Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XII

Les rechutes.

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Luc, XXII, 51-62.

 Se saisissant donc de lui, ils l'emmenèrent, et le firent entrer dans la maison du souverain sacrificateur ; et Pierre suivait de loin.
Or ces gens avant allumé du feu au milieu de la cour, et s'étant assis ensemble, Pierre s'assit aussi parmi eux.
Et une servante le voyant assis auprès du feu et avant l'oeil arrêté sur lui, dit : Celui-ci aussi était avec lui.
Mais il le nia, disant : Femme, je ne le connais point.
Et un peu après, un autre le voyant, dit : Tu es aussi de ces gens-là. Mais Pierre dit : O homme, je n'en suis point.
Et environ l'espace d'une heure après, quelque autre affirmait, et disait : Certainement celui-ci aussi était avec lui ; car il est Galiléen.
Et Pierre dit : O homme ! je ne sais ce que tu dis. Et dans ce moment, comme il parlait encore, le coq chanta.

Et le Seigneur se tournant, regarda Pierre ; et Pierre se ressouvint de la parole du Seigneur, qui lui avait dit : Avant que le coq chante, tu me renieras trois fois.
Alors Pierre étant sorti dehors, pleura amèrement.

Le Sauveur, avant la nuit où il fut trahi, avait dit à ses disciples : Je vous serai cette nuit à tous une occasion de chute, car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées. Et Pierre, prenant la parole, lui dit : Quand même tous les autres se scandaliseraient en toi, je ne serai jamais scandalisé. Jésus lui dit : Je te dis en vérité, que cette nuit même, avant que le coq ait chanté, tu me renieras trois fois. Pierre lui dit : Quand même il me faudrait mourir avec toi, je ne te renierai point. Et tous les disciples dirent la même chose.



Que devint, quelques heures plus tard, ce dévouement que Pierre croyait avoir pour son maître ? La réponse est devant nous : Pierre s'était mal connu lui-même ; il fait trois chutes, l'une plus humiliante que l'autre. D'abord un mensonge, puis un parjure, puis un blasphème. - Voilà les péchés dans lesquels il tombe et qui lui montrent la vraie face de son coeur.
Cependant Pierre, à cette époque, n'était plus novice dans la connaissance de Jésus-Christ. Depuis trois ans déjà il suivait le Sauveur, et l'esprit de Dieu avait déjà agi en lui de plus d'une manière. Quand il fit cette belle profession : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! Jésus-Christ lui répondit : Tu es heureux, Simon, fils de Jona, car ce n'est pas la chair et le sang qui font révélé cela, mais c'est mon père qui est dans les cieux.
Plus tard, quand plusieurs des disciples de Jésus-Christ se retirèrent, et que Jésus dit aux douze : Et vous, ne voulez-vous point aussi vous en aller ? Simon-Pierre lui répondit : Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle, et nous avons cru et nous avons connu que tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.

Après de tels antécédents, on prendrait Pierre pour une âme bien fondée, bien fidèle : mais nous voyons, par ce qui se passa dans la cour du souverain sacrificateur, comme on peut se tromper sur le chrétien le plus décidé.

Ce ne sera plus de Pierre qu'il s'agira, c'est de nous. La chose la plus triste pour un chrétien, ce sont ses rechutes. C'est de cela que nous allons parler. Nous avons déjà vu bien des misères dans nos méditations précédentes, mais ce qui cause le plus de douleur à un chrétien sincère, c'est de se voir retomber sans cesse dans les mêmes fautes, malgré les humiliations par lesquelles il a déjà passé. On croit qu'après le temps qu'on connaît le Seigneur et après les expériences qu'on a faites à son école, on est enfin guéri ; et cependant il ne manque qu'une faible occasion pour qu'on retombe, et souvent plus bas qu'un homme ordinaire.
L'exemple de Pierre peut nous fournir trois points à méditer. Nous verrons d'abord quels sont les caractères d'une rechute ; puis nous examinerons ce qui la provoque ; enfin ce qui nous relève.
Prenons ces trois points pour sujet de notre méditation chrétienne.

1. - Une rechute n'est pas un péché ordinaire. II y a de ces péchés qu'on commet par entraînement ou qui sortent d'un côté peu connu du coeur ; il n'en est pas de même de nos rechutes.
Ce sont des infidélités spéciales et beaucoup moins excusables que les autres. Elles portent sur des côtés bien réveillés de notre nature et qui nous ont déjà bien fait souffrir. C'est dans les rechutes que la conscience a parlé plus haut qu'ailleurs et que nous avons senti plus qu'ailleurs les amertumes du péché.
Après les occasions qu'on a eues de supporter les conséquences de la même faute, on devrait enfin en être quitte ; eh bien ! on va retomber encore et se condamner encore aux mêmes supplices. Et voici le côté douloureux de nos rechutes.
En tombant et en retombant ainsi, nous émoussons la conscience et nous nous rendons impropres à combattre comme il faut. L'heure où Pierre retombe trois fois dans le même péché, nous montre en raccourci un état qui dure souvent des années. On peut traîner avec soi d'une année à l'autre un péché qu'on a déjà déploré bien des fois en silence. Le monde ne voit pas toujours nos repentirs ; nous les cachons souvent sous des apparences bien intrépides ; c'est ce que fait Pierre quand il s'approche vaillamment du feu où se chauffaient les serviteurs et les sergents. Mais ces repentirs intérieurs ne sont pas des conversions. Le pouvoir du même péché reprend le dessus, et ces alternatives continuelles de péchés et de repentir usent la conscience et sont une source continuelle de tristesse. Encore si ces tristesses étaient celles qui sont selon Dieu ! Mais loin de là, ce ne sont que des états d'abattement qui énervent et qui ne sanctifient point. On est obligé de se dire : Tu aurais pu éviter cette rechute, et maintenant il est trop tard ; c'est ce rongement qui revient et qui navre toujours, mais qui ne relève pas. Ce sont les remords qui viennent d'une grâce dissipée. Car, faites attention, la grâce de Dieu, aux approches d'une rechute, est tout particulièrement active ; il y a souvent des circonstances tout à fait providentielles qui montrent que Dieu veut nous retenir au moment où nous sommes sur le point de tomber dans le mal et que ce n'est point lui qui nous tente.
Mais, en revanche, si nous laissons triompher nos convoitises, la force du mal sera en un clin d'oeil beaucoup plus violente que si nous n'avions pas été avertis.

La première rechute de Pierre en amène aussitôt une seconde ; le péché n'arrive jamais seul, et chaque péché qui suit est plus grave que celui qui l'a précédé. Et, de cette manière, on est souvent enveloppé dans des fautes dont on ne s'était pas cru capable et que nos rechutes traînent à leur suite.
Pierre ne s'était cru capable ni d'un parjure, ni d'un blasphème ; il n'avait peut-être jamais eu à lutter contre ces deux espèces de péchés. Mais son premier reniement les fait sortir du coeur ; dans le coeur aussi un abîme en appelle un autre. Quelles sont les causes ordinaires qui produisent nos rechutes ? En regardant à l'histoire de Pierre, nous le saurons ; suivons cette histoire.

2. - Jésus-Christ avait averti Pierre ; il lui avait dit et redit qu'il serait aussi faible qu'un autre ; mais Pierre n'avait point laissé arriver la Parole du Seigneur jusqu'aux jointures et aux moelles ; c'était sa première faute.
Nous nous exposons à une rechute quand la Parole de Dieu n'a point en nous le retentissement qu'elle doit avoir. La Bible nous avertit dans chacune de ses pages : Que celui qui croit être debout prenne garde qu'il ne tombe. Garde ton coeur plus que toute autre chose qu'on garde, car c'est de lui que procèdent les sources de la vie. Veillez, car le diable, votre ennemi, tourne autour de vous comme un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer. Ne dites jamais paix et sûreté, car une ruine subite peut vous surprendre, comme les douleurs surprennent une femme enceinte, et vous n'échapperiez point.
Ce sont des paroles que nous savons par coeur, mais que nous laissons glisser sur l'âme, au lieu d'en faire des sentinelles sur nos murs. Nous nous fions au calme des circonstances et aux bonnes dispositions de notre coeur. Mais ce calme dans lequel nous vivons, un rien peut le troubler, et cet état satisfaisant de notre coeur n'est souvent qu'un piège de l'ennemi.
Le péché est toujours à la porte ; un atome suffit pour nous y faire retomber. Quelques heures avant sa chute, Pierre avait joui de la plus douce communion avec le Seigneur. C'est dans de telles heures surtout qu'on se croit incapable d'une rechute. Comment ne point aimer celui qui nous a aimés le premier, quand on vient de goûter de nouveau combien il est doux ?

Pierre s'était fié à son amour pour le Seigneur ; cet amour lui semble plus vrai que la Parole de Jésus, et c'est cette sécurité qui perd le disciple. Jamais l'ennemi n'est si prés de nous que lorsque nous sommes près de Jésus et que nous recevons de lui quelque faveur particulière. C'est après ces heures, tout particulièrement douces de la vie chrétienne, que nous avons besoin d'une double mesure de vigilance. C'est comme si l'ennemi voulait aussi sa part, quand le Seigneur a eu la sienne et qu'il nous a fait jouir de nouveau de l'abondance de ses dons.

Ce qui précipita Pierre au-devant du danger, ce fut en outre le lieu où il va aller. Qu'avait-il à faire dans la cour du souverain sacrificateur ? Jésus ne lui avait point dit, comme autrefois au bord de la mer de Galilée : Suis-moi !
C'est la curiosité qui attire le disciple trop confiant en lui-même ; il s'engage dans une route qui ne lui a point été tracée, et ce sont ces routes qui sont aussi celles de nos rechutes. Nous pouvons toujours compter sur des miracles de grâce, quand nous sommes dans les voies du devoir. Quelque périlleuse que soit une position, si c'est le Seigneur qui nous y a mis, nous marcherons sur le lion et sur l'aspic, et rien ne pourra nous nuire. Mais il n'en est pas de même des voies dans lesquelles nous entrons de notre propre chef. Que ce soit par goût, par curiosité ou n'importe par quel motif, nous allons au-devant des dangers en prenant une route qui n'est point celle du Seigneur. Si nous passions en revue l'histoire de nos rechutes, nous trouverions peut-être que bon nombre se sont passées en des endroits qui étaient hors de la ligne tracée par le Seigneur. Rappelons-nous sa Parole : Si ton pied te fait tomber dans le péché, coupe-le. Ce qui est dit du pied est aussi dit de la main. Nous entreprenons souvent quelque chose, ou nous nous mêlons de quelque affaire qui n'est pas de notre ressort ; ici encore nous sommes en des lieux glissants. Examinons ce qui est agréable au Seigneur, et n'ayons aucune part à des oeuvres infructueuses. Nous aurons assez à faire, si nous voulons être fidèles dans les petites choses ; mais on aime souvent mieux des occupations de luxe que de s'en tenir aux devoirs ordinaires qui nous sont prescrits. Le Seigneur nous laisse faire, mais nous subirons les conséquences de ce que nous faisons.

Une fois dans cette cour fatale, Pierre ne peut pas éviter de se trouver en contact avec les personnes qui s'y trouvent. Ce, ne sont point des amis du Sauveur ; et ce qui accélère la chute du disciple, c'est cette société et ce feu commun où Pierre aussi va se chauffer. Cela ne veut pas dire que nous ne devons nous mêler qu'à des chrétiens. Si nous voulions éviter le contact du monde, il faudrait sortir du monde.
Restons dans le monde, mais ne nous conformons point au monde, préservons-nous de sa souillure. Voilà le point difficile. Et il est plus difficile encore dans une société que le Seigneur n'avait point choisie pour nous.

À peine est-il avec cette troupe, que Pierre renie son maître. Une pauvre servante lui fait peur. Je ne connais point, dit-il, cet homme-là. Ne jetons pas si vite la pierre au disciple. Il y a manière de renier le Seigneur, sans dire de bouche : Je ne le connais point. Peut-être le renions-nous plus souvent en nous taisant qu'en parlant.
Ce laisser-aller à des habitudes mondaines, cette attention que nous prêtons à des vanités qu'on nous débite, ce sourire, ce je ne sais quoi que le monde prend pour de l'approbation, n'est-ce pas aussi un reniement ?
Quand on vit des années avec quelqu'un, et qu'on ne lui parle jamais de la seule chose nécessaire, est-on moins coupable que Pierre ?
Mais s'il y a crainte humaine d'un côté, il existe un état de hardiesse qui est aussi un reniement. Il y a des chrétiens qui vont au-devant de l'opprobre, et qui, dans les rapports avec les gens du monde, prennent un air provocateur.

Quand Pierre s'avance hardiment vers ce feu, où il va se mêler à la conversation et où l'on va reconnaître sa vraie figure, ne nous rappelle-t-il pas certains chrétiens qui ne se mêlent à une conversation mondaine que pour laisser tomber quelque parole piquante ?
N'est-ce point aussi renier Jésus-Christ que de rendre témoignage dans un esprit qui n'est pas le sien ? N'est-ce point jeter de la défaveur sur la cause entière de l'Évangile, que de faire croire que tous les chrétiens sont roides et mordants, puisque nous avons nous-mêmes un esprit trop frondeur ?
Que de rechutes des deux côtés, quand nous regardons de nouveau à notre vie chrétienne ! Nous sommes ou trop lâches, ou trop acerbes ; l'onction de Jésus-Christ nous échappe à tout instant, et ce n'est qu'elle qui constitue le chrétien.

Voilà les causes ordinaires de nos rechutes. Nous n'accordons pas à la Parole sainte l'autorité qu'elle veut avoir sur les insinuations de notre coeur. Nous entrons dans des voies qui ne nous viennent point du Seigneur. Enfin, dans nos rapports avec le monde, nous tombons, tantôt dans la mollesse, tantôt dans l'âpreté.
Qu'est-ce qui releva Pierre ? C'est le troisième point qui nous reste à examiner.

3. - Pour éviter une rechute, suffit-il de faire le contraire de ce que fit Pierre ?
Hélas I il y a des chrétiens pour qui la Parole de Dieu a un grand poids, qui mesurent soigneusement leurs démarches, et qui, dans leurs relations avec le monde, ont une grande circonspection chrétienne. Croyez-vous que ces chrétiens n'aient point journellement encore des rechutes à déplorer ?
C'est qu'il faut autre chose encore que tout cela. Il faut le réveil du coq et le regard de Jésus. C'est au moment où le coq chanta pour la seconde fois, et que les yeux de Pierre eurent rencontré les yeux de son Maître, que la grâce triompha.

Le coq avait chanté une première fois, mais le coeur du disciple ne s'était point encore rendu ; il manquait le regard de Jésus. Conscience réveillée ne suffit pas ; elle laisse le pécheur sous la loi. En revanche, un regard sur Jésus, quand la conscience dort, est aussi un regard perdu. Mais donnez-moi un pécheur en qui tombe une parole qui le condamne, et qu'au même instant ce pécheur voie les bras ouverts de Jésus, et vous saurez ce qui nous relève de nos rechutes et ce qui nous guérit.
Plaçons-nous chaque matin sous le regard du Sauveur, mais que ce soit avec une conscience réveillée. Marchons de cette manière, et nous saurons que le Seigneur soutient tous ceux qui sont prêts à tomber, et qu'il redresse tous ceux qui sont abattus.

Quand Pierre brisé, mais heureux, se précipite dans la rue, il se trouve seul au milieu de la nuit. Cette nuit, ne nous en rappelle-t-elle pas une autre ?
Tôt ou tard nous entrerons dans une nuit où nous serons seuls et entourés de ténèbres. Encore un peu de temps, et nous serons sur notre lit de mort. Que se passera-t-il en nous quand, devant la nuit de l'éternité, nous regarderons dans les rechutes de notre vie entière ?
Mettez à côté de votre corps mourant toutes ces montagnes d'infidélités et de souillures. C'est aussi le moment où le coq va chanter. Bienheureux ceux qui alors rencontreront le regard de Jésus ! Tenons pour assuré qu'il peut toujours sauver ceux qui s'approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéder pour nous.
Quand vous sentirez tomber sur vous, comme un poids écrasant, votre vie tout entière, tournez vos yeux expirants sur ce Sauveur qui a toute puissance dans les cieux et sur la terre. Il comprendra ces larmes que vous verserez et qui sont les plus amères. Il sait qu'en lui tendant les bras, vous voulez dire : Es-tu toujours le même ? peux-tu encore m'aimer ?

Vous lui montrez du doigt ces misères amoncelées, et, devant l'agonie qui déjà commence, vous vous écriez de nouveau : Peux-tu encore m'aimer ? Ah ! soyez assurés qu'il ne vous laissera pas sans réponse. Tout ce qu'on vous a dit de lui, de son amour, se confirmera alors pour vous.
Ce nom de Jésus sera comme un parfum répandu.
Ce sang, à l'efficace puissance duquel toute la Bible rend témoignage, vous fera connaître sa vertu immortelle.
Le regard qui jadis tomba sur Pierre, tombera sur votre âme mourante et vous dira : Je t'ai aimé d'un amour éternel, c'est pourquoi je t'ai attiré par ma miséricorde.

Dans ces plaies mortelles, nous verrons notre guérison ; dans ses yeux attendris, nous lirons notre délivrance. Et quand la multitude de l'armée céleste s'abaissera sur ce lit de mort, quand elle demandera : Qui est celui qui vient de la grande tribulation ? la réponse sera : C'est une âme qui a lavé sa robe et qui l'a blanchie dans le sang de l'agneau. Et ces ténèbres se changeront devant vous en lumière ; cette longue suite de maladies spirituelles fera place à une allégresse éternelle ; vous serez devant le trône de Dieu, vous le servirez jour et nuit dans son temple, et celui qui est assis sur le trône habitera avec vous !

FIN.


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