Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

INTRODUCTION


L'édit de Nantes, publié le 13 avril 1598, forma, pendant quatre-vingt-sept ans, le droit public des protestants français; il leur accorda, en effet, des privilèges qui se trouvèrent limités par des conditions si précises et si bien concertées, que non seulement ils n'apportèrent aucun préjudice aux catholiques, mais qu'ils furent encore d'une nature telle, qu'on n'aurait pu les refuser aux protestants ou les leur ôter sans choquer et le droit de la nature et le droit des gens, sans violer la loi de Dieu et sans blesser l'usage de tout christianisme. Si d'un côté, cet édit fut un acte de justice et de bonne politique qui solda des services rendus et retira la France des dangers des guerres civiles, il fut d'un autre côté la seule digue et l'unique retranchement qui garantit pendant près d'un siècle les réformés de l'animosité du clergé et de la violence des parlements. Aussi fut-il déclaré perpétuel et irrévocable, parce qu'il était le fondement de l'union entre les deux communions religieuses existantes et de la tranquillité de l'État.

Jusqu'à la mort violente de Henri IV qui eut lieu le 14 mai 1640, le droit des Églises protestantes fut respecté. Le nouveau règne fut même inauguré par une déclaration en date du 22 du même mois qui confirma l'édit. À l'époque de la majorité de Louis XIII, une seconde déclaration semblable fut publiée le 1er octobre 1614. Mais les Jésuites ne tardèrent pas à demander à ce monarque la ruine des Églises réformées, et le pape lui-même, après lui avoir offert de l'argent dans ce but, le fit presser par son nonce à suivre l'exemple de Philippe-Auguste, aïeul de saint Louis, qui avait entièrement exterminé les Albigeois. La guerre civile éclata sur ces entrefaites et ne se termina que le 22 octobre 1628 par la prise de La Rochelle, à la suite de laquelle le parti protestant détruit de fond en comble n'exista plus.

Ce ne fut pourtant qu'en 1634 que le cardinal de Richelieu, devenu ministre du roi après la mort du connétable de Luynes, commença à porter une main hardie sur l'édit de Nantes pour en éluder, si ce n'est pour en détruire les dispositions les plus salutaires. Après avoir conçu un plan de réunion dans lequel il ne s'agissait que d'un acte d'abjuration de la part des réformés, présenté sous la forme de gracieuse amnistie par les catholiques, et auquel il renonça pour le reprendre dans des circonstances plus favorables, par suite de la résistance ouverte que lui opposèrent les synodes provinciaux, il mit en oeuvre les propagateurs de la foi pour combattre l'hérésie et la vaincre; et pour faciliter leur victoire, il employa deux moyens brutaux: celui d'abord de la suppression des sommes données sous Henri IV aux Églises pour l'entretien de leurs académies, et celui ensuite du partage des consulats et des collèges entre les catholiques et les protestants.

En 1642, après la mort de ce ministre qui avait appesanti sur Louis XIII le joug de son bras de fer et les exigences orgueilleuses de son génie, et celle du roi lui-même qui arriva le 14 mai 1643, Anne d'Autriche, déclarée régente de Louis XIV, qui n'avait que cinq ans, se hâta de nommer le cardinal Mazarin ministre d'État. Ce fut alors que ce prélat politique, dont la souplesse et la ruse sont devenues proverbiales, jeta les premières trames de ces intrigues secrètes qui devaient aboutir à faire révoquer l'édit de Nantes; cependant une troisième déclaration du 8 juillet 1643 le confirma derechef. Cela n'arrêta pas le triomphe des Jésuites, qui, après avoir été mis par arrêt de la cour du 5 février 1644 en pleine jouissance des collèges, se livrèrent aux controverses religieuses les plus irritantes; le clergé tout entier leur vint en aide, puisque, lors du sacre de Louis XIV, il saisit cette occasion solennelle pour demander que les réformés fussent écartés des fonctions publiques sans distinction. Mazarin, secrètement d'accord avec lui, pour commencer à le satisfaire, reprit une partie des concessions qu'il avait faites aux réformés par suite des services qu'ils avaient rendus pendant la guerre de la Fronde. Il nomma des commissaires royaux pour assister à leurs synodes nationaux, et celui qui siégea au synode de Loudun en 1659, déclara de la part du roi que ce serait le dernier qui se tiendrait avec son autorisation.

Le 13 mars 1661, Mazarin mourut; mais la reprise des concessions qu'il avait précédemment faites n'en continua pas moins sa marche progressive et régulière, et pour détruire la liberté concédée par les édits, on travailla à corrompre les pasteurs sous le prétexte pernicieux de vouloir unir les deux religions et accommoder leurs différends. – La caisse spéciale des conversions fut mise, dans ce but, sous la direction de Pélisson. Parmi la multitude d'arrêts qui se succédèrent sur la suppression des académies, la démolition des temples, l'interdiction du culte religieux, les relaps, les mariages mixtes, les malades, les sages-femmes, les taxes d'offices, les droits civils, la puissance paternelle, le paiement des dettes, l'exemption des tailles et du logement des gens de guerre, le plus monstrueux fut celui du 17 juin 1684, qui autorisa l'abjuration des enfants protestants à l'âge de sept ans, sans que leurs pères, mères ou autres parents pussent y mettre obstacle.

Une mesure aussi révoltante ne pouvait être exécutée que par l'emploi de la force militaire; aussi les dragonnades furent organisées et procédèrent partout aux conversions forcées. Leur nombre s'étant élevé à plus de 250,000, on parvint à faire croire à Louis XIV que ses lois avaient détruit le calvinisme dans son royaume, et que dès lors il ne restait plus qu'à empêcher les convertis de retourner à leurs erreurs, ce qui ne pouvait se faire qu'en bannissant tous leurs ministres par la révocation de l'édit de Nantes, mesure qui fut exécutée le 15 octobre 1685.

À la suite de ce grand désastre, 4 à 500,000 protestants émigrèrent, et les autres, sans aucune exception, abjurèrent forcément leur croyance. Ces derniers furent visités, en 1689, par Claude Brousson, qui, après un ministère fructueux de neuf années, souffrit le martyre le 4 novembre 1698. – Deux ans après commença la guerre sanglante des Cévennes, qui dura jusqu'en 1710; les luttes si longues qu'elle occasionna, et la persécution si violente dont elle fut suivie n'anéantirent cependant pas les protestants; mais la position du petit nombre de ceux qui résistèrent à la force et à la séduction devint déplorable; pour assister aux rares assemblées religieuses qui se réunirent encore de temps en temps, ils étaient obligés de s'évader la nuit de leurs demeures comme des criminels, et là encore, à défaut de ministres, ils n'entendaient que d'anciens camisards qui, entraînés par les souvenirs de leur jeune âge, ne les entretenaient que de rêveries étranges et d'espérances sans fondement. Elles furent même complétement dissoutes en 1711 par la force des armes, de telle sorte que la moindre trace extérieure de protestantisme n'existait plus lorsque Antoine Court fut suscité de Dieu pour le réorganiser.

C'est l'histoire de cette renaissance providentielle que nous racontons. Toutes les pièces que nous avons textuellement reproduites ou analysées sont en nos mains, et il n'est aucun fait de ce récit dont nous n'eussions pu indiquer la source; si nous ne l'avons pas fait, c'est uniquement pour ne pas surcharger le texte de citations, et pour rendre sa lecture plus facile et plus courante.

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