Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Chapitre 10

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1 Il y avait à Césarée un homme nommé Cornélius, capitaine dans la cohorte dite italienne; il était pieux et craignait Dieu avec toute sa famille, faisait beaucoup d'aumônes au peuple et était assidu à la prière. Cet homme eut une vision, vers la neuvième heure du jour; il vit distinctement un ange de Dieu qui entrait chez lui et lui disait: Cornélius! Comme il le regardait tout effrayé en disant: Qu'est-ce, Seigneur? il lui dit: Tes prières et tes aumônes sont montées en présence de Dieu comme une offrande de souvenir.

5 Or maintenant, envoie quelqu'un à Ioppé et fais-y chercher un certain Simon, surnommé Pierre; il loge comme hôte chez un certain Simon, corroyeur, dont la maison est près de la mer. Quand l'ange qui lui avait parlé fut parti, il appela deux de ses domestiques, et un soldat pieux de ceux qui étaient à son service particulier, leur raconta tout et les envoya à Ioppé.

X, 1-8. La conversion du centurion Cornélius est accompagnée d'une série d'incidents miraculeux, comme celles de l'officier éthiopien et de Saul. C'est que ce fait aussi, comme ceux que nous venons de mentionner, occupe une place très importante dans l'histoire apostolique et marque un progrès notable dans le développement des idées et des institutions. Cornélius est le premier païen baptisé par un apôtre; il paraît même, d'après ce qui en est dit dans le récit ultérieur (v. 28, 34; XI, 1,18; XV, 7), que cet homme n'était encore dans aucun rapport avec la Synagogue, pas même ce qu'on appelait un prosélyte de la porte, c'est-à-dire affilié non-circoncis. Au point de vue religieux, il avait cessé de partager les croyances populaires du paganisme; il professait ce qu'on pourrait appeler un monothéisme philosophique et documentait la sincérité de ses convictions par une vie exemplaire et des actes de charité, qui s'adressaient aussi au peuple, c'est-à-dire aux Juifs. Cet homme était donc dans des dispositions qui, selon l'expression naïve du texte (v. 4, 34), attiraient sur lui les regards bienveillants de Dieu; ses aumônes et ses prières étaient aux yeux du Très-Haut comme une offrande de souvenir (expression empruntée à la bible grecque), c'est-à-dire un acte en face duquel Dieu a égard à la personne qui l'accomplit, et pour l'en récompenser, il lui ménage les moyens d'arriver à la communion avec le Sauveur. Ces moyens, ce n'est pas seulement un avis qui l'adresse à l'apôtre, mais surtout une instruction donnée à l'apôtre lui-même, pour que celui-ci comprenne et accepte la mission spéciale qu'il reçoit. Loin de marchander les éléments surnaturels de ce récit, nous en prenons acte, parce qu'ils nous font voir que, dans l'esprit du narrateur même, il n'en fallait pas moins pour engager Pierre dans cette voie nouvelle; qu'une révélation subsidiaire était indispensable pour le convaincre qu'un païen pouvait recevoir le baptême, chose qu'il ignorait encore et que ses collègues ont de la peine à croire (XI, 1 ss.), enfin que l'événement de la Pentecôte, comme nous l'avons déjà dit, n'avait pas eu pour but et pour effet de donner l'infaillibilité aux Douze, lesquels, au contraire, avaient encore à apprendre des vérités que les générations suivantes pouvaient considérer comme élémentaires.

Cornélius était capitaine de l'une des compagnies de la cohorte italienne, c'est-à-dire composée d'Italiens, laquelle faisait partie de la légion stationnée en Palestine et se recrutant, quant à ses autres cohortes, parmi la population indigène. Césarée était la résidence du Procureur romain, en d'autres termes, le chef-lieu politique de la province. — Comme les paroles mises dans la bouche de l'ange paraissaient être incomplètes, les copistes y ont ajouté la phrase: «Celui-ci te dira ce que tu as à faire.» C'est un emprunt fort superflu fait à l'histoire de Saul (IX, 6).

9 Le lendemain, pendant qu'ils étaient en route et s'approchaient de la ville, Pierre montait au haut de la maison vers la sixième heure, pour faire sa prière. Il avait faim et demandait à manger; et pendant qu'on préparait le repas, il se trouva en extase et vit le ciel ouvert, et un objet qui en descendait, semblable à une grande toile, attachée par les quatre bouts et s'abaissant vers la terre, et dans laquelle se trouvaient toutes sortes de quadrupèdes, et de reptiles de la terre et d'oiseaux du ciel.

13 Et une voix lui dit: Lève-toi, Pierre, tue et mange! Mais Pierre dit: Nullement, Seigneur; car jamais je n'ai rien mangé de vil et d'impur. Et une voix se fit entendre une seconde fois et lui dit: Ce que Dieu a déclaré pur, tu ne dois pas le regarder comme vil. Cela arriva jusqu'à trois fois, et alors l'objet remonta vers le ciel.

X, 9-16. La distance de Césarée à Ioppé était d'environ trente milles romains ou dix lieues de France. En marchant pendant la soirée et de bon matin, les députés devaient arriver dans la journée. Ce fut à ce moment que, par un arrangement providentiel, Pierre reçut à son tour un avis qu'il ne comprend d'abord qu'imparfaitement, mais qui l'engagea pourtant à se rendre à une invitation dont il n'entrevoyait pas tout de suite le but et l'issue.

Assis sur le toit plat de la maison, il a une vision qui se rattache à ses dispositions physiques du moment. Le Juif fidèle aux prescriptions de sa loi souffrait plutôt la faim que de toucher à une viande défendue. Pierre, sommé de satisfaire sa faim en prenant ce qui s'offrait tout d'abord à sa vue, refuse décidément, et la vision disparaît sans qu'il se fût intérieurement défait de son scrupule religieux. Mais il lui reste le souvenir d'une parole, à laquelle il résiste tant qu'il l'interprète littéralement, mais qui, plus tard, devient pour lui une révélation, dès qu'il apprend à y attacher un sens plus élevé. Comme nous savons que pour le Juif orthodoxe un païen non circoncis était un être vil, souillé, impur, avec lequel il ne devait avoir aucun rapport d'intimité, l'interprétation de cette vision allégorique est très facile pour nous, et nous comprenons sans peine que l'apôtre devait être amené à reconnaître ce scrupule religieux comme un préjugé incompatible avec le principe de l'évangile. Mais nous comprenons aussi que Pierre, pour lequel cette forme allégorique elle-même, en tant qu'elle se heurtait contre un scrupule analogue, présentait plutôt des difficultés nouvelles qu'un enseignement clair et transparent, soit resté dans le doute et n'ait compris le sens de l'événement que par les faits ultérieurs. Il y a d'ailleurs dans la forme du récit une certaine imperfection, en ce que le texte dit à la lettre que la toile contenait tous les animaux, etc. Dans ce cas, Pierre n'aurait eu qu'à choisir un animal pur, tandis que la vision, évidemment, devait le mettre en demeure de manger ce qui était regardé comme défendu. L'intention de l'auteur était sans doute de ne parler que d'animaux auxquels on ne touchait pas. (Le mot grec que nous avons rendu par vil, signifie proprement ce qui est profane, c'est-à-dire d'usage commun, en opposition avec ce qui est consacré pour le culte. Cela ne répond donc pas exactement à l'idée de l'impureté lévitique.)

17 Pendant que Pierre était dans l'incertitude sur ce que signifiait la vision qu'il venait d'avoir, voilà que les hommes envoyés par Cornélius, après avoir demandé la maison de Simon, se présentèrent à la porte et appelèrent pour s'informer si Simon surnommé Pierre logeait là comme hôte. Or, comme Pierre réfléchissait encore sur la vision, l'esprit lui dit: Voici des gens qui te cherchent; lève-toi, descends, et va avec eux sans scrupule; car c'est moi qui les ai envoyés.

21 Pierre descendit donc et dit à ces hommes: Me voici! Je suis celui que vous cherchez. Quel est le motif de votre visite? Et ils répondirent: Le capitaine Cornélius, homme probe et craignant Dieu, et auquel toute la population juive donne un bon témoignage, a reçu par un saint ange l'avis divin de te faire appeler dans sa maison, afin d'entendre tes paroles. Alors il les fit entrer et leur offrit l'hospitalité.

X, 17-23. La coïncidence de la vision de Pierre et de l'arrivée des députés est l’un des éléments les plus importants, dans la direction providentielle de cette affaire, que le récit veut faire ressortir; et tous les détails visent à faire comprendre au lecteur que ce n'était pas une détermination spontanée qui conduisait l'apôtre à Césarée et qui lui faisait accorder le baptême à un païen, mais un acte d'obéissance toute passive envers un ordre de Dieu. Ce point de vue est la chose essentielle dans cette narration, et toute explication des faits qui tendrait à l'effacer en dénaturerait l'esprit.

Du reste, tout se passe conformément aux mœurs du pays. Les députés sont accueillis hospitalièrement; on les fait rester et se reposer jusqu'au lendemain. L'hospitalité s'exerçait donc même à l'égard des païens; seulement on ne la leur demandait pas et l'on ne s'asseyait pas à la même table avec eux. Quant au message qu'ils ont à communiquer, Pierre n'en apprend pas plus que nous ne savons encore nous-mêmes par ce qui précède. Cornélius a été simplement averti qu'un certain Simon-Pierre aurait à lui dire des paroles, et en vue d'une communication aussi vague, il fallait bien une impulsion de l’Esprit pour faire partir le disciple. Pour préciser le motif de leur maître, les députés se servent d'un terme employé en grec pour les oracles et combinent ainsi une formule d'origine païenne avec un fait (l'apparition d'un ange) dont la conception même était étrangère à cette sphère.

24 Le lendemain, il se mit en route et partit avec eux, accompagné de quelques-uns des frères d'Ioppé. Le jour suivant, il arriva à Césarée. Cornélius, qui avait réuni ses parents et ses amis intimes, les attendait; et quand Pierre arriva, il alla au devant de lui et se jeta à ses pieds en se prosternant. Mais Pierre le releva et lui dit: Lève-toi! Moi aussi, je suis un homme. Et se joignant à lui, il entra, et trouvant un grand nombre de personnes assemblées, il leur dit: Vous savez qu'il est interdit à un Juif par sa religion d'avoir des rapports personnels avec un homme d'une autre nation, ou d'entrer chez lui; mais, quant à moi, Dieu m'a averti de ne regarder aucun homme comme profane ou impur. Aussi suis-je venu ici, quand je fus appelé, sans faire la moindre objection. Je demande donc par quel motif vous m'avez fait appeler.

30 Alors Cornélius dit: Il y a quatre jours, j'avais jeûné jusqu'à cette heure-ci, et à la neuvième heure j'étais à prier dans ma chambre, quand tout à coup un homme revêtu d'un habit éclatant se présenta devant moi et me dit: Cornélius, ta prière a été exaucée, et il a été fait mention de tes aumônes en présence de Dieu; envoie donc à Ioppé et fais appeler Simon surnommé Pierre, lequel loge comme hôte dans la maison de Simon le corroyeur près de la mer: il viendra te parler. J'envoyai donc aussitôt vers toi et tu as eu la bonté de venir. Nous sommes donc tous réunis ici en présence de Dieu, pour écouter tout ce que Dieu t'aura chargé de nous dire.

X. 24-33. Le voyage de Pierre d'Ioppé à Césarée est encore réparti sur deux journées, de sorte que c'est le quatrième jour après la vision de Cornélius (v. 30), que l'apôtre arriva chez ce dernier. Il était accompagné de quelques chrétiens d'Ioppé, qu'il avait peut-être engagés lui-même à le suivre pour lui servir de témoins dans cette démarche insolite et compromettante (XI, 2 ss., 12). Cornélius va au-devant de lui jusqu'à la porte de sa maison et le reçoit comme un envoyé de Dieu, avec toutes les démonstrations du plus profond respect, avec des honneurs généralement réservés à la divinité et d'autant plus significatifs ici, que les Orientaux seuls avaient l'habitude de les prodiguer aussi à des hommes haut placés dans l'échelle sociale.

Pierre, surpris de se trouver au milieu d'une assemblée nombreuse de païens, commence par justifier sa présence, on pourrait dire, devant sa propre conscience, tout aussi bien qu'aux yeux de ces étrangers, qui devaient connaître les usages et les scrupules des Juifs. Car c'était un motif sacré, un scrupule religieux, qui interdisait à ces derniers des relations du genre de celle dans laquelle Pierre se trouvait momentanément engagé. Il est vrai que cette aversion religieuse des Juifs pour le commerce familier avec les païens ne se fondait pas sur un texte précis et explicite de la loi écrite; mais les usages introduits depuis longtemps d'après les principes de la théologie traditionnelle, enseignée dans les écoles et dans les synagogues, étaient considérés comme tout aussi sacrés que n'importe quelle prescription textuelle. L'apôtre constate donc qu'il ne déroge à cette règle que sur un avis spécial de Dieu. On voit que cette rencontre lui révèle, d'une manière définitive et indubitable, le vrai sens de l'avertissement figuré ou allégorique qui naguère encore lui paraissait si peu clair. Du reste, il ne sait pas encore pourquoi il a été appelé et demande à l'apprendre.

Si nous voulons nous en tenir à la lettre du texte, la réponse de Cornélius n'en apprend pas plus à Pierre qu'il n'en savait déjà par les messagers. Cependant il sera maintenant facile de se rendre compte du fond psychologique de toute cette histoire. Les prières de Cornélius doivent être considérées comme ayant eu pour objet de demander à Dieu une direction pour ses besoins intimes, ses aspirations religieuses. Depuis qu'il s'était éloigné des croyances de son peuple, sans entrer franchement et formellement en rapport avec celles des Juifs, sa religion devait avoir quelque chose de vague et d'incertain, qui était loin de le satisfaire et d'assurer son repos intérieur; cependant il ne pouvait pas se décider à se faire juif; il soupirait donc après une illumination d'en haut pour prendre un parti, et s'astreignait à des jeûnes, dans l'espoir que ce moyen ascétique le ferait arriver plus vite et plus sûrement à son but. Dieu exauce sa prière; il l'exauce, parce que les actes de charité de l'homme le rendent digne des faveurs spéciales du souverain dispensateur de la grâce (sont mentionnées en sa présence, style de l'Ancien Testament); et pour le récompenser, il lui offre les moyens d'entrer dans la voie du salut ouverte par Jésus-Christ, et dans laquelle jusque-là aucun païen n'était encore entré. Son admission à la communauté des croyants, par conséquent aussi la communication préalable qui lui est faite dans ce but, est la conséquence de ses dispositions antérieures et des actes qui en étaient résultés. Il ne sait pas ce que Pierre aura à lui dire; il n'a encore aucune connaissance de l'évangile; mais il sait que cet homme lui donnera la direction qu'il avait vainement cherchée en lui-même ou ailleurs. Or Pierre, qui était venu là sans trop savoir ce qu'on voulait de lui, n'avait pas besoin d'en entendre davantage pour formuler sa réponse; l'apôtre de Christ n'avait qu'une chose à dire, celle-là précisément qu'il avait proclamée dès son début (IV, 12; comp. II, 36 ss.; III, 19, 26, etc.).

34 Alors Pierre prit la parole et dit: En vérité, je reconnais que Dieu ne fait point acception des personnes, mais que dans toute nation, quiconque le craint et pratique la justice, lui est agréable! La parole qu'il a fait parvenir aux enfants d'Israël, en leur annonçant le salut par Jésus-Christ, lequel est le Seigneur de tous, vous la connaissez; cette parole qui, après avoir commencé en Galilée à la suite du baptême prêché par Jean, s'est répandue par toute la Judée, savoir Jésus de Nazareth, comment Dieu l'oignit d'Esprit saint et de puissance, comment il parcourut le pays en faisant du bien et en guérissant tous ceux qui étaient dans la puissance du diable, parce que Dieu était avec lui (et nous avons été témoins de tout ce qu'il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem), et comment ils le tuèrent en l'attachant à la croix.

40 Ce Jésus, Dieu l'a ressuscité le troisième jour, et a fait qu'il apparut, non pas à tout le peuple, mais aux témoins choisis d'avance par Dieu, à nous, qui avons mangé et bu avec lui, après qu'il fut ressuscité des morts. Et il nous a enjoint de prêcher au peuple, et d'attester que c'est lui qui a été désigné par Dieu comme le juge des vivants et des morts. C'est de lui que tous les prophètes rendent témoignage, que quiconque croit en lui obtiendra le pardon des péchés par son nom.

X, 34-43. L'exorde de ce discours, Pierre se l'adresse en quelque sorte à lui-même; c'est l'aveu franc et net de sa conviction maintenant acquise relativement à l'égalité des païens et des Juifs en face du salut offert en Jésus. Dieu ne refuse à personne l'accès du royaume de son Christ, de quelque nation qu'il soit; il ne fait pas acception des personnes, phrase hébraïque, pour dire: il ne juge pas les hommes sur des qualités purement extérieures et étrangères à la morale. Évidemment l'apôtre a reconnu dans la coïncidence de l'avis céleste donné à Cornélius, et de la vision qu'il a eue lui-même, une déclaration directe de Dieu au sujet de l'admissibilité des non-circoncis à la communauté des croyants, et par conséquent aussi aux espérances qui formaient l'apanage de ces derniers. Il ne sera pas nécessaire d'insister sur ce que le sens de ce fameux mot ne saurait être qu'il suffit, pour être sauvé, de craindre Dieu et de pratiquer la justice, la forme de la croyance religieuse, ou du moins la communauté ecclésiastique, étant chose indifférente. Mais nous relevons ce fait, que Pierre reconnaît maintenant qu'on peut venir à Christ sans s'arrêter d'abord à Moïse.

Le discours lui-même est très simple, pourvu qu'on se rende compte de la construction un peu embrouillée du texte. Notre traduction n'a pas eu besoin de la changer sensiblement pour en faire disparaître toute obscurité. Il porte successivement sur les points suivants: 1° Il commence par un résumé sommaire des faits relatifs à Jésus, depuis le baptême de Jean (comp. I, 21), jusqu'à sa mort. Ces faits sont supposés connus, même en dehors de la sphère restreinte des Juifs; ils ont eu tant de retentissement, que la renommée en a dû pénétrer jusque dans la population païenne. Ces faits sont d'ailleurs appelés une parole, soit parce qu’aujourd'hui ils sont l'objet d'une prédication, soit encore parce que dès le principe ils se présentaient comme la forme concrète d'un enseignement révélateur. Jésus, le Seigneur (et Messie) de cotes, et non des Juifs seulement, est encore une fois (comp. III, 13) dépeint comme un envoyé de Dieu, chargé d'une mission spéciale auprès des hommes pour l'accomplissement de laquelle il reçut des dons extraordinaires, et prédésigné pour des privilèges plus grands encore à l'avenir. 2° A ces faits antérieurs et supposés connus, il s'en joint un dernier, le plus récent, peut-être encore inconnu à cette assemblée, en tout cas d'une importance telle qu'il doit être signalé à part: c'est la résurrection attestée par les témoins oculaires de ses apparitions, lesquelles elles-mêmes, quoique réservées à un petit nombre de personnes, étaient accompagnées de circonstances qui ne permettent aucun doute à l'égard de la réalité du fait. 3° Du fait de la résurrection, l'orateur passe à l'exposé du dogme, lequel se résume ici dans la notion du jugement présidé par le Christ Jésus, devant lequel apparaîtront un jour, pour rendre compte de leur vie et pour recevoir la récompense de leurs œuvres, tous ceux qui seront morts avant ce jour et tous ceux qui seront encore en vie quand il arrivera (1 Pierre IV, 5,6). Enfin 4° une dernière phrase combine deux autres éléments indispensables de la prédication apostolique: les prédictions de l'Ancien Testament relatives au Messie, et servant, par leur accomplissement dans la personne de Jésus, de preuves à l'appui de l'évangile annoncé en son nom, et les promesses attachées à la conversion et à la foi. Ce discours est donc encore, malgré la différence de la forme, une ébauche complète du cercle d'idées dans lequel nous avons vu se renfermer l'enseignement apostolique dans les chapitres précédents. La nouveauté, c'est qu'ici il s'adresse à un public étranger à la loi mosaïque, sans qu'il soit question de celle-ci; elle se trouve ainsi de fait écartée, ou du moins reléguée sur le second plan.

44 Pendant que Pierre parlait encore, le Saint-Esprit descendit sur tous ceux qui écoutaient son discours, et les fidèles de la circoncision qui étaient venus avec Pierre étaient tout étonnés de ce que le don du Saint-Esprit était aussi répandu sur les païens. Car ils les entendirent parler en langues et glorifier Dieu.

47 Alors Pierre reprit: Peut-on défendre Peau à ceux-ci, et leur refuser le baptême, à eux qui ont reçu le Saint-Esprit aussi bien que nous? Et il ordonna qu'ils fussent baptisés au nom du Seigneur. Alors ils le prièrent d'y rester quelques jours.

X, 44-48. Ces quelques lignes présentent un haut intérêt, parce qu'elles décident irrévocablement plusieurs questions qui ont pu jusqu'ici paraître imparfaitement éclaircies. Il est d'abord évident que, d'après l'usage et les conceptions de ce temps-là, on entendait par la communication du Saint-Esprit, non un mouvement intérieur, une direction de l'intelligence ou du sentiment, mais un phénomène extérieur et visible, ou plutôt qu'on aimait à constater le premier par le second. Ensuite nous voyons ici clairement, ce que nous avons déjà remarqué dans la scène de la Pentecôte, et entrevu dans ce qui s'est passé en Samarie (VIII, 17, 18), que le phénomène en question n'était autre que la glossolalie, ce qu'on appelle le don des langues. De plus, on peut s'assurer ici que ce don ne consistait pas à parler en langues étrangères non apprises (car dans la bouche de Cornélius, le latin et le grec étaient chose naturelle, et l'emploi de tout autre idiome aurait été sans motif et sans but), mais que c'était une glorification de Dieu, dans des accents ou paroles que nous appellerons l'éloquence de l'enthousiasme, la rhétorique du transport religieux momentané, qui n'a ni le temps ni le besoin d'aligner ses phrases, qui peut se contenter d'exclamations, mais qui donne à ces manifestations du sentiment un cachet de sincérité, d'énergie et de bonheur, que rien ne peut remplacer. Enfin, ce qui est le plus important, nous apprenons de la Louche même de Pierre qu'entre cette nouvelle effusion du Saint-Esprit et celle de la Pentecôte (comp. XI, 15), il n'y a absolument aucune différence, ni pour la forme, ni pour le fond. Pour cette famille de Césarée, comme pour les plus anciens disciples, l'esprit ainsi donné est le sceau de la grâce et de l'adoption (2 Cor. I, 22), le principe de la nouvelle vie, et pas du tout la source de l'infaillibilité doctrinale, dont il n'est question nulle part dans ce récit.

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