Après avoir retracé en peu de mots la création du monde antédiluvien
et la dispersion du genre humain après le déluge, l'Ancien-Testament
passe à l'histoire des Hébreux, embrassant un espace de quinze cents
ans depuis les jours d'Abraham jusqu'à l'ère des derniers prophètes.
Ainsi la partie historique des Écritures nous offre l'histoire du
monde à partir de son origine, et les prophètes nous donnent une vue
anticipée des événements à venir, qui nous conduit jusqu'à sa fin. Et
une chose bien digne de remarque, c'est que l'histoire profane ne
devient claire et authentique que vers l'époque même où se termine
l'histoire sacrée, et où commencent à s'accomplir ces prophéties qui
se rapportent à plusieurs nations autres que les Juifs.
Ninive, capitale de l'empire d'Assyrie, fut pendant une longue suite
de siècles une grande et populeuse cité ; ses
murailles, selon quelques historiens profanes, avaient 100 pieds de
haut et 60,000 de circuit ; elles étaient flanquées de 1,500
tours, dont chacune avait 200 pieds d'élévation. Il paraît que,
quoiqu'elle fût le sujet de quelques-unes des premières prophéties, et
quoique ce fût elle qui subit la première le sort prédit, cependant un
historien profane, en racontant sa prise et sa destruction, fait de
fréquentes allusions à une ancienne prophétie qui y avait rapport.
Diodore de Sicile rapporte que le roi d'Assyrie, après la défaite de
son armée, se confia en une vieille prédiction qui disait que Ninive
ne serait prise que lorsque la rivière deviendrait l'ennemi de la
ville (1), et qu'après un siège
inutile de deux ans la rivière, grossie par des pluies continuelles,
inonda la ville, renversa une partie de la muraille et ouvrit un
chemin à l'ennemi, et qu'alors le roi, désespéré et ne doutant plus de
l'accomplissement de la prédiction, fit élever un immense bûcher, y
mit le feu ainsi qu'à son palais, et fut consumé, lui, toute sa maison
et toutes ses richesses (2).
Le livre de Nahum contenait des prophéties très claires
relatives à la destruction de Ninive, et il y est écrit :
« Les portes des fleuves sont ouvertes, et le palais s'est
fondu. » - « Ninive a été comme un vivier d'eau. » -
« Il s'en va passer comme un débordement d'eau, il réduira son
lieu à néant (3). »
Le même historien rapporte encore des faits qui prouvent l'entier
accomplissement des autres paroles du prophète. Il raconte que le roi
d'Assyrie, orgueilleux de ses précédentes victoires, et ignorant la
révolte des Bactriens, s'était abandonné à la plus honteuse inertie,
qu'il avait ordonné une réjouissance publique, et qu'il avait fait
distribuer aux soldats du vin en grande abondance ; que, pendant
la fête même, le général ennemi,
averti par des déserteurs, attaqua à l'improviste l'armée des
Assyriens qui, ayant bu avec excès, ne furent plus en état de se
défendre ; il fit passer la plupart d'entre eux au fil de l'épée,
et força les autres à se réfugier dans la ville (4).
Que dit encore le prophète ? « Étant entortillés comme des
épines, et ivres comme des gens ivres, ils seront entièrement consumés
comme la paille sèche (5). »
Le prophète promet aussi une grande dépouille à l'ennemi :
« Pillez l'argent, « pillez l'or, car il y a un luxe sans
bornes, magnifique en tous meubles précieux (6). »
Et l'historien assure qu'une quantité prodigieuse d'or et d'argent fut
emportée à Ecbatane (7).
Selon Nahum, la ville devait être réduite en partie par l'eau, et en
partie par le feu (8), et Diodore
rapporte qu'il en fut ainsi.
L'entière destruction et la désolation perpétuelle de Ninive avaient
été prédites. « L'Éternel réduira son lieu à néant ; la
détresse n'y retournera pas une seconde fois, qu'elle soit toute vidée
et revidée, même tout épuisée. » - « Il étendra aussi sa
main sur l'Aquilon, et il détruira l'Assyrie, et mettra Ninive en
désolation, en un lieu aride comme un désert. » - « Comment
a-t-elle été réduite en désert pour être le gîte des bêtes (9) ? »
Au second siècle, Lucien, originaire d'une des villes au bord de
l'Euphrate, assure que Ninive avait entièrement disparu, qu'il n'en
restait aucun vestige, et que personne n'en pouvait indiquer l'ancien
site. Ce témoignage rendu par Lucien et l'intervalle de plusieurs
siècles, pendant lesquels on ne sut pas même quelle avait été la
position de Ninive, nous font un peu douter si les ruines d'une
ancienne capitale, vis-à-vis de Mosul, sont bien,
comme le pensent des voyageurs modernes, les ruines de Ninive.
Probablement elles sont les restes de la ville qui succéda à Ninive,
ou ceux d'une ville persanne du même nom, que les Persans bâtirent sur
les bords du Tigre, 230 ans après le commencement de l'ère chrétienne,
et que les Sarrazins démolirent en 632 (10).
Le prophète Nahum, en comparant l'opulence et la splendeur de Ninive,
à son époque, avec la ruine qui devait inévitablement fondre sur elle,
parle ainsi :
« Qu'on s'amasse comme les grillons ; amasse-toi comme les
sauterelles. Tu as multiplié tes négociants en plus grand nombre que
les étoiles des cieux ; les grillons s'étant répandus ont tout
ravagé, et ils se sont envolés. Tes princes sont comme des
sauterelles, et tes capitaines comme de grandes sauterelles qui
campent dans les haies au temps de la fraîcheur, et qui, lorsque le
soleil est levé, s'écartent, de sorte qu'on ne connaît plus le lieu où
elles ont été (11).
Soit que ces paroles signifient que le site même de Ninive serait
inconnu ou incertain, soit qu'elles veuillent prédire que chaque
vestige des palais de ses monarques, de la grandeur de ses princes et
de l'opulence de ses négociants disparaîtrait entièrement, la vérité
de la prédiction, dans les deux interprétations, ne peut être
contestée ; l'ignorance que l'on avoue hautement par rapport à ce
qui regarde Ninive, et l'oubli dans lequel elle est restée pendant
bien des siècles, joints à la pauvreté des renseignements que l'on a
pu obtenir, nous font bien voir que son emplacement même a été
longtemps inconnu, et que maintenant on peut à peine le distinguer.
« Où sont-ils ces remparts de Ninive, dit
Volney, Ninive dont le nom seul subsiste à peine ? Que dit-on du
seul endroit qui porte encore son nom, ou qui puisse être considéré
comme son ancien site ? Que dit-on de tout ce qui reste d'une des
plus grandes capitales du monde, de la riche métropole de l'Assyrie (12) ? »
Les principaux monceaux qui subsistent encore ne ressemblent ni à des
briques, ni à des pierres ; mais en beaucoup d'endroits ils sont
recouverts d'herbes, et offrent le même aspect que les restes de
retranchements et de fortifications des camps romains. On rencontre de
ces ouvrages et de ces ruines sur une étendue de dix milles ; on
les prendrait pour les débris d'anciens édifices (13).
Ainsi on ne découvre aucun monument royal, aucune
trace de l'antique splendeur des souverains de Ninive ; on ne
sait pas même où pouvaient être ces édifices ; c'est une
destruction, une désolation totale.
« Elle a été vidée, revidée ; et même épuisée ; »
les ruines même ont péri. Telle a été sa complète désolation, et telle
est la vérité de la parole de notre Dieu (14).
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