Mais un sort plus terrible encore attendait
le pays d'Edom ou
d'Idumée, et c'est un incrédule qui
le premier a rendu témoignage de son
accomplissement. Nous pourrons tout d'abord joindre
ce témoignage aux prophéties
elles-mêmes, et ce rapprochement ne manquera
pas de frapper tout esprit impartial. Il y a
plusieurs prophéties relatives à Edom
qui admettent une interprétation
littérale, quelque hyperboliques qu'elles
puissent paraître.
« Mon épée descendra en
jugement sur Edom et sur le peuple que j'ai mis
à l'interdit. Elle sera
désolée de génération
en génération et il n'y aura personne
qui passe par elle à jamais. Mais le
cormoran et le butor la posséderont ;
le hibou et le corbeau y habiteront, et on
étendra sur elle la ligne de confusion et le
niveau de désordre.
Les princes crieront qu'il n'y a plus là de
royaume, et tous ses gouverneurs seront
réduits à rien. Les épines
croîtront dans ses palais, les chardons et
les buissons dans ses forteresses, et elle sera le
repaire des dragons et le parvis des
chats-huants ; là les bêtes
sauvages des déserts rencontreront les
bêtes sauvages des îles, et la chouette
criera à sa compagne ; là
même se reposera l'orfraie, et elle y
trouvera son repos.
Là le martinet fera son nid et y couvera, il
y éclora et il y recueillera ses petits sous
son ombre ; là aussi seront
rassemblés les vautours l'un avec
l'autre.
Recherchez au livre de l'Éternel et
lisez : il ne s'en est manqué quoi que
ce soit ; celle-là ni sa
compagne n'y ont point manqué ; car
c'est ma bouche qui l'a commandé, et son
esprit est celui qui les aura
assemblés ; car il leur a jeté
le sort, et sa main leur a distribué ce pays
au cordeau. Ils le posséderont à
toujours, et ils y habiteront
d'âge en âge
(78).
Quant à Edom, ainsi a dit l'Éternel
des armées : N'est-il pas vrai qu'il
n'y a plus de sagesse dans Théman ? le
conseil a manqué aux hommes entendus ;
leur sagesse s'est évanouie. J'ai fait venir
sur Esaü sa calamité, le temps auquel
je veux le visiter. Il était entré
chez toi des vendangeurs ; ne t'auraient-ils
point laissé de grappillage ?
Si c'étaient des larrons de nuit, ils
n'auraient pris que ce qui leur aurait suffi. Mais
j'ai fouillé Esaü, j'ai
découvert ce qu'il avait de plus
caché, tellement qu'il ne se pourra cacher.
Voici, ceux qui ne devaient pas boire de la coupe
en boiront certainement ; et toi, en serais-tu
exempt en quelque manière ?
Tu n'en seras point exempt ; mais tu en boiras
certainement. J'ai juré par moi-même,
dit l'Éternel, que Botara sera
réduite en désolation, en opprobre,
en désert et en malédiction, et que
toutes ces villes seront réduites en
déserts perpétuels ; car voici,
je te rendrai petit entre les nations et
méprisable entre les hommes.
Ta présomption et la fierté de ton
coeur l'ont séduit, toi qui habites dans le
creux des rochers, et qui occupes le sommet des
coteaux. Quand tu aurais élevé ton
nid comme l'aigle, je t'en jetterai bas de
là, dit l'Éternel.
Idumée sera réduite en
désolation, tellement que quiconque passera
près d'elle en sera étonnée et
sifflera à cause de toutes ses plaies. Il
n'y demeurera personne, a dit l'Éternel, et
aucun fils d'homme n'y séjournera, comme
cela arriva dans la subversion de Sodome et de
Gomorrhe et de leurs lieux circonvoisins
(79). »
« Ainsi a dit le Seigneur
l'Éternel : J'étendrai ma main
sur Edom, j'en retrancherai les
hommes et les bêtes, et je le réduirai
en désert ; depuis Théman ils
tomberont par l'épée
(80).
« La parole de l'Éternel me fut
encore adressée et il me dit : Fils
d'homme, tourne ta face contre la montagne de
Séhir et prophétise contre elle, et
lui dis : Ainsi a dit le Seigneur
l'Éternel : J'étendrai ma main
contre toi et je te réduirai en
désolation et en désert, je
réduirai tes villes en déserts et tu
ne seras que désolation
(81).
Je
réduirai la montagne de Séhir en
désolation et en désert, et je
retrancherai d'elle les allants et les venants
(82).
Je te réduirai en désolations
éternelles et tes villes ne seront plus
habitées
(83).
Lorsque toute la terre se réjouira, je te
réduirai en désolation. Tu seras
désolée, ô montagne de
Séhir, et même toute l'Idumée
entièrement ; on connaîtra que je
suis l'Éternel
(84).
Idumée sera réduite en désert
(85)
à
cause de trois crimes d'Edom, même à
cause de quatre ; je ne révoquerai
point ceci
(86). »
« Ainsi a dit le Seigneur
l'Éternel touchant Edom : Voici, je te
rendrai petit entre les nations et tu seras fort
méprisé. L'orgueil de ton coeur te
trompe, toi qui habites dans les fentes des
rochers, qui sont ta haute demeure. Je ferai
périr les sages au milieu d'Edom, et la
prudence dans la montagne d'Esaü.
La maison de Jacob possédera ses
possessions, mais il n'y aura rien de reste dans la
maison d'Esaü
(87).
J'ai mis les montagnes d'Esaü en
désolation et exposé son
héritage aux dragons du désert. Que
si Edom dit : Nous avons été
appauvris, mais nous retournerons, nous
rebâtirons les villes ruinées ;
ainsi a dit l'Éternel des
armées : Ils rebâtiront, mais je
les détruirai et on les appellera le pays de
méchanceté
(88). »
Existe-t-il donc quelque part un pays jadis riche
et peuplé qui ait été
frappé d'un tel excès de
désolation ? Oui, et ce pays est
l'Idumée, et le territoire des descendants
d'Esaü nous offre une preuve aussi frappante
de la divine autorité des Écritures,
que l'a déjà fait le sort des enfants
d'Israël.
L'Idumée était située au sud
de la Judée et de Moab ; elle confinait
à l'est avec l'Arabie Pétrée,
nom sous lequel elle a été
englobée dans la dernière partie de
son histoire, et elle s'étendait au sud
jusqu'au golfe oriental de la Mer Rouge.
Un seul extrait de Volney fera ressortir
également et la vérité de la
prophétie et le fait qui en est
l'accomplissement : Ce pays n'a
été visité par aucun
voyageur ; cependant il mériterait de
l'être ; car d'après ce que j'ai
ouï dire aux Arabes de Bâkir et aux gens
de Gaza qui vont à Màân et au
Karak sur la route des pèlerins, il y a au
sud-est du lac Asphaltite (la Mer Morte), dans un
espace de trois journées, plus de trente
villes ruinées, absolument désertes.
Plusieurs d'entre elles ont de grands
édifices, avec des colonnes qui ont pu
être des temples anciens, ou tout au moins
des églises grecques. Les Arabes s'en
servent quelquefois pour parquer leurs
troupeaux ; mais plus souvent ils les
évitent, à cause des énormes
scorpions qui s'y trouvent.
On ne doit pas s'étonner de ces
traces de population, si l'on se
rappelle que ce fut là le pays des
Nabathéens qui furent les plus puissants des
Arabes, et des Iduméens qui, dans le
dernier siècle de Jérusalem,
étaient presque aussi nombreux que les
Juifs ; témoin le trait cité
par Josèphe, qui dit
qu'au bruit de la marche de Titus contre
Jérusalem il s'assembla tout à coup
trente mille Iduméens qui se jetèrent
dans la ville pour la défendre.
Il parait qu'outre un assez bon gouvernement ces
cantons eurent encore pour mobile d'activité
et cause de population une branche
considérable de commerce de l'Arabie et de
l'Inde. On sait que dès le temps de Salomon
les villes d'Astioum-Gâber
(Esion-Gâber) et d'Aïlah (Eloth) en
étaient deux entrepôts très
fréquentés ; ces villes
étaient situées sur le golfe adjacent
de la Mer Rouge, où l'on trouve encore la
seconde avec son nom, et peut-être la
première dans el-Agabè ou la fin
(de la mer). Ces deux lieux sont
entre les mains des Bédouins qui, n'ayant ni
marine ni commerce, ne les habitent point ;
mais les pèlerins du Kaire qui y passent
rapportent qu'il y a à el-Agabè un
mauvais fort
(89).
Les Iduméens, à qui les Juifs
n'enlevèrent ces ports que par
époques passagères, durent en tirer
de grands moyens de population et de
richesse ; il paraît même qu'ils
rivalisèrent avec les Tyriens qui
possédaient en ces cantons une ville dont le
nom est inconnu, sur la côte de l'Hedjaz, dans le
désert de Tih, la ville de
Faran, et sans doute el-Tor, qui lui servait de
port. De là les caravanes pouvaient se
rendre en Palestine et en Judée (en
traversant l'Idumée) dans l'espace de huit
à dix jours ; cette route, plus longue
que celle de Suez au Kaire, l'est infiniment moins
que celle d'Alep à Basra
(90).
Voilà un témoignage qui n'admet pas
le plus léger doute sur son
impartialité ; il est impossible d'y
rien trouver à redire, et cependant elle
pèse de tout son poids en faveur de la
véracité de ces
prophéties extraordinaires. Que les
lduméens aient été une nation
nombreuse et puissante plusieurs siècles
après l'émission des
prophéties ; qu'ils aient eu, de
même au jugement de Volney, un assez bon
gouvernement ; que l'Idumée ait contenu
un grand nombre de villes ; que ces villes
soient aujourd'hui absolument
désertes ; que leurs ruines soient le
repaire des scorpions ; que les
Iduméens aient été une nation
commerçante et aient possédé
des entrepôts très
fréquentés ; que ce pays offre
pour aller aux Indes une route plus courte que le
chemin ordinaire, et que cependant il n'ait
été visité par aucun
voyageur ; ce sont autant de faits
avancés et prouvés par le
témoignage involontaire de l'habile auteur
des Ruines.
L'Idumée avait été
constituée en royaume longtemps avant que
celui d'Israël existât ; elle avait
été gouvernée d'abord par des
chefs et des princes, ensuite successivement par
huit rois, plus tard encore par des chefs, avant
qu'aucun roi eût régné sur les
enfants d'Israël
(91).
Sa
fertilité et sa civilisation se trouvent
clairement indiquées non seulement dans la
bénédiction d'Esaü dont la
demeure devait être « au milieu
d'un terroir gras, arrosé de la rosée
des cieux d'en haut », mais aussi dans la
condition que fit Moïse lorsqu'il sollicita
pour les Israélites la permission de
traverser les frontières :
« Nous ne passerons point, dit-il, par
les champs ni par les vignes ; » et
encore dans le tableau qui nous est fait de la
richesse et des troupeaux que possédait un
individu de ce pays, à une époque
probablement très éloignée
(92).
Il n'y a
aucun doute que les Iduméens ne fussent un
peuple riche et puissant. Ils faisaient souvent la
guerre aux Israélites et se liguèrent
contre eux avec leurs autres
ennemis. David les soumit et les fît beaucoup
souffrir ; grand nombre d'entre eux furent
dispersés dans les contrées
adjacentes, particulièrement dans la
Phénicie et dans l'Égypte. Mais
pendant la décadence du royaume de
Judée, et déjà quelques
années avant sa chute, les Iduméens
s'emparèrent d'une partie du territoire des
Juifs et étendirent leurs possessions au
sud-ouest de la Judée. Et quoique maintenant
aucune gloire ne s'attache au nom de
l'Idumée, qui n'existe plus que dans
l'histoire ancienne, cependant le premier des
poètes de Rome ne la jugea pas indigne de
ses louanges :
Primus Idumaeas referam tibi, Mantua, palmas.
Virg., Géorg., III, 12.
Et Lucain en dit :
....... Arbustis palmarum dives Iduino.
Pharsal., III, 216.
L'Idumée, comme royaume, peut pourtant
montrer ses titres à une plus grande
célébrité que celle que put
lui procurer la multitude de ses troupeaux ou la
beauté de ses palmiers.
La célèbre ville de Pétra,
nommée ainsi par les Grecs à cause de
son site rocailleux, était située
dans le territoire du pays d'Edom
(93).
Il y a
des preuves certaines qu'elle était une des
villes d'Edom (94) et la
métropole des
Nabathéens, qui, à ce que dit
Strabon, formaient une même nation
(95),
et que
les Iduméens possédaient le
même pays et étaient gouvernés
par les mêmes lois
(96).
Le docteur Vincent, en parlant de l'ancien commerce
de Pétra, avant qu'on eût
découvert ses ruines, dit :
Pétra est la capitale d'Edom ou de
Séhir, l'Idumée ou l'Arabie
Pétrée des Grecs, le Nabathé
que les géographes, les historiens et les
poètes regardent comme la source des plus
précieuses denrées de l'Orient
(97).
À toutes les époques, les caravanes
venant de Minée dans l'intérieur de
l'Arabie, et de Gerrha sur le golfe persique, et
d'Hadramaut vers l'Orient, ont
considéré Pétra comme leur
centre commun. Et depuis Pétra le commerce
semblait s'étendre de tous
côtés, vers l'Égypte, la
Palestine, la Syrie, par Arsinoë, Gaza, Tyr,
Jérusalem, Damas, et nombre d'autres routes
qui aboutissaient toutes à la
Méditerranée
(98).
Il est très facile de prouver que ce sont
les Tyriens et les Sydoniens qui ont les premiers
porté les productions des Indes à
toutes les nations voisines de la
Méditerranée, et qu'ainsi les Tyriens
tiraient toutes leurs denrées de l'Arabie.
Mais si l'Arabie était le centre de ce
commerce, c'était vers
Pétra que se dirigeaient
tous les Arabes des divers points de la vaste
péninsule
(99).
Environ 800 ans avant Jésus-Christ, Amazias,
roi de Judée, s'empara de Sélah ou
Pétra (ces deux mots signifient, l'un et
l'autre, rocher), après avoir tué
10,000 Édomites
(1).
Cinq cents ans après, cette ville
résista aux assauts
réitérés de
Démétrius, qui s'en était
approché à l'improviste, dans
l'espoir de la prendre par surprise ; et ce
même conquérant, qui plus tard parvint
à prendre Babylone, se vit obligé de
lever le siège de la capitale d'Edom
(2).
Pétra, après s'être soumise aux
Arabes Nabathéens, devint la capitale de
l'Arabie, ou du moins de l'Arabie
Pétrée ; et les rois qui y
régnèrent sous le nom d'Obodas et
d'Aretas prirent successivement le titre de rois
d'Arabie.
Trois cents ans après le dernier des
prophètes, c'est-à-dire environ un
siècle avant l'ère chrétienne,
Alexandre Jannée, roi de Judée,
après s'être emparé de
plusieurs villes de l'Idumée et des nations
voisines, fut défait par Obodas, perdit son
armée, et faillit lui-même tomber au
pouvoir du vainqueur.
Le deuxième roi de Pétra fut Aretas,
successeur d'Obodas. Ce personnage fameux
défit et tua Antiochus Dionysius, roi de
Syrie, et augmenta ses états en y joignant
la Calésyrie. Ce fut à cette
époque qu'Hyrcan, fils d'Alexandre, se vit
dépossédé de son royaume par
Aristobule, son frère aîné.
Antipater, riche Iduméen, et père
d'Hérode-le-Grand, conseilla à Hyrcan
d'implorer le secours du roi d'Arabie, et le mena
à Pétra, où était
situé le palais d'Aretas
(3).
Hyrcan s'étant engagé, aussitôt
qu'il aurait reconquis son
royaume, à rendre les douze villes et le
territoire que son père avait enlevés
aux Arabes ou Nabathéens, Aretas
s'avança contre Aristobule à la
tête de 50,000 hommes, et le vainquit. Il se
dirigea alors sur Jérusalem, où,
ayant réuni ses forces à celles des
Juifs, il pressa vigoureusement le siège du
temple, et ne le leva qu'à l'approche des
Romains qui venaient au secours des
assiégés.
Au dire de Strabon, Pétra, soit avant, soit
après l'ère chrétienne, ne
cessa jamais d'être gouvernée par des
rois de la race d'Obodas ou de celle
d'Aretas ; seulement ils s'associèrent
un prince ou procurateur, avec le titre de
frère
(4).
Au commencement du second siècle,
Pétra, bien qu'elle eût perdu son
indépendance, et qu'elle fût alors la
capitale d'une province romaine, était
toujours réputée la métropole
de l'Arabie ; et, comme l'attestent plusieurs
médailles, l'empereur Adrien ajouta son nom
à celui de cette ville (5). Elle
fut longtemps la capitale de
la troisième Palestine, Palestina
tertiana, sive salutaris, et, comme telle, elle
était le siège métropolitain
des quinze villes dont cette province se composait
(6).
L'ancien état de l'Idumée ne peut pas
être aussi bien constaté de nos jours
par les récits historiques qui nous restent
de son ancienne splendeur que par les merveilleux
vestiges que nous trouvons de sa capitale, et par
les nombreuses traces de villes et de villages qui
nous montrent indubitablement que sa population
était jadis considérable
(7).
« Il est donc
clairement
démontré que la terre d'Edom existait
dans un état bien différent de la
désolation universelle qui la
caractérise maintenant, et qui fut
annoncée par les prophètes bien des
siècles avant qu'elle arrivât
véritablement ; mais de plus, il y a
d'autres prédictions qui se rapportent
à elle, surtout celles que renferme le
XXXIVe chapitre d'Isaïe, qui parlent des temps
où les enfants d'Esaü la
posséderont à toujours, et aussi de
l'année de rétribution pour soutenir
le droit de Sion. »
Quelque dangereux qu'il soit maintenant de
parcourir l'Idumée, quelque difficile qu'il
soit de constater la vérité des faits
qui la concernent et de préciser les
circonstances de son état actuel, cependant
on est parvenu a s'assurer que la
malédiction de Dieu est tombée sur
elle, que sa sentence s'est accomplie, et que, bien
que l'homme lui-même ait été
l'instrument entre les mains du Tout-Puissant pour
l'accabler de tant de fléaux, cependant tout
est en parfait accord avec les prédictions
des prophètes inspirés.
Il y a une prophétie relative à
l'Idumée qui doit, plus que toutes les
autres, attirer notre attention, parce qu'elle
explique la cause de la difficulté que nous
trouvons à obtenir une connaissance exacte
et approfondie de l'état intérieur du
pays.
« Il n'y aura personne qui passe par elle
à jamais. Je réduirai la montagne de
Séhir en désolation. Je retrancherai
d'elle les allants et les venants. »
L'ancienne importance de l'Idumée
dépendait en grande partie de son commerce.
Touchant à l'est à l'Arabie, et
à l'Égypte au sud-ouest, et formant
du nord au sud une voie de communication directe et
facile entre Jérusalem et ses possessions
sur la Mer Rouge, entre la Syrie et les Indes, par
les vallées d'El-Ghor et d'El-Araba, qui
s'étendaient par une
extrémité
jusqu'aux bords de la Mer Rouge, et par l'autre
jusqu'à Elath et à Esiongaber, sur le
golfe élanitique de la Mer Rouge, on peut
regarder l'Idumée comme formée pour
être le centre du commerce de l'Orient.
Une voie romaine traversait l'Idumée depuis
Jérusalem jusqu'à Akaba, et une autre
d'Akaba à Moab (8). Quand
ces routes furent
construites, plusieurs siècles
antérieurement à ces
prédictions, comment aurait-il
été possible de concevoir
l'idée qu'un jour viendrait où
personne n'y passerait ? Plus de sept cents
ans après l'époque de cette
prophétie, Strabon rapporte que son ami
Athénodore le philosophe, qui visita
Pétra, y rencontra plusieurs Romains et
d'autres étrangers
(9).
Cette prédiction est encore plus
remarquable, quand on la lie à une autre
où il est bien entendu que des voyageurs
« traverseront » cette
contrée, puisqu'il est dit que
« quiconque passera près d'elle
sera « étonné. »
Et les routes d'Hadji (les routes des
pèlerins) depuis Damas jusqu'au Kaire et la
Mèque, l'une à l'orient, l'autre au
sud de l'Idumée, touchent à la
frontière dans toute son
étendue ; on la côtoie sans
traverser le pays.
Ou pourrait croire facilement que les paroles de la
prédiction annoncent seulement que
l'Idumée cessera d'être le centre du
commerce de beaucoup de nations, et que ses places
si fréquentées ne seront plus des
entrepôts de luxe et de trafic ; et il
ne serait pas difficile de démontrer
même à l'esprit le plus sceptique
combien, dans ce sens restreint, la
prédiction a été
généralement accomplie. Mais le fait
auquel elle se rapporte exige que la
prophétie soit littéralement comprise
et accomplie dans tous ses détails. Le fait
étant en lui-même
négatif, il nécessite un examen plus
minutieux et plus exact que s'il s'était agi
d'une observation ou d'une découverte qu'une
simple description aurait pu prouver. - Ainsi donc,
au lieu de nous contenter de citer telle ou telle
autorité, nous allons présenter au
lecteur des preuves aussi remarquables que les
prophéties, et qui tendent involontairement
à établir l'exactitude de ce fait
pour les siècles passés. C'est pour
les siècles à venir qu'est
réservé l'entier accomplissement de
ces prophéties.
Volney, qui pénétra à l'ouest
de l'Idumée, fait la remarque que ce pays
n'a jamais été visité par
aucun voyageur, et cette remarque, qui n'est que la
répétition de ce qu'il a ouï
dire aux Arabes de cette contrée, n'a pas
échappé à l'attention du
lecteur.
Dès que Burckhardt eut mis le pied sur le
territoire des Iduméens, dont il marque
exactement les limites, il dit qu'il se vit sans
protection au milieu d'un désert où
aucun voyageur n'avait pénétré
avant lui (10).
Pour la première fois pendant tout le cours
de ses voyages, il eut un sentiment de crainte, et
sa route était la plus périlleuse
qu'il eût jamais parcourue
(11).
M. Joliffe, qui visita les bords septentrionaux de
la Mer Morte, en parlant de la contrée qui
s'étend au sud, dit que c'est une des
parties les plus sauvages et les plus dangereuses
de l'Arabie. Il ajoute qu'il était
impossible d'y faire aucune recherche
(12).
Sir Frédéric Henniker, dans ses notes
datées du mont Sinaï, au sud de
l'Idumée, rend un témoignage
éclatant à l'accomplissement de la
prophétie, tout en racontant un fait qui
d'abord y semblerait contraire. « Seetzen
imagina d'écrire sur un morceau de papier
collé contre le mur,
qu'il a traversé le pays en ligne droite,
entre la Mer Morte et le mont Sinaï (à
travers l'Idumée) « voyage que
personne n'avait encore fait
(13) ».
Cette nouvelle fut d'autant plus
intéressante pour moi, que
déjà je m'étais
décidé à tenter la même
route, qui me parut devoir être la
« plus courte, » pour me rendre
à Jérusalem. Le chevalier Frediani,
que j'avais rencontré en Égypte,
voulut me persuader qu'elle était
impraticable, qu'il avait lui-même eu cette
intention, et qu'après un délai de
cinq semaines il s'était vu forcé de
renoncer à son entreprise.
Pendant que j'étais encore occupé de
ce chiffon de papier, le supérieur vint me
rendre visite ; il me dit encore que mon
projet était impraticable, mais à la
fin il promit de me chercher des guides. J'avais
essayé en vain de persuader à ceux
qui m'avaient conduit depuis Edom de m'accompagner
dans ma nouvelle route. L'idée du danger les
effrayait. »
Il trouva enfin des guides, qui à force de
prières et d'argent, promirent de le
conduire par la route qu'il voulait faire ;
mais enfin, subjugués par leurs craintes,
ils le trompèrent et le menèrent vers
la côte de la Méditerranée,
à travers le désert de Gaza
(14).
Il nous reste encore à donner le
détail des nombreuses difficultés que
le voyageur rencontre aussi sur une autre route,
qui semble la plus directe et la plus
rapprochée de la Judée, lorsqu'il
veut pénétrer dans l'ancien royaume
d'Idumée ; difficultés qui ne se
rencontreraient probablement dans aucune autre
partie de l'Asie, et certainement dans aucune autre
partie du monde. Les capitaines Irby et Mangles,
ayant échoué dans toutes leurs
tentatives pour obtenir le
consentement ou le secours des
autorités publiques de Constantinople,
Damas, Jérusalem et Jaffa, et quoique
avertis du danger qu'ils auraient à courir
de la part des Arabes sauvages et faux, se
décidèrent à visiter seuls les
ruines de Pétra ; s'étant
pourvus de chevaux et de munitions, et vêtus
de costumes arabes, au nombre de onze, y compris
les domestiques et les guides, ils se
décidèrent à tenter fortune
auprès du cheik d'Hébron. Il
commença par leur promettre ce qu'ils
demandaient, puis, « effrayé
à la pensée de sa propre
témérité, » il leur
refusa et secours et protection. - On offrit en
vain de l'argent aux guides. - Il fut donc
impossible de trouver la moindre facilité
(15).
Nous avons encore une preuve de la
difficulté qui existe non pas pour traverser
l'Idumée (les voyageurs n'y ont jamais
songé), mais pour entrer sur son territoire,
dans la conduite d'une tribu arabe qui offrit plus
tard de les accompagner' et de les protéger
jusqu'à Kerek, à un prix assez
raisonnable, mais qui se refusa nettement et
positivement à les conduire à aucun
pays au dedans des limites d'Edom. - Nous leur
offrîmes 500 piastres pour nous conduire
à Wady Mousa ; mais rien ne put les y
déterminer. Ils nous dirent qu'ils n'iraient
pas, quand nous leurs donnerions 5,000 piastres,
parce que, disaient-ils, de quoi sert l'argent
à un homme qui perd la vie
(16) ?
Ayant à la fin obtenu la protection d'un
chef arabe intrépide et de sa suite, les
voyageurs arrivèrent jusqu'aux
frontières de l'Idumée ; mais
alors leur marche fut arrêtée de la
manière la plus décidée et la
plus menaçante. Le cheik de
Wady Mousa et son peuple firent
serment qu'ils ne leur permettraient pas d'avancer,
et qu'ils ne leur laisseraient pas boire de leur
eau, ni passer par leur territoire. Le chef arabe
qui les avait pris sous sa protection jura de son
côté qu'ils boiraient de l'eau de Wady
Mousa, et qu'ils iraient où bon lui
semblerait.
Plusieurs jours se passèrent ainsi en
prières, en intrigues et en menaces ;
tout fut également infructueux. La
détermination et la
persévérance de l'un des partis
furent égalées par la
résistance et l'opiniâtreté de
l'autre. Les artifices, les arguments et les
mensonges d'Abou Raschid, le chef intrépide
qui avait pris les voyageurs sous sa protection, et
dont rien ne pouvait dompter
l'opiniâtreté, ayant manqué
leur but, il envoya des messagers vers tous les
camps soumis à son influence, rejeta toute
espèce d'arrangement avec l'ennemi,
résista aux remontrances de ses serviteurs,
et se décida à faire par force ce
qu'il avait juré d'accomplir.
À la fin cependant on permit aux voyageurs
de poursuivre en paix leur route ; on leur
accorda un court espace de temps pour visiter les
ruines ; mais on apercevait de tous
côtés sur les hauteurs des troupes
d'Arabes qui épiaient leurs mouvements. -
Abou Raschid lui-même en fut
effrayé ; il avait perdu son calme, et
priait les voyageurs de partir. Il y eut donc
beaucoup de choses qu'il leur fut impossible de
visiter ; et même on ne leur accorda pas
le temps de visiter les ruines d'un grand temple
qu'on apercevait dans le lointain. - Ils ne
passèrent pas par l'Idumée.
Ainsi, Volney, Burckhardt, Joliffe, Henniker, et
les capitaines Irby et Mangles, non seulement
rendent témoignage de la
vérité du fait qui est
l'accomplissement de la prophétie, mais
encore racontent une
variété de circonstances qui prouvent
toutes que l'Idumée, si longtemps le
rendez-vous de toutes les nations, est maintenant
environnée de dangers pour tous les
voyageurs qui veulent « y
passer » ; les Arabes même qui
habitent aux environs, et qui sont
accoutumés aux dangers du désert,
craignent de pénétrer dans
l'intérieur ou d'y conduire des
étrangers. Cependant, dans aucun des
différents récits, on ne trouve une
seule allusion aux prophéties de la Bible,
et ce témoignage est aussi peu suspect et
aussi indépendant qu'il est abondant et
clair.
Il y eut peu de pays aussi fréquentés
que le fut pendant longtemps l'Idumée, et
peu de villes aussi renommées, comme centre
de commerce, que l'était sa capitale ;
et depuis un grand nombre de siècles il n'y
a point de pays qui soit aussi abandonné, ou
plus complètement privé des avantages
de la civilisation et du commerce
(17). Qui
aurait pu prévoir et prédire un tel
contraste si ce n'est Celui dont la prescience est
parfaite en toutes choses ?
Mais quoique, depuis des siècles, personne
ne passe par ce pays, cependant le sens de la
prédiction indique clairement que cet
état de désolation devait être
connu, et que le temps viendrait où des
personnes visiteraient le pays, et qu'on y
trouverait l'accomplissement de toutes les autres
prophéties qui le regardent.
L'époque à laquelle se rapportent
toutes les malédictions prononcées
contre Edom, c'est-à-dire
« l'année de rétribution
pour maintenir le droit de Sion »
(Esaïe,
XXXIV, 8), n'est pas
encore venue, et l'Idumée
doit être encore le théâtre
d'autres jugements qui fondront en même temps
sur toutes les nations et sur toutes les
armées, et auxquels tout le monde habitable
est sommé de prêter l'oreille. ( Esaïe,
XXXIV,
1-10).
« L'Idumée sera
désolée de génération
en génération. »
La Judée, le pays d'Ammon et celui de Moab
présentent de si abondantes preuves de leur
ancienne fertilité, qu'un esprit
réfléchi se demande comment les
efforts de l'homme ont pu parvenir à
paralyser pendant tant de siècles tous les
efforts de la nature. Mais la désolation de
l'Idumée est tellement complète que
l'on commence tout d'abord par s'étonner de
ce qu'une aussi vaste région,
entièrement sauvage et déserte, ait
jamais été couverte de villes, et
habitée pendant des siècles par un
peuple riche et puissant.
Son aspect actuel donnerait un démenti
formel à son ancienne histoire, si la
véracité de cette histoire
n'était démontrée par des
restes d'une ancienne culture, par des vestiges de
murs et des routes pavées, et par les ruines
de villes que l'on retrouve partout sur le sol de
ce pays dévasté.
Beaucoup de circonstances ont contribué
comme autant de causes à rendre
complète la désolation d'Edom ;
l'anéantissement de tout commerce, l'absence
de moyens artificiels pour arroser les
vallées, la destruction de toutes les
villes, le dépouillement du pays par les
Arabes, tant qu'il y a eu quelque chose de reste,
l'effet des rayons ardents du soleil, depuis un
grand nombre de siècles, sur un sol que
n'ombragent pas même les plus petits
arbustes, l'envahissement continuel du terrain par
le sable de la Mer Rouge, ce qui a absorbé
toute l'humidité, et desséché
pendant l'été les petites sources et
les ruisseaux ; toutes
ces
causes ont concouru à rendre
« Edom désolé de
génération en
génération. »
Le récit que nous fait Volney prouve combien
en effet cette désolation est
complète, et Seetzen, d'après ce
qu'il parvint à apprendre à
Jérusalem, en rend le même
témoignage
(18).
Depuis les frontières d'Edom, les capitaines
Irby et Mangles ne virent qu'une vaste
étendue qui frappe le voyageur par son
lugubre et singulier aspect de désert. -
L'extrait suivant, dans lequel Burckhardt
décrit ce qu'il a vu dans diverses parties
de l'Idumée, ne saurait être mieux
analysé que par les paroles mêmes du
prophète.
En parlant de ses limites orientales et de l'Arabie
Pétrée, Burckhardt dit : On
pouvait avec justesse la nommer
Pétrée, non seulement à cause
de ses montagnes rocailleuses, mais encore à
cause de la plaine élevée dont j'ai
déjà parlé, et qui, couverte
d'énormes pierres, ressemble à un
désert, quoiqu'elle soit susceptible de
culture ; de distance en distance elle est
parsemée de plantes sauvages ; sans
doute qu'autrefois elle était fort
peuplée, car on trouve partout sur la route
d'Hadj beaucoup de restes de villes et de villages,
entre Maan et Akaba aussi bien qu'entre Maan et les
plaines d'Hauran, où l'on rencontre aussi
beaucoup de sources d'eaux. Maintenant toute cette
contrée est déserte, et Maan
(Théman)
(19)
est le
seul endroit habité qui s'y rencontre
(20). « J'étendrai
ma
main sur toi, ô montagne de Séhir, je
te réduirai en désolation et en
désert ; j'étendrai ma main sur
Edom et je la réduirai en désert
depuis Théman. »
Dans l'intérieur de l'Idumée,
où l'on voit encore, dit Burckhardt, les
ruines de quelques anciennes
villes, et dans toute la grande vallée qui
s'étend depuis la Mer Rouge jusqu'à
la Mer Morte, et qui sans doute présentait
autrefois un aspect bien différent, toute
l'ancienne plaine n'offre à l'oeil qu'une
étendue de sables mouvants, dont la surface
uniforme n'est interrompue que par de
légères ondulations et par de petites
collines. Il paraîtrait que ce sable a
été apporté des bords de la
Mer Rouge par les vents du sud, et les Arabes m'ont
dit qu'au delà de la latitude d'Ouadi Mousa
les vallées présentaient le
même aspect.
Il y a des endroits de la vallée où
le sable est très profond ; il ne reste
plus le moindre vestige de l'art ou du passage de
l'homme ; quelques arbres croissent au milieu
du sable ; mais la profondeur de ce sable
s'oppose à toute apparence de
végétation ou d'herbe.
« S'il était entré chez toi
des vendangeurs, ne t'auraient-ils point
laissé de grappillage ? des larrons de
nuit n'auraient pris que ce qui leur aurait
suffi ; mais j'ai fouillé
Esaü. »
En remontant les plaines à l'occident, plus
élevées que celle de l'Arabie, nous
eûmes, devant les yeux une immense
étendue de pays désert,
entièrement couvert de cailloux noirs ;
ça et là se dessinait une petite
ligne de coteaux
(21). « J'étendrai
sur
l'Idumée le cordeau de confusion et le
niveau du désordre. »
Dans la description que Burckhardt fait des
différentes villes de l'Idumée, il
parle des ruines d'une grande cité dont il
ne reste que des débris de murailles et des
monceaux de pierres, de celles de plusieurs
villages des environs
(22),
d'une
ancienne ville construite en blocs taillés
de pierre siliceuse, et des ruines
considérables de Gherandel Arindela, une des
villes de la
« Palaestina Tertia
(23).
Il
énumère les endroits suivants dans le
Djebal Shera ( Mont Séhir ), au sud et au
sud-ouest d'Ouadi Mousa : Kalaat, Djerba,
Basta, Eyl, Ferdakh, Anyk, Bir el Beytar, Shemakh
et Syk. Thoana exceptée, il ne reste pas
vestige des villes
(24)
indiquées dans la carte de d'Anville
(25).
M. de Laborde a passé sur les ruines
d'Elana, ville de l'Ouadi (vallée)
Pambouchebe ; il a passé sur celles
d'une autre ville de l'Ouadi Sabra où l'on
voit encore les ruines d'un théâtre et
celles de plusieurs temples. À Ameime,
où ce voyageur est allé, l'on
découvre à chaque pas d'anciennes
citernes creusées dans le roc, et où
l'eau arrivait par des aqueducs de neuf milles de
longueur.
« Je réduirai tes villes en
désert, et tu ne seras que
désolation. O montagne de Séhir,
j'étendrai ma main contre toi, et je te
réduirai en désolation et en
désert. »
(Ezéchiel,
XXXV )
Le dernier des prophètes, Malachie, qui
écrivit deux cents ans après
Ezéchiel, et plus de trois cents ans
après Esaïe, dit de l'héritage
d'Esaü « qu'il serait exposé
aux dragons du désert ».
Mais il ajoute : « Que si Edom
dit : Nous avons été appauvris,
mais nous retournerons et nous rebâtirons les
lieux qui ont été
détruits ; ainsi a dit l'Éternel
des armées : Ils rebâtiront, mais
je les ruinerai. »
Dans la description que Diodore fait de l'invasion
de la terre d'Edom par Démétrius,
environ trois cents ans avant l'ère
chrétienne, il dit que ce pays
n'était qu'un désert, et que les
habitants n'y avaient pas de maisons ;
la seule ville dont il fasse
mention est Pétra. Néanmoins, les
noms des villes de l'Arabie Pétrée,
énumérées par Josèphe,
comme existantes du temps de l'invasion de la
Palestine par les Romains ; les noms des
quinze villes de la Palaestina Tertia, dont
Pétra était la capitale et le
siège métropolitain, au temps du
Bas-Empire ; les villes indiquées dans
la carte de d'Anville, et les ruines de plusieurs
villes d'Edom, ruines dont l'existence a
été constatée par Burckhardt
et de Laborde, tout cela prouve qu'après
avoir été
appauvri.
Edom retourna en effet, et rebâtit ses
villes détruites. Leurs ruines, encore
visibles, montrent qu'elles furent rebâties,
et que, selon la prédiction, elles ont
été de nouveau ruinées, et
sont maintenant dans l'état de
désolation le plus absolu.
Tandis que les villes de l'Idumée sont
tellement désolées, qu'il
règne dans leurs ruines le même vague
indéfini que dans la prophétie qui
les annonce (car rien n'a été
prédit sur elles si ce n'est leur
entière désolation, et c'est
là la seule chose qui frappe l'oeil des
curieux), il y a cependant une exception à
cette règle générale,
également signalée par le
prophète inspiré et par le savant
voyageur.
Burckhardt donne des détails pleins
d'intérêt sur l'emplacement de
l'ancienne ville qu'il visita, dont les ruines non
seulement tendent à prouver son ancienne
splendeur, mais méritent d'obtenir une place
parmi les plus curieux monuments des arts. Quoique
la ville soit déserte, les restes de son
opulence et de sa gloire existent encore. On voit,
par exemple, un canal creusé de chaque
côté de la rivière pour
conduire les eaux dans la ville, un grand nombre de
tombeaux, deux cent cinquante caveaux, plusieurs
mausolées. Il en est un en particulier dont
on parle comme d'un ouvrage
immense, colossal, et parfaitement conservé.
Il contient une chambre de seize pas carrés,
et de plus de vingt-cinq pieds
d'élévation ; sa façade
est ornée d'un rang de colonnes de
trente-cinq pieds de hauteur, et couronnée
d'un fronton du travail le plus riche ; on
voit encore deux pyramides tronquées, et un
théâtre capable de contenir environ
3000 spectateurs, le tout taillé dans le
roc.
Dans d'autres endroits, ces sépulcres sont
creusés les uns au-dessus des autres, dans
les flancs de rocs perpendiculaires, et il
paraît impossible d'approcher du plus
élevé.
La terre est jonchée partout de pierres
taillées, de fondations d'édifices,
de fragments de colonnes et de vestiges de rues
pavées, qui indiquent clairement l'existence
d'une grande ville. Sur la rive gauche du fleuve,
est un terrain élevé qui
s'étend à environ trois quarts de
lieue, et est également couvert de
semblables ruines.
Sur la rive droite, plus élevée
encore, on retrouve les mêmes vestiges, entre
autres les restes d'un palais et de plusieurs
temples. Dans les rochers escarpés, vers
l'orient, on a creusé plus de cinquante
sépulcres. Ce ne sont pas là les
travaux d'un petit peuple, ou d'une race
destinée à une destruction
entière ; mais un jugement avait
été prononcé contre les
forteresses d'Edom, et il fallait que les paroles
retentissantes de la prophétie trouvassent
quelque part leur accomplissement, et qu'elles
fussent reconnues comme n'étant pas celles
de simples mortels.
« Je te rendrai petit entre les
nations ; ta présomption et la
fierté de ton coeur t'ont séduit, toi
qui habites dans le creux des rochers, et qui
occupes la hauteur des coteaux ; quand tu
aurais élevé ton nid comme l'aigle,
je t'en ferai descendre, dit l'Éternel, et
l'Idumée sera réduite en
désolation. »
En entrant dans le défilé qui conduit
au théâtre de Pétra, les
capitaines Irby et Mangles font les observations
suivantes : Les ruines de la ville se
présentèrent ici à notre vue
dans toute leur grandeur, enfermées à
l'extrémité opposée par des
rocs perpendiculaires, et coupées de
vallées et de ravins. Le flanc des
montagnes, où sont creusés
d'innombrables tombeaux et même des
habitations particulières ( « O
toi qui habites dans le creux des rochers, Jérém.
XLIX,
16 ») offrait le plus singulier
spectacle que nous eussions jamais vu.
Nous arrivions et nous descendions, dit M. de
Laborde, par le ravin. C'est de ce point, et en
avançant un peu plus, qu'on domine
l'étendue de la ville couverte de
débris, et sa grande enceinte de rochers,
percée de milliers de tombeaux qui forment
autour comme une grande
décoration. »
Les capitaines Irby et Mangles, ayant passé,
de concert avec MM. Bankes et Legh, deux jours
à examiner ces ruines avec soin, nous
donnent encore plus de détails sur les
restes de Pétra que n'en contient la
description de Burckhardt, et plus la description
est détaillée, plus elle s'accorde en
tout point avec les paroles de la
prophétie.
Près de l'endroit où ils attendaient
le résultat de la querelle des Arabes, le
tertre élevé était couvert des
deux côtés par des lignes et de
solides masses de murs secs. - Les premières
semblaient indiquer les traces de l'ancienne
culture, et les ruines nous semblaient être
les restes de tours construites pour faire le guet,
pendant le temps de la récolte et de la
vendange.
Tous les environs présentent de semblables
restes d'industrie, et paraissent indiquer le
voisinage d'une grande capitale. Un
défilé étroit,
environné de chaque côté par
des rocs perpendiculaires, dont
la hauteur varie de 400 à 700 pieds, et qui
forme, sur un espace de deux milles, une
espèce de voie souterraine, ouvre à
l'orient le chemin qui conduit aux ruines de
Pétra.
Les rochers, ou plutôt les montagnes,
s'étendent alors de chaque
côté, et laissent un espace oblong
où l'on voyait autrefois la capitale de
l'Idumée, mais où l'on ne trouve plus
maintenant qu'un monceau de débris,
entourés partout, excepté au
nord-est, de rochers affreux qui ne servent plus
qu'à faire voir jusqu'à quel point
l'orgueil de l'homme et les efforts de l'art ont
voulu lutter avec la puissance de la nature.
Au bord de ces précipices on a
creusé, dans des blocs de rochers
détachés, d'immenses
sépultures, dont l'intérieur est
divisé en chambres, et à
l'extérieur desquels ces rochers -
mêmes ont été taillés en
tours, en colonnes, pilastres, frises, entablements
et figures d'animaux
(26).
Les planches ci-jointes peuvent donner une
idée de ces singulières excavations.
Cependant, quelque nombreuses qu'elles soient, elles ne font qu'une faible partie de la vaste « nécropole de Pétra ». Des tombeaux se présentent non seulement à chaque approche ou avenue de la ville, et dans tous les précipices qui l'entourent, mais encore mêlés à tous les édifices publics et aux habitations particulières ; les traits naturels du défilé se dessinent davantage à chaque pas, et les excavations et les sculptures deviennent de plus en plus nombreuses, jusqu'à ne plus présenter qu'une longue rue de tombeaux. La face des rochers est taillée avec toute la symétrie et toute la régularité de l'art ; on y voit des colonnes, des piédestaux, des lignes de corridors adossés à la façade des rochers ; des escaliers sont pratiqués dans le roc, et il y a un nombre immense de grottes qui n'étaient certainement pas des sépulcres. On trouve beaucoup d'habitations de grandes dimensions ; il y en a une en particulier où l'on voit une seule chambre de soixante pieds de long et d'une largeur proportionnée ; d'autres habitations d'un ordre inférieur abondent dans un des défilés qui mènent à la ville, et qui contient une espèce de faubourg creusé, auquel on parvient par des escaliers. On voit des enfoncements de trente pieds de haut, ayant un autel, ou des pyramides, des colonnes ou des obélisques ; un pont jeté sur un précipice maintenant inaccessible, quelques petites pyramides taillées dans le roc, sur le sommet des hauteurs ; des rigoles horizontales pour l'écoulement des eaux, pratiquées le long de la façade des rochers, et même sur le devant des habitations ; en un mot, les rochers creusés en innombrables chambres de diverses dimensions, dont l'entrée est souvent embellie par tout ce que l'architecture offre de plus riche, de plus varié et de plus fantastique ; tout cela réuni présente aux regards de l'homme, non seulement l'ensemble le plus singulier que l'imagination puisse concevoir, un groupe de merveilles sans égales dans leur genre, mais encore une preuve indubitable que dans la terre d'Edom il existait une ville où l'homme avait déployé toutes ses ressources et toute son énergie, et qu'elle avait bien mérité d'être distinguée par « sa force et sa présomption, » et qu'ainsi la description faite par le prophète est aussi exacte que l'accomplissement de la prophétie a été complet (27).
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |