jalousie les enfants d'Israël, c'est dire qu'un jour viendra, où, stimulés par l'exemple et par la foi des nations, leur cœur se tournera vers Dieu. Bien plus, si, par leur chute, le monde s'est vu enrichi des grâces de Dieu, leur retour en masse sera une bénédiction ineffable pour le monde entier; et si leur réjection a coïncidé avec la réconciliation du monde, si elle l'a même facilitée (§1260), leur retour sera comme une vie d'entre les morts, ou l'occasion et le moyen de conversions innombrables et de réveils inouïs parmi les peuples. En attendant, Israël demeure une sainte race; sainte dans ses prémices, André, Pierre, Jean, Jaques, Paul et ceux de leurs frères en la chair qui reçurent l'Évangile; sainte dans sa racine, Abraham, Isaac et Jacob; sainte aussi dans son ensemble, mais d'une autre manière, car les mots saint et sainteté, comme les mots foi et fidèle ont un sens large et un sens étroit, faciles à distinguer suivant les cas. L'apôtre compare les convertis d'entre les nations aux branches d'un olivier sauvage qui auraient été greffées sur les branches tronçonnées d'un olivier franc, le peuple Juif. Il les invite en conséquence à ne pas triompher de la chute d'Israël, à ne pas le mépriser (ce que font, hélas! tant de soi-disant chrétiens); mais à se souvenir qu'après tout, Israël est la racine d'où les païens convertis et ceux qui en descendent, tirent leur sève et leur huile. Il est vrai que les branches du véritable olivier furent retranchées à cause de leur incrédulité et que nous qui les avons remplacées, nous nous tenons debout par la foi; mais malheur à ceux qui ne voient là qu'une occasion de s'enorgueillir! Demeurons plutôt dans une crainte salutaire; car, si Dieu n'épargna pas les branches naturelles, il n'a pas épargné non plus cette église de Corinthe d'où Paul écrivait, ni celles d'Éphèse, de Philippes, de Césarée, d'Antioche, branches entées sur l'olivier, branches maintenant retranchées; et l'église de Rome elle-même, à qui Paul adressait sa lettre, qu'est-elle devenue?

11: 22
§ 1602. Tout ceci conduit à considérer Dieu sous le double aspect de sa bonté et de sa sévérité. Les uns, ne voulant voir en Dieu qu'un Dieu de bonté, finissent par annuler sa justice. De cette manière, ils font de lui un complice de nos iniquités, un ami et un fauteur du vice: idée de Dieu qui est souverainement fausse et immorale. D'autres, tout pénétrés de terreur, ne voient que la sévérité avec laquelle Dieu traite, de siècle en siècle, le monde des impies et qu'il révélera plus magnifique et plus épouvantable encore au dernier jour: idée partiale également, quoique dans un autre sens; erreur qui éloigne de Dieu, et qui, par là, produit les mêmes conséquences d'immoralité. C'est donc à considérer tout à la fois la bonté et la sévérité de Dieu que gît la sûreté de nos âmes. Quand on voit de quels jugements il a frappé le Juif incrédule, si longtemps comblé des bontés de son Dieu, il y a de quoi nous donner à réfléchir, à nous-mêmes, objets actuels de ses promesses. Pour qu'il ne nous arrive pas comme à eux, croyons à l'amour de Dieu tout en pensant à sa sévérité, et croyons à sa sévérité sans jamais oublier son amour. En d'autres termes, croyons du cœur à Jésus-Christ, car c'est en Lui que l'Éternel est un Dieu fort, juste et sauveur (Ésaïe XLV, 21).

11: 23-29
§ 1603. Pour en revenir à Israël, ce malheureux peuple sera donc relevé de son incrédulité, et alors il sera enté de nouveau. Il n'y a rien là qui dépasse la puissance de Dieu; car s'il a pu se former un peuple d'entre les païens, il doit lui être plus facile, pour ainsi dire, de rétablir les Juifs dans leur état primitif. Ils eurent le tort de se croire pour toujours le peuple de Dieu à l'exclusion de tous les autres: n'allons pas nous imaginer que nous, issus des païens, nous le soyons devenus à l'exclusion perpétuelle des enfants d'Israël. Leur endurcissement n'est que partiel, et il ne doit durer que jusqu'à ce que la plénitude des nations soit entrée. Alors, selon les oracles des prophètes (Ésaïe , LIX, 20 , 21), la plénitude des Juifs entrera pareillement dans la voie du salut qui est en Jésus-Christ. Pour le moment, ils en rejettent la bonne nouvelle et c'est pour cela qu'ils sont encore sous la malédiction prononcée par le plus ancien de leurs prophètes et déjà si souvent accomplie (I, §§ 1033, 1034); mais ils ne laissent pas d'être, en tant que peuple et pour un temps à venir, les objets d'une élection et d'une vocation de Dieu qui ne sauraient se démentir.

§ 1604. Vue en ce qu'elle a d'essentiel, rien de plus clair que cette admirable prophétie. Israël sera réintégré dans l'alliance de Dieu. Mais, est-ce à dire que tous les individus qui appartiendront à ce peuple au jour de sa conversion seront vraiment convertis! Le rétablissement d'Israël doit-il s'entendre de son retour dans le pays de Canaan? Ce retour précèdera-t-il ou suivra-t-il sa conversion? Après ce grand événement, Israël continuera-t-il de former un peuple à part? Enfin, que faut-il entendre par la plénitude des nations qui doit être entrée avant que tout Israël soit sauvé? Il y a diversité d'opinion entre les chrétiens sur tous ces points, et il est pénible de devoir prendre un parti, vu que, de manière ou d’autre, on se met en désaccord avec des hommes éminents par leur foi et par leur piété. Sans répéter ce que j'ai dit si souvent sur les obscurités dont il a plû à Dieu d'envelopper ses oracles, même les plus clairs, et laissant de côté les questions auxquelles cette prophétie ne me paraît toucher nullement (comme de savoir si le rétablissement d'Israël aura lieu avant ou après le retour du Seigneur), je dirai qu'à mes yeux le verset 25 ne saurait avoir d'autre sens, sinon qu'un jour vient où tous les peuples de la terre abandonneront l'idolâtrie pour se ranger sous les étendards de l'Évangile. Cela ne signifie pas que les cœurs de tous seront régénérés, que tous auront revêtu la robe de noces; mais tous, bons et mauvais, seront entrés dans la salle du festin (§ 803). C'est alors que la plénitude des Juifs (remarquez le même mot aux versets 12 et 25), entrera à son tour, et que sa conversion sera pour le monde christianisé comme une vie d'entre les morts. Croire, après cela, que les Juifs seront remis en possession de Canaan sans s'être auparavant convertis, c'est ce qui me paraît contraire à la marche constante de l'Éternel envers son peuple (II, § 138); et même, penser qu'une fois rétablis dans la terre sainte et convertis, ils y reprendront leur antique position distincte au milieu des autres peuples, c'est ce que je ne saurais concilier avec ce qui est dit, qu'en Jésus-Christ, il n'y a ni Juif, ni 2J729 Grec (Gal. III, 28). Cette dernière considération fait douter à quelques-uns qu'Israël doive occuper de nouveau le pays de ses pères; mais pourquoi non, s'il est bien entendu d'ailleurs que ses institutions et son culte d'alors ne seront pas de nature à rompre l'unité du corps de Christ, corps dont Israël sera, peut-être, le membre le plus éminent!

11: 30-36
§ 1605. Quoi qu'il en soit de ces idées, que je ne donne pas à mes lecteurs sans quelque défiance, il demeure parfaitement certain que les nations, toutes rebelles, sont reçues les unes après les autres en la miséricorde de Dieu; il ne l'est pas moins que les Juifs obtiendront aussi miséricorde, malgré leur rébellion actuelle. De cette manière, tous les peuples de la terre auront été successivement en état de révolte contre Dieu, mais un jour vient où ils rentreront tous dans l'ordre, par un effet de la grâce de ce même Dieu. C'est après avoir exprimé cette grande et touchante prophétie, que, toujours sous l'inspiration divine, l'apôtre cède à une de ces émotions qui lui étaient si ordinaires et qui montrent combien son âme était pénétrée des vérités qu'il annonçait. Non, rien n'est profond ni abondant comme la sagesse et la science de Dieu; rien n'est insondable comme ses jugements, ni inscrutable comme les moyens qu'il emploie pour arriver à ses fins. Personne ne fut avec lui quand il formait ses plans; personne ne peut se vanter de lui avoir été nécessaire pour les exécuter. De lui, par lui et pour lui sont toutes choses. Tout procède de lui, tout se fait par lui, tout s'accomplit pour lui. À lui donc soit la gloire éternellement. Amen! — O! mes chers lecteurs, n'hésitez pas à joindre votre amen à celui de Paul. Mais la vraie manière de le faire, c'est de reconnaître sincèrement que tout ce que vous possédez: corps, vie, âme, repentance, foi, sainteté, tout vous vient du Seigneur; que tout ce qu'il y a de bon en vous, s'est fait par sa Parole et par son Esprit; c'est enfin de vouloir rapporter à sa gloire votre existence tout entière, dès ce monde et pendant l'éternité; ce qui suppose à coup sûr qu'on est réellement converti.


CCCVI. Conséquences morales de la doctrine posée dans l'Épître.


§ 1606. La quatrième partie de l'Épître est toute d'exhortations, et c'est ainsi que l'apôtre complète l'exposition de la doctrine du salut. Il rappelle aux fidèles de Rome les devoirs de ceux qui sont justifiés par la foi, devoirs qui résultent précisément de ce qu'ils ne sont plus sous la loi, mais sous la grâce. Il avait dit que les justifiés «marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit (Ch. VIII, 1);» il va nous apprendre ce que c'est que marcher de cette manière.

12: 1
§ 1607. Le grand motif qui détermine la conduite d'un enfant de Dieu, c'est la considération de la miséricorde qui lui a été faite. L'amour infini que le Père nous a témoigné et la réconciliation qu'il a opérée par le sacrifice de son Fils, sollicitent de notre part quelque chose d'analogue, et ce quelque chose le Saint-Esprit le produit en nous. Il ne saurait plus être question d'offrir à Dieu des victimes d'expiation, à côté de la grande victime dont le sang coula en Gethsémané et sur le Calvaire; mais il y avait, sous l'ancienne loi, des sacrifices d'actions de grâces, types de la consécration de nos personnes à celui qui nous a tout pardonné. Il faut que, saints sacrificateurs, nous lui offrions nos corps, et par là tout notre être, comme une victime vivante et non sanglante; sainte, d'une sainteté réelle et non conventionnelle; agréable à Dieu, c'est-à-dire acceptée de lui, étant offerte par la foi. Voilà ce qui constitue essentiellement le culte spirituel des rachetés, selon la Parole de Dieu, et, si vous y réfléchissez, rien n'est plus raisonnable.

12: 2
§ 1608. Cette entière consécration de nos âmes et de nos corps à Celui qui les a rachetés, ne peut se faire sans que nous rompions avec les principes, les maximes, les coutumes, le train de vie du présent siècle, généralement si contraires à la volonté de Dieu. Pour cela, il faut que nous soyons transformés par le renouvellement de notre entendement, ou régénérés; car, dans son état naturel, notre âme est toute au présent siècle, et nous ne saurions en venir à aimer ce que nous haïssions, à haïr ce que nous aimions, sans que notre être soit complètement changé. Or, ce qui constitue essentiellement en nous l'être moral, c'est la volonté: une volonté opposée à celle de Dieu, tant que nous ne sommes pas convertis. C'est donc seulement après notre conversion que nous pouvons connaître par expérience ce qu'est la volonté du Seigneur. Jusque-là, nous ne la faisons pas, et, parce que nous ne la faisons pas et qu'elle est en opposition avec la nôtre, elle nous déplaît souverainement. Mais une fois convertis et faisant la volonté de Dieu, nous ne saurions manquer de la trouver bonne, aimable et parfaite. Et si l'on s'étonnait que l'apôtre adressât une telle recommandation à des gens qu'il suppose évidemment changés, je ferais observer que notre rupture avec le monde et le renouvellement de notre cœur, ne sont, en aucun temps, tellement consommés qu'il ne reste plus rien à y ajouter.

12: 3-8
§ 1609. La pensée de l'Église était une de celles qui préoccupaient le plus notre apôtre. Nous l'avons vu dans toutes ses épîtres, et ce sujet ne pouvait manquer d'avoir sa place dans un traité de théologie tel que celui-ci. Le devoir de ceux qui sont justifiés par la foi étant de se consacrer entièrement à Dieu et de vivre d'une manière distincte de celle du monde, il résulte de ces deux faits qu'ils forment une société à part, une sainte assemblée qui manifeste par son existence même la présence de l'Esprit de Christ sur la terre. Or, s'il est indispensable, pour la gloire du Seigneur, que chacun de ses rachetés vive d'une vie sainte, il ne l'est pas moins que, dans leur capacité collective, ou en corps d'Église, ils donnent au monde le spectacle d'une société bien organisée. Le grand moyen pour cela, c'est que les membres de l'Église soient revêtus d'une véritable humilité et animés d'une charité sincère. Humbles, nous ne surferons pas notre valeur réelle: charitables, nous nous traiterons les uns les autres comme membres du même corps et ce ne seront pas les plus faibles que nous honorerons le moins. Humbles et charitables tout à la fois, il est clair que nous ne serons jamais l'occasion de scandales tels que ceux qui avaient affligé l'église de Corinthe.

12: 6-8
§ 1610. Il est nécessaire aussi, dans l'intérêt de l'ordre, que ceux qui ont reçu du Seigneur des dons spéciaux pour l'édification commune, puissent les exercer, qu'ils les exercent réellement et qu'ils n'exercent que ces dons, sans aspirer à une position et à une activité qui ne leur appartiennent pas. Encore sur ce point, il faut humilité et charité chez tous. À défaut de quoi, l’on verra des hommes (et souvent un seul homme dans une église nombreuse) s'arroger tous les emplois; parce que d'autres, peu soucieux du bien qu'ils pourraient faire, aiment mieux enfouir le talent qui leur est confié. Tout comme on en verra qui, par orgueil, ne voudront pas que personne ait, dans l'Église, aucune charge spéciale d'enseignement, d'exhortation, de présidence, d'administration.

§ 1611. Je rappelais tout à l'heure l'église de Corinthe, où l'orgueil avait fait tant de mal; ne remarquez-vous pas avec moi le silence que l'apôtre garde là-dessus, bien qu'il écrivît de cette ville même. Nouvelle preuve de sa charité. Quand il l'avait fallu, il s'était adressé directement aux coupables; mais parler défavorablement d'eux à d'autres qu'à eux, c'est ce que l'Esprit qui l'animait ne lui aurait pas permis.

12: 9-21
§ 1612. L'apôtre continue à diriger notre attention sur la charité et sur l'humilité, ces deux grands traits du caractère chrétien. Il entremêle son discours d'exhortations générales qui ne sont pas sans rapport avec son sujet spécial; toutefois ce n'est plus essentiellement en vue de l'ordre qui doit régner dans l'Église.

§ 1613. Aimer sans sincérité, ce n'est pas aimer. Se donner le nom de frères, se serrer cordialement la main, se faire de mutuelles protestations d'amitié, tout cela peut exister sans véritable affection. De plus, l'affection chrétienne ne peut réellement animer que des cœurs qui ont en horreur le mal, et qui se tiennent collés au bien. Tout se lie en morale. Celui qui s'adonne au péché peut avoir de vives passions, égoïstes et charnelles; mais aimer qui que ce soit et quoi que ce soit en Christ, c'est ce qui lui est impossible. Si nos cœurs, au contraire, ont été purifiés par la foi, cette même foi nous unit à tous les disciples du Sauveur par les liens d'une vraie fraternité; de là, une affection sincère, des prévenances et des égards mutuels, honnêteté qui n'est pas dictée par les convenances sociales, mais par l'amour; de là, un vif désir de se rendre utile et un grand empressement à se mettre au service d'autrui. Hélas! depuis Caïn jusqu'à nos jours, l'expérience démontre que la fraternité en Adam ne suffit pas pour unir les cœurs!

§ 1614. Dire que la vraie charité est inséparable de la pureté, c'est dire aussi qu'elle l'est de la piété. Comment aimer ses frères, aimer son prochain, tant qu'on n'aime pas Dieu! Aussi l'apôtre est-il conduit, par une liaison toute naturelle, à faire ici la peinture d'une âme pieuse. Être, dans ses relations avec Dieu, plein d'une sainte ferveur; se donner entièrement à lui, comme un esclave à son maître; se réjouir des espérances que sa Parole nous ouvre; souffrir avec patience les maux qu'il nous assigne; persévérer enfin dans la prière: tel est le propre d'une piété véritable. Et voyez comme tout cela se lie. Il n'y a que l'amour pour réaliser ces merveilles. Lui seul peut faire que, passionnés comme nous le sommes de liberté, nous nous livrions entre les mains de Dieu; que, si fort attachés au présent et répugnant si fort à toute douleur, nous puissions nous réjouir dans la souffrance, et, par cette joie, ne presque plus sentir nos peines; que, nous enfin, qui ne goûtons volontiers que la compagnie de ceux qui flattent nos passions, nous en venions à estimer au-dessus de tout, et à rechercher par nos prières la sainte société de Dieu! Et si nous aimons Dieu, comment n'aimerons-nous pas ceux qui sont nés de lui?

§ 1615. D'une exhortation à la piété, qui n'est autre que l'amour de Dieu, il est donc facile de revenir à l'amour des frères, ou de ceux que l'Évangile appelle les saints. Si nous les aimons, il est sûr que nous ne les laisserons pas dans le besoin. La bienfaisance et l'aumône rentrent ainsi dans la charité, bien que ce ne soit pas toute la charité (§ 1442). Les étrangers auront aussi part à notre affection, et quand ils se réclameront de nous, nous ne les repousserons pas: c'est le propre de l'hospitalité. Les hommes mêmes qui nous persécutent seront les objets de notre bienveillance: nous leur rendrons bénédictions pour malédictions; car, en général, le disciple de Jésus ne sait pas maudire. Du reste, nos cœurs doivent être animés d'une telle sympathie, qu'oubliant nos propres douleurs, nous sachions nous réjouir de ce qui fait la joie de nos frères, et qu'oubliant aussi nos sujets de joie, nous sachions pleurer avec ceux qui pleurent. Tout cela doit partir du cœur et ne pas consister en vaines grimaces, comme il arrive chez les gens du monde, si habiles à se déguiser. Que ce ne soit pas non plus cette sympathie qui n'est due qu'à un secret retour sur soi-même; égoïsme qui nous ferme le cœur, s'il s'agit de maux dont nous pouvons nous croire à l'abri, ou qui y soulève des mouvements d'envie, s'il s'agit de biens auxquels il nous semble que nous aurions autant de droit que personne.

§ 1616. La perfection de la charité, de la sympathie, de l'union des cœurs, consisterait à ce qu'il y eût entre tous, au milieu de différences extérieures inévitables, une parfaite communauté de pensées et de sentiments, surtout dans l'estime qu'on fait les uns des autres. L'acheminement à cet idéal, c'est encore l'humilité. Pour marcher d'accord avec un enfant, il faut qu'on se mette à son pas; pour être avec lui la main dans la main, il faut qu'on se baisse, car il ne saurait se hausser. Ne recherchons pas les choses que les hommes réputent élevées, grandes, magnifiques; tenons-nous plutôt parmi celles qu'ils appellent petites et qui sont humbles. Ne soyons pas fiers de notre prétendue sagesse; et, quant à la vraie, ne croyons pas qu'elle réside en nous seuls ou que nous en ayons la meilleure part. De cette manière, nos yeux, nos cœurs, nos mains se rencontreront plus aisément: car si tous s'élèvent, chacun voudra monter le plus haut; mais si tous s'humilient, un même niveau les trouvera prosternés la face contre terre.

§ 1617. Supposez donc un homme humble et charitable tout à la fois; impossible qu'il rende à quelqu'un mal pour mal: rappelez-vous David et Scimhi. Il aime trop son prochain et il a trop à cœur la gloire de Dieu, pour nourrir des intentions malveillantes, lors même qu'elles sembleraient se justifier par le mal qu'on lui a fait. Non content de cela, il s'efforce d'être en paix avec tout le monde. Ce n'est pas toujours possible, car nous ne devons pas acheter la paix aux dépens de Dieu et de nos devoirs; mais tout ce que la charité et l'humilité peuvent conseiller de renoncement à sa propre volonté, à ses propres intérêts, à son propre repos; tout ce qu'elles savent dicter de bons procédés, de support, de patience: tout cela doit être mis par nous en usage, afin d'avoir la paix avec tous les hommes. C'est pourquoi, nous nous garderons de toute vengeance, car ce serait accepter la guerre et la prolonger; au lieu de cela, nous laisserons agir la justice de Dieu, nous lui ferons place en quelque sorte, comprenant bien que la vengeance est une usurpation sur ses droits souverains. Loin donc de rendre le mal pour le mal, nous rendrons plutôt le bien pour le mal, et, de vaincus que nous paraissions, nous sortirons vainqueurs de cette lutte; nos ennemis se sentiront comme brûlés par notre amour, et à force de leur faire du bien, nous finirons peut-être par surmonter leur malveillance.

13: 1-5
§ 1618. Il n'est pas de devoir sur lequel la Parole de Dieu soit plus explicite que sur la soumission qui est due aux autorités civiles. «Rendez à César ce qui est à César,» avait dit notre Seigneur (§ 806). Ici, l'exhortation se formule en des termes plus généraux, afin qu'elle puisse s'appliquer à tous les temps et à tous les lieux. Dieu veut la société; celle-ci suppose un ordre établi, et l'ordre ne peut subsister que s'il y a quelque autorité qui le maintienne; condition d'existence tellement indispensable, que le plus mauvais gouvernement vaut mieux que l'absence de tout gouvernement, ou que ce qu'on appelle l'anarchie. C'est donc par la volonté de Dieu qu'il y a des autorités dans l'État. En conséquence, ceux qui résistent à l'autorité, résistent à l'ordonnance de Dieu; ils pèchent, et s'exposent aux coups de la justice divine. Le magistrat est établi pour réprimer le mal qui abonderait dans la société et la détruirait bientôt, s'il n'y avait des lois et des juges. Sous ce rapport, on peut dire avec le Saint-Esprit, que ceux qui gouvernent, quels qu'ils soient, sont serviteurs de Dieu pour le bien de tous. De là résultent deux choses: la première, que, si nous sommes des citoyens paisibles et soumis, nous n'aurons généralement rien à craindre de l'autorité; la seconde, que nous devons lui obéir, non pas seulement à cause de l'épée qui est en sa main, mais encore par motif de conscience, à cause de l'origine de son pouvoir. Mais si le prince, s'opposant à l'autorité divine, exige de nous le contraire de ce qu'elle veut, que ferons-nous? La réponse se trouve ailleurs (§ 1125). Et s'il nous persécute à cause de notre foi? Nous prierons pour lui; et, afin de surmonter le mal par le bien, loin de nous révolter, nous montrerons un véritable empressement à obéir en tout ce qui n'est pas immoral. Or, remarquez qu'au temps de l'apôtre, les Juifs subissaient le joug d'une puissance étrangère à laquelle plusieurs pensaient que la religion même leur ordonnait de se soustraire; les Romains de leur côté, n'avaient été délivrés de la tyrannie des Tibère, des Caligula et des Claude, que pour tomber sous celle d'un Néron.

13: 6-7
§ 1619. Ils étaient lourds aussi les impôts et les péages qui pesaient alors sur les ressortissants du vaste empire romain, et il y aurait eu immensément à dire, même au point de vue moral, sur l'emploi qu'on faisait des sommes énormes qui entraient dans le trésor public, ou enrichissaient les agents du fisc. Or, sans prétendre que des citoyens n'aient, dans aucun cas, à se faire rendre compte des deniers publics, ce que la politique moderne a introduit en maints royaumes, la Parole de Dieu exige que nous contribuions sans murmures aux charges de la société, et que nous voyions surtout le côté par lequel ces charges sont un vrai bien, puisque c'est par le produit des impôts et des péages que l'État pourvoit au maintien de l'ordre public. Non seulement nous paierons loyalement les impôts; mais, ce qui est souvent plus difficile, nous aurons pour ceux qui nous gouvernent la crainte et le respect qui sont dûs à leurs fonctions et à leur rang: c'est ainsi que nous leur rendrons tout ce qui leur appartient.

13: 8-10
§ 1620. Du reste, nous nous devons tous beaucoup, les uns aux autres, et il faut que nous ayons à cœur de nous acquitter envers chacun, sans rien redevoir à personne. Sur un point toutefois, nous ne nous estimerons jamais libérés. Plus nous aimerons nos frères, plus nous éprouverons le besoin de les aimer encore. Ou bien cela veut dire que pour nous acquitter envers notre prochain, il faut l'aimer; car celui qui aime, accomplit la seconde table de la loi, comme il est facile de s'en assurer par l'examen de chacun des commandements dont elle se compose. En général donc, l'amour est l'accomplissement de la loi. — Quelques personnes entendent le verset 8, comme si l'apôtre avait voulu interdire aux fidèles de contracter aucune espèce de dettes. Sans doute qu'emprunter pour se livrer à de folles dépenses à ou des spéculations hasardées, emprunter sans savoir de quelle manière on remboursera, emprunter enfin et se faire presser pour s'acquitter, bien qu'on soit dans l'aisance; rien de cela ne saurait se concilier avec les dispositions d'un disciple de Jésus-Christ, mais je doute qu'on ait là le vrai sens du passage.

13: 11-14
§ 1621. Pour rendre ses lecteurs sérieusement attentifs à ses exhortations, l'apôtre leur fait observer que c'était l'heure de veiller et non de dormir, parce que le salut était plus près d'eux que lorsqu'ils avaient cru. Le salut signifie ici la délivrance finale, l'entière rédemption de nos corps, au jour de la venue de Jésus-Christ (Ch. VIII, 23). Ainsi, ce que, dans le langage des hommes, on appelle La Mort, dans le langage de la foi, s'appelle Le Salut; et au lieu de dire, comme beaucoup de gens le feraient et comme cela est vrai en un certain sens (Jean IX, 4): Le jour s'en va et la nuit vient; le Saint-Esprit dit aux fidèles: La nuit tend à sa fin et le jour va luire! En effet, tandis que, pour le mondain, il n'y a de lumière que celle de la vie présente et qu'il n'y a que ténèbres au-delà du sépulcre; pour l'enfant de Dieu, c'est la vie présente qui est une nuit, en comparaison du grand et beau jour de la venue de Jésus-Christ, et de la glorieuse éternité qui doit suivre. Mais comme Paul le disait aux Thessaloniciens (§ 1289), il en résulte que le fidèle, véritable enfant de la lumière, doit éviter toute œuvre de ténèbres; non seulement la gourmandise, l'ivrognerie, le libertinage, l'impureté, œuvres d'iniquité qui se consomment généralement la nuit; mais encore les disputes, la jalousie et bien d'autres péchés non moins graves. Nous savons d'ailleurs qu'au jour de Christ, il faudra être trouvé revêtu et non pas nu (2 Cor. V, 3); or, c'est par la foi qu'on se revêt de la robe de noce, vêtement du salut qui ne saurait être autre chose que la grâce et les mérites de notre Seigneur Jésus-Christ. Enfin, puisque le principe du péché est dans le dérèglement de nos désirs, il s'agit de nous surveiller nous-mêmes à cet égard. Ne regardons pas comme un bonheur de pouvoir toujours nous satisfaire, et ne craignons pas les privations par lesquelles les convoitises de notre chair sont mises sous une utile et sévère discipline.

14: 1-23; 15: 1-4
§ 1622. C'est ici la quatrième fois, je pense (§§ 1420, 1427, 1433), que l'apôtre revient sur un devoir dont la valeur résulte de l'insistance même qu'il y met. Il faut dire que personne n'était mieux placé pour le recommander, non seulement parce qu'il eut souvent l'occasion d'appuyer de son exemple le précepte, mais encore parce qu'il s'en faut de beaucoup qu'il fût un de ces faibles qu'il recommandait à la condescendance de leurs frères. Par les faibles en la foi, il entend ici, comme ailleurs, ceux qui, comprenant difficilement les principes de la liberté chrétienne, ne pouvaient se faire à l'idée que ce qui avait été déclaré impur par la loi de Dieu (certains aliments par exemple), pût cesser d'être impur, ni que les choses jadis saintes, selon cette même loi, n'eussent pas conservé une sainteté particulière. Il faut bien considérer ce point, afin qu'on ne pense pas qu'il eût envisagé comme une simple faiblesse, d'estimer, par exemple, qu'on peut en certaines occasions haïr ses ennemis, ou se soulever contre l'autorité, ou avoir quelque indulgence pour ses penchants charnels. Mais avec une foi vraie, vive et sainte, avec une foi sur bien des points fort éclairée, on peut conserver des faiblesses du genre de celles que Paul avait en vue; comme serait parmi nous l'importance qu'on attache à certains jours de fête, aux murs des temples, au costume des officiants, au chant des psaumes ou à celui des cantiques, à l'usage des liturgies dans le culte, faiblesses d'autant moins excusables qu'il n'y a pas ici de loi de Dieu à alléguer pour leur défense, mais faiblesses néanmoins qu'il faut savoir ménager.

§ 1623. Au surplus, ces faiblesses des fidèles ne peuvent porter, on le conçoit, que sur des choses pour lesquelles il n'y a ni injonctions, ni prohibitions expresses du Seigneur. L'apôtre en cite deux qui consistaient, l'une à ne se nourrir que de légumes, plutôt sans doute que de s'exposer à manger des viandes consacrées aux idoles; l'autre, à estimer certains jours particulièrement saints, selon des ordonnances antérieures qui n'avaient pas été formellement révoquées par Jésus-Christ. Il suppose d'ailleurs évidemment que ces erreurs, légères en soi, n'étaient pas aggravées par l'erreur judaïsante au sujet de laquelle il avait dû écrire aux Galates toute une lettre. Ce n'était pas pour pouvoir être sauvés que ceux-là ne mangeaient pas de viande, et que ceux-ci jugeaient un jour au-dessus de l'autre. Ils croyaient tous être par là plus agréables au Seigneur qui les avait rachetés. C'est un premier point qu'il faut noter soigneusement; car si nous devons, dans une certaine mesure, condescendre aux infirmités de tout le monde, il s'agit surtout de condescendre à celles de nos frères en la foi. Ainsi, lorsque dans une église composée généralement de gens pieux, bon nombre d'entre eux tiendraient, par faiblesse de foi, à certaines pratiques non expressément contraires à l'Évangile, il serait bon d'user envers eux du support que recommande l'apôtre; mais si le maintien de ces pratiques était réclamé par une multitude ignorante et incrédule, dans l'intérêt de ses habitudes hypocrites et formalistes, il y aurait certainement de tout autres devoirs à remplir.

14: 1-3
§ 1624. Cela posé, nous ne devons faire aucune difficulté de recevoir dans l'Église ceux qui ont des faiblesses compatibles avec la foi, de leur ouvrir nos maisons, de leur témoigner en toute rencontre que nous les tenons pour frères, d'y mettre même un empressement particulier, évitant surtout d'entrer avec eux dans des disputes d'opinions, comme dit l'apôtre. Non que nous ne devions chercher à les éclairer s'ils nous questionnent ou si l'occasion s'en présente naturellement; mais il ne faut pas nous croire obligés de les amener à nos convictions, comme si les différences qui nous séparent étaient fort essentielles. Après quoi, nous devons éviter de mépriser celui qui est faible en la foi, comme il lui est interdit, à son tour, de condamner ceux qui, plus éclairés, ne se font pas les mêmes scrupules que lui.

14: 3-12
§ 1625. Les motifs à en agir ainsi, sont d'un ordre très élevé. Si nous devons accueillir les faibles, c'est que Dieu lui-même les a reçus; et si le faible ne doit pas juger le fort, c'est que celui-ci a pour maître le Seigneur. Est-il à blâmer de ce qu'il marche d'un pas ferme dans le service de son maître? Serait-il avantageux à la gloire du Seigneur que tous ses serviteurs fussent également faibles? Ne doit-on pas s'attendre plutôt qu'il rendra les forts plus forts encore. La grande raison d'ailleurs pour que des frères se supportent, c'est que les uns et les autres agissent par la foi, bien qu'avec des lumières différentes; c'est qu'ils ont, les uns et les autres, réellement à cœur de faire ce qui est agréable au Seigneur; c'est qu'ils sont à lui et dans la vie et dans la mort, à lui qui s'est donné pour chacun d'eux et qui a repris la vie pour dominer sur tous; c'est enfin parce que juger nos frères, c'est empiéter sur les droits judiciaires du Seigneur, et oublier que le plus fort même a des faiblesses dont il rendra compte à Dieu.

14: 13-23
§ 1626. Là ne se bornent pas nos devoirs envers les faibles: il faut de plus que nous évitions de leur être une occasion de péché, ou en les contristant pour des choses au fond assez indifférentes, ou en leur faisant faire, à notre exemple, des démarches que leur conscience condamnerait. Dans l'un et l’autre cas, il y a manque de charité, et, autant qu'il est en soi, l'on pousse à sa perte une âme pour laquelle le Seigneur mourut; dans l'un et l’autre cas, on expose au blâme une chose bonne au fond, je veux dire la liberté des enfants de Dieu; dans les deux cas enfin, l'on oublie que ce qui fait l'essence des privilèges du royaume de Dieu, ce n'est pas la liberté de faire ou de ne pas faire, mais la justice, la paix et la joie, fruits du Saint-Esprit; ceci doit aller avant tout. Il sera donc à la fois agréable à Dieu et approuvé des hommes, celui qui, renonçant par condescendance à sa liberté, dans les choses où il est réellement libre, montre sa soumission au Seigneur, par cette condescendance même, afin de procurer la paix et l'édification de l'Église, objets d'une importance suprême. En agir autrement, c'est pécher d'une façon très positive. Mieux vaudrait ne jamais manger de viande, ne jamais boire de vin, que d’être une occasion de chute à ses frères; car, en définitive, il n'est point ordonné de manger de la viande ni de boire du vin: ceci rentre dans les choses permises, dont on doit s'abstenir si elles n'édifient pas.

§ 1627. Il faut donc savoir, à l'occasion, faire le sacrifice de sa foi; par où l'on ne saurait entendre ici que certaines persuasions au sujet de ce qui est permis ou non. Celui qui mangeait librement de la viande sans s'informer si elle avait été consacrée aux idoles, croyait qu'en Jésus-Christ toutes choses sont pures, c'est-à-dire, que sous l'Évangile nul aliment n'est souillé, et il avait raison de le croire. Mais suivant les cas, il devait réserver pour lui ses convictions, garder sa liberté devant le Seigneur, et en faire le sacrifice dans l'intérêt de ses frères, s'il ne voulait s'exposer au jugement de Dieu. Il est clair du reste que, dans le doute, il faut s'abstenir; car, en matière pareille, tout ce qui ne se fait pas avec une entière persuasion, ou, comme dit l'apôtre, «avec foi,» est péché. Maxime qui, même en la généralisant, demeure vraie; puisque elle revient à dire que celui qui est dans la chair ne saurait plaire à Dieu.

15: 1-4
§ 1628. En résumé donc, il faut que celui qui est fort, loin d'écraser les faibles de sa supériorité, sache, porter leurs infirmités et, en vue de leur édification, renoncer à ce qui lui serait agréable. Dans ces questions de liberté chrétienne, nous nous laissons fort souvent conduire par ce qui nous plaît, bien plus que par le désir de glorifier le Seigneur. Mais combien cela n'est il pas indigne d'un disciple de ce Jésus, qui, loin de chercher sa propre satisfaction, a tout quitté et tout souffert pour nous; lui, le Tout-Puissant, pour nous qui, par nature, ne sommes pas des faibles en la foi, mais des méchants et des impies (§ 1562). À ce sujet, l'apôtre emprunte d'un Psaume une citation bien significative (LXIX, 9), et il termine ses instructions par quelques mots d'une grande importance: «Toutes les choses qui ont été écrites auparavant, l'ont été pour notre enseignement, afin que par le moyen de la patience et de la consolation des Écritures, nous possédions l'espérance».


CCCVII. Conclusion de l'Épître; vœux et salutations.


§ 1629. Avant de passer outre, résumons le traité théologique dont nous venons de faire l'étude. Tous étant pécheurs, nul ne saurait être juste autrement que par la foi; c'est ce qui a d'abord été nettement établi par l'écrivain inspiré. Puis, ayant exposé et démontré la doctrine de la justification par la foi, il a parlé des privilèges du pécheur, justifié et réconcilié de la sorte avec Dieu. Cela fait, il a montré que la doctrine du salut gratuit n'est point en contradiction avec les prérogatives de l'ancien peuple. Il vient enfin de tracer le tableau des dispositions morales du fidèle, dispositions qui consistent essentiellement dans l'humilité et dans la charité, jointes à des mœurs pures. Sans toucher aux détails de la vie, il nous a cependant montré les fidèles tour à tour membres de l'Église et de la société civile; puis il nous a dit de quelle manière ils doivent se conduire les uns envers les autres, relativement à certains

15: 5-7
§ 1630. Ainsi, l'apôtre venait de parler de la patience et de la consolation que donnent les Écritures; de là, il passe à exprimer le vœu que le Dieu de la patience et de la consolation donne aux fidèles de Rome cet amour, ce bon accord dont il les avait entretenus, afin qu'étant tous un en Christ, ils glorifiassent d'une même bouche le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, et qu'ils se fissent accueil les uns aux autres, de même que le Christ les avait pris à lui pour la gloire de Dieu. Ce vœu si excellent, qui nous montre de nouveau tout ce qu'il y avait de charité dans le cœur de Paul, nous rappelle en même temps deux grandes doctrines morales: l'une, l'importance de l'union entre les disciples de Jésus-Christ; l'autre, le devoir de se proposer toujours pour but la gloire de Dieu.

15: 8-13
§ 1631. C'est aussi la gloire de Dieu, et notamment la gloire de sa vérité ou de sa véracité, que Jésus-Christ a eu en vue, lorsque, se mettant au service de la circoncision, c'est-à-dire des Juifs, il est venu ratifier, accomplir les promesses faites à leurs pères, tout en accomplissant également les paroles des prophètes qui annonçaient la miséricorde dont les nations deviendraient les objets. Dans une de ces prophéties, le Christ lui-même se présente comme voulant confesser le nom de l'Éternel parmi les nations (Ps. XVIII, 49); dans deux autres, ces mêmes nations sont invitées à louer l'Éternel (Deut. XXXII, 43; Ps. CXVII, 1); la quatrième exprime nettement quel est celui auquel sera donné le gouvernement des nations et en qui elles mettront leur espérance, savoir un descendant de Jessé, ou d'Isaïe (Ésaïe XI, 1, 10). Toutes ces promesses s'étant fidèlement accomplies par Jésus-Christ, l'apôtre exprime le vœu qu'elles s'accomplissent en chacun de ceux auxquels il écrivait, et j'invite mes lecteurs à transformer ce vœu en prière. 0 Dieu de l'espérance, daigne remplir mon cœur de toute paix et de toute joie dans la foi, pour que j'abonde dans l'espérance, par la puissance de l'Esprit saint! Amen.

15: 14-32
§ 1632. Il paraît que Paul avait les meilleurs renseignements sur l'église de Rome. Il ne doutait pas que les frères ne fussent pleins de bonté les uns envers les autres, qu'ils n'eussent une grande connaissance de la vérité et qu'ils ne fussent en état de s'avertir et de s'exhorter mutuellement, trois choses qu'on ne trouve plus guère dans ce qu'on appelle de nos jours l'Église de Rome et qu'on serait bienheureux de voir dans toutes les églises fondées sur le pur Évangile. Si donc Paul écrivait aux Romains, ce n'était pas qu'il les crût peu favorisés des grâces de Dieu; mais, en sa qualité d'apôtre des nations, il avait une mission spéciale auprès d'eux. Jusqu'à ce jour, ses travaux avaient été bénis au-delà de tout ce qu'il aurait pu imaginer; car, sans être jamais allé où d'autres apôtres avaient annoncé l'Évangile, il avait eu la joie de le prêcher dans une foule de lieux, depuis Jérusalem jusqu'en Illyrie (§ 1516). Il ne restait plus aucune de ces contrées qui n'eût été plus ou moins évangélisée par lui. Des bords de l'Adriatique où il était parvenu, ses regards et son cœur s'étaient portés plus à l'ouest encore, et maintenant tout son désir était de pousser jusqu'en Espagne, c'est-à-dire jusqu'au bout du monde occidental, selon les connaissances géographiques de ce temps. Ses nombreux travaux l'avaient empêché de voir Rome, mais il comptait bien y passer quand il irait en Espagne et même y prendre avec lui quelques frères. Pour le moment, il retournait à Jérusalem, porteur de la collecte qu'on avait faite en Macédoine et en Achaïe. Il avait toutefois le pressentiment que ce nouveau voyage en Judée ne serait pas sans péril pour sa personne, et il demande instamment à ses frères de combattre avec lui dans leurs prières à Dieu, pour qu'il ne tombât pas sous les coups des Juifs incrédules, qu'il pût au contraire se rendre chez eux avec joie et y trouver quelque repos, si telle était la volonté du Seigneur. Nous verrons dans nos prochaines Études, comment le désir de l'apôtre fut satisfait.

15: 33
§ 1633. Un vœu tout semblable aux précédents sort ici du cœur de l'apôtre: «Que le Dieu de la paix soit avec vous tous!» Ce verset, rapproché des versets 5 et 13, nous présente Dieu, comme le Dieu de la patience et de la consolation, le Dieu de l'espérance, le Dieu de la paix: tel est le Dieu de l'Évangile. Ne l’oubliez jamais, ô vous, avec qui j'ai le bonheur de m'entretenir de ce Dieu plein de grâces et d'amour! Approchez-vous de lui par Jésus, demandez-lui continuellement le Saint-Esprit, et vous saurez par expérience tout ce qu'on trouve en lui de patience, de consolations, de paix et d'espérance.

16: 1-15
§ 1634. Après avoir recommandé aux fidèles de Rome la sœur par l'intermédiaire de laquelle il leur envoyait sa lettre, Paul les charge de ses salutations pour vingt-quatre personnes, sans compter plusieurs autres qu'il salue collectivement. Il y avait à Rome, capitale de l'empire, des hommes originaires de tout pays, et, bien que Paul n'y fût point encore allé lui-même, il n'est pas étonnant qu'il y connût assez de monde. Il se peut d'ailleurs qu'il y en eût, parmi ceux qu'il nomme, dont il avait simplement entendu parler. Après cela, si nous avons ici plus de salutations que dans les lettres écrites aux églises de Thessalonique, de Galatie et de Corinthe, cela s'explique par la raison même que ces églises lui étaient personnellement connues et que son cœur l'aurait porté à saluer tous les frères, nom par nom. À Rome, au contraire, il ne blessait personne en ne nommant que ceux avec lesquels il avait quelques relations.

§ 1635. Parmi eux, vous remarquerez Priscille et Aquilas, ces époux chrétiens que nous avons vus à Corinthe et à Éphèse et qui, maintenant, étaient retournés à leur premier établissement de Rome, l'édit de Claude ayant pris fin avec son auteur (§§ 1258, 1259). Vous remarquerez aussi le nom d'Epainète, le premier de ceux qui avaient embrassé l'Évangile en Achaïe, comme Stéphanas avait été le premier qui l'eût reçu à Corinthe (Cor. XVI, 15); puis les noms d'Andronicus et de Junias, parents de Paul, convertis avant lui et ses compagnons de captivité dans une occasion dont le livre des Actes ne parle pas, non plus que de celle où Aquilas et Priscille avaient exposé leur vie pour Paul. Plus bas, vous avez Rufus, qu'on croit être le fils de ce Simon de Cyrène qui porta la croix de Jésus (Marc XV, 21) et dont la femme avait été pour Paul une seconde mère, dans le temps peut-être qu'il faisait ses études à Jérusalem.

§ 1636. Il est d'ailleurs deux choses à observer ici; d'abord les conquêtes que l'Évangile avait faites à Rome, puisqu'il s'y trouvait plus d'une assemblée de frères, ce qu'on voit par le commencement du verset 5; ensuite, le grand nombre de femmes auxquelles l'apôtre rend le témoignage de s'être donné beaucoup de peine dans l'intérêt du Seigneur. Ainsi, bien que les femmes ne soient pas appelées à prêcher la Parole de Dieu dans les assemblées, elles ne sont pas privées néanmoins du glorieux privilège de gagner des âmes à Jésus-Christ: elles y ont même une vocation spéciale; car l'exposition de la vérité qui sort d'une foi simple et d'un cœur pénétré, modeste et affectueux, est toujours celle qui porte le plus de fruits.

16: 16
§ 1637. À ses propres salutations, l'apôtre fait succéder celles des églises avec lesquelles il était surtout en rapports. Il leur avait dit l'intention qu'il nourrissait de visiter aussi l'église de Rome, et elles l'avaient chargé de lui témoigner l'intérêt unanime des frères. Cet intérêt, est-il nécessaire de le dire, ne reposait pas sur ce que l'église de Rome fût alors, comme elle en eut plus tard l'absurde et coupable prétention, la mère et la maîtresse de toutes les églises, ni même sur ce qu'elle fût devenue le prétendu siège épiscopal de l'apôtre Pierre. Cet intérêt se rattachait plutôt à son isolement. Si Pierre s'y était trouvé à cette époque, comment se ferait-il que l'apôtre ne l'eût pas salué? et s'il y avait été précédemment, Paul aurait-il pu regarder comme si nécessaire qu'un apôtre la visitât enfin (Rom. I, 11)? Toutefois, par sa position même au centre de l'empire, l'église de Rome attirait l'attention des autres églises, et nulle peut-être n'avait plus de part aux prières de tous: il n'y avait pas même besoin pour cela de prévoir l'horrible persécution qui sévit contre elle quelques années ensuite, ou l'orgueil plus horrible encore qui fit plus tard de ses évêques, le fléau de l'église et de l'humanité.

16: 17-20
§ 1638. À ce moment au contraire, les frères de Rome marchaient de manière à édifier toutes les églises. Cela n'empêche pas que l'apôtre ne les prémunisse contre les dangers dont leur foi pouvait se voir menacée par les paroles flatteuses et les beaux discours de gens, qui, esclaves de leurs passions, essaieraient tôt ou tard de les entraîner dans le désordre et de leur enlever la saine doctrine. Or, ce qu'il leur commande, c'est de se détourner de tels hommes, comme c'est notre devoir à nous-mêmes en pareil cas. Notre devoir aussi est d'être «sages quant au bien et simples quant au mal»; c'est-à-dire de mettre notre sagesse à faire ce que Dieu veut, d'y déployer toute notre intelligence, notre sagacité, notre savoir-faire; quant au mal, de nous en éloigner purement et simplement, sans tant de réflexions et de délibérations. C'est par là qu'on remporte de grandes victoires sur Satan, en attendant le glorieux jour de la venue de Jésus-Christ, où le Dieu de la paix l'écrasera sous les pieds des fidèles. Grande et consolante promesse! Mais si la paix ne vient qu'après la victoire, la victoire elle-même suppose le combat; et j'ajoute, en suivant la pensée de l'apôtre, que, pour combattre avec succès, il faut que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec nous.

16: 21-23
§ 1639. Ici viennent les salutations de quelques disciples de Paul, soit qu'ils fussent avec lui dans ce moment, soit que, connus de certains frères de Rome, ils l'eussent chargé de les saluer de leur part, quand il les verrait ou leur écrirait. D'abord, c'est Timothée, le compagnon habituel des travaux de Paul; puis ses parents, Lucius, Jason et Sosipater: Lucius, qui est peut-être un des docteurs d'Antioche dont il est fait mention, Actes XIII, 1; Jason, qui ne saurait être celui que nous avons vu à Thessalonique. à moins que des affaires ne l'eussent appelé à Rome (Act. XVII, 5); Sosipater enfin, dont le nom ne paraît qu'en cet endroit-ci. Ensuite, nous avons Tertius, le frère à qui Paul avait dicté cette longue lettre, et qui n'est autre, selon toute apparence, que Silas, l'ancien collègue de Paul, autrement dit Sylvain (§ 1272). Son nom hébreu voulait dire Troisième, en latin Tertius. Écrivant à des Romains, on s'explique qu'il ait eu l'idée de traduire son nom dans leur langue maternelle, bien qu'il leur écrivit en grec, idiome généralement répandu. Les derniers noms qui se présentent ici, sont ceux de Gaïus, ou Caïus, non pas celui qui est mentionné Act. XIX, 29 et XX, 4, mais celui que Paul avait jadis baptisé à Corinthe (1 Cor. 1,1 4); d'Éraste, qui avait été momentanément à Éphèse auprès de Paul (Act, XIX, 22) et qui, bien que converti, occupait un emploi civil au milieu des païens de Corinthe; de Quartus enfin, sur lequel nous ne connaissons rien de particulier.

16: 24-27
§ 1640. Mais Paul ne saurait se séparer de ceux auxquels il écrit, sans reproduire, pour la quatrième ou cinquième fois, l'expression des vœux que sa charité adressait au Dieu de toute grâce, savoir à notre Seigneur Jésus-Christ; puis il élève son âme vers ce même Dieu pour lui rendre la gloire qui lui est dûe. En le faisant, il rappelle indirectement plusieurs grandes vérités dont je demande à Dieu de pénétrer l'âme de mes lecteurs. S'ils sont dans la foi maintenant, qu'ils comprennent bien que celui qui la leur a donnée peut seul les y affermir et qu'il le fait au moyen de cette même Parole de grâce par laquelle ils ont été convertis. Arrivés à la fin de mes Études sur cette importante Épître, ils éprouveront donc, comme moi, le besoin qu'éprouva l'apôtre, après l'avoir dictée, celui de bénir Dieu de ce qu'il a révélé, dans l'accomplissement des temps, le grand mystère de son amour, et de ce qu'il en a fait parvenir la prédication jusqu'à nous, à nous postérité, non d'Abraham, mais de nations si longtemps plongées dans l'idolâtrie. Enfin, ils comprendront toujours plus, que si la Parole de la foi nous est prêchée, c'est pour que nous la recevions en des cœurs obéissants. Par là nous serons en état de joindre notre voix à celle de tous les saints, pour dire avec l'apôtre: «A Dieu seul sage, par Jésus-Christ, soit la gloire éternelle. Amen!»


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