Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

II

L'expiation


Texte: Exode XXX. 10.


Mais Aaron fera une fois l'an la propitiation sur les cornes de cet autel. Il fera donc la propitiation une fois l'an sur cet autel dans vos âges, avec le sang de l'oblation pour le péché, faite pour les propitiations. C'est une chose très sainte à l'Éternel.


M. T. C. F.

Voici l'époux qui vient, sortez au-devant de lui; telle est la voix qui dans une des dernières paraboles de Jésus est adressée aux vierges assoupies. Alors, est-il dit, ces vierges se levèrent toutes et préparèrent leurs lampes (Matthieu 25: 6-7).
Il y a quelque chose de semblable dans les usages de nos églises. En voyant approcher l'anniversaire de la mort et de la résurrection du Seigneur, nous avons coutume de vous crier en quelque sorte:
Voici l'époux qui vient, sortez au-devant de lui; de vous préparer à ces moments par la méditation des souffrances de Christ, par la considération de leur but et de leurs conséquences, afin de faire naître en vous, moyennant la grâce de Dieu, des sentiments de repentance, de componction, de foi, d'espérance, de reconnaissance et de charité.
Il me paraît qu'entre les diverses manières de nous préparer, il en est une que nous ne devons pas non plus négliger; c'est celle que Dieu lui-même a employée par rapport à son peuple, celle par laquelle il a préparé de loin, amené, fait naître, et successivement développé la grande pensée de la rédemption ou du rachat des âmes; je veux parler des types et des figures de l'ancienne loi. C'est pourquoi je désirerais aujourd'hui vous faire sentir les rapports de la grande fête des expiations, avec les pensées dont nous sommes appelés à nous entretenir maintenant d'une façon particulière.


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Notre texte nous parle d'un autel sur les cornes duquel la propitiation devait se faire une fois par année.
Pour comprendre ce que l'on peut dire là-dessus, il faut se représenter le tabernacle comme une grande cour entourée de tentures suspendues à des colonnes; il faut se représenter cette place partagée en trois compartiments; l'un, le plus petit, entièrement couvert et fermé par un voile, appelé le lieu
très-saint ou le Saint des saints, où se trouvait l'arche de l'alliance; le second, attenant à celui-ci, aussi couvert, appelé le lieu saint, mais plus grand, où se trouvait l'autel des parfums; et enfin le troisième et le plus grand, à nu sous la voûte des cieux, appelé le parvis, où se trouvait l'autel des holocaustes.

Dans tous les sacrifices pour le péché, le Sacrificateur apportait le sang devant le voile du Sanctuaire et sur les cornes de l'autel des parfums (Lévitique 4: 6-7). Mais il est parlé dans notre texte du sang de l'oblation pour le péché, faite pour les expiations, de l'oblation annuelle pour le péché faite au nom de tout le peuple d'Israël, au grand jour des expiations; solennité et cérémonie distinguée des autres par ces paroles: c'est une chose très-sainte à l'Éternel.

Cela posé, transportez-vous par la pensée, M. B. A. F., dans la terre de Canaan auprès de ce tabernacle, de ce temple de toile, le premier temple élevé à la gloire de l'Éternel, au mois de Tisri qui répond à notre mois de septembre, au dixième jour du mois (Lévitique 23: 27).
Voyez dans le parvis et autour du parvis, à travers les tapisseries duquel le regard des fidèles pouvait suivre les cérémonies, parce qu'elles étaient en forme de rets ou de filets, voyez, dis-je, dans ce parvis et autour de ce parvis rangée, une foule immense d'hommes attristés par leurs péchés et par le jeûne, frappés du sentiment de la présence de Dieu, et attendant en silence l'apparition du Souverain Sacrificateur.
Les chefs du peuple sont en tête avec deux victimes, deux jeunes boucs, objets particuliers de la cérémonie et de l'attention des assistants, parce qu'ils sont offerts au nom de toute l'assemblée (Lévitique 16: 5: 4: 15) Un veau, un bélier et sept agneaux sont là comme dans les autres fêtes de l'année (Nombres 29: 8).
Pendant ce temps-là, dans le pavillon, dans les lieux saints, le Souverain Sacrificateur se lave et s'habille. Puis il paraît, non point comme à l'ordinaire avec ses vêtements brillants d'or, de pourpre et de pierreries; mais comme un simple sacrificateur. Des vêtements blancs, une tunique, des caleçons, une ceinture et une tiare de lin (
Lévitique 16: 4-5) composent tout son costume. Il s'avance, il reçoit de l'assemblée les deux jeunes boucs pour le péché et le bélier pour l'holocauste, et les remet entre les mains des lévites (Nombres 8: 19) pendant les préparatifs de la cérémonie. 

Alors, avant que d'en venir à l'offrande qu'il doit faire à l'Éternel de la part du peuple, il offre lui-même un veau, pour ses propres péchés et pour ceux de sa famille (Lévitique 16: 6). Après l'avoir égorgé et offert, il prend un encensoir, le remplit de feu, y met à pleines mains devant l'Éternel le parfum sacré, soulève le Voile mystérieux derrière lequel il ne lui est permis d'entrer qu'une fois l'année, y dépose l'encensoir, et remplit ainsi ce lieu très-saint de la fumée du parfum. Et il mettra, dit Moïse, le parfum sur le feu devant l'Éternel, afin que la fumée Au parfum couvre le propitiatoire, qui est sur le témoignage, c'est-à-dire, le couvercle sacré de l'arche, sur lequel Dieu manifestait particulièrement sa présence, et ainsi il ne mourra point (Lévitique 16: 13).

C'est dans ce lieu sombre et redoutable, mais rempli de la fumée qui le rassure, lui rappelant la promesse de Dieu, que le Souverain Sacrificateur apporte le sang de la victime qu'il a offerte pour lui-même, et qu'il en fait aspersion sept fois sur le propitiatoire.
Le voilà prêt à s'acquitter de sa mission. Il revient, intercesseur du peuple, fait avancer les jeunes boucs, et jette le sort sur, eux l'un pour l'Éternel, l'autre pour Azazel.

La victime destinée à l'Éternel est immolée, et le Souverain Sacrificateur absolument seul dans le lieu saint et le sanctuaire, vient faire pour le peuple une seconde aspersion sur le propitiatoire. Et il fera, dit la loi, expiation pour le sanctuaire, en le nettoyant des souillures des enfants d'Israël, et de leurs forfaits et de tous leurs péchés. Et il fera la même chose au tabernacle d'assignation, c'est-à-dire, au lieu saint, qui est avec eux au milieu de leurs souillures, puis il fera l'expiation pour l'autel qui est devant l'Éternel, et prenant du sang du veau et du sang du bouc, il les mettra sur les cornes de l'autel tout autour, et il fera aspersion du sang avec son doigt sept fois sur l'autel, et le nettoiera et purifiera des souillures des enfants d'Israël (Lévitique 16: 16-19).

Ces expiations achevées, commençait la seconde partie de la cérémonie. Le Sacrificateur, sorti du tabernacle, revient se placer sous les yeux de l'assemblée, fait approcher le bouc vivant, et mettant ses deux mains sur la tête de l'animal dévoué à Azazel, il confesse sur lui toutes les iniquités des enfants d'Israël et tous leurs forfaits, selon tous leurs péchés; il les met sur la tête du bouc, et l'envoie au désert par un homme exprès (Lévitique 16: 21).
L'animal, chargé de
toutes ces iniquités, suit les pas du fonctionnaire qui le conduit et l'abandonne au désert.

Là-dessus, le grand-prêtre rentre au tabernacle d'assignation, quitte les vêtements ordinaires, et se lave de nouveau dans le lieu saint, puis il reparaît aux yeux du peuple dans le costume qui lui est propre, ayant l'éphod tissu d'or et de diverses couleurs, le rochet de pourpre, le pectoral avec les noms des enfants d'Israël graves sur des pierreries, la ceinture, la tiare ornée d'une lame d'or pur avec cette inscription: La Sainteté à l'Éternel (Exode 28: 36). C'est alors qu'il termine les sacrifices en offrant son holocauste et l'holocauste du peuple, et en faisant fumer sur l'autel la graisse du sacrifice pour le péché (Lévitique 16: 24-27).

Enfin, on tire hors du camp le veau et le bouc offerts pour le péché, dont le sang a été porté dans le sanctuaire, pour y faire propitiation, et on brûle au feu leur peau, leur chair et leurs excréments. La fête se termine par le retour de celui qui a été chargé de cet office et de celui qui a conduit le bouc pour Azazel au désert; l'un et l'autre rentrent dans le camp, après avoir lavé et leurs corps et leurs vêtements; puis l'assemblée s'écoule.


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Si vous eussiez été témoins de cette solennité, M. F., qu'auriez-vous pensé?
La première impression que vous en auriez reçue, c'est que cette fête n'était pas la célébration de quelque souvenir historique, la commémoration de quelque triste évènement, mais qu'il s'agissait des hommes alors vivants et présents. Vous auriez facilement démêlé à travers toutes ces cérémonies deux idées dominantes, le péché et l'expiation. Vous auriez reconnu les symptômes de cette maladie de l'âme, dans l'aspect sévère de ce qui se passait, dans la tristesse, dans le jeûne, dans la mort des victimes; et votre pensée aurait été confirmée par la confession faite sur la tête du bouc destiné à Azazel. Vous auriez reconnu en même temps dans les ablutions, dans le parfum, dans l'aspersion du sang, dans l'envoi de l'animal au désert, la pensée d'un remède à cette maladie.

Mais en y réfléchissant vous vous seriez dit à vous-mêmes: «Voici un culte institué de Dieu. Où peut-il mener ceux qui s'en acquittent?
Quelle paix peut-il donner à leur âme?
Quelle réalité y a-t-il là-dessous?
Peut-on par quelques gouttes de sang, portées dans un lieu sacré, effacer tant de péchés et de misère?
Peut-on s'en nettoyer en lavant son corps et ses vêtements?
Peut-on par une simple confession, par un simple acte de la volonté, faire passer tant d'iniquités sur la tête d'un animal absolument étranger et indifférent à tout ce qui se passe?
Cet animal, conduit dans le désert, peut-il y emporter ce fardeau?» 


Si nous consultons l'un des docteurs de ce même peuple (Maïmonides), il nous dira: «Personne ne croit que les péchés soient un fardeau de telle nature, qu'on puisse en décharger ses épaules pour en charger celles d'autrui. Mais toutes ces pratiques étaient paraboliques, pour inspirer la crainte aux hommes et les convertir par là.»
Si nous consultons les mêmes livres sacrés qui prescrivent toutes ces observances, ils nous disent de la part du Maître de la terre:
Mangerais-je la chair des gros taureaux, et boirais-je le sang des boucs (Psaume 50: 13)? 
En sorte que si cette cérémonie n'était pas une image, un type, qui représentait une autre délivrance, elle aurait été à la fois absurde, immorale et impie.

Des pratiques semblables chez un peuple qui attendait un Libérateur, un libérateur né de la femme qui devait remporter la victoire sur le Malin, tendaient à diriger les pensées des vrais adorateurs vers l'avenir. Et c'est par la foi qu'ils avaient aux promesses de Dieu, dont ils ne voyaient pas encore l'accomplissement, que ces sacrifices étaient acceptés comme des réalités et pouvaient faire propitiation pour eux. Aussi avons-nous de sûrs indices que quelques fidèles avaient lié l'image à la réalité qu'ils attendaient.
Le Messie se présentait à eux tantôt comme Sacrificateur, tantôt comme victime. C'est ainsi que le Psalmiste, s'adressant au Messie, qu'il appelle son
Seigneur lui dit: L'Éternel l'a juré et il ne s'en repentira point, que tu es Sacrificateur à toujours, selon l'ordre de Melchisédec (Psaume 110: 4). C'est ainsi qu'il a prononcé ces paroles: Tu ne prends point plaisir aux sacrifices et aux offrandes, mais tu m'as percé les oreilles (Psaume 40: 7-8) ou comme les Juifs l'expliquaient: Tu m'as approprié un corps (Hébreux 10: 5), tu n'as point demandé d'holocauste ni d'oblation pour le péché. Alors j'ai dit: Me voici, je suis venu, il est écrit de moi dans le volume du livre. Le fidèle Israélite connaissant ces paroles, et célébrant la fête des expiations, pouvait bien naturellement les rattacher à ce qu'il avait sous les yeux.

D'anciennes traditions nous apprennent de plus que les Israélites ajoutaient en particulier deux actes à l'institution de la solennité telle qu'elle est rapportée par Moïse; savoir, qu'ils mettaient une bandelette de couleur rouge au bouc pour Azazel, et qu'au moment où l'on emmenait cet animal, il était hué, conspué, maltraité.

Rapprochez la cérémonie que nous avons rapportée et ces circonstances-ci, de ces paroles de David et d'Ésaïe:
Moi je suis un ver et non point un homme, l'opprobre des hommes et le méprisé du peuple. Tous ceux qui me voient, se moquent de moi. Ils me font la moue. Ils hochent la tête
(Psaume 22: 7-8).

Il est le méprisé et le dernier des hommes, un homme de douleur et qui sait ce que c'est que la langueur. Il s'est chargé véritablement de nos langueurs et il a porté nos douleurs, et pour nous nous avons cru qu'il était frappé, battu de Dieu et affligé; mais il a été navré pour nos forfaits, et frappé pour nos iniquités; le châtiment qui nous apporte la paix est tombé sur lui, et nous avons la guérison par ses meurtrissures. Nous avons tous été errants comme des brebis, nous nous sommes détournés pour suivre chacun son propre chemin, et l'Éternel a fait venir sur lui l'iniquité de nous tous (Ésaïe 53: 3-6)....

Quand vos péchés seraient comme le cramoisi, ils seront blanchis comme la neige, et quand ils seraient rouges comme le vermillon, ils deviendront blancs comme la laine (Ésaïe 1: 18).

En faisant ce rapprochement, il est impossible de ne pas sentir une liaison entre la cérémonie des expiations et ces paroles consolantes; et de ne pas reconnaître que les Israélites familiarisés avec les écritures, voyaient dans ce prêtre, dans ces victimes, des images de leur libérateur, soit que les prophètes, aidés de l'Esprit de Dieu, aient lu leurs prédictions dans la cérémonie même, soit que ces prédictions leur aient été suggérées pour expliquer et rendre plus saisissable le sens de la solennité.


***


Quoi qu'il en soit, nous sommes sur la voie, et lors même qu'aucun Israélite n'eût percé ces voiles, nous pourrions le faire, nous, possesseurs de l'Évangile. C'est pour nous que cette cérémonie a toute sa signification. L'idée du péché et de l'expiation est le fond du Christianisme, comme elle était le fond de ce jeûne solennel. Le Christianisme est le remède même que ces types figuraient.

Jésus sacrificateur et victime, Jésus unique médiateur, était prêché en action dans ce grand jour. Ce Sauveur qui était riche, s'est fait pauvre pour nous, afin que par sa pauvreté nous soyons rendus riches (2 Corinthiens 8: 9). Celui qui avait quitté la gloire céleste pour prendre la forme de serviteur (Philippiens 2: 7), n'est-il pas bien représenté par un grand-prêtre qui, quoique la solennité soit si importante, paraît et vient officier dans le costume d'un simple sacrificateur?
C'était une journée pénible pour lui: à jeun depuis la veille, il devait s'acquitter seul de toutes ces fonctions; n'est-ce pas une image de cette nuit et de cette journée de Christ, où il jeûna pour nous, où il intercéda pour nous, où il pouvait nous dire:
Tu m'as fatigué par tes péchés, tu m'as travaillé par tes iniquités (Ésaïe 43: 24), en un mot, on selon l'expression d'un prophète: Il était tout seul à fouler au pressoir (Ésaïe 63: 3). Ses vêtements blancs, sa purification, le sacrifice qu'il offrait d'abord pour ses péchés, ne faisaient-ils pas sentir le besoin d'un autre Sacrificateur, qui fut pur et saint, n'annonçaient-ils pas que celui-ci ne pouvait être que provisoire, et que celui qui accomplirait réellement l'œuvre figurée, le rachat des âmes, serait un Souverain Sacrificateur saint, innocent, sans souillures, séparé des pécheurs (Hébreux 7: 26)?

Personne ne sera au tabernacle d'assignation, quand le Sacrificateur y entrera pour faire propitiation dans le sanctuaire, jusqu'à ce qu'il en sorte (Lévitique 16: 26). Cette circonstance, outre son isolement, ne désignait-elle pas Celui qui était à venir, le seul Médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme (1 Timothée 2: 5)?
Et enfin, après tout cela, son retour dans le lieu saint, où il se lavait de nouveau, et revêtait son brillant costume, n'était-il pas une annonce de la gloire qui devait suivre l'humiliation?

Mais Jésus figuré par le Souverain Sacrificateur, l'est aussi par les victimes; il l'est par les victimes ordinaires qui sont offertes, car c'est lui qui a mis le sceau à la vision et à la prophétie (Daniel 9: 24); il l'est par les victimes extraordinaires; semblable au soleil qui se levant sur la rosée, se peint non seulement dans les ruisseaux et les étangs, mais jusque dans la moindre goutte d'eau.
Deux jeunes boucs paraissent; l'un doit être immolé, l'autre envoyé à l'Esprit du désert (Mathieu 12: 43). On jette le sort sur eux: preuve d'incertitude dans le choix; image de l'innocence de la victime qui doit être offerte.
Or vous savez, dit St Jean, que Jésus a paru pour ôter nos péchés, et qu'il n'y a point de péché en lui (1 Jean 3: 5). Christ lui-même a souffert pour nous, dit St Pierre, il n'a point commis de péché... il a porté nos péchés en son corps sur le bois (1 Pierre 2: 21-24). 

Ces victimes sont offertes au nom du peuple, et St Jean nous dit de Jésus, c'est lui qui est la propitiation pour les péchés, et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux de tout le monde (1 Jean 2; 2).
Elles étaient payées du trésor du temple, et il paraît que le salaire du traître Judas, pour livrer son Maître
, fut tirée de ce même trésor, puisque la question fut agitée de savoir si on y remettrait ces trente pièces d'argent (Matthieu 27: 5).

Et voici ce que l'Écriture rapporte au sujet de la victime offerte pour nous. Dans une discussion Caïphe dit à ses collègues: Vous n'y entendez rien, et vous ne considérez pas qu'il est à propos qu'un homme seul meure pour le peuple, et que toute la nation ne périsse pas. Or il ne dit pas cela de son propre mouvement; mais étant le Souverain Sacrificateur de cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation, et non seulement pour la nation, mais aussi pour rassembler en un seul corps les enfants de Dieu qui sont dispersés (Jean 2: 49-52).

Et tous ces traits sont réunis d'une manière bien frappante dans les paroles, où Jésus est représenté comme un Souverain Sacrificateur élevé au-dessus des deux (Hébreux 7: 26), qui n'a pas besoin de commencer par sacrifier pour ses propres péchés, avant que de sacrifier pour ceux du peuple, et qui a fait cela une seule fois en s'offrant lui-même (Hébreux 7: 27). En effet Christ, le Souverain Sacrificateur des biens à venir, ayant passé par un tabernacle plus grand et plus parfait, c'est-à-dire, qui n'a pas été construit par les hommes, est entré une seule fois dans le lieu très-saint; c'est-à-dire, a paru devant la face de Dieu, non avec le sang des boucs ou des veaux, mais avec son propre sang, nous ayant obtenu une rédemption éternelle (6). 


Quelle prophétie, M. F.! Elle n'était pas seulement inscrite dans ces livres à côté des autres, mais elle s'était introduite dans le culte annuel, dans les mœurs du peuple de Dieu.
C'était une prophétie vivante, qui se reproduisait toujours la même, toujours avec la même force, parlant tout à la fois aux sens, à l'imagination, à l'esprit, à la conscience; et les traces en sont si profondes, que même aujourd'hui et au milieu de nous, loin des parvis du Seigneur, les Israélites célèbrent encore solennellement la fête qui rend témoignage au Sacrificateur qu'ils n'ont point reconnu.
Quelle preuve de la direction de l'Esprit de Dieu!
Quel témoignage de la divinité de la Bible!
Ici, il ne s'agit pas de commentaires, de critique, de variantes: il est certain que les Juifs ont célébré la fête dès le temps de leurs ancêtres, et cette fête est l'Évangile.

Si, connaissant ce que nous connaissons, mais surtout ayant sondé nos voies devant le Seigneur, nous avions assisté là, altérés, affamés de la justice; que de choses toutes ces pratiques nous auraient dites! Quelle idée elles nous auraient donnée du péché, de l'éloignement qu'il établit entre Dieu et l'homme!
Lorsque nous aurions vu le peuple, les lévites, les Sacrificateurs eux-mêmes, séparés du tabernacle, exclus du lieu très-saint, où Dieu manifestait sa présence
; lorsque nous aurions vu le Souverain Sacrificateur lui-même, qui ne pouvait y entrer qu'après avoir immolé une victime, qu'après avoir élevé un parfum, de peur d'être consumé; lorsque nous aurions vu couler le sang de la victime représentant le pécheur; lorsque nous aurions vu le bouc chargé des iniquités envoyé au Démon; lorsque nous aurions vu traîner les cadavres hors du camp, comme des objets souillés; lorsque nous aurions vu les fonctionnaires se laver comme s'ils avaient manié du poison. Quelle impression n'aurions-nous pas reçue touchant cette lèpre morale!


Mais aussi quelle image de délivrance!
Un premier sacrifice a eu lieu, et la fumée du parfum, image de la prière (Apocalypse 5: 8), prépare un accès au Sacrificateur auprès du Trône de Grâce. Tout est nettoyé, purifié; l'autel des parfums lui-même et le tabernacle, instruments du culte, sont rendus saints.
Le Sacrificateur porte devant la Majesté souveraine et sous les yeux des intelligences célestes (Exode 25: 20; 26: 1), le sang dont il fait aspersion; il lui est donné d'y comparaître et de vivre encore (Exode 28: 35), il revient; en vertu de ce qui s'est passé, il éloigne les péchés d'Israël,
aussi loin que l'orient est éloigné de l'occident (Psaume 103: 12), il se montre glorieux, et un nouveau culte recommence. 
Sur la promesse de Dieu, la guérison a succédé à la maladie, la paix du cœur à la guerre de l'âme.

Je doute, M. F., qu'un homme, se connaissant un peu lui-même, eût pu assister à cette solennité sans sentir battre son cœur de crainte et d'espérance. Mais ce culte, tout solennel, tout grave, tout frappant qu'il était, n'était pourtant encore qu'une ombre, dont la réalité est à votre portée.
Oui, vous avez des réalités que vous pouvez voir en esprit, que vous pouvez contempler par les yeux de la foi. Que dis-je? vous avez encore des fêtes et des images; vous pouvez encore les voir, les toucher, les goûter, vous pouvez encore par elles vous mettre en communication avec les choses invisibles et éternelles. Mais, comme ici, tout est à la fois plus simple, plus clair et plus majestueux dans cette simplicité! Quelle différence entre la substance même et l'écorce! Il y a ici réalité de sacrifice, réalité d'expiation, réalité de délivrance; le Grand-Prêtre lui-même nous ouvre le chemin, nous précède dans le lieu très-saint, et de là il nous tend les bras pour nous y appeler. Cela produirait-il moins d'effet sur nous que n'en auraient produit les cérémonies de l'ancienne loi?

Cette fête était donc, comme nous l'avons dit, un tableau du péché et de l'expiation; c'est le même que présente l'Évangile. C'est là ce que nous rappelons, ce que nous célébrons maintenant. C'est l'idée dominante qui plane sur la passion du Seigneur. Sans cette idée tout est froid, tout est insipide, tout est faux; c'est pourquoi St Paul ne se proposait autre chose que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié (1 Corinthiens 2: 2).

Ce qui était nécessaire pour que la solennité dont nous nous sommes occupés produisît son effet, c'était une certaine expérience de l'âme. Il fallait se sentir soi-même, se connaître; il fallait que la conscience fût en mouvement. — Sans cela, cette cérémonie destinée à réveiller, ne faisait qu'endormir les hommes.
Pour y participer réellement il fallait une foi vivante. Sans cela c'était comme une galerie de tableaux qui passait devant les yeux sans laisser aucune impression profonde. L'esprit était occupé, l'imagination enjeu; mais l'œuvre extérieure ne trouvait pas de correspondance au-dedans.
Le péché n'était ni effacé, ni arrêté à sa source.

Les mêmes conditions sont encore nécessaires maintenant, pour assister avec fruit aux fêtes chrétiennes. Une âme légère, inattentive, distraite; une âme qui n'y lit pas sa profonde misère et sa glorieuse délivrance, n'y voit rien.

Âme incrédule! les mystères de la passion et de la mort de Christ sont des accusations contre toi. La Justice de l'Éternel se manifeste à toi dans ce grand sacrifice, elle te montre et ses menaces  et son application; — et tu ne trembles pas!

La Miséricorde de Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, t'est représentée sous les couleurs les plus vives; — et tu ne comprends pas, tu n'écoutes pas, ou tu écoutes sans reconnaissance le langage de l'amour divin! Tu te perds par cela même que tu ne te soucies pas du salut.

Et toi, âme fidèle, âme attentive, âme repentante! vois-tu quelles instruction et consolations renferme le mystère de l'expiation du péché par la mort de Christ?
Pleures-tu de ta misère et de tes transgressions?
Ici tu vois le Saint et le Juste percé, souffrant, rejeté de Dieu pour toi.
Ne sens-tu pas assez la noirceur du péché? — L'heure des ténèbres (Luc 22: 53) qu'il a amenée sur le Christ te le fera comprendre.
As-tu besoin d'être relevée? — Écoute le Crucifié qui nous dit:
Vous êtes déjà nets à cause de la parole que je vous ai annoncée (Jean 15: 3). Le bon berger donne sa vie pour ses brebis, il leur donne la vie éternelle, elles ne périront jamais, et nul ne les ravira de sa main (Jean 10: 11, 28).

Quelle componction! Quelle paix! Quel bonheur!... Ce n'est pas une victime animale qui est offerte au Tout-Puissant pour nous; mais c'est une victime céleste, c'est son Fils bien-aimé, auquel il a dit: Demande-moi, et je te donnerai pour ton héritage les nations, et pour ta possession les bouts de la terre (Psaume 2: 8). Ce n'est pas un sacrifice annuel, mais c'est un sacrifice fait une fois pour toutes, c'est une rédemption éternelle (Hébreux 9: 12), de telle sorte que ni les choses passées, ni les choses présentes, ni les choses à venir ne peuvent séparer de l'amour de Dieu (Romains 8: 36-39) l'âme qui a cru. Ces péchés ne sont pas transférés par des mots seulement sur la tête de la victime; mais ils le sont réellement et par un mystère incompréhensible,  sur la tête de celui qui a été fait malédiction pour nous (Galates 3: 13) . Ils ne sont pas seulement emportés dans le désert, mais éloignés de nous, selon l'expression du psalmiste déjà citée, autant que l'orient l'est de l'occident, ou plutôt anéantis. Quelle paix pour celui qui sent ces choses!

Puissions-nous la goûter! puissions-nous nous souvenir que d'abord après l'expiation, venait l'holocauste, rappelant de nouveau cette expiation même et invitant le fidèle à se consacrer entièrement au service de Dieu. Puissions-nous être plus fidèles que le peuple qui a si souvent vu l'image de Christ offert pour les péchés.

Amen!

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