Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Chapitre 13

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4 Ainsi envoyés au dehors par le Saint-Esprit, ils descendirent à Séleucie; de là, ils se rendirent par mer en Chypre, et arrivés à Salamine, ils annoncèrent la parole de Dieu dans les synagogues des Juifs. Ils avaient Jean pour assistant. Puis, ayant traversé toute l'île jusqu'à Paphos, ils rencontrèrent un certain magicien et faux prophète juif, nommé Barjésus, lequel se trouvait auprès du proconsul Sergius Paulus, qui était un homme sensé. Celui-ci ayant fait appeler Barnabas et Saul, demanda à entendre la parole de Dieu.

8 Mais Elymas (le magicien, car c'est ainsi que se traduit son nom) leur faisait opposition, en cherchant à détourner le proconsul de la foi. Alors Saul (nommé aussi Paul), rempli de Saint-Esprit, le regarda en face et dit: «0 toi, qui es tout plein de fraude et d'artifice, fils du diable, ennemi de toute justice, ne cesseras-tu pas de traverser les droites voies du Seigneur? Or, vois-tu, la main du Seigneur va atteindre, tu seras aveugle et pour un temps tu ne verras pas le soleil!» Aussitôt il se trouva enveloppé d'obscurité et de ténèbres, et marchant au hasard, il cherchait des guides. Alors le proconsul, voyant ce qui était arrivé, devint croyant, frappé d'étonnement au sujet de la doctrine du Seigneur.

XIII, 4-12. L'île de Chypre fut choisie pour devenir le premier champ à exploiter, parce que Barnabas (IV, 36) y avait des relations. Salamine était l'une des principales villes de l'île sur la côte orientale, Paphos était située à l'extrémité opposée. Séleucie était le port d'Antioche. Partout nous trouverons que les missionnaires débutent dans les synagogues, quand ils en rencontrent sur leur passage. C'était d'abord l'occasion la plus facile de prêcher, tout le monde ayant accès à la chaire; ensuite les Juifs étaient préparés à entendre parler du Christ; de plus, le salut messianique ayant été primitivement une promesse nationale, il y avait des motifs dogmatiques pour commencer par eux. Enfin, c'était dans les synagogues qu'on rencontrait ceux d'entre les païens qui accueillaient la prédication évangélique avec le plus d'empressement, dès quelle leur offrait une foi religieuse indépendante du rite judaïque.

Les magiciens, astrologues, exorcistes et charlatans de toute espèce paraissent fréquemment sur la scène au siècle apostolique (Hist, de la théol. apost., I, 368 ss., et ci-dessus VIII, 9 ss.). Celui qui est introduit ici est Juif, comme le fait voir son nom de Barjèsus (fils de Josué); il se donne un titre arabe Elîm (savant, docteur, initié — c'est le mot même dont le pluriel Oulémâ est bien connu aujourd'hui encore comme désignant les théologiens musulmans), et s'était probablement insinué auprès du proconsul en faisant de l'astrologie, science alors fort en vogue chez les Romains. Le proconsul, cette faiblesse à part, était un homme sensé, en préférant après tout entendre l'enseignement des apôtres. Le magicien leur fait opposition, parce que les intérêts d'un charlatanisme qui spécule sur la superstition sont toujours compromis lorsque des convictions religieuses saines et sérieuses parviennent à gagner du terrain.

Saul est ici désigné pour la première fois par son nom devenu historique. On en a pris texte pour dire que ce fut à cause de la conversion du proconsul qu'il changea de nom. Mais cette opinion, déjà émise par les Pères, n'est pas acceptable. Paul n'était pas homme à attacher une importance démesurée à la conversion d'un homme haut placé (1 Cor. I, 28), au point d'adopter son nom comme le faisaient les esclaves libérés. Luc d'ailleurs ne dit pas cela et introduit même le nom de Paul avant de mentionner la conversion du magistrat. On pourrait dire tout au plus que l'apôtre aura adopté le nouveau nom à cette époque, parce qu'il entrait dans une sphère d'activité toute nouvelle aussi, qui devait le mettre journellement en contact avec une population étrangère au judaïsme. Mais il est encore plus vraisemblable qu'il le portait depuis longtemps, étant né et élevé dans une ville grecque de parents possédant le droit de citoyens romains. Voyez plutôt ces noms de Jean-Marc, Siméon-Niger, Joseph-Just, et autres pareils. Le fait que le rédacteur change ici d'usage à cet égard s'expliquera plus simplement par la différence de ses sources.

Le miracle opéré par Paul en cette occasion nous rappelle d'un côté, pour le fond, celui de Pierre, chap. V, 5, 10, de l'autre, pour la forme, ce qui lui était arrivé à lui-même sur le chemin de Damas.

13 S'étant embarqués à Paphos, Paul et ses compagnons arrivèrent à Pergé en Pamphylie; là, Jean se sépara d'eux et retourna à Jérusalem. Mais eux, traversant le pays depuis Pergé, se rendirent à Antioche de Pisidie, et étant entrés dans la synagogue le jour du sabbat, ils y prirent place. Puis après la lecture de la loi et des prophètes, les chefs de la synagogue envoyèrent vers eux, en leur faisant dire: «Frères, si vous avez quelque parole d'exhortation à adresser au peuple, parlez!» Alors Paul se leva, fit un signe de la main et dit:

XIII, 13-16. Les provinces nommées ici occupent le centre de la côte méridionale du continent de l'Asie mineure, en face de l'île de Chypre. Le motif du départ de Jean-Marc n'est pas indiqué, mais d'après XV, 38 il ne peut pas avoir été approuvé par Paul, quel qu'il ait été.

Le texte que nous avons devant nous fait voir clairement quelles facilités les missionnaires rencontraient, du moins pour leur début, dans les localités où se trouvaient des synagogues. À ce qui en a été dit tout à l'heure, il s'ajoute ici de nouveaux détails. Le culte comprenait entre autres une lecture de certaines portions de l'Écriture. À cet effet, les livres de la loi étaient divisés en un certain nombre de sections, calculées de manière qu'au bout d'un temps donné (d'abord trois ans, plus tard un an), toute la loi, d'un bout à l'autre, était lue à la communauté. À cette première lecture il se joignait, dès avant l'ère chrétienne, une autre qui comprenait des morceaux choisis (des péricopes) tirés des livres prophétiques, dans le nombre desquels on comprenait non seulement les prophètes proprement dits, mais encore les livres de Josué, des Juges, de Samuel et des Rois (comp. Luc IV, 17, et Hist, du Canon, chap. I). C'est à cette lecture que se rattachaient sans doute, plus ou moins régulièrement, des prédications exégétiques ou pratiques. Nos missionnaires, peut-être par la place même qu'ils avaient choisie pour s'y asseoir, paraissant être des rabbins, des hommes lettrés, sont invités, au nom du corps des anciens, à prendre la parole, s'ils le désirent. C'était un acte de politesse de la part des chefs de la communauté. On peut admettre que les choses ont dû se passer, de la manière dont cela est raconté ici, dans bien d'autres occasions encore.

16 «Hommes d'Israël, et vous qui craignez Dieu, écoutez! Le Dieu de ce peuple a élu nos pères, et a élevé le peuple pendant son séjour à l'étranger, sur la terre d'Égypte, et les en a fait sortir avec son bras levé, et les a choyés et nourris dans le désert pendant environ quarante ans. Et après avoir exterminé sept peuples dans le pays de Canaan, il leur en a donné le territoire en propriété.

20 Et après cela, pendant environ quatre cent cinquante ans, il leur donna des juges jusqu'au prophète Samuel. Puis, comme ils demandèrent un roi, Dieu leur donna Saül, fils de Kis, un homme de la tribu de Benjamin, pour quarante ans. Et l'ayant mis de côté, il leur suscita pour roi David, auquel il a aussi rendu témoignage en disant: J'ai trouvé David, le fils de Jessé, un homme selon mon cœur, qui fera toutes mes volontés. C'est de sa race que Dieu, selon sa promesse, a amené à Israël un Sauveur, Jésus, après que Jean eut prêché d'avance, avant son avènement, le baptême de repentance à tout le peuple d'Israël.

25 Ce Jean, pendant qu'il accomplissait sa carrière, disait: Je ne suis pas celui pour lequel vous me prenez; mais voyez, après moi il en vient un dont je ne suis pas digne de délier la chaussure. Mes frères, enfants de la race d'Abraam, et vous autres ici présents qui craignez Dieu, c'est à vous que cette parole de salut a été adressée.

27 Car les habitants de Jérusalem et leurs magistrats, l'ayant méconnu, ont accompli en même temps, en le condamnant, les paroles des prophètes qui sont lues chaque sabbat, et sans avoir trouvé aucun motif de le faire mourir, ils exigèrent de Pilate qu'il fût mis à mort; puis, quand ils eurent achevé de faire tout ce qui était écrit à son sujet, ils le descendirent de la croix et le déposèrent dans un sépulcre. Mais Dieu le ressuscita des morts; aussi apparut-il durant plusieurs jours à ceux qui étaient montés avec lui de la Galilée à Jérusalem, lesquels sont maintenant ses témoins auprès du peuple.

32 Et nous aussi, nous vous annonçons la bonne nouvelle concernant cette promesse faite à nos pères, savoir que Dieu l'a accomplie pour nous, leurs enfants, en suscitant Jésus, comme il est aussi écrit dans le premier psaume: Tu es mon fils; c'est moi qui t'ai engendré aujourd'hui!

34 Mais quant au fait qu'il l'a ressuscité des morts, de manière qu'il n'aura pas à retourner à la pourriture, voici ce qu'il dit: Je vous donnerai les grâces saintes assurées à David! C'est pour cela qu'il dit dans un autre endroit: Tu ne permettras pas que ton Saint voie la pourriture! Or, David, après avoir rendu des services à sa propre génération, est mort, selon la volonté de Dieu, et a été réuni à ses pères, et a vu la pourriture; tandis que celui que Dieu a ressuscité n'a point vu la pourriture.

38 Sachez donc, mes frères, que c'est par lui que la rémission des péchés vous est offerte, et que c'est en lui qu'est justifie quiconque croit, à l'égard de tout ce dont vous ne pouviez être justifiés par la loi de Moïse. Prenez donc garde qu'il ne vous arrive ce qui est dit dans les prophètes: «Regardez, contempteurs, admirez et disparaissez! car je ferai une œuvre de votre temps, une œuvre à laquelle vous ne croiriez pas, si quelqu'un vous la racontait!»

XIII, 16-41. Le discours mis ici dans la bouche de Paul (et adressé par lui non seulement aux Juifs, mais encore aux prosélytes grecs présents à la synagogue) offre d'un côté une certaine analogie avec celui d'Étienne, en ce qu'il commence aussi par un résumé de l'histoire d'Israël, de l'autre, il se meut sur le même terrain que ceux de Pierre, dont il reproduit même l'argumentation. Cependant il y a aussi quelques éléments nouveaux que nous n'avons point encore trouvés auparavant. Nous allons nous occuper successivement de ces trois parties.

L'exorde historique est sans doute destiné à mettre en relief ce fait que de tout temps, et depuis l'origine de l'alliance de Jéhova avec Israël, ce peuple a toujours été l'objet de la sollicitude providentielle de son Dieu, qui l'a guidé, gouverné, dirigé, doté, soit directement, soit par l'intermédiaire des organes théocratiques choisis par lui. Ce point de vue aurait pu, à la vérité, être accusé d'une manière plus précise encore; mais quand on songe que nous n'avons en tout cas ici qu'une esquisse sans doute décolorée, on reconnaîtra au contraire qu'elle permet encore assez bien d'apprécier la marche des idées. Du reste, ce résumé historique commençant à l'élection des patriarches (Abraham, etc.) s'arrête à David, parce que de là l'orateur veut passer directement à l'héritier de David, au Messie. Les détails historiques rappellent en partie les phrases mêmes du texte mosaïque (par ex. le bras levé, formule très-fréquente pour désigner la toute-puissance; puis ce que nous avons rendu par choyé et nourri, litt.: porté sur les bras, comme ferait une nourrice, comp. Deut. I, 31, etc. La variante très répandue dans les éditions: il les supporta, malgré leur indocilité, est exclue par la tendance de tout le passage, qui ne veut pas relever les actes du peuple); en partie ils reflètent la science traditionnelle. Ainsi les 450 ans des Juges, adoptés aussi par l'historien Josèphe, sont incompatibles avec la chronologie consignée dans 1 Rois VI, 1, et qui n'accorde à la période des Juges que 330 ans environ. De même, les 40 ans de Saül ne sont marqués nulle part dans l'Ancien Testament; ils appartiennent également à la tradition de l'école, adoptée aussi par Josèphe.

Suit la partie principale du discours, celle qui doit introduire le Sauveur Jésus-Christ et son évangile. Il y est préludé par un éloge du roi David, mis dans la bouche de Dieu, parce qu'il est puisé dans l'Écriture, et formulé au moyen de la combinaison des textes du Ps. LXXXIX, 21, et de 1 Sam. XIII, 14. Il va sans dire que les prérogatives du fils de Jessé (un homme selon mon cœur, qui fera toutes mes volontés) sont mentionnées pour projeter leurs rayons sur le rejeton prédestiné de sa race. Puis vient un résumé de l'histoire évangélique, qui rappelle en deux mots la prédication de Jean-Baptiste et la mort et la résurrection de Jésus, résumé suffisant pour les lecteurs du livre des Actes, mais que nous devons supposer bien autrement développé pour l'instruction d'un auditoire qui l'entendait pour la première fois. — Il y a dans cette partie du discours une phrase (v. 26) qui a été diversement interprétée; c'est celle où l'orateur présente à ses auditeurs la parole du salut comme leur étant adressée plus spécialement. D'après le contexte, on est conduit à admettre qu'ils sont ainsi opposés aux Juifs de Jérusalem, lesquels ont rejeté Jésus; et nous obtenons ainsi l'idée, positivement exprimée ailleurs par Paul (Rom. IX ss.), que le salut arrive au monde païen, parce que la nation auquel il était promis d'abord le refuse (comp. v. 46). Cependant il nous reste des doutes au sujet de cette explication. D'un côté, il ne faut pas oublier que l'auditoire actuel de l'apôtre a dû être composé en majorité de Juifs; de l'autre, il y aurait eu injustice de sa part à parler comme si à Jérusalem il n'existait pas de communauté chrétienne. Nous croyons donc que la phrase en question doit avoir un tout autre sens. Elle forme la transition de ce qui venait d'être dit sur les prophéties messianiques de l'Ancien Testament et sur la prédication de Jean-Baptiste, aux faits historiques relatifs à Jésus. Ainsi considérées, ces paroles donnent facilement le sens suivant: Ces promesses et prédictions se sont aujourd'hui accomplies, c'est la génération présente (II, 39), c'est vous, qui aurez à en recueillir le bénéfice. Notre interprétation nous semble confirmée par le v. 32.

Cette même partie du discours comprend encore une démonstration scripturaire ou exégétique, en partie identique avec celle que nous avons déjà lue au deuxième chapitre. En effet, Paul invoque à son tour le passage du Ps. XVI, en affirmant, comme Pierre, qu'il est impossible de l'appliquer à David. Ce passage, parlant d'un ressuscité désormais exempt de la destinée commune des mortels, doit donc être rapporté au seul homme dans la personne duquel cette prédiction s'est réalisée. Mais l'orateur allègue encore deux autres passages d'une portée moins restreinte. Un autre psaume (II, 7) parle d'un Fils de Dieu, d'une manière générale (Ce psaume est appelé, dans notre texte, le premier, nous ne savons trop pourquoi. Peut-être le premier de la collection actuelle était-il regardé comme une espèce de préambule. Mais il serait possible aussi que l'auteur n'ait point mis de chiffre du tout, et que les copistes aient introduit celui auquel ils étaient habitués, les uns le 1, les autres le 2.). Or, cette prédiction s'est réalisée en ce que Dieu a suscité Jésus, l'a fait naître et l'a présenté au monde; le fait qu'il l'a ressuscité, fait prédit ailleurs, prouve qu'il était réellement le fils de Dieu et non un prophète ordinaire (Rom. I, 4), et que, par conséquent, le Fils nommé au Ps. II n'était autre que ce Jésus même. La liaison entre ces deux passages est établie au moyen d'un troisième (Es. LV, 3, cité d'après la version grecque). Les grâces assurées à David, ce sont précisément les promesses mentionnées au v. 23 (comp. II, 30), savoir que le Messie naîtrait de sa race. Dieu affirme donc dans le passage d'Ésaïe que la promesse formulée au Ps. II serait réalisée, et dans le Ps. XVI il fait voir à quel signe on en reconnaîtrait l'accomplissement. La démonstration théologique se fait donc exclusivement au moyen de l'exégèse, et d'une exégèse qui s'en tient à la lettre sans se préoccuper du contexte.

Nous arrivons à la dernière partie du discours, à la péroraison pratique, dans laquelle Paul annonce la rémission des péchés, c'est-à-dire la participation au salut messianique, à ceux qui croiraient en Christ. Il y a littéralement: la rémission des péchés vous est annoncée par lui, ce qui doit signifier: il vous est annoncé qu'elle vous arrive par lui; puisqu'il n'est pas question d'une prédication de Jésus. Cette péroraison est encore remarquable en ce sens, que c'est le seul passage des Actes, dans lequel nous trouvons un reflet, assez pâle du reste, de l'enseignement de Paul, tel que nous le connaissons par les épîtres. Aussi sans ces dernières on ne comprendrait guère la portée de ces paroles. Telles qu'elles sont conçues ici, on pourrait y trouver le sens qu'il y a des péchés dont on pouvait obtenir la rémission au moyen de la loi, mais qu'il y en a d'autres pour lesquels il faut avoir recours à la foi en Christ. Or, ce ne peut pas avoir été là la pensée de Paul. D'un autre côté, il est assez douteux qu'il ait à dessein glissé sur une partie essentielle de son évangile pour ne pas effaroucher ses auditeurs. Nous aimons mieux croire que sa thèse bien connue, que c'est la foi qui justifie et non les oeuvres de la loi, n'est amoindrie ou restreinte qu'en apparence, par la tournure embarrassée de la phrase qui doit l'énoncer. — La citation finale est tirée de Habac. I, 5.

42 Quand ils sortirent, on demanda qu'il fût encore parlé de ces mêmes choses le sabbat suivant. Et quand l'assemblée se fut dispersée, beaucoup de Juifs et de pieux étrangers suivirent Paul et Barnabas, qui s'entretinrent avec eux, en les exhortant à rester attachés à la grâce de Dieu. Le sabbat suivant, presque toute la ville se rassembla pour entendre la parole du Seigneur; et les Juifs, voyant cette foule, furent remplis de jalousie, et parlèrent contre ce que prêchait Paul, en le contredisant et en l'injuriant.

46 Alors Paul et Barnabas firent une déclaration franche et dirent: « C'était à vous d'abord qu'il fallait que la parole de Dieu fût prêchée; mais puisque vous la repoussez et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, eh bien, nous allons nous adresser aux païens. Car ainsi le Seigneur nous l'a ordonné: «Je t'ai établi pour être le flambeau des nations, afin que tu deviennes leur salut jusqu'au bout de la terre!»

48 Les païens, en entendant cela, s'en réjouirent et glorifièrent la parole du Seigneur, et tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants, et la parole du Seigneur se répandit dans toute la contrée. Cependant les Juifs excitèrent les dames de qualité parmi les affiliées de la synagogue, et les principaux de la ville, et provoquèrent une persécution contre Paul et Barnabas, et les expulsèrent de leur territoire. Mais ceux-ci, secouant contre eux la poussière de leurs pieds, se rendirent à Iconium, tandis que les disciples étaient remplis de joie et de Saint-Esprit.

XIII, 42-52. L'issue de cet essai d'évangélisation fut le même que celui de beaucoup d'autres qui seront racontés ultérieurement. L'effet le plus immédiat fut une scission dans la communauté juive, dont la majorité refusa d'entrer dans le point de vue d'une prédication qui, plus ou moins ouvertement, se mettait en opposition avec la loi. Une faible minorité, renforcée cependant par des prosélytes de la porte, accepte l'évangile et forme ainsi le noyau d'une église chrétienne. Le récit de Luc donne à entendre qu'à l'égard du rapport entre la loi et l'évangile, la seconde prédication fut plus explicite que la première, puisque c'est alors seulement qu'il se manifesta une opposition décidée et violente au sein même de l'auditoire. Le texte indique un second motif de ce mouvement hostile, mais qui se lie intimement au premier. C'est la présence de tant de païens, la plupart de simples curieux, dont l'empressement peut-être tout profane choquait la communauté et lui faisait d'autant plus facilement, remarquer la tendance universaliste du discours de l'apôtre.

Le passage d'Ésaïe (XLIX, 6), que Paul paraît s'appliquer directement à lui-même, est proprement un passage messianique, rapporté ailleurs à Christ (Luc II, 32), comme en général tous ceux qui parlent du serviteur de Jéhova par excellence. Mais comme la citation est faite pour justifier l'évangélisation des païens, il n'est pas nécessaire d'insister sur l'application apparente dont nous parlions.

La phrase: ceux qui étaient destinés à la vie éternelle, est l'une de celles qui expriment le plus crûment l'idée de la prédestination individuelle. On voit d'ailleurs ici assez bien comment de pareilles conceptions, non encore discutées scientifiquement, ont pu se former dès le commencement. Tous les assistants avaient entendu les mêmes paroles, les mêmes invitations; cependant tous n'ont pas cru. Pourquoi cette différence? L'effet, dans la sphère religieuse, a toujours Dieu pour cause. Puisque le résultat heureux doit être attribué à la grâce de Dieu et non au mérite personnel, il s'ensuit que cette grâce a dû être refusée à ceux chez lesquels elle ne s'est pas montrée efficace. Et c'est tout juste à côté de cette phrase absolue, qui semble consacrer péremptoirement l'absoluité de la volonté de Dieu, qu'on en lit une autre, qui dit tout aussi positivement le contraire: puisque vous vous jugez indignes. . . . Évidemment cette formule n'a de sens, qu'autant qu'on réserve à la liberté de l'individu le droit et les moyens de se décider. Cela prouve que des passages de ce genre, qui ne font que reproduire des locutions populaires, ne doivent pas servir de base à des discussions dogmatiques. (Secouer la poussière, voyez Matth. X, 14.)

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