Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

I

LA LOI ET LA GRÂCE


Texte: Galates III. 10


... Tous ceux qui s'attachent aux œuvres de la loi sont sous la malédiction, puisqu'il est écrit: Maudit est quiconque ne persévère dans toutes les choses qui sont écrites dans le livre de la loi, pour les faire.


M. T. C. F.

Tous ceux qui s'attachent aux œuvres de la loi sont sous la malédiction.
Avons-nous bien entendu? avons-nous bien compris?
Si nous n'étions pas accoutumés à un certain respect pour la Parole, à ne pas la contredire le sachant et le voulant; cette déclaration ne paraîtrait-elle pas menacer la religion, la morale, l'ordre public?

Pour lever ce malentendu, quelques-uns ont imaginé qu'il s'agit ici uniquement des lois cérémonielles données par Moïse; mais un examen rapide suffit pour démontrer qu'il y est essentiellement question de la loi morale; puisque l'apôtre dit plus bas en parlant des fruits de l'Esprit: La loi n'est point contre ces choses (Galates 5: 22-23) et qu'il est question dans notre texte de Tout ce qui est écrit au livre de la loi. 

C'est donc bien la loi morale que l'apôtre a ici en vue; et avec un peu plus d'attention, on se doute de ce qui est vrai: c'est que ce passage ne renferme point une condamnation des bonnes œuvres, et que ceux qui s'attachent aux œuvres de la loi, pour en faire la base de leurs espérances, sont maudits, non pas pour l'avoir observée, mais au contraire pour l'avoir transgressée.

Notre texte en effet présente deux propositions ou déclarations qui sont liées entre elles, et dont la première est la conséquence de la seconde.
De ce qu'il est dit:
Maudit est quiconque ne persévère dans toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi, pour les faire; il résulte, que ceux qui s'attachent aux œuvres de la loi pour être justifiés par elles devant Dieu, sont sous la malédiction. Il est donc nécessaire de développer d'abord la vérité renfermée dans la seconde, pour bien comprendre la première.

Ces paroles: Maudit est quiconque ne persévère dans toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi, furent prononcées dans une occasion bien remarquable. Le peuple de Dieu était entré dans la terre promise. Selon l'ordre qu'il en avait reçu, il se partagea; six tribus se placèrent sur la montagne de Garizim et les six autres sur la montagne de Hébal; les unes pour prononcer les bénédictions, les autres pour prononcer les malédictions. Quelques-uns des points les plus essentiels de la foi furent rappelés; après quoi vint cette sentence générale, et tout le peuple la confirma par un Amen solennel.
Nous la confirmons aussi, M. F.; notre conscience lui rend témoignage. Nous sommes aussi forcés de convenir que celui qui ne persévère pas dans tout ce qui est écrit au livre de la loi, mérite la malédiction. Mais il importe que cet assentiment soit plus réel, plus entier de notre part.
Prenons donc, pour parvenir sur ce sujet, à un degré de conviction qui nous soit utile, prenons, dis-je, un ou deux exemples de péchés saillants, comme la trahison de Judas qui est assez connue, et le péché d'Achab et de Jésabel.

Vous le savez, M. F., Naboth Jizréelite avait une vigne dans le voisinage du Palais d'Achab. Celui-ci aurait voulu l'acquérir pour agrandir et embellir ses domaines. Mais cet enfant d'Abraham, se souvenant et de ses pères et de la loi de Moïse, qui empêchait qu'aucune famille d'Israël ne fût expropriée de son héritage (Lévitique 25: 23), refusa de vendre son bien. Alors Jésabel plus hardie que le roi dans le chemin du crime, suborna des témoins et des juges dans la ville de Jizréel, fit accuser et condamner Naboth comme blasphémateur. Il fut lapidé. Les chiens léchèrent son sang, et le roi entra comme propriétaire dans la vigne (1 Rois 21: 1-24).

Hé bien! M. F., j'ose soutenir que toute conscience d'homme se révolterait contre ces crimes, et cela non seulement sous l'influence du christianisme et de la civilisation, mais aussi parmi les peuples les plus grossiers. Qu'on fasse venir l'Indou, le Musulman, le sauvage habitant de la nouvelle Zélande; qu'on leur expose clairement ces faits: certainement ces voix qui, sans doute, se contrarieraient sur d'autres objets, s'accorderaient à condamner les coupables en question.

Examinons maintenant ce témoignage naturel à la lumière de la raison et de la révélation. Si nous comparons l'état de ces pécheurs avec le caractère auguste et saint de la divinité, pour nous rendre compte de l'horreur qu'inspire leur conduite; nous devons convenir que leurs âmes forment le contraste le plus complet avec la sainteté de Dieu, que ces péchés les plaçaient à une distance infinie de celui qui a les yeux trop purs pour voir le mal (Habakuk 1: 13).

Mais nous trouvons encore autre chose dans le témoignage de la conscience humaine sur de telles actions. Non seulement la raison nous dit que le mal est à une distance infinie du bien, mais elle y remarque encore l'idée de la responsabilité et de la punition. Ces notions sont intimement unies en nous avec celles de la justice «Ce fait crie vengeance»: tel est notre jugement sur le crime.

Ce jugement se reproduit dans la conversation, dans les institutions de la justice humaine, tout comme dans nos pensées. La vengeance n'est injuste et condamnable que lorsqu'elle est exercée par celui à qui elle n'appartient pas; mais exercée par celui à qui elle appartient, elle est la souveraine justice. Et nous pouvons d'autant moins rejeter cette déclaration de la conscience, que Dieu a représenté sa justice sous les mêmes traits dans la révélation. Il n'y parle pas seulement d'une opposition entre la lumière et les ténèbres (Ésaïe 5: 20), entre la sainteté et le péché, mais on y trouve aussi les mots de colère (Romains 2: 5-8), de vengeance (Nahum 1: 2; 2 Thessaloniciens 1: 8) de salaire du péché (Romains 6: 23), de perdition (2 Pierre 2: 1-2), d'un jugement  à venir (Matthieu 12: 36; Actes 24: 25), en suite duquel le coupable recevra ce qu'il a mérité.
Mais qu'est-ce que: être à une distance infinie de Dieu?
Être puni de Dieu? si ce n'est être maudit. 
La conscience humaine réunit toujours l'idée du malheur avec l'idée du péché.
Et qu'est-ce que la malédiction, si ce n'est une déclaration de malheur?
C'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant! (Hébreux 10: 31)
Et notre Seigneur se représentant lui-même au jugement du monde, nous donne la même idée de la malédiction.
Retirez-vous de moi, maudits! voilà l'éloignement de Dieu; et allez dans le feu éternel qui est préparé au Diable et à ses anges (Matthieu 25: 41), voilà la punition.
Or s'il faut dire cela d'un Achab, d'une Jésabel, d'un Judas; il faut le dire aussi de tout transgresseur de la loi. Et en admettant l'application d'une exacte justice à des cas de ce genre, nous l'admettons, remarquez-le bien, M. F., pour tous les cas, pour toute espèce de péché, à quelque degré et en quelque moment que ce soit. Par ces réflexions, nous avons en quelque sorte ouvert une large porte au jugement.
En reconnaissant un seul péché comme source et cause de malédiction, nous le faisons pour tout péché.

La loi de Dieu est une image de sa sainteté, avec laquelle tout péché est incompatible. Elle forme un tout complet; s'il était permis d'en violer un seul point, elle serait par là même abolie. Il ne doit y avoir lieu à aucun choix entre les préceptes, à aucune négligence; c'est pourquoi l'apôtre Jaques dit: Quiconque aura observé toute la loi, s'il vient à pécher contre un seul commandement, il est coupable comme s'il les avait tous violés; car celui qui a dit: Tu ne commettras point adultère, a dit aussi: Tu ne tueras point (Jacques 2: 10-11).

Et ce que nous disons de tout péché contre un commandement quelconque de la loi, il faut le dire aussi de tout péché à quelque degré que ce soit; par conséquent de ce que les hommes appellent de petits péchés.
Jugez-en vous-mêmes, M.F. Qui appelez-vous un honnête homme?
Ce n'est pas celui qui se contente de respecter en gros les droits de son prochain, et qui dans les petites choses ne craint pas de leur porter atteinte; mais au contraire celui qui pousse la délicatesse jusqu'au scrupule.
Appliquez cela à la sainteté de Dieu.
Sa loi est spirituelle. Son amour pour le bien est sincère et parfait. Le Saint des saints n'est pas plus réconciliante avec le moindre qu'avec le plus haut degré de péché, avec un peu qu'avec beaucoup de mal. Là où se trouve le mal, là se rencontre aussi cette distance infinie entre Dieu et l'être pécheur.

De plus s'il est juste de maintenir l'obéissance sous un point de vue, il est juste de la maintenir à tous égards. S'il est juste de punir un coupable, il est juste de les punir tous; que dis-je? il serait injuste d'en laisser échapper un.
Que penserait-on d'un tribunal qui, appliquant les lois à de grands criminels, ne punirait pas les petits délits?
Et encore, qu'est-ce que la justice humaine?
Elle s'arrête à certains péchés; elle s'arrête faute de preuves; elle laisse quelquefois malgré elle échapper le coupable, et elle frappe l'innocent; elle ne peut atteindre le mal à la source.
Il n'en est pas de même de la justice divine.
Elle voit tout, elle prohibe le mal dans les sentiments, dans la pensée, aussi bien que dans les paroles et les actions. Or je vous le demande: Dieu serait-il juste, lui
qui sonde les cœurs et les reins (Psaume 7: 10), s'il se bornait à punir les Judas et les Jésabel? 

Qu'appelle-t-on d'ailleurs «petit péché?»

Nos péchés sont criants, non point tant en ce qu'ils atteignent nos semblables, qu'en ce qu'ils sont des offenses contre Dieu même. J'ai péché contre toi, contre toi proprement (Psaume 51: 6), disait David. La moindre indifférence en tant qu'elle concerne Dieu, est une faute plus grave que la cruelle action de Jésabel, si elle n'eût concerné que Naboth seul. L'élévation, la bonté de la personne qui est offensée, augmente le crime.
Celui qui frappe son père est plus coupable que celui qui frappe son compagnon.
Quel n'est donc pas le crime de celui qui, en quoi que ce soit, offense le Très-Haut, le bon Créateur, le miséricordieux Bienfaiteur des hommes.
Qu'est à cet égard ce qu'on appelle le plus petit des péchés?
Distance infinie! châtiment sévère!
Maudit est quiconque ne fait pas toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi.

Ce que nous avons dit des degrés de péché, il faut aussi le dire des temps.
Quelquefois nous serons enthousiasmés pour ce qui est beau, pour ce qui est bon, notre désir tendra vers les choses du ciel; et d'autres fois nous rampons, nous n'avons ni ferveur, ni énergie; nos pensées, nos affections, nos regards se fixent sur ce qui est terrestre.
Il n'en est pas ainsi de notre Dieu en qui ne se trouve ni
variation, ni aucune ombre de changement (Jacques 1: 17). Son amour pour le bien est éternel. Ce qui est bien n'est pas moins sacré aujourd'hui que demain, demain qu'aujourd'hui, aux siècles des siècles. De là résulte la nécessité de persévérer dans le bien, sous peine de cet éloignement infini et de ces graves châtiments.

Ne pas persévérer dans le bien, c'est pécher de nouveau, c'est effacer le bien qui a été fait, c'est présenter ce bien comme un témoin contre soi-même. Il y a donc en Dieu une volonté éternelle qui réclame l'obéissance, et une menace éternelle contre le mal.

Si vous m'avez suivi, M.F., vous ne pouvez maintenant, quoi qu'il vous en coûte, refuser votre Amen à cette terrible sentence: Maudit est quiconque ne persévère dans toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi, pour les faire.


***

Qui se trouve dans ce cas-là?
On peut essayer d'élever sa propre justice en face d'autres déclarations de la Parole; on peut en croire les autres plus que soi-même relativement à son état moral; on peut se faire illusion; on peut se flatter directement ou indirectement comme le Pharisien de n'être pas au rang des meurtriers, des
ravisseurs, des injustes, des adultères (Luc 18: 11), mais je ne puis croire qu'on aille se tromper de la sorte en face de cette déclaration du Saint Esprit, que renferme notre texte.
Y a-t-il un homme assez aveuglé pour dire: «Je n'ai transgressé aucun point de la loi; je les ai tous et toujours observés?»

Il faut que l'orgueil humain croule, et que la vérité sorte menaçante de ces ruines. Quoique l'homme soit toujours porté à trouver en soi quelque chose qui le rende digne des faveurs de Dieu, quoiqu'il soit habile à se couvrir d'excuses; il faut que la force de cette sentence: Maudit est quiconque ne fait tout ce qui est commandé et n'y persévère, l'atteigne et le terrasse.
Il ne sera pas difficile de démontrer aux uns que, bien loin d'avoir observé tout ce qui est écrit au livre de la loi, ils en ont toujours transgressé ou négligé tel ou tel point. Ainsi l'on voit plusieurs hommes vicieux qui tiennent avec passion, avec obstination, la mauvaise voie; des impudiques, des avares, des colériques, des ennemis rancuneux, irréconciliables, des orgueilleux, des hommes durs, hautains, vaniteux, des hommes sensuels, des gourmands, des ivrognes; on voit des caractères inconstants, faibles et lâches; on rencontre, en un mot, bien des hommes qui n'ont jamais été maîtres de leurs penchants naturels et dominants.

Et quant à ceux qui ne sont pas adonnés aux mêmes vices, s'ils veulent s'étudier eux-mêmes, sonder les replis de leurs cœurs; se reconnaîtront-ils intacts, même à l'égard de ceux des commandements du Seigneur qu'ils ne sont pas si portés à violer?
Ne vous est-il pas arrivé de temps à autre d'avoir été sensuels, impurs, avares, colériques, fiers, durs, légers, faibles, lâches, paresseux?
Une maladie se connaît à ses accès, et quoique la plus terrible de toutes laisse bien des moments lucides, on n'en appelle pas moins épileptique celui qui en est atteint. Il n'en est pas autrement des maladies morales qui nous rongent.

L'expérience est là, M. F. L'expérience parle haut; elle crie en face du ciel et de la terre qu'on ne peut trouver aucun homme qui accomplisse la loi dans son entier, sans broncher et avec persévérance. Or nous savons que tout ce que la loi dit, elle le dit à ceux qui sont sous la loi; afin que tous aient la bouche fermée, et que tout le monde soit reconnu coupable devant Dieu (Romains 3: 19).

Puis donc que la malédiction est prononcée contre celui qui n'accomplit pas toute la loi, et qui ne l'accomplit pas toujours, elle est prononcée contre tout homme.


***


Maintenant il est facile de comprendre la première partie du texte: Tous ceux qui s'attachent aux œuvres de la loi, ou autrement, tous ceux qui sont des œuvres de la loi, sont sous la malédiction.Ils sont sous la malédiction non point pour avoir fait les œuvres de la loi, mais au contraire pour les avoir négligées, et parce qu'ils présentent néanmoins cette même loi comme moyen de justification.

En voulant fonder leur salut sur leurs œuvres, ils sont comme un malfaiteur qui, accusé d'avoir tué, se défendrait, le code à la main, comme n'ayant pas volé, et mettrait ainsi entre les mains de son juge l'instrument de sa condamnation; car il n'y aurait que quelques feuilles à tourner pour le convaincre. Ils en appellent ainsi à un témoignage qu'il faudrait au contraire pouvoir cacher.Ils reconnaissent la nécessité de l'obéissance, ils établissent ce qui est permis et ce qui est défendu, et pourtant n'obéissent pas eux-mêmes.
Et le zèle que montrent pour les œuvres ceux qui s'opposent à la doctrine de la
justification par la foi, ne fait qu'augmenter leur culpabilité; car tout en soutenant la justification par les œuvres de la loi, ils transgressent journellement cette même loi.

Ce zèle pour les œuvres, qui n'est qu'un zèle de paroles, ne sera-t-il pas dévoilé, manifesté comme une hypocrisie, au juste jugement de Dieu? Israël, qui cherchait la loi de la justice, n'est point parvenu à la loi de la justice. Pourquoi? Parce qu'ils ne l'ont point cherchée par la foi, mais par les œuvres de la loi; car ils ont heurté contre la pierre d'achoppement (Romains 9: 31-32). 
Si donc vous venez ou prétendez venir au tribunal de Christ en disant: «J'ai fait, j'ai fait, j'ai obéi»; par la même loi que vous citez, la condamnation tombera sur vous. 

***

Que ferez-vous donc, M. F.?
Parlerez-vous de la miséricorde? Sans doute elle existe, sans doute elle mérite d'être louée aux siècles des siècles. Nous sommes des monuments vivants de cette miséricorde: nous respirons encore, c'en est assez pour la faire connaître.
Combien n'y en a-t-il pas parmi eux qui m'écoutent, qui ont réchappé ou de quelque maladie, ou de quelque danger pressant, qui sont comme des
tisons tirés du feu (Zacharie 3: 2)?
C'est à cette miséricorde que vous devez tant de sommations, tant d'avertissements, tant de secours, tant de patience. C'est de cette miséricorde que vous viennent, à cette heure même, des exhortations, des sollicitations à faire votre paix avec Dieu.
Oui, elle existe?
Mais comment la voulez-vous?
Est-ce sans les œuvres de la loi, ou avec les œuvres de la loi?

Si, à côté de cette miséricorde, vous voulez placer encore la malédiction de la loi; elle ne servira qu'à vous perdre.
Dira-t-on à un homme: «Vous êtes un grand pécheur, il est vrai, mais si aujourd'hui même vous abandonnez vos péchés, et si vous n'y retombez plus; Dieu vous regardera en sa miséricorde et vous traitera comme si vous n'aviez jamais péché?» On peut bien le dire, M. F. Cette miséricorde sous la loi est bien offerte de la sorte au nom de Dieu par le prophète Ézéchiel:
Que le méchant se détourne de tous les péchés qu'il aura commis, et qu’il garde tous mes statuts et fasse ce qui est juste et droit, certainement il vivra et il ne mourra point. H ne sera fait aucune mention de tous les péchés qu'il aura commis; mais il vivra pour la justice, à laquelle il se sera adonn. (Ézéchiel 18: 22-23)
Nouvelle position, nouvelle condition. — Mais dans cet état de choses, sous ce jour-là, on retrouve encore l'ancienne alliance, l'alliance de la loi. C'est de l'observation de la loi que dépend le bonheur. La philosophie, la sagesse du monde, peut aussi nous tenir ce langage. «Ne pèche plus du tout, et tu seras heureux.» Un nouveau compte recommence, il faut qu'il soit et reste juste (Ézéchiel 18: 24); sinon la sentence de notre texte suit: Maudît est quiconque ne persévère dans toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi, pour les faire.

Si nous ne remplissons pas cette condition; voici la miséricorde elle-même qui se lève devant la justice divine comme un témoin contre nous. Elle fait crier cette justice encore plus haut contre celui qui ne fait pas tout ce qui est écrit au livre de la loi, et qui n'y persévère pas.
Si Dieu n'eût pas envoyé un prophète à Achab et à Jésabel, s'il n'eût pas usé de sa longue attente envers eux; ils n'auraient pas été si coupables.
Si Judas n'eût pas été appelé comme Apôtre, et s'il n'eût pas joui de la société et de la charité du Seigneur Jésus; s'il n'eût pas été averti si solennellement et avec tant de douceur; sa responsabilité serait moindre.
Mais toutes ces marques de clémence viendront les assaillir au dernier jour, comme une horde ennemie. Il en serait de même de tout pécheur, aux mêmes conditions.

Si l'on n'a rien de plus que l'idée générale de la miséricorde pour consoler l'âme abattue, il faut qu'elle reste sans consolation.
Voudriez-vous, je vous le demande, M. F., essayer de l'éternité à ce prix-là?
Voudriez qu'on vous dit, ne le faites plus, faites tout ce qui vous est possible, observez dès maintenant toute la loi, et vous serez pardonnes?
N'y a-t-il pas en vous quelque chose, l'expérience du passé, qui vous dit d'avance que vous pécherez encore, que vous n'observerez pas avec une persévérance soutenue tous les points de la loi? 

Vous êtes donc aussi exposés à ce que toutes les bontés de Dieu s'élèvent un jour en témoignage contre vous. Il est donc certain que, même sous l'empire de la miséricorde, tout homme qui veut s'appuyer sur les œuvres de la loi, est par elles condamné. Il est donc certain que, même en supposant la miséricorde, il faut dire encore: Tous ceux qui s'attachent aux œuvres de la loi, comme fondement de leur espérance, sont sous la malédiction.

***

Que vous reste-t-il donc?
La Grâce, M. F. Une pure grâce, une grâce nullement méritée, une grâce à laquelle vous n'avez aucun droit, une aumône du Ciel par Jésus-Christ. Toute autre prétention doit être mise de côté.
Il n'y a que deux chemins pour venir à Dieu: la loi ou la grâce. — Il faut choisir.
Si vous choisissez l'un, vous excluez l'autre.

Si c'est par les œuvres, dit l'Apôtre Paul, ce n'est plus par la grâce; car sans cela, la grâce ne serait plus une grâce; et si c'est par la grâce, ce n'est plus par les œuvres; car sans cela les œuvres ne seraient plus des œuvres (Romains 11: 6).

Aussi dans la représentation du jugement dernier, Jésus parle-t-il d'un royaume préparé aux justes dès la fondation du monde, et les justes qui lui répondent, ne s'appuient nullement sur leurs œuvres, relativement au salut; car ils les ont comme oubliées (Matthieu 25: 34, 44). Ainsi donc celui qui ne veut pas recevoir le salut comme une grâce à laquelle il n'a aucun titre personnel, ne l'obtiendra jamais.

Cela présente, il est vrai, des difficultés, des abîmes. Mais, creusez votre esprit: vous ne trouverez point d'autre ressource, vous serez toujours ramenés ou à la loi, ou à la grâce; vous serez toujours obligés de reconnaître que vous  êtes maudits par la loi, puisque la loi produit la colère (Romains 4: 15). Il faut donc que vous veniez comme des pécheurs, comme le brigand sur la croix, demander grâce. Acceptez-la. Je vous la prêche en Jésus-Christ. Je vous la présente, je vous l'offre au nom de Dieu. C'est par la foi que nous sommes héritiers, afin que ce soit par grâce (Romains 4: 16). Que dirons-nous donc? Demeurerons-nous dans le péché afin que la grâce abonde? A Dieu ne plaise! Car nous qui sommes morts au péché, comment y vivrions-nous encore? Ce qui était impossible à la loi, à cause qu'elle était faible dans la chair, Dieu l'a fait en envoyant son propre Fils dans une chair semblable à celle des hommes pécheurs et pour le péché, et il a condamné le péché dans la chair (Romains 6: 1-2; 8: 3).

C'est cette doctrine, de grâce seule qui peut nous donner la force d'obéir et de combattre. Ce n'est qu'en supposant ce salut gratuit qu'on peut, sans nous terrasser, nous montrer la perfection comme but et Dieu comme modèle, qu'on peut nous dire: Soyez parfaits, comme votre Père qui est aux deux est parfait (Matthieu 5: 48).
Ce n'est que lorsque notre âme peut jeter un regard tranquille sur l'avenir qu'elle devient capable d'une obéissance qui, sans cela, lui aurait été impossible. Que des passagers se trouvent sur un bâtiment avarié, exposés à tous les dangers de la mer, et ne sachant ce qu'ils deviendront, ils seront facilement abattus, consternés du sort qui les menace; mais qu'on puisse leur assurer de la part du Maître de toutes choses qu'ils atteindront le port désiré, cette espérance ferme les soutiendra à la vue de leur vaisseau délabré, et, malgré l'assaut des vents et des vagues, cette assurance les rendra capables des plus grands efforts. C'est aussi l'assurance du salut en Jésus-Christ qui soutient le fidèle, qui produit la reconnaissance et l'amour. C'est par une confiance entière en celui qui
a commencé la bonne œuvre et qui l'achèvera pour le jour de Jésus-Christ (Philippiens 1: 6), que s'avance et s'achève cette œuvre même. C'est par là que nous sommes rendus capables de nous dévouer nous-mêmes à l'honneur de Celui qui nous a épargnés, appelés, sauvés, par des compassions si grandes et si gratuites.
Il faut qu'on nous dise: «Vis et tu feras», et non pas: «fais et tu vivras», si nous devons connaître la véritable vie. C'est pourquoi l'Apôtre disait aussi:
Quoi donc! anéantissons-nous donc la loi par la foi? A Dieu ne plaise; mais nous établissons la loi. Il n'y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, qui marchent non selon la chair, mais selon l', parce que la loi de l'Esprit de vie qui est en Jésus-Christ m'a affranchi de la loi du péché et de la mort (Romains 3: 20; 8: 1-2).

Ceux d'entre vous, M. F, qui n'avaient pas véritablement connu la grâce de Dieu (Colossiens 1: 6), la connaissent maintenant, s'ils ont été attentifs. Qu'ils cherchent à en faire l'expérience. Qu'ils fassent reposer leur espérance, non point sur eux-mêmes, mais sur le seul et unique fondement solide, qui est Christ.
Quant à vous, mes bien-aimés, qui l'avez connue, qui avez reçu cette grâce, qui en avez fait l'expérience: croyez-y véritablement, considérez-la dans toute son étendue.
Rappelez-vous que c'est une Grâce, une grâce non méritée; mais une grâce qui ne peut vous manquer. Elle est toujours la même.
D'où viennent vos faiblesses, vos chutes, votre tiédeur?
De ce que vous n'y croyez pas assez. Écoutez donc le précepte de l'Apôtre. Écoutez-le du cœur:
Toi donc, mon fils! ma fille! fortifie-toi dans la grâce qui est en Jésus-Christ (2 Timothée 2: 1), souvenez-vous que la victoire par laquelle le monde est vaincu, c'est votre foi (1 Jean 5: 4).
Allons donc tous ensemble à notre Dieu par Jésus: allons à lui dans le sentiment de notre incapacité, de notre indignité, de notre juste condamnation: allons demander cette aumône du ciel.

O Seigneur! regarde ces pauvres, ces malades qui viennent réclamer la grâce. Il y a en nous de grandes misères, des plaies profondes, une contagion dangereuse et mortelle. O toi! qui as écouté et guéri les aveugles, les lépreux, les impotents qui ont demandé ton secours, écoute-nous, exauce-nous: Si tu veux, tu peux nous nettoyer (Marc 1: 40), nous délivrer, nous sauver. Donne-nous d'en venir par ta grâce à faire tout ce qui est écrit au livre de la loi et d'y persévérer à la louange de la gloire (4) de Dieu notre Père.

Amen!

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