Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XII.

PROPHÉTIES CONCERNANT EDOM OU L'IDUMÉE.

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Mais un sort plus terrible encore attendait le pays d'Edom ou d'Idumée, et c'est un incrédule qui le premier a rendu témoignage de son accomplissement. Nous pourrons tout d'abord joindre ce témoignage aux prophéties elles-mêmes, et ce rapprochement ne manquera pas de frapper tout esprit impartial. Il y a plusieurs prophéties relatives à Edom qui admettent une interprétation littérale, quelque hyperboliques qu'elles puissent paraître.

« Mon épée descendra en jugement sur Edom et sur le peuple que j'ai mis à l'interdit. Elle sera désolée de génération en génération et il n'y aura personne qui passe par elle à jamais. Mais le cormoran et le butor la posséderont ; le hibou et le corbeau y habiteront, et on étendra sur elle la ligne de confusion et le niveau de désordre.
Les princes crieront qu'il n'y a plus là de royaume, et tous ses gouverneurs seront réduits à rien. Les épines croîtront dans ses palais, les chardons et les buissons dans ses forteresses, et elle sera le repaire des dragons et le parvis des chats-huants ; là les bêtes sauvages des déserts rencontreront les bêtes sauvages des îles, et la chouette criera à sa compagne ; là même se reposera l'orfraie, et elle y trouvera son repos.
Là le martinet fera son nid et y couvera, il y éclora et il y recueillera ses petits sous son ombre ; là aussi seront rassemblés les vautours l'un avec l'autre.
Recherchez au livre de l'Éternel et lisez : il ne s'en est manqué quoi que ce soit ; celle-là ni sa compagne n'y ont point manqué ; car c'est ma bouche qui l'a commandé, et son esprit est celui qui les aura assemblés ; car il leur a jeté le sort, et sa main leur a distribué ce pays au cordeau. Ils le posséderont à toujours, et ils y habiteront d'âge en âge (78).

Quant à Edom, ainsi a dit l'Éternel des armées : N'est-il pas vrai qu'il n'y a plus de sagesse dans Théman ? le conseil a manqué aux hommes entendus ; leur sagesse s'est évanouie. J'ai fait venir sur Esaü sa calamité, le temps auquel je veux le visiter. Il était entré chez toi des vendangeurs ; ne t'auraient-ils point laissé de grappillage ?
Si c'étaient des larrons de nuit, ils n'auraient pris que ce qui leur aurait suffi. Mais j'ai fouillé Esaü, j'ai découvert ce qu'il avait de plus caché, tellement qu'il ne se pourra cacher. Voici, ceux qui ne devaient pas boire de la coupe en boiront certainement ; et toi, en serais-tu exempt en quelque manière ?
Tu n'en seras point exempt ; mais tu en boiras certainement. J'ai juré par moi-même, dit l'Éternel, que Botara sera réduite en désolation, en opprobre, en désert et en malédiction, et que toutes ces villes seront réduites en déserts perpétuels ; car voici, je te rendrai petit entre les nations et méprisable entre les hommes.
Ta présomption et la fierté de ton coeur l'ont séduit, toi qui habites dans le creux des rochers, et qui occupes le sommet des coteaux. Quand tu aurais élevé ton nid comme l'aigle, je t'en jetterai bas de là, dit l'Éternel.
Idumée sera réduite en désolation, tellement que quiconque passera près d'elle en sera étonnée et sifflera à cause de toutes ses plaies. Il n'y demeurera personne, a dit l'Éternel, et aucun fils d'homme n'y séjournera, comme cela arriva dans la subversion de Sodome et de Gomorrhe et de leurs lieux circonvoisins (79). »

« Ainsi a dit le Seigneur l'Éternel : J'étendrai ma main sur Edom, j'en retrancherai les hommes et les bêtes, et je le réduirai en désert ; depuis Théman ils tomberont par l'épée (80).

« La parole de l'Éternel me fut encore adressée et il me dit : Fils d'homme, tourne ta face contre la montagne de Séhir et prophétise contre elle, et lui dis : Ainsi a dit le Seigneur l'Éternel : J'étendrai ma main contre toi et je te réduirai en désolation et en désert, je réduirai tes villes en déserts et tu ne seras que désolation (81). Je réduirai la montagne de Séhir en désolation et en désert, et je retrancherai d'elle les allants et les venants (82).
Je te réduirai en désolations éternelles et tes villes ne seront plus habitées (83).

Lorsque toute la terre se réjouira, je te réduirai en désolation. Tu seras désolée, ô montagne de Séhir, et même toute l'Idumée entièrement ; on connaîtra que je suis l'Éternel (84).

Idumée sera réduite en désert (85) à cause de trois crimes d'Edom, même à cause de quatre ; je ne révoquerai point ceci (86). »

« Ainsi a dit le Seigneur l'Éternel touchant Edom : Voici, je te rendrai petit entre les nations et tu seras fort méprisé. L'orgueil de ton coeur te trompe, toi qui habites dans les fentes des rochers, qui sont ta haute demeure. Je ferai périr les sages au milieu d'Edom, et la prudence dans la montagne d'Esaü.
La maison de Jacob possédera ses possessions, mais il n'y aura rien de reste dans la maison d'Esaü (87).
J'ai mis les montagnes d'Esaü en désolation et exposé son héritage aux dragons du désert. Que si Edom dit : Nous avons été appauvris, mais nous retournerons, nous rebâtirons les villes ruinées ; ainsi a dit l'Éternel des armées : Ils rebâtiront, mais je les détruirai et on les appellera le pays de méchanceté (88). »

Existe-t-il donc quelque part un pays jadis riche et peuplé qui ait été frappé d'un tel excès de désolation ? Oui, et ce pays est l'Idumée, et le territoire des descendants d'Esaü nous offre une preuve aussi frappante de la divine autorité des Écritures, que l'a déjà fait le sort des enfants d'Israël.
L'Idumée était située au sud de la Judée et de Moab ; elle confinait à l'est avec l'Arabie Pétrée, nom sous lequel elle a été englobée dans la dernière partie de son histoire, et elle s'étendait au sud jusqu'au golfe oriental de la Mer Rouge.

Un seul extrait de Volney fera ressortir également et la vérité de la prophétie et le fait qui en est l'accomplissement : Ce pays n'a été visité par aucun voyageur ; cependant il mériterait de l'être ; car d'après ce que j'ai ouï dire aux Arabes de Bâkir et aux gens de Gaza qui vont à Màân et au Karak sur la route des pèlerins, il y a au sud-est du lac Asphaltite (la Mer Morte), dans un espace de trois journées, plus de trente villes ruinées, absolument désertes. Plusieurs d'entre elles ont de grands édifices, avec des colonnes qui ont pu être des temples anciens, ou tout au moins des églises grecques. Les Arabes s'en servent quelquefois pour parquer leurs troupeaux ; mais plus souvent ils les évitent, à cause des énormes scorpions qui s'y trouvent.
On ne doit pas s'étonner de ces traces de population, si l'on se rappelle que ce fut là le pays des Nabathéens qui furent les plus puissants des Arabes, et des Iduméens qui, dans le dernier siècle de Jérusalem, étaient presque aussi nombreux que les Juifs ; témoin le trait cité par Josèphe, qui dit qu'au bruit de la marche de Titus contre Jérusalem il s'assembla tout à coup trente mille Iduméens qui se jetèrent dans la ville pour la défendre.
Il parait qu'outre un assez bon gouvernement ces cantons eurent encore pour mobile d'activité et cause de population une branche considérable de commerce de l'Arabie et de l'Inde. On sait que dès le temps de Salomon les villes d'Astioum-Gâber (Esion-Gâber) et d'Aïlah (Eloth) en étaient deux entrepôts très fréquentés ; ces villes étaient situées sur le golfe adjacent de la Mer Rouge, où l'on trouve encore la seconde avec son nom, et peut-être la première dans el-Agabè ou la fin (de la mer). Ces deux lieux sont entre les mains des Bédouins qui, n'ayant ni marine ni commerce, ne les habitent point ; mais les pèlerins du Kaire qui y passent rapportent qu'il y a à el-Agabè un mauvais fort (89).

Les Iduméens, à qui les Juifs n'enlevèrent ces ports que par époques passagères, durent en tirer de grands moyens de population et de richesse ; il paraît même qu'ils rivalisèrent avec les Tyriens qui possédaient en ces cantons une ville dont le nom est inconnu, sur la côte de l'Hedjaz, dans le désert de Tih, la ville de Faran, et sans doute el-Tor, qui lui servait de port. De là les caravanes pouvaient se rendre en Palestine et en Judée (en traversant l'Idumée) dans l'espace de huit à dix jours ; cette route, plus longue que celle de Suez au Kaire, l'est infiniment moins que celle d'Alep à Basra (90).
Voilà un témoignage qui n'admet pas le plus léger doute sur son impartialité ; il est impossible d'y rien trouver à redire, et cependant elle pèse de tout son poids en faveur de la véracité de ces prophéties extraordinaires. Que les lduméens aient été une nation nombreuse et puissante plusieurs siècles après l'émission des prophéties ; qu'ils aient eu, de même au jugement de Volney, un assez bon gouvernement ; que l'Idumée ait contenu un grand nombre de villes ; que ces villes soient aujourd'hui absolument désertes ; que leurs ruines soient le repaire des scorpions ; que les Iduméens aient été une nation commerçante et aient possédé des entrepôts très fréquentés ; que ce pays offre pour aller aux Indes une route plus courte que le chemin ordinaire, et que cependant il n'ait été visité par aucun voyageur ; ce sont autant de faits avancés et prouvés par le témoignage involontaire de l'habile auteur des Ruines.

L'Idumée avait été constituée en royaume longtemps avant que celui d'Israël existât ; elle avait été gouvernée d'abord par des chefs et des princes, ensuite successivement par huit rois, plus tard encore par des chefs, avant qu'aucun roi eût régné sur les enfants d'Israël (91). Sa fertilité et sa civilisation se trouvent clairement indiquées non seulement dans la bénédiction d'Esaü dont la demeure devait être « au milieu d'un terroir gras, arrosé de la rosée des cieux d'en haut », mais aussi dans la condition que fit Moïse lorsqu'il sollicita pour les Israélites la permission de traverser les frontières : « Nous ne passerons point, dit-il, par les champs ni par les vignes ; » et encore dans le tableau qui nous est fait de la richesse et des troupeaux que possédait un individu de ce pays, à une époque probablement très éloignée (92). Il n'y a aucun doute que les Iduméens ne fussent un peuple riche et puissant. Ils faisaient souvent la guerre aux Israélites et se liguèrent contre eux avec leurs autres ennemis. David les soumit et les fît beaucoup souffrir ; grand nombre d'entre eux furent dispersés dans les contrées adjacentes, particulièrement dans la Phénicie et dans l'Égypte. Mais pendant la décadence du royaume de Judée, et déjà quelques années avant sa chute, les Iduméens s'emparèrent d'une partie du territoire des Juifs et étendirent leurs possessions au sud-ouest de la Judée. Et quoique maintenant aucune gloire ne s'attache au nom de l'Idumée, qui n'existe plus que dans l'histoire ancienne, cependant le premier des poètes de Rome ne la jugea pas indigne de ses louanges :

Primus Idumaeas referam tibi, Mantua, palmas.
Virg., Géorg., III, 12.

Et Lucain en dit :
....... Arbustis palmarum dives Iduino.
Pharsal., III, 216.

L'Idumée, comme royaume, peut pourtant montrer ses titres à une plus grande célébrité que celle que put lui procurer la multitude de ses troupeaux ou la beauté de ses palmiers.

La célèbre ville de Pétra, nommée ainsi par les Grecs à cause de son site rocailleux, était située dans le territoire du pays d'Edom (93). Il y a des preuves certaines qu'elle était une des villes d'Edom (94) et la métropole des Nabathéens, qui, à ce que dit Strabon, formaient une même nation (95), et que les Iduméens possédaient le même pays et étaient gouvernés par les mêmes lois (96).
Le docteur Vincent, en parlant de l'ancien commerce de Pétra, avant qu'on eût découvert ses ruines, dit : Pétra est la capitale d'Edom ou de Séhir, l'Idumée ou l'Arabie Pétrée des Grecs, le Nabathé que les géographes, les historiens et les poètes regardent comme la source des plus précieuses denrées de l'Orient (97).
À toutes les époques, les caravanes venant de Minée dans l'intérieur de l'Arabie, et de Gerrha sur le golfe persique, et d'Hadramaut vers l'Orient, ont considéré Pétra comme leur centre commun. Et depuis Pétra le commerce semblait s'étendre de tous côtés, vers l'Égypte, la Palestine, la Syrie, par Arsinoë, Gaza, Tyr, Jérusalem, Damas, et nombre d'autres routes qui aboutissaient toutes à la Méditerranée (98).
Il est très facile de prouver que ce sont les Tyriens et les Sydoniens qui ont les premiers porté les productions des Indes à toutes les nations voisines de la Méditerranée, et qu'ainsi les Tyriens tiraient toutes leurs denrées de l'Arabie. Mais si l'Arabie était le centre de ce commerce, c'était vers Pétra que se dirigeaient tous les Arabes des divers points de la vaste péninsule (99).
Environ 800 ans avant Jésus-Christ, Amazias, roi de Judée, s'empara de Sélah ou Pétra (ces deux mots signifient, l'un et l'autre, rocher), après avoir tué 10,000 Édomites (1).
Cinq cents ans après, cette ville résista aux assauts réitérés de Démétrius, qui s'en était approché à l'improviste, dans l'espoir de la prendre par surprise ; et ce même conquérant, qui plus tard parvint à prendre Babylone, se vit obligé de lever le siège de la capitale d'Edom (2).

Pétra, après s'être soumise aux Arabes Nabathéens, devint la capitale de l'Arabie, ou du moins de l'Arabie Pétrée ; et les rois qui y régnèrent sous le nom d'Obodas et d'Aretas prirent successivement le titre de rois d'Arabie.

Trois cents ans après le dernier des prophètes, c'est-à-dire environ un siècle avant l'ère chrétienne, Alexandre Jannée, roi de Judée, après s'être emparé de plusieurs villes de l'Idumée et des nations voisines, fut défait par Obodas, perdit son armée, et faillit lui-même tomber au pouvoir du vainqueur.
Le deuxième roi de Pétra fut Aretas, successeur d'Obodas. Ce personnage fameux défit et tua Antiochus Dionysius, roi de Syrie, et augmenta ses états en y joignant la Calésyrie. Ce fut à cette époque qu'Hyrcan, fils d'Alexandre, se vit dépossédé de son royaume par Aristobule, son frère aîné. Antipater, riche Iduméen, et père d'Hérode-le-Grand, conseilla à Hyrcan d'implorer le secours du roi d'Arabie, et le mena à Pétra, où était situé le palais d'Aretas (3).
Hyrcan s'étant engagé, aussitôt qu'il aurait reconquis son royaume, à rendre les douze villes et le territoire que son père avait enlevés aux Arabes ou Nabathéens, Aretas s'avança contre Aristobule à la tête de 50,000 hommes, et le vainquit. Il se dirigea alors sur Jérusalem, où, ayant réuni ses forces à celles des Juifs, il pressa vigoureusement le siège du temple, et ne le leva qu'à l'approche des Romains qui venaient au secours des assiégés.
Au dire de Strabon, Pétra, soit avant, soit après l'ère chrétienne, ne cessa jamais d'être gouvernée par des rois de la race d'Obodas ou de celle d'Aretas ; seulement ils s'associèrent un prince ou procurateur, avec le titre de frère (4).

Au commencement du second siècle, Pétra, bien qu'elle eût perdu son indépendance, et qu'elle fût alors la capitale d'une province romaine, était toujours réputée la métropole de l'Arabie ; et, comme l'attestent plusieurs médailles, l'empereur Adrien ajouta son nom à celui de cette ville (5). Elle fut longtemps la capitale de la troisième Palestine, Palestina tertiana, sive salutaris, et, comme telle, elle était le siège métropolitain des quinze villes dont cette province se composait (6).

L'ancien état de l'Idumée ne peut pas être aussi bien constaté de nos jours par les récits historiques qui nous restent de son ancienne splendeur que par les merveilleux vestiges que nous trouvons de sa capitale, et par les nombreuses traces de villes et de villages qui nous montrent indubitablement que sa population était jadis considérable (7).

« Il est donc clairement démontré que la terre d'Edom existait dans un état bien différent de la désolation universelle qui la caractérise maintenant, et qui fut annoncée par les prophètes bien des siècles avant qu'elle arrivât véritablement ; mais de plus, il y a d'autres prédictions qui se rapportent à elle, surtout celles que renferme le XXXIVe chapitre d'Isaïe, qui parlent des temps où les enfants d'Esaü la posséderont à toujours, et aussi de l'année de rétribution pour soutenir le droit de Sion. »
Quelque dangereux qu'il soit maintenant de parcourir l'Idumée, quelque difficile qu'il soit de constater la vérité des faits qui la concernent et de préciser les circonstances de son état actuel, cependant on est parvenu a s'assurer que la malédiction de Dieu est tombée sur elle, que sa sentence s'est accomplie, et que, bien que l'homme lui-même ait été l'instrument entre les mains du Tout-Puissant pour l'accabler de tant de fléaux, cependant tout est en parfait accord avec les prédictions des prophètes inspirés.

Il y a une prophétie relative à l'Idumée qui doit, plus que toutes les autres, attirer notre attention, parce qu'elle explique la cause de la difficulté que nous trouvons à obtenir une connaissance exacte et approfondie de l'état intérieur du pays.
« Il n'y aura personne qui passe par elle à jamais. Je réduirai la montagne de Séhir en désolation. Je retrancherai d'elle les allants et les venants. »
L'ancienne importance de l'Idumée dépendait en grande partie de son commerce. Touchant à l'est à l'Arabie, et à l'Égypte au sud-ouest, et formant du nord au sud une voie de communication directe et facile entre Jérusalem et ses possessions sur la Mer Rouge, entre la Syrie et les Indes, par les vallées d'El-Ghor et d'El-Araba, qui s'étendaient par une extrémité jusqu'aux bords de la Mer Rouge, et par l'autre jusqu'à Elath et à Esiongaber, sur le golfe élanitique de la Mer Rouge, on peut regarder l'Idumée comme formée pour être le centre du commerce de l'Orient.

Une voie romaine traversait l'Idumée depuis Jérusalem jusqu'à Akaba, et une autre d'Akaba à Moab (8). Quand ces routes furent construites, plusieurs siècles antérieurement à ces prédictions, comment aurait-il été possible de concevoir l'idée qu'un jour viendrait où personne n'y passerait ? Plus de sept cents ans après l'époque de cette prophétie, Strabon rapporte que son ami Athénodore le philosophe, qui visita Pétra, y rencontra plusieurs Romains et d'autres étrangers (9).
Cette prédiction est encore plus remarquable, quand on la lie à une autre où il est bien entendu que des voyageurs « traverseront » cette contrée, puisqu'il est dit que « quiconque passera près d'elle sera « étonné. » Et les routes d'Hadji (les routes des pèlerins) depuis Damas jusqu'au Kaire et la Mèque, l'une à l'orient, l'autre au sud de l'Idumée, touchent à la frontière dans toute son étendue ; on la côtoie sans traverser le pays.

Ou pourrait croire facilement que les paroles de la prédiction annoncent seulement que l'Idumée cessera d'être le centre du commerce de beaucoup de nations, et que ses places si fréquentées ne seront plus des entrepôts de luxe et de trafic ; et il ne serait pas difficile de démontrer même à l'esprit le plus sceptique combien, dans ce sens restreint, la prédiction a été généralement accomplie. Mais le fait auquel elle se rapporte exige que la prophétie soit littéralement comprise et accomplie dans tous ses détails. Le fait étant en lui-même négatif, il nécessite un examen plus minutieux et plus exact que s'il s'était agi d'une observation ou d'une découverte qu'une simple description aurait pu prouver. - Ainsi donc, au lieu de nous contenter de citer telle ou telle autorité, nous allons présenter au lecteur des preuves aussi remarquables que les prophéties, et qui tendent involontairement à établir l'exactitude de ce fait pour les siècles passés. C'est pour les siècles à venir qu'est réservé l'entier accomplissement de ces prophéties.

Volney, qui pénétra à l'ouest de l'Idumée, fait la remarque que ce pays n'a jamais été visité par aucun voyageur, et cette remarque, qui n'est que la répétition de ce qu'il a ouï dire aux Arabes de cette contrée, n'a pas échappé à l'attention du lecteur.

Dès que Burckhardt eut mis le pied sur le territoire des Iduméens, dont il marque exactement les limites, il dit qu'il se vit sans protection au milieu d'un désert où aucun voyageur n'avait pénétré avant lui (10). Pour la première fois pendant tout le cours de ses voyages, il eut un sentiment de crainte, et sa route était la plus périlleuse qu'il eût jamais parcourue (11).

M. Joliffe, qui visita les bords septentrionaux de la Mer Morte, en parlant de la contrée qui s'étend au sud, dit que c'est une des parties les plus sauvages et les plus dangereuses de l'Arabie. Il ajoute qu'il était impossible d'y faire aucune recherche (12).

Sir Frédéric Henniker, dans ses notes datées du mont Sinaï, au sud de l'Idumée, rend un témoignage éclatant à l'accomplissement de la prophétie, tout en racontant un fait qui d'abord y semblerait contraire. « Seetzen imagina d'écrire sur un morceau de papier collé contre le mur, qu'il a traversé le pays en ligne droite, entre la Mer Morte et le mont Sinaï (à travers l'Idumée) « voyage que personne n'avait encore fait (13) ». Cette nouvelle fut d'autant plus intéressante pour moi, que déjà je m'étais décidé à tenter la même route, qui me parut devoir être la « plus courte, » pour me rendre à Jérusalem. Le chevalier Frediani, que j'avais rencontré en Égypte, voulut me persuader qu'elle était impraticable, qu'il avait lui-même eu cette intention, et qu'après un délai de cinq semaines il s'était vu forcé de renoncer à son entreprise.
Pendant que j'étais encore occupé de ce chiffon de papier, le supérieur vint me rendre visite ; il me dit encore que mon projet était impraticable, mais à la fin il promit de me chercher des guides. J'avais essayé en vain de persuader à ceux qui m'avaient conduit depuis Edom de m'accompagner dans ma nouvelle route. L'idée du danger les effrayait. »
Il trouva enfin des guides, qui à force de prières et d'argent, promirent de le conduire par la route qu'il voulait faire ; mais enfin, subjugués par leurs craintes, ils le trompèrent et le menèrent vers la côte de la Méditerranée, à travers le désert de Gaza (14).

Il nous reste encore à donner le détail des nombreuses difficultés que le voyageur rencontre aussi sur une autre route, qui semble la plus directe et la plus rapprochée de la Judée, lorsqu'il veut pénétrer dans l'ancien royaume d'Idumée ; difficultés qui ne se rencontreraient probablement dans aucune autre partie de l'Asie, et certainement dans aucune autre partie du monde. Les capitaines Irby et Mangles, ayant échoué dans toutes leurs tentatives pour obtenir le consentement ou le secours des autorités publiques de Constantinople, Damas, Jérusalem et Jaffa, et quoique avertis du danger qu'ils auraient à courir de la part des Arabes sauvages et faux, se décidèrent à visiter seuls les ruines de Pétra ; s'étant pourvus de chevaux et de munitions, et vêtus de costumes arabes, au nombre de onze, y compris les domestiques et les guides, ils se décidèrent à tenter fortune auprès du cheik d'Hébron. Il commença par leur promettre ce qu'ils demandaient, puis, « effrayé à la pensée de sa propre témérité, » il leur refusa et secours et protection. - On offrit en vain de l'argent aux guides. - Il fut donc impossible de trouver la moindre facilité (15).

Nous avons encore une preuve de la difficulté qui existe non pas pour traverser l'Idumée (les voyageurs n'y ont jamais songé), mais pour entrer sur son territoire, dans la conduite d'une tribu arabe qui offrit plus tard de les accompagner' et de les protéger jusqu'à Kerek, à un prix assez raisonnable, mais qui se refusa nettement et positivement à les conduire à aucun pays au dedans des limites d'Edom. - Nous leur offrîmes 500 piastres pour nous conduire à Wady Mousa ; mais rien ne put les y déterminer. Ils nous dirent qu'ils n'iraient pas, quand nous leurs donnerions 5,000 piastres, parce que, disaient-ils, de quoi sert l'argent à un homme qui perd la vie (16) ?
Ayant à la fin obtenu la protection d'un chef arabe intrépide et de sa suite, les voyageurs arrivèrent jusqu'aux frontières de l'Idumée ; mais alors leur marche fut arrêtée de la manière la plus décidée et la plus menaçante. Le cheik de Wady Mousa et son peuple firent serment qu'ils ne leur permettraient pas d'avancer, et qu'ils ne leur laisseraient pas boire de leur eau, ni passer par leur territoire. Le chef arabe qui les avait pris sous sa protection jura de son côté qu'ils boiraient de l'eau de Wady Mousa, et qu'ils iraient où bon lui semblerait.

Plusieurs jours se passèrent ainsi en prières, en intrigues et en menaces ; tout fut également infructueux. La détermination et la persévérance de l'un des partis furent égalées par la résistance et l'opiniâtreté de l'autre. Les artifices, les arguments et les mensonges d'Abou Raschid, le chef intrépide qui avait pris les voyageurs sous sa protection, et dont rien ne pouvait dompter l'opiniâtreté, ayant manqué leur but, il envoya des messagers vers tous les camps soumis à son influence, rejeta toute espèce d'arrangement avec l'ennemi, résista aux remontrances de ses serviteurs, et se décida à faire par force ce qu'il avait juré d'accomplir.
À la fin cependant on permit aux voyageurs de poursuivre en paix leur route ; on leur accorda un court espace de temps pour visiter les ruines ; mais on apercevait de tous côtés sur les hauteurs des troupes d'Arabes qui épiaient leurs mouvements. - Abou Raschid lui-même en fut effrayé ; il avait perdu son calme, et priait les voyageurs de partir. Il y eut donc beaucoup de choses qu'il leur fut impossible de visiter ; et même on ne leur accorda pas le temps de visiter les ruines d'un grand temple qu'on apercevait dans le lointain. - Ils ne passèrent pas par l'Idumée.

Ainsi, Volney, Burckhardt, Joliffe, Henniker, et les capitaines Irby et Mangles, non seulement rendent témoignage de la vérité du fait qui est l'accomplissement de la prophétie, mais encore racontent une variété de circonstances qui prouvent toutes que l'Idumée, si longtemps le rendez-vous de toutes les nations, est maintenant environnée de dangers pour tous les voyageurs qui veulent « y passer » ; les Arabes même qui habitent aux environs, et qui sont accoutumés aux dangers du désert, craignent de pénétrer dans l'intérieur ou d'y conduire des étrangers. Cependant, dans aucun des différents récits, on ne trouve une seule allusion aux prophéties de la Bible, et ce témoignage est aussi peu suspect et aussi indépendant qu'il est abondant et clair.

Il y eut peu de pays aussi fréquentés que le fut pendant longtemps l'Idumée, et peu de villes aussi renommées, comme centre de commerce, que l'était sa capitale ; et depuis un grand nombre de siècles il n'y a point de pays qui soit aussi abandonné, ou plus complètement privé des avantages de la civilisation et du commerce (17). Qui aurait pu prévoir et prédire un tel contraste si ce n'est Celui dont la prescience est parfaite en toutes choses ?
Mais quoique, depuis des siècles, personne ne passe par ce pays, cependant le sens de la prédiction indique clairement que cet état de désolation devait être connu, et que le temps viendrait où des personnes visiteraient le pays, et qu'on y trouverait l'accomplissement de toutes les autres prophéties qui le regardent.

L'époque à laquelle se rapportent toutes les malédictions prononcées contre Edom, c'est-à-dire « l'année de rétribution pour maintenir le droit de Sion » (Esaïe, XXXIV, 8), n'est pas encore venue, et l'Idumée doit être encore le théâtre d'autres jugements qui fondront en même temps sur toutes les nations et sur toutes les armées, et auxquels tout le monde habitable est sommé de prêter l'oreille. ( Esaïe, XXXIV, 1-10).

« L'Idumée sera désolée de génération en génération. »
La Judée, le pays d'Ammon et celui de Moab présentent de si abondantes preuves de leur ancienne fertilité, qu'un esprit réfléchi se demande comment les efforts de l'homme ont pu parvenir à paralyser pendant tant de siècles tous les efforts de la nature. Mais la désolation de l'Idumée est tellement complète que l'on commence tout d'abord par s'étonner de ce qu'une aussi vaste région, entièrement sauvage et déserte, ait jamais été couverte de villes, et habitée pendant des siècles par un peuple riche et puissant.
Son aspect actuel donnerait un démenti formel à son ancienne histoire, si la véracité de cette histoire n'était démontrée par des restes d'une ancienne culture, par des vestiges de murs et des routes pavées, et par les ruines de villes que l'on retrouve partout sur le sol de ce pays dévasté.

Beaucoup de circonstances ont contribué comme autant de causes à rendre complète la désolation d'Edom ; l'anéantissement de tout commerce, l'absence de moyens artificiels pour arroser les vallées, la destruction de toutes les villes, le dépouillement du pays par les Arabes, tant qu'il y a eu quelque chose de reste, l'effet des rayons ardents du soleil, depuis un grand nombre de siècles, sur un sol que n'ombragent pas même les plus petits arbustes, l'envahissement continuel du terrain par le sable de la Mer Rouge, ce qui a absorbé toute l'humidité, et desséché pendant l'été les petites sources et les ruisseaux ; toutes ces causes ont concouru à rendre « Edom désolé de génération en génération. »

Le récit que nous fait Volney prouve combien en effet cette désolation est complète, et Seetzen, d'après ce qu'il parvint à apprendre à Jérusalem, en rend le même témoignage (18).
Depuis les frontières d'Edom, les capitaines Irby et Mangles ne virent qu'une vaste étendue qui frappe le voyageur par son lugubre et singulier aspect de désert. - L'extrait suivant, dans lequel Burckhardt décrit ce qu'il a vu dans diverses parties de l'Idumée, ne saurait être mieux analysé que par les paroles mêmes du prophète.
En parlant de ses limites orientales et de l'Arabie Pétrée, Burckhardt dit : On pouvait avec justesse la nommer Pétrée, non seulement à cause de ses montagnes rocailleuses, mais encore à cause de la plaine élevée dont j'ai déjà parlé, et qui, couverte d'énormes pierres, ressemble à un désert, quoiqu'elle soit susceptible de culture ; de distance en distance elle est parsemée de plantes sauvages ; sans doute qu'autrefois elle était fort peuplée, car on trouve partout sur la route d'Hadj beaucoup de restes de villes et de villages, entre Maan et Akaba aussi bien qu'entre Maan et les plaines d'Hauran, où l'on rencontre aussi beaucoup de sources d'eaux. Maintenant toute cette contrée est déserte, et Maan (Théman) (19) est le seul endroit habité qui s'y rencontre (20). « J'étendrai ma main sur toi, ô montagne de Séhir, je te réduirai en désolation et en désert ; j'étendrai ma main sur Edom et je la réduirai en désert depuis Théman. »

Dans l'intérieur de l'Idumée, où l'on voit encore, dit Burckhardt, les ruines de quelques anciennes villes, et dans toute la grande vallée qui s'étend depuis la Mer Rouge jusqu'à la Mer Morte, et qui sans doute présentait autrefois un aspect bien différent, toute l'ancienne plaine n'offre à l'oeil qu'une étendue de sables mouvants, dont la surface uniforme n'est interrompue que par de légères ondulations et par de petites collines. Il paraîtrait que ce sable a été apporté des bords de la Mer Rouge par les vents du sud, et les Arabes m'ont dit qu'au delà de la latitude d'Ouadi Mousa les vallées présentaient le même aspect.
Il y a des endroits de la vallée où le sable est très profond ; il ne reste plus le moindre vestige de l'art ou du passage de l'homme ; quelques arbres croissent au milieu du sable ; mais la profondeur de ce sable s'oppose à toute apparence de végétation ou d'herbe.
« S'il était entré chez toi des vendangeurs, ne t'auraient-ils point laissé de grappillage ? des larrons de nuit n'auraient pris que ce qui leur aurait suffi ; mais j'ai fouillé Esaü. »
En remontant les plaines à l'occident, plus élevées que celle de l'Arabie, nous eûmes, devant les yeux une immense étendue de pays désert, entièrement couvert de cailloux noirs ; ça et là se dessinait une petite ligne de coteaux (21). « J'étendrai sur l'Idumée le cordeau de confusion et le niveau du désordre. »

Dans la description que Burckhardt fait des différentes villes de l'Idumée, il parle des ruines d'une grande cité dont il ne reste que des débris de murailles et des monceaux de pierres, de celles de plusieurs villages des environs (22), d'une ancienne ville construite en blocs taillés de pierre siliceuse, et des ruines considérables de Gherandel Arindela, une des villes de la « Palaestina Tertia (23). Il énumère les endroits suivants dans le Djebal Shera ( Mont Séhir ), au sud et au sud-ouest d'Ouadi Mousa : Kalaat, Djerba, Basta, Eyl, Ferdakh, Anyk, Bir el Beytar, Shemakh et Syk. Thoana exceptée, il ne reste pas vestige des villes (24) indiquées dans la carte de d'Anville (25).

M. de Laborde a passé sur les ruines d'Elana, ville de l'Ouadi (vallée) Pambouchebe ; il a passé sur celles d'une autre ville de l'Ouadi Sabra où l'on voit encore les ruines d'un théâtre et celles de plusieurs temples. À Ameime, où ce voyageur est allé, l'on découvre à chaque pas d'anciennes citernes creusées dans le roc, et où l'eau arrivait par des aqueducs de neuf milles de longueur.
« Je réduirai tes villes en désert, et tu ne seras que désolation. O montagne de Séhir, j'étendrai ma main contre toi, et je te réduirai en désolation et en désert. » (Ezéchiel, XXXV )

Le dernier des prophètes, Malachie, qui écrivit deux cents ans après Ezéchiel, et plus de trois cents ans après Esaïe, dit de l'héritage d'Esaü « qu'il serait exposé aux dragons du désert ».
Mais il ajoute : « Que si Edom dit : Nous avons été appauvris, mais nous retournerons et nous rebâtirons les lieux qui ont été détruits ; ainsi a dit l'Éternel des armées : Ils rebâtiront, mais je les ruinerai. »
Dans la description que Diodore fait de l'invasion de la terre d'Edom par Démétrius, environ trois cents ans avant l'ère chrétienne, il dit que ce pays n'était qu'un désert, et que les habitants n'y avaient pas de maisons ; la seule ville dont il fasse mention est Pétra. Néanmoins, les noms des villes de l'Arabie Pétrée, énumérées par Josèphe, comme existantes du temps de l'invasion de la Palestine par les Romains ; les noms des quinze villes de la Palaestina Tertia, dont Pétra était la capitale et le siège métropolitain, au temps du Bas-Empire ; les villes indiquées dans la carte de d'Anville, et les ruines de plusieurs villes d'Edom, ruines dont l'existence a été constatée par Burckhardt et de Laborde, tout cela prouve qu'après avoir été appauvri.


Vue générale de Pétra, prise du Nord-Est


Edom retourna en effet, et rebâtit ses villes détruites. Leurs ruines, encore visibles, montrent qu'elles furent rebâties, et que, selon la prédiction, elles ont été de nouveau ruinées, et sont maintenant dans l'état de désolation le plus absolu.

Tandis que les villes de l'Idumée sont tellement désolées, qu'il règne dans leurs ruines le même vague indéfini que dans la prophétie qui les annonce (car rien n'a été prédit sur elles si ce n'est leur entière désolation, et c'est là la seule chose qui frappe l'oeil des curieux), il y a cependant une exception à cette règle générale, également signalée par le prophète inspiré et par le savant voyageur.

Burckhardt donne des détails pleins d'intérêt sur l'emplacement de l'ancienne ville qu'il visita, dont les ruines non seulement tendent à prouver son ancienne splendeur, mais méritent d'obtenir une place parmi les plus curieux monuments des arts. Quoique la ville soit déserte, les restes de son opulence et de sa gloire existent encore. On voit, par exemple, un canal creusé de chaque côté de la rivière pour conduire les eaux dans la ville, un grand nombre de tombeaux, deux cent cinquante caveaux, plusieurs mausolées. Il en est un en particulier dont on parle comme d'un ouvrage immense, colossal, et parfaitement conservé. Il contient une chambre de seize pas carrés, et de plus de vingt-cinq pieds d'élévation ; sa façade est ornée d'un rang de colonnes de trente-cinq pieds de hauteur, et couronnée d'un fronton du travail le plus riche ; on voit encore deux pyramides tronquées, et un théâtre capable de contenir environ 3000 spectateurs, le tout taillé dans le roc.
Dans d'autres endroits, ces sépulcres sont creusés les uns au-dessus des autres, dans les flancs de rocs perpendiculaires, et il paraît impossible d'approcher du plus élevé.

La terre est jonchée partout de pierres taillées, de fondations d'édifices, de fragments de colonnes et de vestiges de rues pavées, qui indiquent clairement l'existence d'une grande ville. Sur la rive gauche du fleuve, est un terrain élevé qui s'étend à environ trois quarts de lieue, et est également couvert de semblables ruines.
Sur la rive droite, plus élevée encore, on retrouve les mêmes vestiges, entre autres les restes d'un palais et de plusieurs temples. Dans les rochers escarpés, vers l'orient, on a creusé plus de cinquante sépulcres. Ce ne sont pas là les travaux d'un petit peuple, ou d'une race destinée à une destruction entière ; mais un jugement avait été prononcé contre les forteresses d'Edom, et il fallait que les paroles retentissantes de la prophétie trouvassent quelque part leur accomplissement, et qu'elles fussent reconnues comme n'étant pas celles de simples mortels.
« Je te rendrai petit entre les nations ; ta présomption et la fierté de ton coeur t'ont séduit, toi qui habites dans le creux des rochers, et qui occupes la hauteur des coteaux ; quand tu aurais élevé ton nid comme l'aigle, je t'en ferai descendre, dit l'Éternel, et l'Idumée sera réduite en désolation. »

En entrant dans le défilé qui conduit au théâtre de Pétra, les capitaines Irby et Mangles font les observations suivantes : Les ruines de la ville se présentèrent ici à notre vue dans toute leur grandeur, enfermées à l'extrémité opposée par des rocs perpendiculaires, et coupées de vallées et de ravins. Le flanc des montagnes, où sont creusés d'innombrables tombeaux et même des habitations particulières ( « O toi qui habites dans le creux des rochers, Jérém. XLIX, 16 ») offrait le plus singulier spectacle que nous eussions jamais vu.
Nous arrivions et nous descendions, dit M. de Laborde, par le ravin. C'est de ce point, et en avançant un peu plus, qu'on domine l'étendue de la ville couverte de débris, et sa grande enceinte de rochers, percée de milliers de tombeaux qui forment autour comme une grande décoration. »

Les capitaines Irby et Mangles, ayant passé, de concert avec MM. Bankes et Legh, deux jours à examiner ces ruines avec soin, nous donnent encore plus de détails sur les restes de Pétra que n'en contient la description de Burckhardt, et plus la description est détaillée, plus elle s'accorde en tout point avec les paroles de la prophétie.
Près de l'endroit où ils attendaient le résultat de la querelle des Arabes, le tertre élevé était couvert des deux côtés par des lignes et de solides masses de murs secs. - Les premières semblaient indiquer les traces de l'ancienne culture, et les ruines nous semblaient être les restes de tours construites pour faire le guet, pendant le temps de la récolte et de la vendange.
Tous les environs présentent de semblables restes d'industrie, et paraissent indiquer le voisinage d'une grande capitale. Un défilé étroit, environné de chaque côté par des rocs perpendiculaires, dont la hauteur varie de 400 à 700 pieds, et qui forme, sur un espace de deux milles, une espèce de voie souterraine, ouvre à l'orient le chemin qui conduit aux ruines de Pétra.
Les rochers, ou plutôt les montagnes, s'étendent alors de chaque côté, et laissent un espace oblong où l'on voyait autrefois la capitale de l'Idumée, mais où l'on ne trouve plus maintenant qu'un monceau de débris, entourés partout, excepté au nord-est, de rochers affreux qui ne servent plus qu'à faire voir jusqu'à quel point l'orgueil de l'homme et les efforts de l'art ont voulu lutter avec la puissance de la nature.
Au bord de ces précipices on a creusé, dans des blocs de rochers détachés, d'immenses sépultures, dont l'intérieur est divisé en chambres, et à l'extérieur desquels ces rochers - mêmes ont été taillés en tours, en colonnes, pilastres, frises, entablements et figures d'animaux (26).
Les planches ci-jointes peuvent donner une idée de ces singulières excavations.


Intérieur d'un tombeau (Pétra)


Cependant, quelque nombreuses qu'elles soient, elles ne font qu'une faible partie de la vaste « nécropole de Pétra ». Des tombeaux se présentent non seulement à chaque approche ou avenue de la ville, et dans tous les précipices qui l'entourent, mais encore mêlés à tous les édifices publics et aux habitations particulières ; les traits naturels du défilé se dessinent davantage à chaque pas, et les excavations et les sculptures deviennent de plus en plus nombreuses, jusqu'à ne plus présenter qu'une longue rue de tombeaux. La face des rochers est taillée avec toute la symétrie et toute la régularité de l'art ; on y voit des colonnes, des piédestaux, des lignes de corridors adossés à la façade des rochers ; des escaliers sont pratiqués dans le roc, et il y a un nombre immense de grottes qui n'étaient certainement pas des sépulcres. On trouve beaucoup d'habitations de grandes dimensions ; il y en a une en particulier où l'on voit une seule chambre de soixante pieds de long et d'une largeur proportionnée ; d'autres habitations d'un ordre inférieur abondent dans un des défilés qui mènent à la ville, et qui contient une espèce de faubourg creusé, auquel on parvient par des escaliers. On voit des enfoncements de trente pieds de haut, ayant un autel, ou des pyramides, des colonnes ou des obélisques ; un pont jeté sur un précipice maintenant inaccessible, quelques petites pyramides taillées dans le roc, sur le sommet des hauteurs ; des rigoles horizontales pour l'écoulement des eaux, pratiquées le long de la façade des rochers, et même sur le devant des habitations ; en un mot, les rochers creusés en innombrables chambres de diverses dimensions, dont l'entrée est souvent embellie par tout ce que l'architecture offre de plus riche, de plus varié et de plus fantastique ; tout cela réuni présente aux regards de l'homme, non seulement l'ensemble le plus singulier que l'imagination puisse concevoir, un groupe de merveilles sans égales dans leur genre, mais encore une preuve indubitable que dans la terre d'Edom il existait une ville où l'homme avait déployé toutes ses ressources et toute son énergie, et qu'elle avait bien mérité d'être distinguée par « sa force et sa présomption, » et qu'ainsi la description faite par le prophète est aussi exacte que l'accomplissement de la prophétie a été complet (27).


(78) Esaïe, XXXIV, 5, 10-17

(79) Jérémie, XLIX, 7-10-12, 13, 15-18

(80) Ezéchiel, XXV, 13.

(81) Ibid., XXXV, 1-4.

(82) Ibid., 7.

(83) Ibid., XXXV, 9.

(84) Ibid., 14-15.

(85) Joël, III, 19.

(86) Amos, I, 11.

(87) Abdias, I, 1-3, 8, 17, 18.

(
88) Malachie, I, 3, 4.

(
89) Ce port appartient maintenant au pacha d'Égypte.

(
90) Volney, ch. XXXI, p. 317, 318, 319. 

(
91) Genèse, XXXVI, 31-43

(92
) Ibid., XXVII, 39. - Nombres, XX, 17. - Job, XLII, 12

(93) Le nom de cette capitale, dans toutes les différentes langues, signifie rocher ou roc, et c'est ainsi que Strabon, Edrissi et les SS. Écritures en parlent. La Pétrée, dit Bochart, tire son nom de sa capitale, Pétra, en hébreu Sélah et en arabe Hagar. Cette ville fut ainsi nommée à cause des rochers et des montagnes qui la dominaient. La population arabe dit encore aujourd'hui que les maisons de Pétra étaient toutes bâties dans le roc Bochart, Phaleg., I. IV, c CXXVII, édit. Lugd. 1712.

Par rapport à l'allégorie dont parle saint Paul (Galates, IV, 25), comme l'a remarqué Josèphe, il est intéressant de savoir que les Nabathéens étaient les descendants d'Ismaël, fils d'Hagar.
Or, la prophétie qui menace Edom d'une perpétuelle désolation peut servir de commentaire à l'allégorie dont nous venons de parler ; et cette allégorie elle-même serait un véritable enseignement, si, pénétré du caractère de vérité prophétique qu'elle présente, le lecteur voulait faire un rapprochement entre l'état moral et définitif des enfants de la femme esclave et ceux de la femme libre.

(94) Comme Pétra deviendra plus tard l'objet d'une attention particulière, on peut ici citer quelques paroles des anciens auteurs qui se rapportent à cette ville. 
(Eusebii Onomast.)
Petra Arabiae ; interae Edom (Hiéron). - Vide Relandi Paaestinam, t. I, p. 70.

(95) Strabon, I. XVI, p. 775, édit. de Paris, 1620.

(96) Ibid., 760.

(97) Commerce des Anciens, par Vincent, vol. II, p. 263.

(98) Agatharchides, Huds, p. 57. - Hist. nat. de Pline, I. VI, ch. XVIII.

(99) Vincent, p. 260, 262, 264. 

(1) II. Rois, XIV, 7.

(2) Diod. Sic, t. VIII. - Prideaux.

(3) Josèphe, Ant., LXIV, ch. I, & 4

(4) Strabon, p. 779.

(5) Relandi Palestina, t. II, p. 931.

(6) Ibid., t.1, p. 315.

(7) Burckhardt, p. 436.

(8) Cartes des Voyages de Burckhardt.

(9) Strabon, p. 775.

(10) Burckhardt, p. 421. 

(11) Ibid., p. 400.

(12) Lettres sur la Palestine, vol. I, p. 129.

(13) Burckhart, p. 553

(14) Voyages de sir Frédéric Henniker, p. 223-224.

(15) Voyages à Constantinople en 1813, par Macmichael. Appendis, p. 199.

(16) Irby et Mangles p. 349.

(17) La peste faisait de grands ravages parmi les fellahs de Wadi-Mousa, à l'époque où MM. de Laborde et Linart visitèrent la Pétrée. Cependant des menaces continuelles leur étaient faites, et ils ne jugèrent pas prudent d'y séjourner au-delà d'une huitaine de jours ; après quoi, ils se mirent en route pendant la nuit, de peur qu'on ne leur enlevât le fruit de tous leurs travaux.

(18) Seetzen, p. 46.

(19) Voyez la Carte des Voyages de Burckhardt.

(20) Burckhardt, p. 436.
(21) Burckhardt, p. 442, 444.

(22) Ibid., 418. 

(23) Burckhardt, p. 441.

(24) Dans la carte dont nous parlons, ces villes portent les noms suivants : Elusa, Tamara, Zoara, Tboana, Necta, Phénon, Suzuma, Carcaria, Oboda, Berzumma, Lysa, Gypsaria, Zodocata, Gerasa, Havara, Praesidium, ad Dianam, Oelana, Asion Gaber.

(25) Burckhardt, p. 443, 444.

(26) Irty et Mangles, p. 402-407.

(27) Irby et Mangles, p, 407-437. - Macmichael, p. 228, 229.
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