Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DEUXIÈME ÉPITRE DE PIERRE

Chapitre 3

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1 Voilà déjà la seconde lettre que je vous écris, mes bien-aimés, et dans laquelle je tâche de donner l'éveil à votre sain jugement, en faisant appel à vos souvenirs, relativement aux choses prédites par les saints prophètes, et au commandement de notre Seigneur et Sauveur, que vous ont transmis vos apôtres. Vous devez savoir surtout que, dans les derniers jours, il viendra des railleurs, avec des railleries, lesquels se laisseront guider par leurs propres convoitises et qui diront: Où en est la promesse de son avènement? Car depuis que nos pères sont morts, toutes choses restent dans le même état, depuis le commencement de la création!

III, 1-4. Après avoir suffisamment caractérisé les libertins au point de vue de leurs tendances pratiques, l'auteur arrive à la base théorique de leurs erreurs, le scepticisme moqueur, avec lequel ils rejetaient les espérances héréditaires de l'Église, la parousie de* Christ dans sa gloire, le jugement dernier, etc. Pour la forme, il emprunte encore une partie de ses phrases à l'épître de Jude (v. 17, 18). Pour le fond, on pourrait mettre en regard de notre texte les quelques indications assez obscures de 1 Tim. I, 20. 2 Tim. II, 16, 17. Les croyances eschatologiques se fondant sur un enseignement en partie antérieur à l'Évangile, en partie formulé par Jésus lui-même et par ses apôtres, l'avertissement donné ici s'appelle naturellement un appel aux soitvenirs des lecteurs (comp. chap. I, 13). La promesse messianique est de plus considérée comme un dogme, comme une vérité officiellement promulguée, et qu'il faut croire nécessairement quand on veut être chrétien; c'est pour cela qu'elle est appelée un commandement.

La question critique et moqueuse mise dans la bouche des libertins consiste à dire: On nous avait promis une grande révolution, l'établissement glorieux du royaume de Christ, la fin de toutes les tribulations de cette terre, etc. Où en est cette perspective? Les choses vont comme toujours. Nos pères sont morts, et rien n'est changé; le monde est resté ce qu'il a été depuis le commencement. Cette phrase prouve également que l'épître est écrite postérieurement à l'extinction de la première génération des chrétiens. Sur la mention des apôtres au v. 2, voyez l'introduction.

5 Car ils affectent d'ignorer qu'il y a eu autrefois un ciel, et une terre tirée de l'eau et subsistant par l'eau, sur la parole de Dieu; en suite de quoi le monde d'alors périt submergé par l'eau, tandis que le ciel et la terre actuels, par sa parole aussi, sont réservés et gardés pour le feu, pour le jour du jugement et de la ruine des hommes impies.

8 Mais il est une chose que vous ne devez pas ignorer, mes bien-aimés, c'est que pour le Seigneur un jour est comme mille ans, et mille ans comme un jour. Le Seigneur n'est point en retard, relativement à sa promesse, comme quelques-uns croient qu'il y a du retard, mais il use de patience envers vous, parce qu'il ne veut pas que quelqu'un périsse, mais que tous arrivent à la repentance.

III, 5-9. L'objection des moqueurs est réfutée ici par trois arguments dont un seul répond directement et logiquement au doute exprimé. C'est la dernière. On disait: La promesse tarde bien à se réaliser, nous en concluons qu'elle pourra bien ne se réaliser jamais. L'auteur répond: Non, c'est une preuve que Dieu vous veut du bien, autrement il se hâterait de faire arriver le jour du jugement. Ainsi loin de trouver dans ce retard un sujet de raillerie, voyez-y un sujet de reconnaissance et un motif de vous amender.

Le second argument, tout en exprimant une vérité incontestable, est assez faible au point de vue dialectique. Pour faire comprendre le retard de la parousie, l'auteur invoque un passage bien connu (Psaume XC, 4), d'après lequel Dieu n'est pas soumis aux conditions du temps comme les hommes. Mais il oublie que la promesse avait déclaré très positivement que la parousie aurait lieu bientôt, et que ceux qui l'avaient reçue devaient se croire autorisés à prendre ce mot dans le sens d'une mesure de temps humaine, autrement la promesse était illusoire. Les apôtres n'avaient certes pas compris que Dieu ou Jésus leur avait voulu dire que l'établissement de son royaume aurait lieu dans quelques milliers d'années. La grande et sublime idée exprimée par la parabole du grain de sénevé, n'a rien de commun avec les croyances eschatologiques, répandues dans la société contemporaine des apôtres, croyances que l'auteur veut défendre ici contre le doute qui commençait à les miner, et qui bientôt les fit abandonner plus ou moins complètement.

Mais le troisième argument, qui est mis en tête, comme le plus décisif sans doute, est moins concluant encore. L'auteur distingue trois créations successives, l'une passée, l'autre présente, la troisième à venir. La première formée au moyen de l'eau, a péri par l'eau (du déluge). La seconde périra un jour par le feu, puis seulement viendra la troisième, le nouveau ciel et la nouvelle terre qui seront le séjour de la race élue. Mais quant à la première, la Genèse ne dit pas que le monde a été formé d'eau, ou par l'eau; elle dit seulement que l'eau recouvrait d'abord la terre et en fut ensuite séparée. De même elle ne dit pas que le monde (physique) fut détruit par le déluge, mais que les hommes périrent dans cette catastrophe. Enfin l'hypothèse d'une future destruction du monde par le feu est un corollaire tiré par les docteurs juifs de ce que la Genèse (chap. IX, 15) dit que Dieu promit qu'il n'y aurait plus de déluge et de ce que le prophète (És. LXVI, 22) parle d'une nouvelle terre et d'un nouveau ciel. Mais en admettant même la vérité de toutes ces subtilités scolastiques, comment peuvent-elles servir à faire taire l'objection de ceux qu'on veut réfuter ici? Ils disaient: on nous a trompés en nous parlant d'une révolution prochaine qui changerait le monde; et on répond: le monde a déjà été changé une fois, il le sera encore, mais par d'autres moyens. Or, la différence des moyens ne préjuge rien au sujet de l'époque, qui seule était en question.

10 Mais le jour du Seigneur viendra comme un voleur: alors les cieux disparaîtront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec tout ce qui s’y trouve sera consumée. Or, toutes ces choses devant ainsi se dissoudre, combien votre conduite ne doit-elle pas être sainte et pieuse, en attendant et en hâtant l'avènement du jour de Dieu, en vue duquel les cieux se dissoudront dans le feu et les éléments embrasés se fondront? Mais nous attendons, selon sa promesse, une nouvelle terre et un nouveau ciel dans lesquels demeure la justice.

III, 10-13. C'est ici une conclusion pratique que l'auteur tire de sa prédiction, et qui conserve sa valeur et son à propos, quelle que soit l'opinion qu'on ait sur la perspective matérielle à laquelle elle se rattache. Jésus avait maintes fois fait valoir le même argument (Matth. XXIV, 42 suiv., et paraît.; XXV, 13. Luc XII, 39, etc.). L'image du voleur est surtout familière aux apôtres pour cet usage (1 Thess. V, 4. Apoc. III, 3; XVI, 15). Elle exprime l'idée de l'incertitude du moment, en opposition avec la certitude de la chose. Plus le jugement est redoutable plus il convient de s'y préparer.

Les chrétiens peuvent hâter l'avènement du jour du Seigneur, qui pour eux sera un jour de gloire et de bonheur, précisément en s'y préparant par une vie pieuse et sainte; car le retard étant l'effet de la longanimité de Dieu envers les pécheurs, le progrès général dans le bien abrégeait les délais.

14 Ainsi donc, mes bien-aimés, appliquez-vous, dans cette attente, à être trouvés par lui sans tache, sans souillure et en paix, et regardez la patience de notre Seigneur comme chose salutaire, ainsi que notre bien-aimé frère Paul vous Ta écrit également, selon la sagesse qui lui a été donnée, comme il le fait d'ailleurs dans toutes ses épîtres, quand il parle de ces choses, dans lesquelles il y a des points difficiles à comprendre, dont les gens mal instruits et mal affermis tordent le sens, et cela pour leur propre perte, comme ils le font aussi pour les autres écritures. Vous donc, mes bien-aimés, puisque vous voilà prévenus, gardez-vous de vous laisser entraîner par l’égarement de ces impies, et de déchoir aussi de votre fermeté. Croissez plutôt dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. À lui soit la gloire aujourd'hui et à tout jamais!

III, 14-18. Il y a d'abord à relever ici le mot: en paix, à la fin du 14e verset, dont le sens est assez difficile à déterminer. Comme il ne saurait être question de la paix entre les divers membres de l'Église, l'auteur n'ayant pas parlé de dissensions quelconque, et ne pouvant vouloir parler d'une harmonie à établir entre ses lecteurs et ceux qu'il leur a signalés comme des scélérats, le plus simple sera de dire qu'il s'agit de la paix entre les hommes fidèles et Dieu. Nous avouons cependant que cette idée est assez étrangère au contexte.

Une question plus intéressante est celle relative à la mention de l'apôtre Paul et de ses épîtres. Elle a déjà été débattue dans l'introduction, en tant qu'elle peut servir à la critique historique. Ici il convient d'y revenir pour déterminer le but que l'auteur a eu en vue avec sa citation. Que veut-il que Paul ait dit dans une certaine épître écrite aux lecteurs de la présente, ainsi que dans toutes les autres? Comme il parle de points difficiles, il ne peut pas avoir en vue les seules exhortations pratiques que Paul ne manque jamais d'adresser à ses lecteurs quand il parle de l'avenir. Il s'agit donc sans doute de l'enseignement relatif aux choses finales elles-mêmes. Il est de fait, d'ailleurs, qu'il n'y a guère d'épître de Paul dans laquelle l'apôtre ne touche à ces questions-là. (1 Cor. XV. 2 Cor. V. Éph. VI, 8. Phil.III, 20 suiv. Col. III, 4. 1 Thess. IV. 2 Thess. II. I Tim. VI, 14. Tit. II, 13. Comp. aussi Rom. II, 4; IX, 22. I Cor. I, 7, 8. Hébr. IX, 26; X, 25 suiv.) Mais il est impossible de dire auquel de ces passages l'auteur a pu songer de préférence.

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