Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CONCLUSIONS

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À vouloir réunir en faisceau les conclusions qui se dégagent de l'étude de ce mouvement, la première, la principale, celle qui nous semble s'imposer avec la clarté de l'évidence, c'est que l'Esprit souffle où il veut !

Le réveil d'Oxford n'aurait jamais pris naissance par le seul jeu des causes humaines. Que la piété équilibrée de nos milieux religieux d'Allemagne, de Suisse, de France soit tout à coup sortie de son habituelle réserve, qu'un nombre considérable des pasteurs les plus distingués et les plus zélés aient été jetés dans la consternation par les déficits de leur vie spirituelle et de leur ministère, que bergers et troupeaux, jusque chez les anglicans et les luthériens, aient pleuré, prié et confessé publiquement leurs besoins et même leurs péchés, c'est un fait trop extraordinaire pour qu'il ne soit pas d'ordre divin.

Dieu a voulu le réveil de sanctification de 1874 et 1875 ; c'est un temps de grâce qu'il a donné à son peuple. Il est vrai de reconnaître que divers facteurs de succès se sont trouvés réunis à ce moment-là.

Jamais peut-être depuis la Réformation, les chrétiens évangéliques n'avaient été aussi nombreux, aussi groupés, aussi affirmatifs, aussi spirituellement développés qu'à cette époque-là. La prédication de la croix retentissait dans les chaires évangéliques avec netteté et puissance. On n'atténuait ni les couleurs, ni les contours : évangéliques et libéraux étaient parfaitement distincts, aussi bien spirituellement que théologiquement. On retrouve dans la voix des prédicateurs d'alors l'écho de celle des réformateurs. L'Église croyante possédait des fondements bibliques suffisamment solides pour supporter un progrès en hauteur. Le Christ, fidèlement accepté comme « justice », pouvait se révéler « sanctification et rédemption ». Cet état de l'Église, dont elle ne se doutait pas elle-même et qui la poussait au contraire à s'humilier et à soupirer après un printemps spirituel, était exceptionnellement favorable à une nouvelle Pentecôte.

À ce moment aussi il s'est rencontré des deux côtés de l'océan des hommes de culture, vivants et consacrés, dont les expériences étaient à la fois précises et profondes. Ceux d'Europe plus calmes, plus clairs, mais aussi plus « théoriques » ont été soulevés, réchauffés, déclenchés si l'on peut dire, par les Américains plus ardents et plus pratiques. Ceux-ci, à leur tour, se sont rectifiés, en partie du moins, au contact de leurs frères de l'Ancien Monde. Et ce levain composé d'hommes comme Boardman, Smith, Radstock, Monod, Rappard, Stockmayer, Warneck est entré dans une pâte qui ne demandait qu'à lever. Il s'est trouvé alors, comme à d'autres moments décisifs de l'histoire de l'Église, que les besoins et les hommes capables d'y répondre apparaissaient simultanément. C'était le doigt de Dieu !

Si le mouvement d'Oxford n'a pas échappé complètement aux erreurs de doctrine et aux dangers psychologiques qu'entraîne dans un réveil le soulèvement d'une quantité aussi considérable de pensées et d'émotions nouvelles, il en a cependant été préservé dans une large mesure.

La plupart des propagateurs ont redoublé d'efforts pour écarter le perfectionnisme et l'illuminisme, en distinguant clairement ces éléments douteux de la vraie perfection et de la vraie illumination bibliques. Sans doute il a pu arriver malgré toutes les explications, que des orateurs dans leurs allocutions, des laïcs dans leur témoignage, des soeurs dans leurs prières, perdissent de vue la distinction entre l'état latent du péché qui subsiste et les péchés conscients dont une attitude de foi délivre le croyant et donnassent à penser qu'ils croyaient à un état de perfection acquise. Peut-on sans injustice en faire un grief à la doctrine du mouvement ? Du reste, quel réveil spirituel, à commencer par celui de la Pentecôte, n'a pas prêté à confusion ? Quelles vagues ne se bordent pas d'écume ? Il arrive souvent que quand tout a été expliqué, éclairé, remis au point, il n'y a plus de mouvement du tout et l'on se surprend, en bon ordre, sans éclats ni erreurs, à marquer le pas, quand ce n'est pas à s'endormir doucement. Planter une graine, donner le jour à un enfant, c'est courir des risques mais c'est multiplier la vie.

Il est vrai, malheureusement, qu'en Suisse comme dans d'autres pays on vit se détacher des premiers témoins d'Oxford un groupe de chrétiens qui passa les bornes du bon sens, de la pensée scripturaire et qui s'en est allé donner dans les exagérations du « Woodisme » (1) et du « Pentecôtisme » (2), mais le nombre de ces exaltés fut relativement faible ; et puis les excès, s'ils parlent de prudence, de vigilance, ne doivent pas faire par réaction la fortune de l'immobilisme et déprécier la bénédiction spéciale que Dieu donne par un réveil bien marqué.

Relevons cependant deux dangers que court tout mouvement semblable et auquel celui d'Oxford n'a pas complètement échappé, malgré les efforts de plusieurs de ses promoteurs. Le premier a été signalé avec une grande vigueur par Beck et de Pressensé. Ils l'ont fait si violemment que nous avons dû en son temps prendre contre eux la défense du réveil. Ils n'en ont pas moins eu partiellement raison dans leurs reproches.

Le caractère américain comporte un besoin d'activité et une énergie intenses. Quand tel frère du Nouveau Monde a enfin reconnu sa faiblesse, renoncé, par la foi, à ses efforts propres de sanctification légaliste et accepté de vivre de confiance dans la pratique de l'obéissance, il arrive à peu près au point normal, son énergie latente subsiste et lui est un préservatif suffisant contre la passivité. Tandis qu'il est arrivé à des chrétiens du « vieux pays », déjà portés par nature vers la loi du moindre effort, en renonçant à la lutte, de devenir paresseux, contemplatifs ou de manifester une sorte de déséquilibre entre la conscience morale, faible, insuffisamment sévère au péché et la conscience religieuse, exagérément développée par un dangereux besoin d'émotions variées.

La doctrine d'Oxford fut une bonne et sainte nouvelle pour ceux qui connaissaient les efforts douloureux de la lutte opiniâtre contre le péché. Pour eux la pierre fut roulée et le Christ vivant fut leur victoire. Par contre elle fut en piège aux caractères mous, aux dilettantes religieux dont elle ne stimulait pas assez la volonté.

Le suprême danger, l'orgueil, non pas seulement celui qui menace tous les hommes, les intellectuels, les savants chrétiens, mais celui qui est spécial aux gens de réveil, à ceux qui ont fait l'expérience profonde de la puissance de l'Évangile, à ceux qui se mettent en avant et qui rendent témoignage, n'a pas été étranger non plus au mouvement. C'est une arme empoisonnée dont le diable est habile à se servir. C'est là peut-être ce qui, en fin de compte, a annulé le témoignage de Smith ou de telle autre personnalité d'Oxford. Plus on monte, plus le vertige est dangereux et c'est le fruit d'une grande sagesse et d'une longue expérience chrétienne que cette parole de lord Radstock : « Que le Seigneur nous garde, nous qui n'avons pas d'autre mérite que sa Croix ! »

Les hommes d'Oxford n'ignoraient pas les périls. Des prières instantes, publiques et particulières, demandaient à Dieu protection pour ceux qui étaient, de par leur courage ou leur richesse spirituelle, les plus exposés aux coups de l'Adversaire. Des combats douloureux se livraient dans les consciences de ceux que Dieu mettait ainsi au « pinacle du temple », des actes précis d'humiliation et de consécration s'accomplissaient à genoux et, grâce à Dieu, beaucoup d'entre eux, revêtus de toutes les armes de Dieu, ont été vainqueurs. Des témoignages publics, merveilleusement puissants purent être rendus en toute humilité, parce que la victoire avait été remportée dans le secret. S'il en est qui sont tombés, qui n'ont pas suffisamment veillé, qu'un vertige d'erreur ou un emballement humain ont précipités des hauteurs, l'Église en a pleuré. Leur chute a servi de solennel avertissement et a opéré le triage entre ceux qu'un invincible attrait attirait, malgré tout, vers l'Évangile intégral et ceux qui ne cherchaient dans les réunions de réveil que des émotions rares ou de superficiels progrès.

Et maintenant que nous avons signalé les dangers du mouvement et fait la part du déchet, qu'il nous soit permis de souligner brièvement quelques-uns des résultats de ce pur et profond réveil des consciences.

Individuellement, une foule d'hommes sont devenus le sel de leurs Églises en retrouvant dans un acte précis de consécration une saveur spirituelle toute nouvelle. Il a bien fallu prêcher une doctrine, l'expliquer, la défendre, mais on insistait avant tout sur la nécessité de faire soi-même l'expérience de ce qui était annoncé. On venait, on voyait et à chaque instant partait le cri : « J'étais aveugle et maintenant je vois ! » Ils n'ont pas encore tous disparu les témoins de ce temps béni ! Voyez dans l'une de nos réunions cet homme à la barbe blanche, connu par l'aide précieuse qu'il apporte à son pasteur, par le bien qu'il fait aux malades, par la rectitude de sa vie et l'intensité de sa foi. Il se lève, il parle, il prie. Sa parole est un humble mais éclatant témoignage rendu à la puissance du Seigneur, qui « transforme les déserts en sources d'eau ». À mesure qu'il parle de victoire sur le péché et raconte quelque chose de la crise d'âme par laquelle il a passé autrefois, son visage s'illumine, l'auditoire monte avec lui sur les sommets et tel jeune chrétien sort, à la fois touché et déconcerté, d'une telle prédication. Soyez-en sûrs ! C'est un vieux représentant du réveil d'Oxford.

Collectivement, il y eut après Oxford un renouveau de vie dans les groupements religieux. Les prédicateurs qui avaient pris le courage de « se parler l'un à l'autre » de leur état intérieur, qui avaient, avec le Seigneur, triomphé de l'obstacle connu ou caché de leur vie intime, prenaient le courage maintenant de s'attaquer chez autrui à la racine même du mal et de prononcer des vérités qui précédemment leur seraient restées à la gorge. Ce n'était plus en « reporters » qu'ils parlaient de victoires, mais en témoins. Et les auditeurs, soulevés par les chants nouveaux, par les prières de la foi, par les prédications riches de moelle biblique et d'expérience personnelle, sentaient un souffle nouveau leur gonfler le coeur. Ils osaient croire à l'efficace de cette paire d'ailes : la confiance et l'obéissance au Christ-Sauveur. Les réunions de prières, les études bibliques étaient vivifiées et l'on accourait, le dimanche soir, de toutes les paroisses d'alentour pour entendre parler un pasteur qui avait assisté à des réunions de consécration.

Partout où le réveil a passé, une oeuvre de rapprochement s'est opérée entre les chrétiens. Les distinctions ecclésiastiques subsistaient mais les obstacles à la fraternité spirituelle tombaient. Cette unité dans la diversité s'obtenait non par des concessions préalables, courtoisement encore que diplomatiquement fixées, mais tout simplement, sans qu'on en parlât, sans qu'on s'en doutât. On priait, on s'humiliait, on sondait l'Écriture et son propre coeur et ou oubliait tout le reste. Ce fut le réveil non d'une Église, d'une fraction de l'Église ou d'une nation, mais le réveil de l'Église, répandue à travers les nations et les Églises du monde entier.

Dès le premier instant le réveil de sanctification poussa à l'évangélisation ; ce fut la marque de sa saine constitution. Les hommes d'Oxford devinrent des évangélistes dans toute la force du terme. Pendant que les chrétiens se consacraient, des indifférents, des enfants prodigues se convertissaient. Oxford n'a pas mis des saints dans des niches mais préparé pour le règne de Dieu une armée de conquérants.

Quand Joséphine Butler prêcha en 1875 sa croisade en faveur des femmes tombées, elle trouva partout des chrétiens prêts à recevoir son message. Ils s'étaient jugés eux-mêmes, leur coeur brûlait d'un saint amour pour les victimes les plus malheureuses du péché ; on crut au relèvement et au salut des pires.

Et quand, en 1877, L.-L. Rochat prophétisa la guérison des buveurs par l'engagement d'abstinence, pris avec l'aide de Dieu, où trouva-t-il l'appui des premières mains tendues sinon chez ceux qui avaient été touchés par le réveil de 1874 ?

Aujourd'hui encore, ne sont-ce pas, en Angleterre, en France, en Allemagne, en Suisse, les hommes de la première ou du moins de la seconde génération d'Oxford, forgés et, trempés dans les réunions de sanctification, personnalités vigoureuses, fécondes, attachées de toutes leurs forces au Christ de la Bible, qui obtiennent les plus grands succès dans l'évangélisation des masses, dans la diffusion de l'Écriture, et dans les oeuvres de relèvement ?

Il est bon de constater aussi que la mission en terre païenne a bénéficié du réveil d'Oxford dans une mesure qu'on ne peut évaluer. Nous avons parlé déjà de Keswick en Angleterre, devenu un centre missionnaire. Warneck en Allemagne, Coillard et Boegner en France, ces géants de la mission, ont été tous les trois profondément touchés par le réveil de sanctification. Sans l'auxiliaire d'une consécration à la manière nouvelle auraient-ils, comme ce fut le cas, dépassé à ce point la mesure des serviteurs ordinaires ?

Mais un résultat qui l'emporte sur tous les autres, c'est la gloire que le mouvement d'Oxford a rapportée au Maître. Un instant dans la vie de l'Église, Jésus-Christ n'a-t-il pas éprouvé à nouveau le sentiment qui l'étreignait à Sichar, près du puits de Jacob, quand les Samaritains disaient à la femme : « Ce n'est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons ; car nous l'avons entendu nous-mêmes, et nous savons que c'est lui qui est véritablement le Sauveur du monde ? »

Et quand tel orateur en renom, telle jeune fille de haut lignage, tel moniteur de l'École du dimanche répétait avec larmes les paroles du cantique :

Je veux brûler, mais de ta flamme,
Luire mais de ton jour,
De ton âme animer mon âme,
Aimer de ton amour,

le Sauveur n'a-t-il pas dû goûter quelque chose du salaire de son travail d'âme ?
Implorerons-nous de Dieu, à cette heure solennelle de l'histoire, un nouveau réveil d'Oxford ? L'histoire ne se répète pas. Pourtant c'est bien d'une bénédiction semblable que l'Église a besoin. Quand, à la fureur guerrière, succédera dans le sein de l'humanité blessée et humiliée une soif intense de vie divine, l'Église sera-t-elle capable d'y répondre ? Oui ou non ? Voilà la question des questions.

Demandons à Dieu de nous faire voir le péché où il est et tel qu'il est. Que sert-il de filtrer l'eau à la fontaine, si le cadavre continue à se décomposer dans le réservoir ?

Et puis demandons-lui la plénitude de sa grâce. Que Christ lui-même soit « formé dans nos coeurs ». Que nous devenions « une même plante avec lui ». « Il peut sauver parfaitement tous ceux qui s'approchent de Dieu par lui. »

Alors nous serons à la hauteur de la tâche !
Christ n'a-t-il pas dit :
« Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. Qui croit en moi, des fleuves d'eau vive couleront de lui, comme l'Écriture le dit. » (Jean 7, 37-38.)


1) En 1885, Wood et Juwelson, deux Australiens, prêchèrent la possession d'un « coeur nouveau ». C'était une forme spéciale du perfectionnisme.

2) Dans les mêmes années il y eut en Suisse romande un mouvement de recherche malsaine du Saint-Esprit. Il y eut des déceptions et des scandales. 
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