L'Égypte était un des plus anciens
et des plus puissants royaumes de la terre, et
encore aujourd'hui les voyageurs s'occupent
à découvrir les monuments sans
pareils de son antique splendeur. Jamais nation,
ancienne ou moderne, ne parvint à
élever des monuments aussi grands et aussi
impérissables. Tandis que l'on ne
reconnaît la grandeur des autres royaumes
qu'aux ruines de leurs villes et qu'aux vestiges de
leur magnificence, les pyramides d'Égypte
s'élèvent semblables à des
monts impérissables, sans date qui serve
à reconnaître leur fondation, et elles
ont défié les ravages des
siècles. Le royaume
d'Égypte est le plus
ancien de tous. Aucune nation de l'antiquité
n'eut une aussi longue succession non interrompue
de rois. La science des Égyptiens a
passé en proverbe ; le nombre de leurs
villes et la population de leur pays, selon ce
qu'en rapportent les anciens historiens,
étaient presque incroyables
(17). La
nature
semblait se réunir à l'art pour faire
de l'Égypte la contrée la plus
fertile de la terre ; on l'appelait le grenier
du monde ; elle était divisée en
plusieurs royaumes, et sa puissance
s'étendait sur plusieurs pays voisins
(18).
Cependant
la connaissance de toute cette grandeur et de toute
cette gloire n'empêchèrent pas le
prophète juif de déclarer que
« l'Égypte deviendrait le plus bas
des royaumes, et qu'elle ne
s'élèverait plus auprès des
nations. »
L'Égypte fut le sujet d'un grand nombre de
prophéties qui ont reçu autrefois
leur accomplissement, et le temps n'a pu effacer
encore les marques par lesquelles les
prophéties ont caractérisé la
destinée qui l'attendait.
« Ils seront un royaume abaissé.
Il sera le plus bas des royaumes, et il ne
s'élèvera plus par dessus les
nations, et je le diminuerai afin qu'il ne domine
plus sur les autres nations
(19). »
« L'orgueil de sa force sera
renversé, et ils seront
désolés parmi des pays
désolés, et ses villes seront parmi
des villes rendues désertes. »
« Je désolerai le pays et tout ce
qui est par la puissance des étrangers. Je
livrerai le pays entre les mains des gens
méchants, des étrangers. Moi,
l'Éternel, j'ai parlé. Il n'y aura
plus de prince du pays d'Égypte
(20). »
L'Égypte fut subjuguée par les Perses
536 ans avant l'ère
chrétienne ; elle le fut ensuite par
les Macédoniens, et gouvernée pendant
plus de trois siècles par les
Ptolémées, jusqu'à ce que vers
l'an 30 avant l'ère chrétienne elle
subit le joug des Romains.
Elle leur fut soumise pendant plusieurs
siècles ; d'abord tributaire de Rome et
ensuite de Constantinople.
L'an 641 de l'ère chrétienne, elle
tomba au pouvoir des Sarrazins.
En 1250, les Mameloucks secouèrent
l'autorité de leurs chefs et
s'emparèrent du gouvernement de
l'Égypte. Ils établirent la plus
singulière forme de gouvernement qui ait
jamais existé. Tous les gouverneurs
étaient élevés successivement
au rang suprême, de l'état d'esclave
ou d'étranger ; jamais le fils du
souverain précédent ou un
Égyptien de naissance ne posséda la
royauté ; mais le chef était
choisi, d'entre une race d'esclaves nouvellement
importée.
Lorsqu'en 1517 l'Égypte fut tombée
entre les mains des Turcs, les Mameloucks
possédèrent encore beaucoup
d'autorité, et chaque pacha fut un tyran et
un étranger : Pendant le cours de tous
ces siècles, toute tentative de
délivrance a échoué, et on a
vainement essayé de placer sur le
trône un prince originaire du pays
d'Égypte.
Nous allons laisser parler Volney et Gibbon ;
leurs témoignages réunis viendront
à l'appui de ces faits, qui du reste sont
assez communs dans l'histoire du monde ; les
incrédules ne sauraient rejeter
l'autorité d'hommes qui certes ne
cherchaient pas à établir la
vérité du christianisme sur des bases
larges et solides.
« Tel est, dit Volney, l'état de
l'Égypte. Enlevée depuis 23
siècles à ses propriétaires
naturels, elle a vu successivement s'établir
dans son sein des Perses, des Macédoniens,
des Romains, des Grecs, des Arabes, des
Géorgiens, et enfin cette race de Tartares
connue sous le nom de Turcs
Ottomans.
Les Mameloucks, achetés comme esclaves et
introduits comme soldats, usurpèrent
bientôt le pouvoir et s'élurent un
chef. Si leur premier établissement fut un
fait singulier, leur perpétuation en est un
autre qui n'en est pas moins bizarre ; ils se
sont régénérés par des
esclaves transportés de leur pays
originel.
Leur système d'oppression est
méthodique. Tout ce que le voyageur voit et
entend lui rappelle qu'il est dans une terre
d'esclavage et de tyrannie
(21). »
« Il serait impossible d'imaginer une
forme de gouvernement plus absurde que celle qui
condamne les naturels originaires d'un pays
à une servitude perpétuelle sous une
domination arbitraire d'étrangers et
d'esclaves. Cependant tel a été
l'état de l'Égypte depuis 500
ans.
Les sultans les plus illustres des dynasties
baharite et borgite sortaient des rangs des
esclaves tartares et circassiens, et les 24 beys ou
commandants militaires ont toujours eu pour
successeurs non leurs fils, mais leurs esclaves
(22). »
Voilà les paroles de Volney et de
Gibbon ; voyons quelle est la
prédiction des prophètes ?
« Je désolerai le pays et tout ce
qui y est par la puissance des
étrangers ; moi, l'Éternel, j'ai
parlé. Il n'y aura plus de prince du pays
d'Égypte. »
Et elle ajoute encore :
« Il sera le plus bas des royaumes. Ils
seront un royaume abaissé. »
Après un intervalle de 2,400 ans, un
incrédule, mais témoin oculaire des
faits, en parlant de ce pays, le décrit
ainsi : « En Égypte il n'y a
ni classe moyenne, ni noblesse, ni clergé,
ni négociants, ni propriétaires de
terres. L'étranger qui arrive est
frappé d'un aspect général de
ruine et de misère ; tout ce que l'on
voit, tout ce que l'on entend annonce que
l'on est dans le pays de
l'esclavage et de la tyrannie ; c'est
l'ignorance profonde de la nation qui, aveuglant
les esprits sur les causes de ces maux et sur leurs
remèdes, les aveugle aussi sur les moyens
d'y remédier ; cette ignorance
répandue dans toutes les classes
étend ses effets sur tous les genres de
connaissances morales et physiques. On ne parle que
de troubles civils, que de misère publique,
que d'extorsion d'argent, que de bastonnades et de
meurtres. La justice même verse le sang sans
formalité »
D'autres voyageurs encore parlent de la profonde
dégradation morale du peuple égyptien
et de sa complète corruption. On ne trouve
plus que des cabanes et des huttes au milieu des
ruines des palais et des temples. Toute
l'Égypte est environnée des
territoires des Turcs et des Arabes, et la
prophétie qui annonce sa désolation a
été littéralement
accomplie : « Ils seront
désolés parmi des pays
désolés. Et ses villes seront
désertes au milieu des villes
désertes. »
Le système d'oppression, de spoliation et de
rapine qui règne depuis si longtemps, et le
prix que doit payer à la Porte, à son
avènement, chaque pacha, ont
également contribué à
« désoler le pays » et
tout « ce qui y est ; » et
c'est ainsi que s'est littéralement
accomplie la prophétie : « Le
pays sera désolé par la puissance des
étrangers, et je le livrerai entre les mains
des gens méchants. »
Où trouver des paroles plus claires et plus
précises ? quels
événements semblaient moins probables
ou moins possibles que ceux que les
prophètes annonçaient en ces
termes ? La longue suite des rois
d'Égypte avait conservé sa puissance
sans interruption depuis les premiers âges
du monde, et cependant la
prophétie annonce sa fin. La tentative faite
par les incrédules pour prouver
d'après les chroniques des rois
d'Égypte, et d'après la durée
de leurs règnes, que ce pays existait comme
royaume avant l'époque que Moïse
assigne au déluge, ne sert qu'à
relever la nature extraordinaire de ces
prédictions.
Le fait même que depuis 2000 ans
l'Égypte n'avait jamais été
sans roi, semblait devoir rendre impossible
l'accomplissement de la prophétie, et
l'expérience de 2000 ans n'a servi
qu'à la vérifier. Quoiqu'elle se
fût souvent rendue maîtresse de la
Judée et des contrées adjacentes,
cependant les prophètes juifs
n'hésitèrent pas à
déclarer que « le sceptre s'en
irait d'entre ses mains, » et que le pays
des rois (titre que lui avait mérité
la longue suite non interrompue de ses monarques)
n'aurait « plus de prince qui fût
de son pays, » et qu'elle serait
désolée à son tour par la
puissance des étrangers.
Ils prédirent qu'elle serait
abaissée, le plus bas des royaumes ;
qu'elle serait désolée au milieu de
la désolation, et qu'elle ne
s'élèverait plus au milieu des
nations.
Ils parlèrent de sa bassesse, de sa
dégradation complète, quoique son
état actuel ne ressemble pas plus à
sa grandeur primitive que les cabanes et les huttes
de ses habitants d'aujourd'hui ne ressemblent
à ses palais et à ses pyramides. De
telles prophéties accomplies d'une
manière aussi remarquable ne prouvent-elles
pas bien clairement qu'elles n'étaient
qu'une révélation faite par Celui qui
gouverne l'univers ?
En passant en revue les prophéties relatives
à Babylone, à Ninive, à Tyr,
à l'Égypte, comment ne pas
reconnaître comme un fait certain que le sort
de toutes ces villes et de toutes ces
contrées démontre la
vérité des
prophéties ?
Comment ne pas reconnaître que toutes ces
prophéties ainsi
confirmées par les événements
fournissent la preuve la plus décisive de la
divinité de la religion
chrétienne ? - Toutes ces
désolations furent l'oeuvre des
hommes ; les ennemis du christianisme en
furent les instruments, et elles auraient
également eu lieu, quand même la
parole des prophètes ne les eût pas
annoncées.
C'est la prédiction de ces faits, avec tant
de circonstances et de détails hors de la
portée de toute prévoyance humaine,
qui est et qui ne peut être que la parole de
Dieu. Et la ruine des empires, tout en
démontrant la vérité de ces
prophéties, devient par-là une
confirmation miraculeuse et une preuve de
l'inspiration des Écritures.
Par quelle fatalité se fait-il donc que les
infidèles, comme s'ils eussent voulu mettre
en évidence la faiblesse de leur cause,
aient choisi pour leur champ de bataille ces
contrées même où ils auraient
pu lire à chaque pas l'accomplissement des
oracles sacrés ? Car plus ces ruines
sont grandes, plus elles confirment la
vérité des Écritures ; et
ce n'est pas sur cette forteresse de la foi que les
incrédules peuvent arborer leur
bannière.
Parmi les faits rapportés par Volney, il
n'en est pas un seul qui ne soit une protestation
contre son système ; il se condamne de
sa propre bouche. Est-il un aveuglement plus
déplorable que celui d'un auteur qui,
dédaignant ou feignant d'oublier ces
prophéties, essaie de tirer ses arguments
contre le christianisme des faits mêmes qui
en attestent l'accomplissement et en
établissent ainsi la divine
autorité ? Quelle évidence
serait plus claire et plus décisive que
celle qui ressort d'un examen
détaillé des prédictions et de
leur parfait accomplissement ?
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