Texte: Exode XXX. 10.
Mais Aaron fera une fois l'an la propitiation sur les cornes de cet autel. Il fera donc la propitiation une fois l'an sur cet autel dans vos âges, avec le sang de l'oblation pour le péché, faite pour les propitiations. C'est une chose très sainte à l'Éternel.
M. T. C. F.
Voici
l'époux
qui vient, sortez au-devant de lui;
telle
est
la voix qui dans une des dernières paraboles de Jésus est
adressée aux vierges assoupies. Alors,
est-il
dit,
ces vierges se levèrent
toutes et préparèrent leurs lampes
(Matthieu
25: 6-7).
Il y a quelque chose de semblable dans les usages de nos
églises. En voyant approcher l'anniversaire de la mort et de la
résurrection du Seigneur, nous avons coutume de vous crier en
quelque sorte: Voici
l'époux
qui vient, sortez au-devant de lui;
de
vous
préparer à ces moments par la méditation des souffrances de
Christ, par la considération de leur but et de leurs
conséquences, afin de faire naître en vous, moyennant la grâce
de Dieu, des sentiments de repentance, de
componction,
de foi, d'espérance, de reconnaissance et de charité.
Il me paraît qu'entre les diverses manières de
nous préparer, il en est une que nous ne devons pas non plus
négliger; c'est
celle
que Dieu lui-même a employée par rapport à son peuple, celle par
laquelle il a préparé de loin, amené, fait naître, et
successivement développé la grande pensée de la rédemption ou du
rachat des âmes; je veux parler des types et des figures de
l'ancienne loi. C'est pourquoi je désirerais aujourd'hui vous
faire sentir les rapports de la grande fête des expiations, avec
les pensées dont nous sommes appelés à nous entretenir
maintenant d'une façon particulière.
***
Notre
texte
nous parle d'un autel sur
les
cornes duquel la propitiation devait se faire une fois par
année.
Pour comprendre ce que l'on peut dire là-dessus, il faut se
représenter le tabernacle comme une grande cour entourée de
tentures suspendues à des colonnes; il faut se représenter cette
place partagée en trois compartiments; l'un, le plus petit,
entièrement couvert et fermé par un voile, appelé le lieu très-saint
ou
le Saint des saints, où
se
trouvait l'arche de l'alliance; le second, attenant à celui-ci,
aussi couvert, appelé le
lieu saint, mais
plus
grand, où se trouvait l'autel
des
parfums; et
enfin
le troisième et le plus grand, à nu sous la voûte des cieux,
appelé le parvis,
où se trouvait l'autel des holocaustes.
Dans tous les sacrifices pour le péché, le Sacrificateur apportait le sang devant le voile du Sanctuaire et sur les cornes de l'autel des parfums (Lévitique 4: 6-7). Mais il est parlé dans notre texte du sang de l'oblation pour le péché, faite pour les expiations, de l'oblation annuelle pour le péché faite au nom de tout le peuple d'Israël, au grand jour des expiations; solennité et cérémonie distinguée des autres par ces paroles: c'est une chose très-sainte à l'Éternel.
Cela
posé,
transportez-vous par la pensée, M. B. A. F., dans la terre de Canaan
auprès de ce tabernacle, de ce temple de toile, le premier temple
élevé à la gloire de l'Éternel, au mois de Tisri qui répond à notre
mois de septembre, au dixième jour du mois (Lévitique 23:
27).
Voyez dans le parvis et autour du parvis, à travers les tapisseries
duquel le regard des fidèles pouvait suivre les cérémonies, parce
qu'elles étaient en forme de rets ou de filets, voyez, dis-je, dans
ce parvis et autour de ce parvis rangée, une foule immense d'hommes
attristés par leurs péchés et par le jeûne, frappés du sentiment de
la présence de Dieu, et attendant en silence l'apparition du
Souverain Sacrificateur.
Les chefs du
peuple sont en tête avec deux victimes, deux
jeunes
boucs, objets
particuliers
de la cérémonie et de l'attention des assistants, parce qu'ils
sont offerts au nom de toute l'assemblée (Lévitique
16: 5: 4: 15) Un veau, un bélier et sept agneaux sont là comme
dans les autres fêtes de l'année (Nombres 29: 8).
Pendant ce temps-là, dans le pavillon, dans les lieux saints, le
Souverain Sacrificateur se lave et s'habille. Puis il paraît,
non point comme à l'ordinaire avec ses vêtements brillants d'or,
de pourpre et de pierreries; mais comme un simple sacrificateur.
Des vêtements blancs, une tunique, des caleçons, une ceinture et
une tiare de lin (Lévitique
16: 4-5) composent tout son costume. Il s'avance, il reçoit de
l'assemblée les deux
jeunes boucs pour le péché et le bélier pour l'holocauste,
et
les
remet entre les mains des lévites (Nombres
8: 19) pendant les préparatifs de la cérémonie.
Alors, avant que d'en venir à l'offrande qu'il doit faire à l'Éternel de la part du peuple, il offre lui-même un veau, pour ses propres péchés et pour ceux de sa famille (Lévitique 16: 6). Après l'avoir égorgé et offert, il prend un encensoir, le remplit de feu, y met à pleines mains devant l'Éternel le parfum sacré, soulève le Voile mystérieux derrière lequel il ne lui est permis d'entrer qu'une fois l'année, y dépose l'encensoir, et remplit ainsi ce lieu très-saint de la fumée du parfum. Et il mettra, dit Moïse, le parfum sur le feu devant l'Éternel, afin que la fumée Au parfum couvre le propitiatoire, qui est sur le témoignage, c'est-à-dire, le couvercle sacré de l'arche, sur lequel Dieu manifestait particulièrement sa présence, et ainsi il ne mourra point (Lévitique 16: 13).
C'est
dans
ce lieu sombre et redoutable, mais rempli de la fumée qui le
rassure, lui rappelant la promesse de Dieu, que le Souverain
Sacrificateur apporte le sang de la victime qu'il a offerte pour
lui-même, et qu'il en fait aspersion sept fois sur le propitiatoire.
Le voilà
prêt à s'acquitter de sa mission. Il revient, intercesseur du
peuple, fait avancer les jeunes boucs, et jette le sort sur, eux
l'un pour l'Éternel, l'autre
pour
Azazel.
La victime destinée à l'Éternel est immolée, et le Souverain Sacrificateur absolument seul dans le lieu saint et le sanctuaire, vient faire pour le peuple une seconde aspersion sur le propitiatoire. Et il fera, dit la loi, expiation pour le sanctuaire, en le nettoyant des souillures des enfants d'Israël, et de leurs forfaits et de tous leurs péchés. Et il fera la même chose au tabernacle d'assignation, c'est-à-dire, au lieu saint, qui est avec eux au milieu de leurs souillures, puis il fera l'expiation pour l'autel qui est devant l'Éternel, et prenant du sang du veau et du sang du bouc, il les mettra sur les cornes de l'autel tout autour, et il fera aspersion du sang avec son doigt sept fois sur l'autel, et le nettoiera et purifiera des souillures des enfants d'Israël (Lévitique 16: 16-19).
Ces
expiations
achevées, commençait la seconde partie de la cérémonie. Le
Sacrificateur, sorti du tabernacle, revient se placer sous les
yeux de l'assemblée, fait approcher le bouc vivant, et mettant
ses deux mains sur la tête de l'animal dévoué à Azazel,
il confesse sur lui toutes
les iniquités des enfants d'Israël et tous leurs forfaits, selon
tous leurs péchés; il les met sur la tête du bouc, et l'envoie
au désert par un homme exprès
(Lévitique
16:
21).
L'animal, chargé de toutes
ces iniquités, suit
les
pas du fonctionnaire qui le conduit et l'abandonne au désert.
Là-dessus, le grand-prêtre rentre au tabernacle d'assignation, quitte les vêtements ordinaires, et se lave de nouveau dans le lieu saint, puis il reparaît aux yeux du peuple dans le costume qui lui est propre, ayant l'éphod tissu d'or et de diverses couleurs, le rochet de pourpre, le pectoral avec les noms des enfants d'Israël graves sur des pierreries, la ceinture, la tiare ornée d'une lame d'or pur avec cette inscription: La Sainteté à l'Éternel (Exode 28: 36). C'est alors qu'il termine les sacrifices en offrant son holocauste et l'holocauste du peuple, et en faisant fumer sur l'autel la graisse du sacrifice pour le péché (Lévitique 16: 24-27).
Enfin, on tire hors du camp le veau et le bouc offerts pour le péché, dont le sang a été porté dans le sanctuaire, pour y faire propitiation, et on brûle au feu leur peau, leur chair et leurs excréments. La fête se termine par le retour de celui qui a été chargé de cet office et de celui qui a conduit le bouc pour Azazel au désert; l'un et l'autre rentrent dans le camp, après avoir lavé et leurs corps et leurs vêtements; puis l'assemblée s'écoule.
***
Si
vous
eussiez été témoins de cette solennité, M. F., qu'auriez-vous pensé?
La première
impression que vous en auriez reçue, c'est que cette fête
n'était pas la célébration de quelque souvenir historique, la
commémoration de quelque triste évènement, mais qu'il s'agissait
des hommes alors vivants et présents. Vous auriez facilement
démêlé à travers toutes ces cérémonies deux idées dominantes, le
péché
et
l'expiation. Vous
auriez
reconnu les symptômes de cette maladie de l'âme, dans l'aspect
sévère de ce qui se passait, dans la tristesse, dans le jeûne,
dans la mort des victimes; et votre pensée aurait été confirmée
par la confession faite sur la tête du bouc destiné à Azazel.
Vous auriez reconnu en même temps dans les ablutions, dans le
parfum, dans l'aspersion du sang, dans l'envoi de l'animal au
désert, la pensée d'un remède à cette maladie.
Mais
en
y réfléchissant vous vous seriez dit à vous-mêmes: «Voici un culte
institué de Dieu. Où peut-il mener ceux qui s'en acquittent?
Quelle paix peut-il donner à leur âme?
Quelle réalité y a-t-il là-dessous?
Peut-on par quelques gouttes de sang, portées dans un lieu sacré,
effacer tant de péchés et de misère?
Peut-on s'en nettoyer en lavant son corps et ses vêtements?
Peut-on par une simple confession, par un simple acte de la volonté,
faire passer tant d'iniquités sur la tête d'un animal absolument
étranger et indifférent à tout ce qui se passe?
Cet animal, conduit dans le désert, peut-il y emporter ce
fardeau?»
Si
nous
consultons l'un des docteurs de ce même peuple (Maïmonides), il
nous dira: «Personne ne croit que les péchés soient un fardeau de
telle nature, qu'on puisse en décharger ses épaules pour en
charger celles d'autrui. Mais toutes ces pratiques étaient
paraboliques, pour inspirer la crainte aux hommes et les convertir
par là.»
Si nous consultons les mêmes
livres sacrés qui prescrivent toutes ces observances, ils nous
disent de la part du Maître de la terre: Mangerais-je
la chair des gros taureaux, et boirais-je le sang des boucs
(Psaume 50:
13)? En
sorte
que si cette cérémonie n'était pas une image, un type, qui
représentait une autre délivrance, elle aurait été à la fois
absurde, immorale et impie.
Des
pratiques
semblables chez un peuple qui attendait un Libérateur, un
libérateur né de la femme qui devait remporter la victoire sur le
Malin, tendaient à diriger les pensées des vrais adorateurs vers
l'avenir. Et c'est par la foi qu'ils avaient aux promesses de
Dieu, dont ils ne voyaient pas encore l'accomplissement, que ces
sacrifices étaient acceptés comme des réalités et pouvaient faire
propitiation pour eux. Aussi avons-nous de sûrs indices que
quelques fidèles avaient lié l'image à la réalité qu'ils
attendaient.
Le Messie se présentait à eux
tantôt comme Sacrificateur, tantôt comme victime. C'est ainsi
que le Psalmiste, s'adressant au Messie, qu'il appelle son Seigneur
lui
dit:
L'Éternel l'a juré et il
ne s'en repentira point, que tu es Sacrificateur à toujours,
selon l'ordre de Melchisédec (Psaume 110:
4).
C'est ainsi qu'il a prononcé ces paroles: Tu
ne
prends point plaisir aux sacrifices et aux offrandes, mais tu
m'as percé les oreilles (Psaume 40:
7-8)
ou comme les Juifs l'expliquaient: Tu
m'as
approprié un corps (Hébreux 10:
5),
tu n'as point
demandé d'holocauste ni d'oblation pour le péché. Alors j'ai
dit: Me voici, je suis venu, il est écrit de moi dans le volume
du livre. Le
fidèle
Israélite connaissant ces paroles, et célébrant la fête des
expiations, pouvait bien naturellement les rattacher à ce qu'il
avait sous les yeux.
D'anciennes traditions nous apprennent de plus que les Israélites ajoutaient en particulier deux actes à l'institution de la solennité telle qu'elle est rapportée par Moïse; savoir, qu'ils mettaient une bandelette de couleur rouge au bouc pour Azazel, et qu'au moment où l'on emmenait cet animal, il était hué, conspué, maltraité.
Rapprochez
la
cérémonie que nous avons rapportée et ces circonstances-ci, de ces
paroles de David et d'Ésaïe:
Moi je suis un ver et non point un homme, l'opprobre des hommes
et le méprisé du peuple. Tous ceux qui me voient, se moquent de
moi. Ils me font la moue. Ils hochent la tête
(Psaume 22:
7-8).
Il est le méprisé et le dernier des hommes, un homme de douleur et qui sait ce que c'est que la langueur. Il s'est chargé véritablement de nos langueurs et il a porté nos douleurs, et pour nous nous avons cru qu'il était frappé, battu de Dieu et affligé; mais il a été navré pour nos forfaits, et frappé pour nos iniquités; le châtiment qui nous apporte la paix est tombé sur lui, et nous avons la guérison par ses meurtrissures. Nous avons tous été errants comme des brebis, nous nous sommes détournés pour suivre chacun son propre chemin, et l'Éternel a fait venir sur lui l'iniquité de nous tous (Ésaïe 53: 3-6)....
Quand vos péchés seraient comme le cramoisi, ils seront blanchis comme la neige, et quand ils seraient rouges comme le vermillon, ils deviendront blancs comme la laine (Ésaïe 1: 18).
En faisant ce rapprochement, il est impossible de ne pas sentir une liaison entre la cérémonie des expiations et ces paroles consolantes; et de ne pas reconnaître que les Israélites familiarisés avec les écritures, voyaient dans ce prêtre, dans ces victimes, des images de leur libérateur, soit que les prophètes, aidés de l'Esprit de Dieu, aient lu leurs prédictions dans la cérémonie même, soit que ces prédictions leur aient été suggérées pour expliquer et rendre plus saisissable le sens de la solennité.
***
Quoi qu'il en soit, nous sommes sur la voie, et lors même qu'aucun Israélite n'eût percé ces voiles, nous pourrions le faire, nous, possesseurs de l'Évangile. C'est pour nous que cette cérémonie a toute sa signification. L'idée du péché et de l'expiation est le fond du Christianisme, comme elle était le fond de ce jeûne solennel. Le Christianisme est le remède même que ces types figuraient.
Jésus
sacrificateur
et victime, Jésus unique médiateur, était prêché en action dans
ce grand jour. Ce Sauveur
qui était riche, s'est
fait pauvre pour nous, afin que par sa pauvreté nous soyons
rendus riches (2
Corinthiens 8:
9). Celui qui avait quitté la gloire céleste pour prendre la forme
de
serviteur (Philippiens 2:
7),
n'est-il pas bien représenté par un grand-prêtre qui, quoique la
solennité soit si importante, paraît et vient officier dans le
costume d'un simple sacrificateur?
C'était une journée pénible pour lui: à jeun depuis la veille,
il devait s'acquitter seul de toutes ces fonctions; n'est-ce pas
une image de cette nuit et de cette journée de Christ, où il
jeûna pour nous, où il intercéda pour nous, où il pouvait nous
dire: Tu
m'as fatigué par tes péchés, tu m'as travaillé par tes iniquités
(Ésaïe
43:
24), en un mot, on selon l'expression d'un prophète: Il était tout
seul à fouler au pressoir (Ésaïe
63:
3). Ses vêtements blancs, sa purification, le sacrifice qu'il
offrait
d'abord pour ses péchés, ne faisaient-ils pas sentir le besoin
d'un autre Sacrificateur, qui fut pur et saint,
n'annonçaient-ils pas que celui-ci ne pouvait être que
provisoire, et que celui qui accomplirait réellement l'œuvre
figurée, le rachat des âmes, serait un
Souverain
Sacrificateur saint, innocent, sans souillures, séparé des
pécheurs (Hébreux 7:
26)?
Personne
ne
sera au tabernacle d'assignation, quand le Sacrificateur y
entrera pour faire propitiation dans le sanctuaire, jusqu'à ce
qu'il en sorte (Lévitique
16:
26). Cette circonstance, outre son isolement, ne désignait-elle
pas Celui qui était à venir, le
seul Médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme
(1
Timothée
2: 5)?
Et enfin, après tout cela, son retour dans le lieu saint, où il se
lavait de nouveau, et revêtait son brillant costume, n'était-il
pas une annonce de la gloire qui devait suivre l'humiliation?
Mais
Jésus
figuré par le Souverain Sacrificateur, l'est aussi par les
victimes; il l'est par les victimes ordinaires qui sont
offertes, car c'est lui qui a mis le sceau
à la vision et à la prophétie
(Daniel
9:
24); il l'est par les victimes extraordinaires; semblable au
soleil qui se levant sur la rosée, se peint non seulement dans
les ruisseaux et les étangs, mais jusque dans la moindre goutte
d'eau.
Deux jeunes boucs paraissent; l'un doit être immolé, l'autre
envoyé à l'Esprit du désert (Mathieu 12: 43). On jette le sort
sur eux: preuve d'incertitude dans le choix; image de
l'innocence de la victime qui doit être offerte. Or
vous
savez, dit
St
Jean, que Jésus a paru
pour ôter nos péchés, et qu'il n'y a point de péché en lui
(1
Jean
3: 5). Christ lui-même a
souffert pour nous, dit
St
Pierre, il n'a point
commis de péché... il a porté nos péchés en son corps sur le
bois (1
Pierre
2: 21-24).
Ces
victimes
sont offertes au nom du peuple, et St Jean nous dit de Jésus, c'est
lui qui est la propitiation pour les péchés, et non seulement
pour les nôtres, mais aussi pour ceux de tout le monde
(1
Jean
2; 2).
Elles étaient payées du trésor du temple, et il paraît que le
salaire du traître Judas, pour livrer son Maître,
fut
tirée
de ce même trésor, puisque la question fut agitée de savoir si
on y remettrait ces trente pièces d'argent (Matthieu 27: 5).
Et voici ce que l'Écriture rapporte au sujet de la victime offerte pour nous. Dans une discussion Caïphe dit à ses collègues: Vous n'y entendez rien, et vous ne considérez pas qu'il est à propos qu'un homme seul meure pour le peuple, et que toute la nation ne périsse pas. Or il ne dit pas cela de son propre mouvement; mais étant le Souverain Sacrificateur de cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation, et non seulement pour la nation, mais aussi pour rassembler en un seul corps les enfants de Dieu qui sont dispersés (Jean 2: 49-52).
Et tous ces traits sont réunis d'une manière bien frappante dans les paroles, où Jésus est représenté comme un Souverain Sacrificateur élevé au-dessus des deux (Hébreux 7: 26), qui n'a pas besoin de commencer par sacrifier pour ses propres péchés, avant que de sacrifier pour ceux du peuple, et qui a fait cela une seule fois en s'offrant lui-même (Hébreux 7: 27). En effet Christ, le Souverain Sacrificateur des biens à venir, ayant passé par un tabernacle plus grand et plus parfait, c'est-à-dire, qui n'a pas été construit par les hommes, est entré une seule fois dans le lieu très-saint; c'est-à-dire, a paru devant la face de Dieu, non avec le sang des boucs ou des veaux, mais avec son propre sang, nous ayant obtenu une rédemption éternelle (6).
Quelle
prophétie,
M. F.! Elle n'était pas seulement inscrite dans ces livres à côté
des autres, mais elle s'était introduite dans le culte annuel, dans
les mœurs du peuple de Dieu.
C'était une prophétie vivante, qui se reproduisait toujours la même,
toujours avec la même force, parlant tout à la fois aux sens, à
l'imagination, à l'esprit, à la conscience; et les traces en sont si
profondes, que même aujourd'hui et au milieu de nous, loin des
parvis du Seigneur, les Israélites célèbrent encore solennellement
la fête qui rend témoignage au Sacrificateur qu'ils n'ont point
reconnu.
Quelle preuve de la direction de l'Esprit de Dieu!
Quel témoignage de la divinité de la Bible!
Ici, il ne s'agit pas de commentaires, de critique, de variantes: il
est certain que les Juifs ont célébré la fête dès le temps de leurs
ancêtres, et cette fête est l'Évangile.
Si,
connaissant
ce que nous connaissons, mais surtout ayant sondé nos voies devant
le Seigneur, nous avions assisté là, altérés, affamés de la
justice; que de choses toutes ces pratiques nous auraient dites!
Quelle idée elles nous auraient donnée du péché, de l'éloignement
qu'il établit entre Dieu et l'homme!
Lorsque nous aurions vu le peuple, les lévites, les Sacrificateurs
eux-mêmes, séparés du tabernacle, exclus du lieu très-saint, où
Dieu manifestait sa présence; lorsque
nous
aurions vu le Souverain Sacrificateur lui-même, qui ne pouvait y
entrer qu'après avoir immolé une victime, qu'après avoir élevé
un parfum, de peur d'être consumé; lorsque nous aurions vu
couler le sang de la victime représentant le pécheur; lorsque
nous aurions vu le bouc chargé des iniquités envoyé au Démon;
lorsque nous aurions vu traîner les cadavres hors du camp, comme
des objets souillés; lorsque nous aurions vu les fonctionnaires
se laver comme s'ils avaient manié
du poison. Quelle impression n'aurions-nous pas reçue touchant cette
lèpre morale!
Mais aussi quelle
image de délivrance!
Un premier sacrifice a eu lieu, et la fumée du parfum, image de la
prière (Apocalypse 5: 8), prépare un accès au Sacrificateur
auprès du Trône de Grâce. Tout est nettoyé, purifié; l'autel des
parfums lui-même et le tabernacle, instruments du culte, sont
rendus saints.
Le Sacrificateur porte devant la
Majesté souveraine et sous les yeux des intelligences célestes
(Exode 25: 20; 26: 1), le sang dont il fait aspersion; il
lui est donné d'y comparaître et de vivre encore (Exode 28:
35), il revient; en vertu de ce qui s'est passé, il éloigne les
péchés d'Israël, aussi
loin que l'orient est éloigné de l'occident
(Psaume 103:
12),
il se montre glorieux, et un nouveau culte recommence. Sur
la
promesse de Dieu, la guérison a succédé à la maladie, la paix du
cœur à la guerre de l'âme.
Je
doute,
M. F., qu'un homme, se connaissant un peu lui-même, eût pu assister
à cette solennité sans sentir battre son cœur de crainte et
d'espérance. Mais ce culte, tout solennel, tout grave, tout frappant
qu'il était, n'était pourtant encore qu'une ombre, dont la réalité
est à votre portée.
Oui, vous avez des réalités que vous pouvez voir en esprit, que vous
pouvez contempler par les yeux de la foi. Que dis-je? vous avez
encore des fêtes et des images; vous pouvez encore les voir, les
toucher, les goûter, vous pouvez encore par elles vous mettre en
communication avec les choses invisibles et éternelles. Mais, comme
ici, tout est à la fois plus simple, plus clair et plus majestueux
dans cette simplicité! Quelle différence entre la substance même et
l'écorce! Il y a ici réalité de sacrifice, réalité d'expiation,
réalité de délivrance; le
Grand-Prêtre
lui-même nous ouvre le chemin, nous précède dans le lieu
très-saint, et de là il nous tend les bras pour nous y appeler.
Cela produirait-il moins d'effet sur nous que n'en auraient
produit les cérémonies de l'ancienne loi?
Cette fête était donc, comme nous l'avons dit, un tableau du péché et de l'expiation; c'est le même que présente l'Évangile. C'est là ce que nous rappelons, ce que nous célébrons maintenant. C'est l'idée dominante qui plane sur la passion du Seigneur. Sans cette idée tout est froid, tout est insipide, tout est faux; c'est pourquoi St Paul ne se proposait autre chose que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié (1 Corinthiens 2: 2).
Ce
qui
était nécessaire pour que la solennité dont nous nous sommes occupés
produisît son effet, c'était une certaine expérience de l'âme. Il
fallait se sentir soi-même, se connaître; il fallait que la
conscience fût en mouvement. — Sans cela, cette cérémonie destinée à
réveiller, ne faisait qu'endormir les hommes.
Pour y participer réellement il fallait une foi vivante. Sans cela
c'était comme une galerie de tableaux qui passait devant les yeux
sans laisser aucune impression profonde. L'esprit était occupé,
l'imagination enjeu; mais l'œuvre extérieure ne trouvait pas de
correspondance au-dedans.
Le péché n'était ni effacé, ni arrêté à sa source.
Les mêmes conditions sont encore nécessaires maintenant, pour assister avec fruit aux fêtes chrétiennes. Une âme légère, inattentive, distraite; une âme qui n'y lit pas sa profonde misère et sa glorieuse délivrance, n'y voit rien.
Âme
incrédule!
les mystères de la passion et de la mort de Christ sont des
accusations contre toi. La Justice de l'Éternel se manifeste à toi
dans ce grand sacrifice, elle te montre et ses menaces et
son
application; — et tu ne trembles pas!
La Miséricorde de Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ,
t'est représentée sous les couleurs les plus vives; — et tu ne
comprends pas, tu n'écoutes pas, ou tu écoutes sans reconnaissance
le langage de l'amour divin! Tu te perds par cela même que tu ne
te soucies pas du salut.
Et
toi,
âme fidèle, âme attentive, âme repentante! vois-tu quelles
instruction et consolations renferme le mystère de l'expiation du
péché par la mort de Christ?
Pleures-tu de ta misère et de tes transgressions?
Ici tu vois le Saint et le Juste percé, souffrant, rejeté de Dieu
pour toi.
Ne sens-tu pas assez la noirceur du péché? — L'heure des ténèbres
(Luc 22: 53) qu'il a amenée sur le Christ te le fera comprendre.
As-tu besoin d'être relevée? —
Écoute le Crucifié qui nous dit: Vous
êtes
déjà nets à cause de la parole que je vous ai annoncée
(Jean
15:
3). Le bon berger donne
sa vie pour ses brebis, il leur donne la vie éternelle, elles ne
périront jamais, et nul ne les ravira de sa main
(Jean
10:
11, 28).
Quelle componction! Quelle paix! Quel bonheur!... Ce n'est pas une victime animale qui est offerte au Tout-Puissant pour nous; mais c'est une victime céleste, c'est son Fils bien-aimé, auquel il a dit: Demande-moi, et je te donnerai pour ton héritage les nations, et pour ta possession les bouts de la terre (Psaume 2: 8). Ce n'est pas un sacrifice annuel, mais c'est un sacrifice fait une fois pour toutes, c'est une rédemption éternelle (Hébreux 9: 12), de telle sorte que ni les choses passées, ni les choses présentes, ni les choses à venir ne peuvent séparer de l'amour de Dieu (Romains 8: 36-39) l'âme qui a cru. Ces péchés ne sont pas transférés par des mots seulement sur la tête de la victime; mais ils le sont réellement et par un mystère incompréhensible, sur la tête de celui qui a été fait malédiction pour nous (Galates 3: 13) . Ils ne sont pas seulement emportés dans le désert, mais éloignés de nous, selon l'expression du psalmiste déjà citée, autant que l'orient l'est de l'occident, ou plutôt anéantis. Quelle paix pour celui qui sent ces choses!
Puissions-nous la goûter! puissions-nous nous souvenir que d'abord après l'expiation, venait l'holocauste, rappelant de nouveau cette expiation même et invitant le fidèle à se consacrer entièrement au service de Dieu. Puissions-nous être plus fidèles que le peuple qui a si souvent vu l'image de Christ offert pour les péchés.
Amen!
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