Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

I

LA CROIX.

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Apoc., VII, 13-17.

Alors un des vieillards prit la parole, et me dit : Ceux qui sont vêtus de robes blanches, qui sont-ils, et d'où sont-ils venus ?
Et je lui dis : Seigneur tu le sais. Et il me dit : Ce sont ceux qui sont venus de la grande tribulation, et qui ont lavé leurs robes, et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau.
C'est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et ils le servent jour et nuit dans son temple ; et celui qui est assis sur le trône, habitera avec eux.
Ils n'auront plus faim, et ils n'auront plus soif ; et le soleil ne frappera plus sur eux, ni aucune chaleur.
Car l'Agneau qui est au milieu du trône, les paîtra et les conduira aux sources d'eaux vives, et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux.


 Saint Jean, exilé par l'empereur Domitien sur le rocher désert de Patmos, voit, dans une série de visions, les destinées futures de l'Église de Christ. C'est une de ces visions qui nous est décrite dans le chapitre duquel est tiré notre texte. Le monde éternel s'ouvre aux yeux du disciple bien-aimé ; une multitude que personne ne peut compter, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue, entoure le trône de Dieu. Tous sont vêtus de robes blanches, ce qui est une image de la glorification céleste ; tous aussi ont des palmes à la main, ce qui indique que cette multitude est une armée de vainqueurs. Fraîchement arrivés et se voyant au terme de leurs combats, ils entonnent un chant de louange qui retentit jusques dans les oreilles du disciple qui écoute avec adoration. Son coeur désire savoir quelle est cette armée bienheureuse, et une voix céleste, qui semble prévenir son désir, lui demande : Ceux qui sont vêtus de robes blanches, qui sont-ils, et d'où sont-ils venus ? Et l'humble serviteur de Dieu, le front dans la poussière, répond : Seigneur, tu le sais. Et la même voix lui donne la clé de ce mystère : Ce sont ceux qui sont venus de la grande tribulation, et qui ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau.

Le temps qui est derrière eux a été un train de guerre ; l'avenir qui est devant eux est une éternelle allégresse. Autrefois, ils erraient loin de leur Dieu, gémissant sous le poids d'un corps de mort ; désormais, ils sont devant le trône de Dieu et le servent jour et nuit dam son temple.
Autrefois, ils marchaient dans une terre déserte, où ils étaient altérés et sans eau ; désormais, ils logeront parmi les biens, car leur Rédempteur les paîtra et les conduira aux sources d'eaux vives, et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux.

Est-ce un rêve ou est-ce une réalité ? Ce ravissement de saint Jean, dans une île déserte, a-t-il quelque valeur pour nous ? Un tel avenir de gloire serait-il aussi réservé pour nos âmes ?
Mettez-vous devant la croix de Jésus-Christ : c'est sur cette croix que tout s'explique ; l'avenir qui se déroula devant les yeux du disciple bien-aimé, est l'avenir de tout coeur touché et qui peut dire : J'ai cru. La croix de Jésus est le centre de notre repos, le centre de l'histoire du monde, le centre de notre éternité. Ôtez cette croix, vous ne savez plus où vous marchez ni où vous allez ; rendez à cette croix sa vraie place, tout devient lumière, derrière vous, en vous, devant vous. Notre texte nous montre comment il faut faire l'expérience de cette croix. Il y a trois points qui vont nous occuper : la grande tribulation, ce sang qui lave et ces vêtements blanchis. Réunissez ces trois points, c'est notre éternelle rédemption que vous voyez.


I.

  Il faut passer par une grande tribulation, pour arriver à la palme de la victoire. Où est cette tribulation ? Je vais vous la montrer en trois endroits.
D'abord autour de vous. Si, pour un jour seulement, vous pouviez regarder du haut du ciel sur la terre, que verriez-vous ? Une grande tribulation.
Que de remuements ici-bas, que d'agitations, de quelque côté que vous regardiez ! Rien de stable, aucun état permanent, nous nous envolons, dit l'Écriture. Le plus beau jour n'est que travail et que tourment ; le pain que nous mangeons est un pain de douleur. Il y a quelque chose qui pèse sur nous ; cet ordre de choses n'est pas un ordre normal. Je parle de vous, de moi, de toute la création. Toutes les créatures ensemble soupirent et sont en travail jusqu'à maintenant. Ces feuilles qui tombent, cette vie qui se décolore, cet assujettissement à la vanité, ces voix plaintives qui vous viennent de tous les côtés, tout vous dit que vous vivez dans un monde déchu, et que ce que vous appelez la vie n'est, à vrai dire, qu'une grande tribulation.

Mais cet état général n'est plus rien, si vous regardez à vous-même. La grande tribulation est aussi en vous, elle n'est pas seulement autour de vous. Allez au coeur de votre vie : croyez-le ou ne le croyez pas, il y a en vous une plaie hors d'espérance. Cette plaie vient d'un renversement qui a faussé toute votre nature.
Ce qui doit gouverner est captif ; ce qui doit servir gouverne. Regardez à votre état général, ce sont vos péchés qui ont fait séparation entre vous et votre Dieu.

Le lien de la paix est rompu, et qu'est-ce qui reste, quand il n'y a plus de paix ? Une grande tribulation. Un coeur vide, une âme desséchée, une conscience qui ronge, des convoitises qui séduisent. Prenez les ailes de l'aube du jour et allez demeurer à l'extrémité de la mer, la vérité vous suivra ; et la vérité, c'est votre péché.
Ah ! ce mot n'est pas comme un autre ; ce mot est aussi une chose, et cette chose est aussi un enfer. Qu'il brûle aujourd'hui ou qu'il brûle plus tard, il brûlera ; faites votre paix avec Dieu, il est temps de vous juger vous-même. Quand toute la tête est en douleur, quand tout le coeur est languissant, il y a folie de dire : Paix, paix, puisqu'il n'y a point de paix.

Mais la grande tribulation est encore ailleurs : elle est aussi sur la croix de Jésus-Christ. Si nous souffrons pour nos péchés, nous ne souffrons que pour les nôtres ; mais la grande victime du Calvaire a été faite malédiction pour nous tous. L'Éternel a fait venir sur Lui l'iniquité de nous tous. Comptez, si vous pouvez, les millions de péchés de la postérité d'Adam ; or, si un seul péché, bien réveillé, est déjà une malédiction, quel jugement, quand toute cette charge vient à tomber sur le représentant des pécheurs !
Et c'est une coupe qu'il n'a point détournée de Lui, car il a voulu faire la propitiation pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux de tout le monde. Ah ! si nous pouvions pénétrer dans cette nuit de Gethsémané, dans cette agonie pendant laquelle le monde dormait, quand Lui veillait et combattait, si nous pouvions entrer dans ces grands cris et ces larmes, dans ces prières et ces supplications, jusqu'à ce cri final : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ! Nous verrions une tribulation pour laquelle il n'y a plus de langage. Dieu seul a pu voir ici jusqu'au fond ; tout ce que nous savons, c'est que le Médiateur de nos âmes a été enlevé par la force de l'angoisse et de la condamnation ; que l'Accusateur invisible n'aura rien oublié, pas un iota de notre dette, pour la faire payer dans son entier à ce garant ; Jésus ne dit-il pas lui-même : Tout est accompli ? Tout notre salut est le fruit d'une grande tribulation ; suivez l'Agneau de Dieu qui porte les péchés du monde, et vous le saurez. Vous estimerez le prix de ce sang, dans lequel la multitude céleste avait lavé et blanchi ses vêtements. C'est le second point que nous avons à voir.


II.

  L'Écriture a soin de dire : En qui nous avons la rédemption par son sang, savoir la rémission des péchés. Sans effusion de sang, il ne se fait point de rémission des péchés. C'est le sang de Jésus-Christ qui purifie de tout péché ; ce n'est point sa doctrine, ce n'est point son exemple. Le Sauveur dit lui-même, au moment où il institue la sainte Cène : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, qui est répandu pour vous.
L'expiation est dans ce sang répandu ; portez-la ailleurs, ce ne sera plus l'expiation. C'est dans le sang qu'est le siège de la vie naturelle, et c'est dans le coeur de la vie naturelle qu'est aussi le siège du péché.

C'est le péché, dans son principe, qu'il a fallu frapper, pour que la satisfaction réclamée par la conscience ait été la véritable. Il a fallu que ce sang, c'est-à-dire cette vie intérieure qui était devenue une inimitié envers Dieu, se répandît volontairement sur l'autel, pour que l'harmonie primitive entre la créature et le Créateur se retrouvât. Mais cette vie, qui a dû s'immoler elle-même, ne pouvait représenter une vie étrangère, tant que la victime n'était qu'un homme ; Dieu seul a pu réconcilier le monde avec soi ; mais Dieu, se faisant homme, Homme-Dieu, seul Médiateur entre deux mondes ; et c'est comme tel qu'il se donne à nous sur la croix. Par une seule oblation, il a amené pour toujours à la perfection ceux qui sont sanctifiés. Ce que le sauvage n'avait qu'entrevu, ce que l'Ancien-Testament ne donne que comme une ombre, le pressentiment de tous les peuples est confirmé dans la seule victime qui est Jésus. Le fondement de notre paix est dans le mystère de piété que Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec soi, en ne leur imputant point leurs péchés et mettant en nous la Parole de la réconciliation.

L'Évangile est la nouvelle du pardon ; il tourne vos regards vers Celui que vous avez transpercé ; car, quiconque contemple le Fils et croit en Lui, a la vie éternelle.
Allez à cette source ouverte pour le péché et pour la souillure, et ce qui est rouge comme le cramoisi sera blanchi comme la laine. Il le dit lui-même à toute âme travaillée et chargée, Lui qui ne saurait mentir : J'ai effacé tes forfaits comme une nuée épaisse, et tes péchés comme un nuage ; retourne à moi, car je t'ai racheté.
C'est alors qu'on s'écrie avec le prophète : Qui est le Dieu fort, semblable à toi, qui ôte l'iniquité et qui passe par-dessus les péchés du reste de son héritage ? Il ne tient pas toujours sa colère, parce qu'il se plaît à faire miséricorde. Il a eu compassion de nous ; il a mis sous ses pieds nos iniquités, et il a jeté tous nos péchés au profond de la mer.

Mais qui est capable de s'approprier ce salut ? Vous êtes en présence du sang de l'aspersion et qui prononce de meilleures choses que le sang d'Abel ; mais y avez-vous lavé vos robes, blanchi vos vêtements ? Examinons encore ce dernier point, c'est le plus important de tous.


III.

  Nécessairement, il faut vous demander : Qu'ai-je fait jusqu'ici de mes péchés ?
Ce n'est qu'un pauvre pécheur que le sang de Jésus-Christ puisse laver. Suis-je sorti de ma propre justice ?
Les vêtements, c'est ce qui couvre tout le corps ; c'est de toute votre personne qu'il s'agit ou de votre esprit dominant. Ce qui a faussé votre vie, c'est la recherche de vous-même ; que, si Jésus-Christ doit vous sauver, il faut vous convertir à Lui. Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, en lui donnant tout empire sur vous ; il est l'Auteur du salut éternel, mais pour ceux qui lui obéissent.

Êtes-vous à Jésus-Christ ? Je vais vous dire à quel signe vous pouvez le reconnaître : c'est quand votre coeur est un coeur brisé ; cet acte s'est-il accompli en vous ?
L'un ne pense pas à ses péchés ; la routine, le souci du matériel, voilà sa vie ; il ne connaît pas autre chose.
Un autre se pardonne lui-même et se blanchit par ses propres raisonnements ; le sang de l'Agneau est perdu pour lui.
Un troisième est un honnête homme et tout couvert de considération ; ne discutez pas avec lui, vous ne l'atteindrez pas sous sa cuirasse.
Un autre encore a reçu des avertissements ; il sent bien qu'il n'est pas dans l'ordre, mais la dissipation du monde chasse tous ces mouvements.

Enfin, en voici un dernier qui est sous la main de Dieu et depuis longtemps ; vous attendez beaucoup de ses épreuves, mais le coeur peut s'user dans le malheur comme dans le train de la vie journalière. Allez de maison en maison, prenez une lanterne, comme Diogène ; ce que vous trouverez le moins, c'est un pauvre pécheur.
Ce n'est pas que pour tous ces hommes ou pour toutes ces familles Jésus-Christ soit un inconnu, mais on ne veut pas de ce Jésus-Christ qui lave ; ce qui fait frémir le plus, c'est l'obligation de changer. Cependant, Jésus-Christ a dit : Si je ne te lave, tu n'auras point de part avec moi. Il veut autre chose qu'une orthodoxie de salon, il veut une nouvelle créature.

Le vrai Jésus-Christ est Celui qui jouit du travail de son âme et qui en est rassasié. Il demande amour pour amour, et un crucifié pour un crucifié. Ah ! comme tout change, quand ces voix commencent à parler. Il y a un travail qui se fait en silence, et qui part de la croix de Jésus. Les mauvais fondements sont ébranlés, la volonté rebelle se rend, le coeur sent le pouvoir d'un amour nouveau. Ce ne seront plus des mouvements passagers, c'est une transformation d'esprit, une vie spirituelle, à la place de la vie naturelle, et cet état va croître et sanctifier parfaitement. Quand j'aurai été élevé de la terre, dit Jésus, j'attirerai tous les hommes à moi.

C'est l'attraction de la croix qui, de toutes, est la plus forte. Dieu a bien des puissances ; mais sa puissance souveraine, c'est Jésus-Christ crucifié.
Pourquoi saint Paul est-il si fort ? comment est-il soutenu dans les faiblesses, dans les opprobres, dans les misères, dans les persécutions, dans les afflictions extrêmes ? C'est qu'il ne veut savoir autre chose que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié.
Sur cette croix, le péché est immolé, le mur de séparation est abattu ; par le sang de Jésus, il y a liberté d'entrer dans les lieux saints, par le chemin nouveau qui mène à la vie : tous ceux qui sont venus de la grande tribulation et qui ont lavé leurs robes dans le sang de l'Agneau, sont des vainqueurs. La joie du salut est leur force ; ce ne sont plus eux qui vivent, c'est leur vainqueur qui vit en eux ; et la croix est aussi la bannière qui unit les peuples et les époques.
Il y a bien des nuances d'hommes ; mais ce sang, qui nous lave tous, est aussi une puissance qui nous unit tous. Vous qui étiez autrefois éloignés, vous avez été rapprochés par le sang de Christ. Élevez vos yeux et regardez tout autour : quelles sont ces volées, épaisses comme des nuées, qui volent comme des pigeons à leurs colombiers ? Ce sont de pauvres pécheurs qui viennent d'orient et d'occident, du septentrion et du midi ; ils ont compris l'appel : Vous tous les bouts de la terre, regardez vers moi et soyez sauvés.
Sous l'étendard de la croix, les nationalités s'effacent, les siècles se tendent la main ; il n'y a plus ni Grec, ni Juif, ni circoncis, ni incirconcis, ni barbare, ni scythe, ni esclave, ni libre : mais Christ est toutes choses en tous.

Il y a peut-être une âme encore à gagner, et cette âme c'est la vôtre.

Vous avez besoin de pardon, de paix, d'un bonheur qui comble tous vos vides et qui soit éternel comme Dieu. Eh bien ! vous pouvez l'avoir, et, qui plus est, gratuitement. Faites-vous montrer votre grande tribulation, et sentez comme elle vous navre, comme tout en vous est souillé.
C'est ce vieux vêtement qui est la cause profonde de vos misères. Ne le gardez point, quand vous pouvez avoir autre chose. Il y a un vieil Adam, mais il y a aussi un nouvel Adam ; dépouillez-vous du premier, et vous serez revêtu du second.
Votre vie avance, et bientôt vient une heure qui sera votre dernière heure. Toute une nuée de témoins s'assemblera sur votre lit de mort ; ces voix demanderont : Qui est celui qui vient de la grande tribulation ?
Ah ! que Dieu vous donne cette réponse : C'est un de ceux qui ont lavé leurs robes et qui les ont blanchies dans le sang de l'Agneau. Il n'aura plus faim, il n'aura plus soif, et le soleil ne frappera plus sur lui, ni aucune chaleur ; car son Rédempteur le paîtra et le conduira aux sources d'eaux vives, et Dieu essuiera toute larme de ses yeux.

L'esprit se perd quand il regarde à cette gloire à venir. Arriver comme un coupable, et être reçu comme un enfant ! ne rien apporter que des souillures, et se voir lavé, blanchi, conforme à l'image du Fils de Dieu ! derrière vous une tribulation de tous les jours, de tous les instants ; devant vous des palmes et une allégresse éternelle sur votre tête !
Cela est-il vrai, cela est-il réel ? Ah ! si vous en doutez, regardez à la croix ; les puissances de l'enfer ne prévaudront point contre elle ; à vos doutes présents et futurs, opposez l'assurance : II m'a aimé d'un amour éternel ; vous, deux, écoutez ; et toi, terre, prête l'oreille, le miracle des miracles, c'est un pécheur sauvé, c'est moi.


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