Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

APOCALYPSE DE JEAN

Chapitre 16

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2 Alors le premier alla verser sa coupe sur la terre, et un ulcère malin et malfaisant se montra sur les hommes qui avaient la marque de la bête et qui se prosternaient devant son image. Et le second versa sa coupe sur la mer et elle se changea en sang, comme l'est celui d'un mort, et tous les êtres vivants qui étaient dans la mer périrent. Et le troisième versa sa coupe sur les rivières et sur les sources d'eau, et elles se changèrent en sang. Et j'entendis l'ange des eaux qui disait: Tu es juste, toi qui es et qui as été; tu es saint, parce que tu as ainsi jugé; car ils ont versé le sang des saints et des prophètes, et c'est du sang que tu leur donnes à boire: ils l'ont mérité!

7 Et j'entendis l'autel qui disait: Oui, Seigneur Dieu tout-puissant, tes jugements sont vrais et justes! Et le quatrième versa sa coupe sur le soleil, et il lui fut donné de brûler les hommes avec son feu. Et les hommes furent brûlés par la grande chaleur et les hommes proférèrent des blasphèmes contre le nom de Dieu qui avait le pouvoir de pareilles plaies, mais ils ne se repentirent point pour lui rendre hommage.

XVI, 2-9. Les quatre premières plaies forment un ensemble comme les quatre premières trompettes, car le ciel, la terre, la mer et les eaux courantes forment les quatre parties de l'univers dans le style de notre livre (chap. VIII, 7 suiv.; XIV, 7). Du reste, la description des plaies présente encore des analogies avec celles d'Égypte (Exode VII suiv.) sur lesquelles il est superflu d'insister. Elles frappent maintenant la totalité des méchants.

L'ange des eaux nous rappelle celui des vents (chap. VII, 1) et celui du feu (chap. XIV, 18). Les voix que l'on entend ne sont pas toutes déterminées. Beaucoup de commentateurs pensent que l'ordre donné aux sept anges (v. 1) émane directement de la bouche de Dieu. C'est possible, mais ce n'est pas nécessaire. La solennité de la scène est suffisamment rehaussée par cette espèce d'invisibilité des acteurs. Quand il est dit que l'autel parla, c'est une locution elliptique, qui a son analogie dans chap. XIV, 18, et surtout dans chap. IX, 13, et qu'il a été bien superflu de compléter, comme cela se voit dans le texte vulgaire.

La dernière phrase de ce morceau n'appartient pas exclusivement à la description de la quatrième plaie. Il s'agit certainement de l'effet produit par toutes ces plaies (comp. les figures chap. VI, 8; VIII, 13, qui séparent les quatre premiers sceaux et les quatre premières trompettes de ce qui suit). Cet effet n'est pas le repentir, mais le blasphème. On n'oubliera pas que les plaies n'ont plus à frapper que des païens, le reste d'Israël s'étant converti (chap. XI, 13).

10 Et le cinquième versa sa coupe sur le siège de la bête, et son royaume fut couvert de ténèbres, et ils se mordaient la langue de douleur, et ils blasphémaient le Dieu du ciel à cause de leurs douleurs et de leurs ulcères, mais ils ne se repentirent point de leurs œuvres.

XVI, 10, 11. Les trois dernières plaies frappent plus particulièrement Rome, le centre et chef-lieu de cette opposition impie et criminelle du monde contre la cause de Christ. Le royaume de la bête, c'est l'empire romain (chap. XIII). Le siège de la bête, c'est la capitale. Les ténèbres sont les précurseurs de la ruine. Les hommes qui blasphèment sont les citoyens de la cité païenne, les incrédules persécuteurs, qui continuent à être tourmentés par les plaies précédemment décrites.

12 Et le sixième versa sa coupe sur le grand fleuve, l'Euphrate, et son eau tarit, afin que le chemin fût préparé pour les rois venant du Levant.

XVI, 12. Nous verrons plus loin que la ruine de Rome doit être amenée, non par un coup directement frappé par la main de Dieu, mais par le roi-antéchrist, l'empereur romain jadis détrôné et blessé à mort (chap. XIII, 3), et allant revenir pour se venger de ses sujets rebelles. A cet effet, il se liguera avec les rois de l'Orient, alors les seuls à la fois indépendants de Rome et assez puissants pour tenir tête à l'empire. Ces rois sont en partie pris dans la réalité historique (Parthes, etc.), en partie sans doute créés par la poésie apocalyptique (chap. XVII, 12). L'Euphrate formait la limite de l'empire de ce côté-là. Le passage de cette grande rivière, la plus grande, après le Nil, dans l'horizon géographique des Israélites et même des Romains, est facilité par un acte miraculeux de la Providence, comme autrefois celui delà mer rouge et du Jourdain.

13 Puis je vis sortir de la bouche du Serpent et de la bouche de la Bête et de la bouche du faux Prophète trois esprits impurs, comme des crapauds. Ce sont des esprits de démons qui font des miracles et qui s'en vont chez les rois de toute la terre, afin de les assembler pour le combat de ce grand jour du Dieu tout-puissant. — «Voyez, je viens comme un voleur; heureux celui qui veille et garde ses vêtements, afin qu'il ne marche pas nu, de sorte qu'on voie sa honte! » — Et ils les assemblèrent dans le lieu appelé en hébreu Harmageddon.

XVI, 13-16. C'est ici ce que nous avons déjà signalé comme l'entracte, ou l'entre scène entre la 6e et la 7e coupe. Les puissances qui doivent consommer la ruine de Rome sont convoquées et assemblées sur le terrain choisi pour champ de bataille. Ces puissances, nous venons de le voir, sont les rois de l'Orient qui passent l'Euphrate pour attaquer l'empire. Ils sont convoqués par des démons (des esprits impurs, formule familière aux évangiles) sortis de la bouche des trois grands ennemis de Christ, décrits aux chap. XII et XIII. Mais de tels messagers ne peuvent être que des menteurs; comme dans l'Ancien Testament aussi il est quelquefois question d'un esprit de mensonge envoyé pour égarer les hommes que Dieu veut perdre (1 Rois XXII, 20 suiv.). La forme hideuse du crapaud symbolise la nature de ces êtres méchants et détestables. Dieu permet que le message ait son effet, les rois se réunissent, ils aideront même l'Antéchrist à détruire Rome, mais ils ne sauraient aller plus loin. Au lieu de vaincre Christ à son tour, ce sont eux qui sont anéantis par lui et enveloppés dans une commune ruine. Tout cela, nous l'apprendrons plus tard; l'auteur anticipe ici sur son exposition ultérieure, au risque d'être moins intelligible; dès qu'on aura étudié la suite du texte, toute obscurité disparaîtra.

Ce que nous venons de dire expliquera aussi pourquoi il est dit que les rois sont assemblés pour le combat du grand jour de Dieu; dans leur pensée, ils se réunissent pour combattre Rome, mais Dieu dès à présent choisit ce moment pour écraser toutes les puissances qui lui font opposition, et c'est là ce qui se nommera son jour, celui du jugement. Le lieu du rendez-vous s'appelle Harmageddon (orthographe des Septante), la montagne de Méguiddo, le mont Thabor, en Palestine; ce lieu était devenu néfaste par la défaite et la mort du pieux roi Josias (comp. Zach. XII, 11), laquelle avait amené la fin de l'indépendance de Juda. Mais plus anciennement Baraq et Débora y avaient remporté une victoire éclatante sur les Cananéens, victoire décidée par l'intervention miraculeuse de Jéhova (Juges V, 19), et ce doit être un second acte du même genre qui vengera Israël de sa servitude séculaire, et qui lui rendra, dans ce lieu même, la liberté et le bonheur du vrai peuple de Dieu.

On aura remarqué au milieu de ce morceau la parenthèse exhortatoire, que nous avons distinguée par des traits et des guillemets. Pour la forme, comp. chap. XIII, 9; XIV, 12. C'est le prophète qui interrompt sa narration pour avertir ses lecteurs, mais il se sert de paroles bien connues de Jésus (Matth. XXIV, 42 ss. ; XXV, 1 ss. Marc XIII, 34 ss. Luc XII, 37 ss. Comp. aussi Apoc. III, 3), qui devaient faire d'autant plus d'impression sur les lecteurs qu'il les fait prononcer directement par le Christ. Plus la fin est imminente, plus la venue du Seigneur sera subite et inopinée, plus il conviendra de veiller et de se tenir prêt. Les vêtements sont les qualités du chrétien; s'en dépouiller, se montrer nu, c'est perdre ses titres au royaume.

17 Et le septième versa sa coupe dans l’air, et il sortit du temple, d'auprès du trône, une voix puissante qui cria: C'est fait! Et il y eut des éclairs et des bruits et des tonnerres, et il y eut un grand tremblement de terre, tel qu'il n'y en avait point eu depuis qu'il y avait des hommes sur la terre, un pareil tremblement, et tellement grand. La grande ville se divisa en trois parties, et les villes des païens croulèrent; et l'on se souvint de la grande Babylone en présence de Dieu, pour lui donner la coupe du vin brûlant de sa colère. Et toutes les îles s'enfuirent et les montagnes disparurent; et une grosse grêle, comme du poids d'un talent, tomba du ciel sur les hommes, mais les hommes blasphémèrent Dieu à cause de la plaie de la grêle, parce que cette plaie était fort grande.

XVI, 17-21. La dernière coupe est versée dans l'air parce qu'il s'agit de produire des phénomènes atmosphériques pour effrayer et frapper les méchants. En même temps ce doit être le signal de la fin: C'est fait! tout est accompli dans la série des événements précurseurs; désormais il ne reste plus que le combat suprême avec sa victoire complète et définitive.

Les pays des païens sont châtiés par un tremblement de terre qui fait crouler les villes et qui engloutit les îles et les montagnes. Rome seule reste encore debout, mais c'est pour vider plus lentement le calice de la colère de Dieu. Il est fait mention d'elle en présence du Juge; cette phrase, empruntée au langage de l'Ancien Testament, ne veut pas dire que Dieu aurait eu besoin qu'on lui rappelât les méfaits de la nouvelle Babylone; elle exprime l'idée que lui-même jugea à propos d'en tenir compte. Rome est frappée provisoirement par ce même tremblement de terre qui la divise en trois parties, en formant des gouffres dans l'intérieur de son enceinte; les habitants sont livrés au désespoir par la terreur que leur inspire cette effroyable catastrophe et par la grêle extraordinaire qui les décime en même temps (un talent équivaut à 45 kilogrammes), mais ils persistent dans l'impénitence.

Maintenant le Juge en a fini avec les hommes, il va frapper aussi les puissances infernales qui les ont dirigés. Il va y avoir trois combats, trois victoires et trois chants de triomphe, qui formeront le dernier acte du drame, avec son théâtre propre, ses décorations particulières. Cependant cet acte se rattache étroitement au reste, et c'est l'un des sept anges (nécessairement le septième, d'après l'esprit du livre) qui en dévoile les tableaux.

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