Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

TIMOTHÉE (1)

Chapitre 6

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1 Ceux qui sont sous le joug de la servitude doivent estimer leurs maîtres dignes de tout respect, afin que le nom de Dieu et notre enseignement ne soient pas décriés. Et ceux qui ont des maîtres chrétiens ne doivent pas les mépriser, sous prétexte qu'ils sont leurs frères, mais les servir d'autant mieux que ceux qui reçoivent leurs bons services sont des croyants bien-aimés.

VI, 1, 2. L'Évangile ayant proclamé l'égalité des hommes devant Dieu (Gal. III, 28), il pouvait arriver que des esprits hardis et ardents demandassent une application rigoureuse et immédiate de ce principe à la constitution de la société civile, comme cela s'est vu encore au 16e siècle, au début de la Réforme. Voilà pourquoi Paul et ses disciples s'adressent si souvent aux esclaves, qui formaient sans doute une catégorie assez nombreuse dans le sein des premières églises grecques, pour leur faire comprendre que la morale et la religion chrétiennes, loin de viser à un bouleversement révolutionnaire, sanctifiaient les devoirs existants, tout en travaillant à les rendre plus faciles (1 Cor. VII, 21. Col. III, 22. Éph. VI, 5. Tit. II, 9). Ici l'auteur signale en passant le danger qu'il y aurait, si l'adhésion à la foi chrétienne rendait les esclaves enclins à la rébellion, ou même seulement mal disposés au service. Le blâme et l'animadversion ne frapperaient pas les quelques coupables seuls, mais retomberaient sur l'Évangile lui-même et lui créeraient des obstacles insurmontables.

Il s'arrête encore à un cas particulier; l'esclave d'un maître païen pouvait se résigner à son sort, le maître ne partageant pas ses convictions au sujet de l'égalité des hommes et de la vraie mesure de leur valeur individuelle. Mais l'esclave chrétien d'un maître chrétien devait être choqué bien plus directement de ce qu'il y avait d'anormal et de faux dans ce rapport. Car il pouvait dire: pourquoi serais-je, moi, l'esclave de mon frère? Pourquoi ne s'établirait-il pas entre nous un rapport de services mutuels? L'auteur, sans développer sa pensée, se borne à répondre que cette circonstance serait un motif de plus de faire son devoir. Il voulait sans doute dire que les esclaves, dans ce cas, devaient être attachés de cœur à leurs maîtres, parce qu'ils voyaient en eux des membres de Christ, des bien-aimés de Dieu.

3 Voilà ce que tu enseigneras et recommanderas. Si quelqu'un enseigne autrement, et s'écarte des saines doctrines de notre Seigneur Jésus-Christ, et de renseignement conforme à la religion, c'est un homme enflé d'orgueil, ignorant, affecté de la maladie des questions oiseuses et des disputes de mots, d'où naissent l'envie, la discorde, les calomnies, les mauvais soupçons, les contestations d'hommes corrompus quant à la raison, s'étant laissé enlever la vérité, et croyant que la religion est un moyen de s'enrichir.

6 Eh, sans doute, elle l'est, et grandement, quand elle est alliée à la modération des désirs. Car nous n'avons rien apporté dans le monde; évidemment nous n'en pouvons rien emporter non plus: mais si nous avons de quoi nous nourrir et nous couvrir, nous nous en contenterons. Ceux au contraire qui veulent s'enrichir, tombent dans la tentation, dans le piège, dans toutes sortes de convoitises déraisonnables et funestes, qui précipitent les hommes dans la ruine et la perdition. Car l'amour de l'argent est la racine de tous les vices, et plusieurs, en s'y abandonnant, se sont écartés du chemin de la foi et en ont eu de cruels remords.

VI, 3-10. Pour bien saisir la liaison des idées dans ce morceau, il faut supposer qu'en écrivant la première ligne, l'auteur a voulu, pour ainsi dire, résumer sa lettre. Voilà, dit-il en substance, les points que tu toucheras dans ton enseignement, et les principes que tu appliqueras dans la direction de l'église. Cette pensée ramène naturellement la mention des tendances opposées, dont il avait déjà été question. À l'enseignement pratique, sain, salutaire aux individus comme à la communauté, et faisant fleurir la piété, la charité, la concorde, il oppose celui qui s'occupe de spéculations vaines, de questions méticuleuses, de controverses inutiles, dont l'unique fruit est de mettre le trouble dans les esprits, ou une passion maladive dans les cœurs. Un pareil enseignement, ajoute-t-il, trahit, chez ceux qui s'y appliquent, une fausse direction de l'esprit, un manque d'intelligence ou de sympathie pour la vérité, peut-être même, ce qui serait bien pis encore, l'arrière-pensée de faire servir la prédication à quelque but égoïste et matériel. (Tite I, 11. 2 Cor. XI, 20, etc.)

Arrivé à ce dernier point, le discours s'y arrête pour un moment; l'auteur perd de vue son point de départ, pour s'occuper, en passant, des dangers moraux auxquels les hommes s'exposent en se laissant aller au désir de s'enrichir et en concentrant tous leurs efforts sur ce but unique, de manière à lui subordonner même les intérêts et les devoirs les plus sacrés. À cette funeste tendance, il oppose la volonté, à la fois raisonnable et chrétienne, de se contenter du nécessaire. Le contraste est nettement marqué par une tournure rhétorique, sur la portée de laquelle l'exégèse s'est assez généralement trompée. En affirmant que la religion est un moyen de s'enrichir, l'auteur n'a pas voulu parler de trésors spirituels, qui valent mieux que ceux de la terre (Matth. VI, 19, 20), mais il a voulu dire que la religion, en nous apprenant à modérer nos désirs, à nous contenter, nous enrichit indirectement.

11 Mais toi, ô homme de Dieu, fuis ces choses et recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la constance, la douceur. Soutiens bravement le combat de la foi, saisis la vie éternelle, en vue de laquelle tu as reçu ta vocation et as fait cette belle profession en présence de beaucoup de témoins. Je t'exhorte, à la face du Dieu qui donne la vie à toutes choses, et du Christ Jésus qui a fait cette belle profession devant Ponce Pilate, à garder ces préceptes, sans tache ni reproche, jusqu'à l'apparition de notre Seigneur Jésus-Christ, que nous laissera voir, au temps qu'il a choisi, le bienheureux et unique souverain, le roi des rois, le seigneur des Seigneurs, qui seul possède l'immortalité, et qui habite une lumière inaccessible, lui qu'aucun homme n'a vu ni ne peut voir, auquel soit honneur et puissance éternelle, amen!

VI, 11-16. Péroraison, ou exhortation finale, qui se rattache, comme une espèce d'antithèse, à ce qui précédait immédiatement. Homme de Dieu était, dans l'Ancien Testament, un terme honorifique pour désigner les prophètes. Au point de vue du Nouveau Testament, quiconque travaille, de manière ou d'autre, à l'avancement du règne de Dieu, peut être appelé de ce nom, lequel ne désignera donc pas spécialement un chef d'église. — Pour l'image du combat, voyez la note sur chap. I, 19. Une autre image, également fréquente dans les épîtres, est celle de la course dans le stade (1 Cor. IX, 24. Phil. III, 12, etc.), où Ton fait des efforts pour arriver à un but et à une récompense. Cette image suggère ici à l'auteur les deux phrases: poursuis la justice, etc. (car c'est ainsi qu'il faudrait traduire à la lettre), et: saisis la vie.

La profession dont il est parlé, peut encore se rapporter à la scène de la consécration, à laquelle il a été fait allusion deux fois déjà (chap. I. 18; IV, 14; comp. 2 Tim. I, 6). D'autres y ont voulu voir de préférence quelque acte de courage, accompli pendant la carrière apostolique du disciple. Ce qui a fait penser à cette dernière explication, c'est qu'elle s'applique très bien à ce qui est dit d'une profession de Jésus, dans laquelle on aime mieux voir l'accomplissement de son sacrifice, que les paroles prononcées devant le juge romain. Nous sommes également convaincus que, lorsque dans la tradition ecclésiastique on mentionnait le nom de Pilate à côté de celui du Seigneur, on entendait rappeler sa passion et non tel mot qu'il aurait prononcé (bien que cela ne soit pas exprimé ici par le verbe grec qu'on doit traduire par proclamer, rendre témoignage, et non par souffrir le martyre), mais cela n'empêche pas que les deux choses, l'acte de Christ et la parole de Timothée, ne soient désignées par le même mot, toutes les deux étant une déclaration émanant d'une même source et tendant à un même but. (Pour le reste, comp. chap. I, 11, 17. Tite I, 3; II, 13.)

17 Aux riches de ce monde, tu recommanderas de ne pas être orgueilleux, et de ne pas mettre leur espérance dans des richesses incertaines, mais en Dieu, qui nous donne largement tout ce qu'il nous faut pour notre usage; de faire du bien, d'être riches en bonnes œuvres, généreux et charitables, mettant ainsi en réserve un beau fonds pour l'avenir, afin d'obtenir la vie véritable.

VI, 17-19. C'est là une espèce de post-scriptum, dans lequel l’auteur revient à ce qu'il avait dit plus haut de la richesse matérielle et des dangers qu'elle présente. En elle-même, ajoute-t-il ici, elle n'est pas un mal. Mais il s'agit d'en faire un bon usage et de ne pas y attacher une valeur absolue ou excessive, aux dépens de choses bien autrement essentielles. Comp. surtout Matth. VI, 25, 26, où Jésus exprime l'idée qu'on a tort de se donner des soucis pour les besoins matériels, Dieu y ayant pourvu d'avance; de sorte que les préoccupations exclusivement dirigées de ce côté-là sont blâmables.

20 0 Timothée, garde bien ton dépôt, évite les discussions vaines et profanes, et les objections d'une science qui porte faussement ce nom, et dont se vantent certaines gens, qui s'écartent ainsi de la foi. Que la grâce soit avec toi!

VI, 20-22. En terminant, l'auteur touche encore une fois au sujet par lequel il a débuté (chap. I, 3 suiv.), en recommandant à son délégué, non pas de ne point se laisser égarer lui-même par de fausses doctrines, mais de ne point permettre qu'un enseignement étranger aux vrais besoins de la communauté, et dirigé de préférence sur des questions oiseuses, n'envahisse la chaire chrétienne et n'usurpe la place d'une prédication saine et substantielle.

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