Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PRÉFACE

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L'ouvrage de M. le docteur Keith sur les Prophéties est déjà connu en France par un abrégé dont on a publié trois éditions en peu d'années (1). Ce petit volume a été accueilli de la manière la plus favorable, et nous aimons à penser qu'il n'a pas été sans quelque utilité ; cependant l'extrême importance du sujet, l'étendue et la variété des recherches du pieux et savant auteur, et le grand nombre de faits intéressants qu'il a recueillis, n'ont pu être que très imparfaitement présentés dans de si étroites limites.

En publiant aujourd'hui l'ouvrage entier, nous croyons faire une chose agréable à ceux qui désirent s'enquérir avec plus de soin et de détail des événements qui ont servi à l'accomplissement littéral des prophéties, et qui veulent étudier dans leurs rapports mutuels les livres de l'Écriture-Sainte et l'histoire du gouvernement de Dieu. Nous sommes persuadés aussi que cette traduction complète sera bien accueillie par beaucoup de chrétiens qui se féliciteront de pouvoir mettre entre les mains des hommes qui se livrent à la recherche de la vérité, de ceux qui sont encore indécis, et de ceux mêmes qui se montrent plus ou moins hostiles au christianisme, quelques-unes des preuves les plus frappantes de sa divine origine. Non seulement ils regarderont cet excellent ouvrage comme une bonne acquisition pour eux-mêmes, mais encore ils en favoriseront la circulation de tout leur pouvoir.

Un fait qui en dit plus que tous les éloges, sur la haute opinion qu'on a en Angleterre du livre de M. le docteur Keith, c'est qu'il est déjà arrivé à sa seizième édition, et qu'il s'en est vendu dans ce pays plus de quarante milles exemplaires, indépendamment de plusieurs éditions tirées à grand nombre, qu'on a publié aux États-Unis.
L'édition abrégée a en outre été imprimée, non seulement en anglais et en français, mais aussi en allemand et en italien.

La traduction complète que nous en publions aujourd'hui a été faite sur la quinzième édition de l'ouvrage original. Ce volume est enrichi d'un assez grand nombre de planches. M. Léon de Laborde a bien voulu permettre à l'éditeur de faire copier plusieurs de celles que renferme son utile et magnifique ouvrage sur l'Arabie-Pétrée. Elles aideront beaucoup à comprendre les descriptions de cette contrée, dont les prophètes ont prédit ce que, de nos jours, les voyageurs en racontent.

Nous croyons pouvoir appliquer à cette traduction les premières lignes de la préface que le modeste auteur a mise en tête de la première édition de son livre : « Nous offrons ces pages au public, dans l'espérance que peut-être elles ne seront pas sans produire quelque bien. »

M. W.


Ouadi Moussa PETRA




INTRODUCTION.


Il n'est point de sujet d'étude plus important pour le chrétien, pour l'incrédule lui-même, qu'une recherche sincère des preuves du christianisme. En effet, si l'incrédule est de bonne foi, s'il n'a d'autre but que la connaissance de la vérité, comment pourrait-il contester l'obligation où il est d'examiner à fond les prétentions du christianisme à une origine divine ?

Comment pourrait-il se complaire, se reposer tranquillement dans son incrédulité, sans courir le danger de la plus fatale de toutes les erreurs, s'il n'a pas auparavant pesé les arguments que l'on produit en faveur de cette religion qu'il repousse ?

Fournir la preuve d'une proposition négative est, on le sait, chose difficile ; et cette preuve n'est. d'ailleurs admissible en aucun cas, si avant tout on n'a complètement anéanti les preuves de la proposition affirmative.
C'est donc ce qu'on est tenu de faire avant d'entreprendre de prouver la fausseté du christianisme. Sans ce premier examen, et si l'on n'y a apporté tout le soin et toute la bonne foi qu'il exige, rien ne garantit que toutes les assertions gratuites, toutes les inductions d'analogie, tous les raisonnements hypothétiques qui paraissent militer contre la vérité de la religion ne soient complètement erronés ; et quand même ils tendraient à exciter quelques doutes passagers, toujours est-il qu'ils ne peuvent justifier une incrédulité arrêtée. Unis à une vue fausse et bornée de la nature réelle de la religion chrétienne, ils peuvent opérer une sorte de conviction ; mais cette conviction n'est ni conséquente ni rationnelle : ce n'est qu'une application vicieuse de ce qu'on appelle la liberté de penser.

Le christianisme, loin de décliner l'autorité de la raison, ne demande qu'à lui soumettre ses doctrines ; il sollicite, il commande la critique la plus sévère, et si l'incrédule est fidèle à ses propres principes, cette critique devient pour lui un devoir auquel il ne peut se soustraire ; s'il se sent ferme dans son incrédulité, pourquoi reculerait-il devant la nécessité de cet examen ? Si la vérité est son but, pourquoi repousserait-il les moyens d'y arriver ?
Ce défi, la religion ne craint pas de le porter à ses adversaires ; quiconque le refuse ou cherche à l'esquiver ne peut se donner ni pour un champion de l'incrédulité, ni pour un ami de la vérité et de la sagesse.

Quant au chrétien, ce sujet n'a pour lui ni moins d'importance ni moins d'intérêt. L'apathie qui se remarque aujourd'hui chez tant de chrétiens de nom est souvent mise en parallèle avec le zèle et la ferveur de ceux qui les premiers se soumirent à la foi.
L'influence morale de la religion chrétienne n'est ni ce qu'elle a été ni ce qu'elle devrait être. À quoi attribuer cette différence dans les dispositions de ceux qui en font profession, si ce n'est, en grande partie, à une impression plus faible, à une conviction moins vive de sa vérité ?

Les premiers convertis, ceux qui avaient été témoins des miracles du Seigneur et de ses apôtres, qui avaient entendu de leurs bouches mêmes les doctrines divines, ceux aussi qui en avaient reçu la tradition immédiate des premiers, et qui pouvaient comparer eux-mêmes les ténèbres morales dont ils sortaient avec la lumière merveilleuse de l'Évangile, fondaient leur foi sur l'évidence ; ils sentaient en eux la plus ferme conviction de la vérité ; leurs ennemis mêmes rendaient témoignage à leurs vertus ; ils vivaient et mouraient dans cette espérance de l'immortalité, dans cette certitude d'une vie future que leur inspirait la nouvelle religion.

Entre cet état de choses et ce qui se passe aujourd'hui sous nos yeux, la différence n'est malheureusement que trop frappante. En général, la manière dont vivent ceux qui se disent chrétiens, non seulement a cessé d'être une confirmation de la vérité du christianisme, mais encore fournit des armes aux incrédules qui l'attaquent.
La religion et la nature humaine ne sont pas autres qu'elles n'étaient quand, pour la première fois, des hommes prirent le titre de chrétiens, et dans un temps où ceux qui croyaient en Christ ne déshonoraient pas son nom ; mais alors on avait bien plus qu'une croyance passive, bien plus qu'une croyance indifférente à tout examen ; on savait en qui l'on croyait, on sentait le pouvoir vivifiant de chacune des vérités dont on faisait profession.
La même cause produirait encore aujourd'hui les mêmes effets ; de la même foi, établie sur la raison et sur la conviction, résulteraient encore la même paix, la même joie et tous les autres fruits qui l'accompagnent. Employer tous les moyens propres à effacer cette distinction entre une foi purement extérieure et une foi réelle, c'est là un devoir pour tous ceux qui font profession de croire à l'Évangile ; ils doivent chercher, examiner, « éprouver toutes choses et se tenir à ce qui est bon, » et, selon l'avis de Pierre l'apôtre, « être toujours prêts à répondre à tous ceux qui leur demandent raison de l'espérance qu'ils ont. »

Pour le chrétien sincère, ce doit toujours être un objet de la plus haute importance que d'approfondir les motifs de ses saintes espérances ; plus il les étudiera, plus il s'affermira dans sa croyance. L'instruction est le fruit des efforts de l'esprit, l'aliment et le festin de l'âme.
Dans tout ce qui tend à l'instruction, plus la matière des recherches auxquelles on se livre est d'un ordre élevé, plus l'intérêt doit être profond, plus on doit apporter d'ardeur dans ses investigations, plus enfin la vérité qu'on découvre doit sembler d'un prix infini.
Donc un genre d'instruction qui se rapporte immédiatement à l'intérêt de notre âme, qui tend à rehausser notre nature morale, à agrandir la sphère des idées religieuses de l'homme, qui appartient à l'éternité ; une instruction qui ne conduit pas seulement à la contemplation des oeuvres du grand Architecte de l'univers, mais qui conduit aussi à la découverte d'une révélation irréfragable de sa volonté et des moyens de lui plaire, ah ! sans doute, c'est là « un trésor qu'un homme a trouvé dans un champ, et qui vend tout ce qu'il a pour s'en rendre maître. »

Oui, c'est un véritable délice que de voir tous les doutes s'évanouir devant la démonstration positive de la vérité du christianisme ; de sentir au-dedans de soi cette conviction de sa certitude qu'il n'est pas au pouvoir de l'incrédulité d'inspirer à ses adeptes ; et d'embrasser, par rapport à la foi, cette assurance qui, tant pour les espérances qui l'accompagnent que pour les preuves sur lesquelles elle s'appuie, est si supérieure à l'inquiétude continuelle et aux doutes désolants de l'incrédulité. Loin d'être un pur préjugé de l'éducation, que la plus légère attaque peut affaiblir, la croyance ainsi fondée sur la raison est désormais fixe et inébranlable ; tous les sarcasmes des railleurs, toutes les objections des incrédules glissent alors sur l'âme ; ils l'effleurent à peine, ils y laissent aussi peu de trace que l'écume de la vague sur le rocher qui brise son impuissant courroux.

En offrant au lecteur quelques remarques préliminaires avant d'aborder plus particulièrement le sujet des prophéties, on ne saurait dire que peu de chose sur l'évidence si étendue et si variée de la divinité du christianisme. Nous serions fâchés que l'on put croire qu'en faisant choix d'une portion quelconque de cette évidence, nous voulussions affaiblir en rien le reste.
Les moyens d'une conviction positive sont très abondants : Newton, Bacon, et Locke, qui sont tous arrivés au plus haut degré de certitude dans la science humaine, et qui y sont tous arrivés par des routes jusqu'alors inconnues, ont pu trouver dans le christianisme de quoi satisfaire complètement aux besoins de leur intelligence.

Il est impossible de rendre l'évidence intérieure plus forte. Dans les Actes des Apôtres on trouve à chaque pas des coïncidences qui, n'ayant point été préparées à dessein, deviennent autant de preuves de l'authenticité des faits que ce livre raconte. Est-on jamais parvenu à enseigner une morale plus pure, des préceptes plus saints, à offrir des motifs plus puissants que ceux que l'Évangile propose au coeur de l'homme ? A-t-il jamais paru un système de religion qui lui soit comparable ? Pourrait-on même en concevoir un qui fût mieux adapté aux besoins et à la nature d'un être déchu et coupable, et qui cependant est doué d'une raison et de facultés qui le rendent capable de comprendre et d'embrasser une religion divine ? Ensuite les miracles que l'Évangile raconte sont de nature à exclure toute idée de fraude ou d'artifice : faits en présence d'une multitude de personnes, ils prouvaient en même temps la compassion d'un Sauveur et la puissance d'un Dieu ; il était impossible que les disciples du Christ fussent trompés : eux-mêmes ils reçurent le don des langues, le don de prophétie, et le pouvoir d'opérer des miracles ; toute leur carrière fut consacrée à la propagation du christianisme, quoiqu'en opposition à tous leurs intérêts humains ; et malgré toutes les souffrances auxquelles leurs efforts les exposaient, la religion chrétienne se répandit avec rapidité sur toute la surface de l'empire romain et même au-delà de ses limites.
Nous possédons encore le témoignage écrit de plusieurs de ceux qui, d'abord prosélytes de ces doctrines, devinrent plus tard les martyrs de leur foi ; et les ennemis les plus acharnés de l'Évangile, obligés d'admettre l'existence des miracles, pour être d'accord avec eux-mêmes, les attribuent à l'influence des esprits malins. Cependant on méprise toutes ces preuves ; on les rejette parce que des siècles se sont écoulés, et parce que leur témoignage vient à l'appui de faits miraculeux. Il est vrai que l'on a répondu à toutes ces objections générales faites contre le christianisme ; toutefois, on peut encore les citer comme servant de confirmation aux preuves fournies par l'accomplissement des prophéties.

L'accomplissement des paroles prophétiques offre cette évidence que les ennemis du christianisme demandent ; évidence qui s'applique au temps présent, qui ne dépend du témoignage de personne, qui est à la portée de tout esprit sérieux ou investigateur. Les événements passés, présents, futurs, se réunissent pour attester sa vérité ; chaque siècle semble lui apporter le tribut de son éclatant témoignage et ne servir qu'à l'asseoir sur des bases plus larges et plus solides.

Ainsi, en même temps que l'on résistait à la force de l'évidence intérieure du christianisme et que l'on rejetait une conviction fondée sur la foi aux miracles, on laissait de côté, et même sans examen, les prophéties, comme étant d'une nature trop vague pour pouvoir trouver leur application soit à l'histoire ancienne, soit à l'histoire moderne. Pourtant un rapide coup d'oeil jeté sur les prophéties de l'Ancien et du Nouveau Testament suffira tout d'abord pour réfuter cette conclusion tirée avec tant de légèreté.
Vues à part, quelques-unes des prophéties peuvent, il est vrai, paraître obscures ; mais dès qu'on les envisage toutes comme un ensemble, le lecteur le plus indifférent ne peut qu'être frappé de l'harmonie qui existe entre elles, et de leur complète adaptation aux faits qu'elles annoncent ; et il lui faudra bientôt reconnaître qu'elles portent l'empreinte de l'Esprit divin qui les a dictées.

Plusieurs prophéties sont aussi positives et aussi directes qu'il est possible de l'être. En sorte que, si l'histoire rend témoignage de leur accomplissement, de leur côté, elles viennent souvent lui servir de commentaire, comme nous le verrons dans la suite de cet ouvrage.
Si la partie prophétique des Écritures qui se rapporte aux commencements et aux chutes des empires avait été plus claire qu'elle ne l'est, on aurait pu craindre son influence sur le libre arbitre de l'homme ; elle serait ainsi devenue un instrument entre les mains des gens pervers, tandis que les peuples n'auraient vu dans les prédictions qu'elle renferme qu'une simple communication des événements futurs. Au lieu donc de servir d'appui au christianisme, les prophéties, par l'unité qu'elles auraient donnée aux efforts des chrétiens, auraient été regardées comme la cause même de l'accomplissement des faits qu'elle annonçaient. L'incrédule aurait possédé par cela même une arme puissante contre le christianisme.

Ce n'est donc que dans des cas où un pareil abus est impossible, ou bien dans ceux où les agents de l'accomplissement de la prédiction doivent en ignorer l'existence, que le prophète emploie un langage aussi clair et aussi positif que celui de l'historien. Partout où la connaissance des événements futurs aurait pu être préjudiciable à la paix et au bonheur du monde, la prophétie prend la forme d'une allégorie, qui ne saurait être expliquée que par son accomplissement ; ce n'est qu'alors que l'on parvient à saisir toutes les nuances, tous les points lumineux, toutes les ombres du tableau.
Il est donc nécessaire que dans bien des occasions la prophétie soit d'abord entourée de mystère et de ténèbres, tout en portant en elle-même la lumière qui doit tôt ou tard dissiper tous les doutes ; et de même que la prophétie ne saurait devenir une évidence de la divinité du christianisme avant que l'événement en ait prouvé l'accomplissement, de même elle peut rester obscure jusqu'à ce que l'histoire en devienne l'interprète, et même jusqu'à ce que toutes les prédictions qui s'y rattachent aient été également accomplies.

Nous nous contenterons, dans les pages suivantes, de réfuter l'objection générale et presque la seule que l'on avance contre l'évidence fournie par les prophéties, savoir qu'elles sont vagues et d'un sens ambigu. Nous ne saurions mieux y répondre qu'en présentant au lecteur une simple analyse des prédictions si précises, si nombreuses, qui ont déjà reçu un accomplissement littéral.

Peu de mots suffiraient pour exposer la nature de l'évidence fournie par les prophéties. On ne saurait nier que leur origine ne soit divine. Elles équivalent à un miracle puisqu'elles sont en elles-mêmes miraculeuses. L'un des attributs les plus incompréhensibles de la Divinité consiste dans sa connaissance des actions futures d'êtres libres et intelligents ; cet attribut est exclusivement une perfection divine.
Le passé, le présent, l'avenir, sont également visibles pour l'oeil de Dieu ; sa vue seule peut les sonder, et on ne trouverait nulle part une preuve plus frappante de l'intervention du Très-Haut que celles que fournissent les prophéties.
Aucun attribut de la nature divine n'a autant confondu toutes les conceptions humaines que celui de sa prescience ; et c'est cette perfection même que Dieu a fait connaître à l'homme lorsqu'il lui a révélé ce qu'un être infini pouvait seul concevoir.
Comment refuser de voir dans cette révélation le cachet de sa vérité, cachet qu'aucun mortel ne saurait imprimer ni à ses propres oeuvres ni aux oeuvres divines ? Il s'agit donc d'examiner si cette évidence existe, et, si on le prouve, alors il faut admettre l'action d'une puissance surhumaine. La vérité de ce qu'elle avance ne saurait plus être révoquée en doute. Si l'on peut prouver que les prophéties sont véritables, si elles sont de nature à exclure toute participation de l'esprit humain, si les événements qu'elles ont prédits, des centaines et des milliers d'années avant leur accomplissement, font partie maintenant de l'histoire des nations, si l'histoire elle-même est d'accord avec les prédictions, alors l'évidence fournie par les prophéties doit être un miracle permanent pour les hommes de tous les siècles ; et si ces mêmes hommes ne veulent pas croire à Moïse et aux prophètes, « ils ne seraient pas non plus persuadés quand même quelqu'un des morts ressusciterait ; » car si quelqu'un ressuscitait d'entre les morts, il faudrait prouver le fait avant d'en admettre la conviction ; et si l'esprit est convaincu de la vérité des prophéties, le résultat, dans les deux cas, sera le même.
La voix de la toute-puissance pourrait seule faire sortir un mort du tombeau ; la voix de la toute-puissance pouvait seule révéler tout ce qui était caché dans un avenir plus impénétrable à l'oeil de l'homme que les secrets de la tombe. Cette voix toute-puissante ne peut être que celle de Dieu !

Il y a d'abondantes preuves de l'antiquité des Écritures. Les livres de l'Ancien Testament ne sont pas comme d'autres écrits, des efforts isolés du génie et des recherches individuelles, ni même de simples sujets d'amusement ou d'instruction. Ils formaient une partie essentielle de la constitution de la nation juive. Le caractère particulier de ce peuple provenait en grande partie de la possession de ces écrits ; ils renfermaient son code civil et moral, son histoire aussi bien que les prophéties, dont ils étaient les dépositaires et les conservateurs. Les Juifs regardaient ces écrits comme d'origine divine, et c'est à ce titre qu'ils furent publiés et conservés. Il y a déjà dix-huit siècles que leur antiquité a été reconnue (2). On les traduisit en grec 250 ans avant l'ère chrétienne, et l'on en faisait une lecture publique, chaque jour de sabbat, dans les synagogues.
Les livres les plus anciens étaient regardés comme divinement inspirés par les Samaritains qui, malgré leur inimitié contre les Juifs, les firent conserver dans leur langue particulière. Aucun écrit humain n'a été gardé avec un soin aussi scrupuleux, et on a veillé avec exactitude à ce que ces livres ne subissent aucune altération (3). Les arguments ne reposent plus ici sur le témoignage des chrétiens ; car ce sont les ennemis du christianisme qui viennent confirmer ces titres à l'authenticité et fournir des évidences à notre foi.
La langue même dans laquelle les livres de l'Ancien Testament avaient été écrits n'était plus en usage lors de la venue du Christ. Il serait impossible d'avancer des preuves plus fortes en faveur de leur antiquité, que celles dont la vérité est inattaquable. Si on les rejette, alors il faut également rejeter l'authenticité de l'histoire ancienne tout entière.

L'état actuel du monde prouve à lui seul que les prédictions ont été faites longtemps avant les événements qu'elles annonçaient ; il en reste même encore plusieurs à accomplir. Mais, indépendamment de ce témoignage extérieur, les prophéties portent en elles-mêmes l'empreinte de l'antiquité et de la véracité. Quelquefois une longue suite de prophètes prédisent le même événement ; parfois une prophétie relative à une ville ou à une nation ne s'accomplit que lentement, graduellement, de manière à ne faire connaître que par degrés la vérité de la prédiction.
En général, les prophéties sont une partie si importante de l'histoire juive, elles ne s'appliquent que d'une manière si secondaire aux autres nations, leur but est si souvent caché à celui même qui est l'organe de leur communication, elles conservent partout un caractère si uniforme tout en employant une si grande variété de dessin et de style, elles sont si éloignées d'adopter aucune formule arrêtée, et elles sont parfois tellement ensevelies sous les types et les symboles, elles se lient en apparence si peu entre elles, qu'il suffit de les examiner pour se convaincre qu'il n'y a aucune fraude dans la manière dont elles ont été annoncées. Si elles n'étaient que des inventions et des rêveries de l'homme, rien ne serait plus facile que d'en découvrir l'artifice ; si elles ne le sont pas, alors il est impossible qu'elles soient autre chose qu'une conception divine.

Ainsi donc, si l'on ne peut prouver que les prophéties soient des écrits humains, n'ayant aucun titre à l'inspiration, ne pouvant supporter un examen approfondi, et n'ayant véritablement aucun rapport à l'avenir, il faut nécessairement admettre comme unique alternative que ces prédictions, renfermant des détails si minutieux et une représentation si exacte d'événements encore éloignés, ne peuvent être que l'oeuvre de celui qui connaît « la fin dès le commencement, » et que c'est lui qui a bien voulu les révéler à l'homme.
Ah ! il faut que celui-là ait volontairement endurci son coeur et aveuglé ses yeux, qui ne trouve pas dans ces écrits tous les caractères de la vérité, et qui ne voit pas briller sur chaque page la lumière du ciel !

Remarquons encore ici que, dans bien des circonstances particulières, les prophètes, pour justifier aux yeux de leurs contemporains leurs prétentions à l'inspiration, s'en référaient à des événements prochains, qu'ils prenaient comme symboles ou comme représentations de quelque événement plus éloigné et plus important. C'était ainsi que, dans leur siècle même, ils se faisaient distinguer des faux prophètes et qu'ils semblaient prouver leur droit de soulever d'une main hardie le voile qui couvrait l'avenir du genre humain ; alors ils annonçaient avec autorité la venue d'un puissant Rédempteur, ils déclaraient la chute et la désolation des nations et des villes encore au faîte de leur grandeur, et toutes leurs prédictions étaient de nature à être réalisées ou démenties par les siècles futurs.

La religion mérite un candide examen, et c'est tout ce qu'elle demande. L'accomplissement des prophéties forme un anneau dans la chaîne des preuves du christianisme ; et chacun doit se demander :
Les prophéties de l'Écriture sont-elles fausses ou sont-elles véritables ?
L'événement a-t-il démontré leur fausseté ?
Ont-elles leur source dans l'imagination de quelque imposteur, ou ont-elles les caractères d'une révélation divine ?

Il suffit d'un examen patient et impartial pour répondre à ces questions. Nous en appelons simplement à la raison, et il ne s'agit ici que d'une foi qui découle naturellement d'une conviction spontanée. Celui qui ne veut pas entreprendre cet examen, celui qui ne veut pas se laisser convaincre, non seulement est d'une complète indifférence pour son propre salut, mais n'a pas même droit au titre dont il s'enorgueillit le plus, celui de franc penseur ; il n'est qu'un hypocrite d'incrédulité, il se refuse à croire la vérité parce qu'elle est la vérité.

On ne peut nier qu'un changement merveilleux ne se soit opéré dans l'état politique et religieux du monde depuis l'époque des prophéties. Un système de religion essentiellement différent de tous ceux qui existaient alors a pris naissance dans la Judée, et s'est répandu dans toutes les parties du monde civilisé. Beaucoup de circonstances remarquables accompagnent son origine et ses progrès. L'histoire de la vie et du caractère de son fondateur, telle qu'elle fut écrite de son temps et reconnue véridique par ses disciples, est tellement sans exemple dans les annales du genre humain qu'elle a souvent obtenu les suffrages et excité l'admiration des incrédules eux-mêmes ; l'un d'entre eux demande s'il est possible que le saint personnage dont les Écritures renferment l'histoire soit simplement un homme, et il reconnaît que l'inventeur de l'Évangile serait plus étonnant que le héros (4) !
Ce Jésus cependant ne possédait aucun pouvoir temporel ; il enseignait toutes les vertus, sa vie était sans tache et parfaite comme sa doctrine, et il mourut de la mort d'un criminel. Sa religion se propagea avec rapidité, et l'on persécuta ses disciples ; mais leur cause ne prévalut pas moins. Sa doctrine se conserva pendant quelque temps dans sa primitive pureté ; et quoique peu à peu la corruption se soit glissée dans ses institutions, cependant le christianisme a amené d'immenses améliorations.
Depuis son établissement le culte des idoles a cessé, les sacrifices ont été abolis, et le sang des victimes humaines ne coule plus. L'esclavage est maintenant inconnu dans tous les états chrétiens de l'Europe. La science s'est répandue ; des nations entières ont été civilisées ; la religion chrétienne a pris un vaste développement ; chaque année elle étend davantage son influence ; et les Juifs, chez qui elle prit naissance, continuent, comme jadis, à ne pas reconnaître sa divine origine.

Quant aux changements politiques et aux révolutions qui se sont effectués dans différents royaumes depuis l'époque des prophéties, il est facile de les constater :

- Jérusalem a été dévastée et détruite par les Romains ;
- la Palestine, autrefois si florissante et si peuplée, ne possède maintenant que peu d'habitants, et ses conquérants l'ont réduite en désolation ;
- les Juifs ont été dispersés parmi les nations, mais ils conservent leur caractère distinctif ;
- l'Egypte, jadis une des plus puissantes nations de la terre, a cessé d'être un royaume ;
- Ninive n'existe plus ;
- Babylone est en ruine ;
- l'empire perse a succédé à l'empire de Babylone ;
- l'empire grec a succédé à celui de Perse,
- Rome à la Grèce ;
- l'ancien empire romain a été partagé en plusieurs royaumes ;
- Rome elle-même est devenue le siège d'un gouvernement bien différent de tous ceux qui jusqu'alors avaient existé dans le monde.
- La doctrine de l'Évangile a été transformée en un système de tyrannie spirituelle et est devenue l'instrument d'un immense pouvoir séculier. L'autorité du pape a été reconnue comme suprême en Europe pendant plusieurs siècles.
- Les infidèles se sont emparés tout-à-coup d'une grande puissance. Ils ont subjugué une partie de. l'Asie et de l'Europe, et la chrétienté même n'a pas été à l'abri de leurs incursions.
- Les Arabes conservent leur caractère guerrier et indépendant, et demeurent en possession des contrées qui leur ont appartenu dès l'origine.
- Les Africains, race faible, sont encore esclaves.
- L'Europe a fondé des colonies en Asie.
- L'empire turc avait acquis une grande extension ; pendant plusieurs siècles sa puissance n'a fait que croître, mais tout-à-coup ses progrès ont été arrêtés, son déclin a commencé, et il semble maintenant près de sa ruine.

Voilà les faits les plus remarquables de l'histoire du monde, depuis le temps des prophètes.
Les prophéties les annoncent tous et chacun en particulier. N'en devons-nous pas hardiment conclure que cette révélation n'a pu être faîte que par le gouverneur suprême de toutes les nations de la terre, et que dans cette révélation nous possédons un témoignage plus qu'humain de la divinité du christianisme ?

Dans l'ouvrage suivant nous avons essayé de rassembler toutes les prophéties clairement énoncées et qui ont reçu un accomplissement littéral ; nous croyons qu'elles suffiront à établir la divinité du christianisme. Ah ! si un seul incrédule se trouve entraîné à faire le premier pas vers un examen approfondi et sincère de la vérité, si un seul esprit voit ses doutes se dissiper, si un seul chrétien se sent fortifié dans ses espérances et dans ses convictions, si un seul coeur abattu puise dans cet écrit un faible rayon de consolation et de joie, si un seul grain est ajouté à la masse d'évidence que la religion de Jésus peut produire en sa faveur, alors, certes, l'auteur de ce petit ouvrage aura reçu sa récompense, il n'aura pas travaillé en vain !


(1) Les deux premières éditions ont paru sous ce titre : Évidence des Prophéties, etc., et la dernière sous celui de Volney attestant : l'accomplissement des Prophéties, etc.

(2) Josèphe, c. Apion

(3) Il y a d'abondantes preuves du soin scrupuleux avec lequel les Juifs conservaient le texte sacré ; ils ont été même jusqu'à compter les grandes et petites sections, les versets, les mots et même les lettres de quelques-uns des livres. Ils ont également trouvé quelle est la lettre qui se trouve au milieu du Pentateuque, quel est le milieu de chaque livre et combien de fois chaque lettre de l'alphabet se trouve dans les livres sacrés des Juifs. Ceci nous prouve bien combien les Juifs tenaient au sens littéral de l'Écriture. (Le Judaïsme moderne, par Allen. - Simon, Hist. crit., 6, 26.)

(4) Rousseau, Emile, liv. IV.
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