Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XIe SIÈCLE.

JEAN XVII

CXLIIle PONTIFE. - EN 1003.

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 Élu le 9 juin 1003, et sacré le 13 du même mois, il mourut le 31 octobre de la même année. Quelques-uns disent qu'il fut très adonné à la débauche, et qu'un mari offensé l'empoisonna. D'autres ajoutent qu'il fut aussi voleur.



JEAN XVIII

CXLIVe PONTIFE DE 1003 A 1009.

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 Il s'appelait Fasana, né à Rome, fils du prêtre Orso et de Stéphanie, et cardinal du titre de Saint-Pierre. Il fut sacré le 26 décembre 1003, et prit le nom de Jean.
À la fin de l'an 1009, il abdiqua le pontificat, et se fit moine dans le monastère de Saint-Paul de Rome, où il mourut le 18 juillet. On dit qu'il avait contribué à la mort de son prédécesseur, et qu'il périt de la peine du talion, en mourant aussi par le poison.



SERGIUS IV

CXLVe PONTIFE. - DE 1009 A 1012.


 Il était évêque d'Albano, sous le nom de Pierre Os-porci, ce qui signifie bouche de porc ; ayant été élu pape du 17 au 24 août 1009, il le fut jusqu'à sa mort, arrivée le 18 août 1012. Il fut charitable, pacifique, zélé pour le bien public, et modéré dans l'usage des droits de sa dignité.



BENOIT VIII

CXLVIe PONTIFE. - DE 1012 A 1024

Quatorzième schisme.
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 JEAN, évêque de Porto, né à Toscanelle, fils de Grégoire, fut élu pape le 18 juillet 1012, par les démarches et la protection du marquis de Toscanelle, son parent, dont la famille, dès le neuvième siècle, avait de l'influence dans les élections pontificales.
S'il en est ainsi, c'était un malheur, car la plupart des papes de leur façon furent très méchants. Il prit le nom de Benoît VIII, et peu de temps après, un certain
Grégoire se fit un parti assez fort pour persuader que l'élection de Benoît était nulle et simoniaque, et qu'on en fît une nouvelle, où le même Grégoire fut en effet élu. Après avoir pris l'aveu du peuple, Benoît fut chassé de la ville, et il y eut schisme, puisque, en 1013, Grégoire fut sacré souverain pontife, et en exerça les fonctions. L'empereur Saint-Henri, second du nom parmi les rois d'Allemagne, qui ne portaient alors que ce titre, reçut favorablement Benoît, et réussit à le rétablir dans sa dignité.
Dès lors ce pape manifesta un esprit plus militaire qu'ecclésiastique ; car il commanda lui-même ses armées contre les Sarrasins, qui de Naples faisaient des incursions sur les états de l'Église.

Dans une bataille, il fit prisonnière la reine mahométane, et il eut la cruauté de lui faire trancher la tête. En 1020, il fit un second voyage en Allemagne, auprès de l'empereur Saint-Henri, pour solliciter des secours contre l'empereur de Constantinople, dont il craignait que les armées ne vinssent inquiéter les états pontificaux, par suite de ce qu'il avait favorisé les Normands contre les Grecs.
Enfin, il donna des preuves qu'il était plus propre à occuper le trône des César, que le siège de Saint-Pierre, qui ne pensa jamais qu'à gouverner une barque de pêcheurs. L'esprit d'avarice se manifesta en même temps que celui d'ambition, en consacrant l'église cathédrale de Bamberg, moyennant un tribut annuel de cent marcs d'argent et un cheval blanc harnaché, sans autre motif que de la rendre immédiatement subordonnée au Saint-Siège, ce qui ne pouvait être sans porter préjudice au métropolitain, à qui, suivant les canons, elle devait être directement subordonnée de droit. Le pape Benoît mourut à la fin de juillet 1024.



JEAN XIX

CXLVIIe PONTIFE. - DE 1024 A 1033.

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 Avant de changer de nom, Jean XIX s'appelait Roman, frère du défunt Benoît VIII. II était laïque au moment de la vacance du Saint-Siège, et, par les intrigues d'Albéric, marquis de Toscanelle, ainsi que par l'achat infâme des suffrages à prix d'argent, il se trouva en un même jour, laïque et souverain pontife, en août 1024.

Son avarice n'eut point de bornes : les empereurs et les patriarches de Constantinople, informés de ce qui se passait, crurent enfin avoir trouvé le moment de faire consentir les pontifes romains à accorder au patriarche de Constantinople le titre de patriarche oecuménique de l'Orient : et Jean XIX y consentit. Le seul obstacle qui empêcha l'expédition des bulles nécessaires à cet effet, fut que le secret de cette négociation transpira, et les évêques italiens intriguèrent pour s'y opposer. On faisait sonner bien haut, dans cette occasion, le zèle pour les droits de l'Église romaine.
Pour moi, je n'y découvre que la cupidité des deux partis : c'était par ce motif que Jean y consentait, parce qu'il devait recevoir les sommes convenues par le traité ; et la même cause influait sur la répugnance que montraient les Romains, parce qu'ils prévoyaient que l'expédition des bulles pour l'Orient cesserait.

Le peuple se souleva contre le pape, le jour de Saint-Pierre, 29 juin 1033, et tenta de le tuer. Il abandonna ensuite cette résolution, et se contenta de le chasser de la ville. L'empereur Conrad accourut à Rome avec une armée, et réintégra Jean sur son siège ; ce pape mourut le 8 novembre 1033.



BENOIT IX

CXLVIIIe PONTIFE. - DE 1003 ET AU-DELÀ.

Quinzième schisme.
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 La famille des marquis de Toscanelle, descendants d'Albéric, duc de Camérino et de Spolette, patrice de Rome, et de la célèbre reine Marocia, paraissait destinée à régner sur le trône pontifical par des moyens criminels, selon ce que nous avons vu dès la fin du neuvième siècle ; mais depuis l'ignominie, dont Grégoire V tenta de couvrir cette famille dans la personne du sénateur et patrice Crescence, Albéric affermit davantage l'opinion des Romains en sa faveur pour l'élection des papes.

Nous avons déjà vu Benoît VIII et Jean XIX, membres de sa famille, et nous allons en voir un troisième exemple dans Benoît IX, fils du marquis Albéric, et neveu des deux papes que nous venons de citer, et avec un scandale encore plus grand, puisqu'on effectua son élection, en 1033, lorsque
Theofilato (c'était son nom avant d'être pape), était âgé que de dix ans environ.
Les auteurs de l'art de vérifier les dates nient ce fait ; mais il est affirmé par Radulphe Graber, moine contemporain, partisan déclaré du Saint-Siège :
Puer ferme decennis, dit-il. En l'année 1038, où il avait tout au plus dix-sept ans, déjà ses moeurs étaient si scandaleuses, que les Romains le chassèrent de la ville.
Remis sur son siège dans la même année, par l'empereur Conrad II, bien loin de changer de conduite, ses vices augmentèrent avec son âge. Les assassinats, les adultères publics, les vols même déshonoraient le siège de Saint-Pierre, en déshonorant celui qui y était assis.
Les Romains le chassèrent de la ville en 1044, le pape n'ayant encore que vingt-quatre ans, et ils élurent à sa place Jean, évêque de Sabine, qui fut antipape sous le nom de Sylvestre III.

Environ trois mois après, Benoît retourna à Rome, soutenu par la puissante protection de son parent, le marquis de Toscanelle ; ce qui, au milieu de tant de maux, produisit, du moins, l'avantage de terminer le schisme ; car Sylvestre III consentit heureusement à redevenir évêque de Sabine, comme auparavant. Mais Benoît ne changea pas pour cela de moeurs, et voyant qu'il était aussi méprisé du clergé que du peuple, il chercha à vendre son pontificat à
Jean Gratien, archiprêtre de Rome, moyennant une somme considérable d'argent. Il réalisa son projet, et fit sa renonciation dans la même année 1044- Celui avec qui il traita, prit le nom de Grégoire VI, qui renonça lui-même à la papauté, en 1046, et Clément II lui succéda.
Ce dernier mourut le 9 octobre 1047: dans cette circonstance, Benoît IX, las de rester tranquille, vint s'asseoir pour la quatrième fois sur le trône pontifical, par le moyen de la puissance et de la force de ses parents ; et l'on peut s'étonner, à cet égard, de la patience du clergé et du peuple qui consentirent à le souffrir. Cette fois il resta sur le trône un peu plus de huit mois, après quoi il se retira pour toujours. Quelques-uns prétendent que ce fut par suite des exhortations de Saint-Barthélemi, abbé du monastère du Grutaferrea.

Dans ce temps, les Polonais lui demandèrent un roi. Benoît le leur accorda comme une faveur, et en rendant le royaume feudataire du Saint-Siège. Le système d'ambition et d'avarice ne s'est jamais démenti à Rome, depuis le commencement du troisième siècle.

Les maximes se trouvaient établies parmi le clergé romain, et elles se sont transmises de la bouche des anciens au coeur des modernes.



GRÉGOIRE VI

CXLIXe PONTIFE. - DE 1044 A 1046.

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 Nous avons vu que Jean Gratien, archi de Rome, dénommé Grégoire VI, avait acheté de Benoît IX, sa renonciation et ses démarches pour la succession du Saint-Siège.
Grégoire VI poursuivit beaucoup les voleurs, ainsi que les usurpateurs des biens de l'Église romaine ; au reste, selon les écrivains de ce temps, il paraît qu'il n'y avait parmi tous les ecclésiastiques de Rome, aucun prêtre de moeurs plus pures.
L'empereur Henri III, qui n'était alors que roi d'Allemagne et d'Italie, se crut obligé de porter ses regards sur les affaires de l'Église. Il voyait à la fois trois papes, Benoît IX, Sylvestre III et Grégoire VI, occupant dans la ville les trois palais de Latran, de Saint-Pierre et de Sainte-Marie-Majeure, et exerçant le pontificat, chacun dans son Église, sur leurs partisans respectifs. Il fit assembler un concile à Sutri, où il invita
Grégoire à se rendre, vu qu'il était le seul qui exerçât le pontificat en 1046. Grégoire y assista, et le concile ayant reconnu le crime de simonie, l'invita à donner volontairement sa démission, afin d'éviter la honte de la déposition. Grégoire y consentit, se dépouilla de ses habits pontificaux, et se retira du concile, qui déclara le siégé vacant, sans faire aucun cas de Benoit IX, ni de Sylvestre III.



CLÉMENT II

CLe PONTIFE. - DE 1046 A 1047.


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 SUDGER, né en Saxe, évêque de Bamberg, fut souverain pontife, en 1046, d'une voix unanime par le concile de Sutri, sur la proposition de l'empereur. Il fut intronisé sur le trône pontifical, le jour de Noël de la même année, sous le nom de Clément II, et alors même il couronna empereur Henri, ainsi que son épouse Inès. Ce souverain fit un nouveau traité avec les Romains, à qui Sa Majesté donna une grande somme d'argent, en récompense de ce qu'ils s'obligèrent à ne point élire de pape, lors de la première vacance, avant d'avoir reçu sa permission, Clément II accompagna l'empereur dans son voyage, et mourut en Saxe, le 9 octobre 1047, sans avoir rien fait de mémorable pendant son pontificat.
Plusieurs disent qu'il mourut empoisonné. Il est certain que les Italiens étaient mécontents d'avoir un pape Saxon. Il y en a aussi qui attribuent le crime à Gérard Brasure, ami de Benoît IX et du célèbre Hildebrand, dont nous aurons occasion de nous occuper sous le nom de Grégoire VII.



DAMAS II

CLIe PONTIFE. - DE 1047 A 1048.

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 À peine on apprit en Italie la mort de Clément II, que les Romains demandèrent à l'empereur la permission et le consentement pour élire Halinard, archevêque de Lyon en France, personnage d'une vertu éminente, et très connu de l'empereur, qui l'aimait beaucoup. Henri y donna son adhésion, mais non pas Halinard, qui bien réellement refusa son élévation au trône pontifical. Alors l'empereur choisit Papon. évêque de Brixe. qui changea son nom en celui de Damas II ; mais il ne pût exercer son pontificat aussitôt son élection, parce que Benoît IX s'était intronisé, pour la quatrième fois, après la mort de Clément II.

Enfin, Damas fut bien reçu à Rome le même jour, 17 juillet 1048, que Benoît se retira pour toujours. La mort empêcha de connaître le caractère de ce pape ; car il mourut le 8 du mois d'août suivant. Benoît vivait encore à cette époque, et ne témoigna aucun désir d'occuper le Saint-Siège : ainsi on regarda le quinzième schisme comme fini. Je ne donne aucune croyance à ceux qui disent que Damas mourut empoisonné de la part de Benoît. S'il est certain qu'on lui ait donné du poison, le soupçon doit plutôt en retomber sur ceux qui avaient conçu l'espoir de lui succéder. Il ne manque pas non plus d'écrivains, qui disent qu'Hildebrand fut l'auteur de l'empoisonnement, comme il avait été complice de celui de Clément II. Mais les ennemis d'Hildebrand (plus tard Grégoire VII) lui ont imputé tant de crimes, qu'il faut la critique la plus impartiale pour découvrir la vérité.



LÉON IX

CLIIe PONTIFE. - DE 1048 A 1054


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 L'empereur Henri III avait pensé qu'on ne pourrait éviter les désordres de Rome, qu'en investissant les empereurs du droit de nommer la personne en faveur de laquelle le clergé et le peuple romain présenteraient, revêtu de toutes les formes, un acte d'élection canonique et d'ordination épiscopale, ou d'intronisation de celui à qui déjà cette ordination aurait été conférée. Voilà le motif pour lequel il nomma les deux derniers papes, Clément II et Damas II : et par une conséquence du même système, et vu la vacance du Saint-Siège par la mort de Damas, il nomma pape l'évêque de Tubla, Bruno, qui était parent de l'empereur, et allemand de naissance, comme les deux papes ses prédécesseurs immédiats.
Vers la fin de l'année 1048, Bruno entreprit le voyage de Rome, et passa par le fameux monastère de Cluny, en Bourgogne.

Hildebrand, l'un des moines de cette maison, s'aperçut que Bruno affectait, en marchant, un air de souverain, et qu'il portait déjà les marques de la papauté. Il lui représenta que les honneurs qu'il se faisait rendre avant d'être élu pape, pourraient offenser les Romains et les porter à lui refuser leurs voix. Bruno sentit la force de cet avis ; il l'agréa ; il amena à Rome celui qui le lui avait donné, le fit cardinal, et lui confia le gouvernement de l'église du monastère de Saint-Paul. Cet Hildebrand est le même que nous verrons ensuite pape, sous le nom de Grégoire VII. Bruno aussi changea de nom, et prit celui de Léon IX.

Ce souverain pontife est canonisé et vénéré comme Saint.
Je n'ai pas l'intention de m'opposer aux décisions sages et judicieuses de la congrégation des cardinaux chargés de cette affaire ; mais le caractère de Léon IX est loin de présenter cette vertu qu'il faut porter jusqu'à l'héroïsme pour être canonisé ; il nous montre, au contraire, un homme ambitieux, violent, peu réfléchi et plus guerrier que prêtre.
Presque tout son pontificat se passa en voyages ; ils n'avaient d'autres motifs que sa volonté ; il n'en fit pas un qui eût rapport aux affaires spirituelles, tous, au contraire, eurent pour lui des intérêts temporels, les prérogatives pontificales, mal acquises et toujours usurpées. Il abusa monstrueusement de l'excommunication contre Godefroy, duc de Lorraine, et contre Baudouin comte de Flandres, parce qu'ils faisaient la guerre à l'empereur Henri III.
II se livra aux mêmes excès dans des affaires qui ne valaient pas la peine d'être défendues verbalement en justice, et qui méritaient encore moins qu'on se servit des armes dont les premiers papes ne firent usage que contre les hérétiques, après deux admonestations.
C'est lui qui, en gardant la possession de son évêché de Tubla, nous a donné le mauvais exemple de la pluralité des bénéfices. II remplit les fonctions de capitaine général d'une armée conquérante dirigée contre les Normands, qu'il peignait comme des tigres et des léopards, dans une lettre qu'il écrivit à l'empereur de Constantinople. Ils le firent leur prisonnier, et ils se conduirent à son égard comme les hommes qui avaient le plus mérité de la religion chrétienne. Ils le traitèrent avec ce respect et cette bienveillance dont, certainement, n'était pas digne celui qui les insultait sans raison et sans titre.

II porta la tiare jusqu'au 19 avril 1054, époque de sa mort. Dans les cinq ans, à peu près, que durèrent ses fonctions pontificales, à peine résida-t-il trente jours de suite dans son église. L'état du clergé romain appelait la présence de son pasteur, afin que, par son exemple et par ses prédications il réformât les moeurs, qui, comme nous l'avons vu, étaient si corrompues. Je veux bien croire que celles de Léon étaient pures ; mais la sainteté des prélats ne consiste pas dans cette seule vertu. On nous parle de quelques miracles, mais il n'y en a aucun qui soit bien prouvé ; et quelques-uns sont si ridicules, qu'on ne peut, sans honte, penser que la toute puissance de Dieu ait voulu, malgré toute absence de motif, intervertir l'ordre de la nature.



VICTOR II

CLIIIe PONTIFE. - DE 1054 A 1057.

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 Les Romains envoyèrent le sous-diacre Hildebrand, cardinal, avec le titre de légat, à l'empereur Henri III, pour le prier de leur accorder pour souverain pontife, son parent et ancien ministre Gebehard, évêque de Eiesthad. Henri accueillit leur demande, et Gebehard fut élu parle concile de Mayence, dans le mois de mars 1055. Il partit ensuite pour Rome, où il fut intronisé le 13 avril comme son prédécesseur. Il resta toujours en possession de son évêché. Il était impossible que tous les Italiens fussent contents devoir la tiare sur la tête des Allemands. Lambert, écrivain contemporain, raconte qu'un sou -diacre chercha à empoisonner Victor ; qu'il mit du poison dans le vin qui était dans le calice ; que le pape, malgré ses efforts, ne put pas le lever après l'avoir consacré ; que connaissant que cet événement présentait quelque chose de mystérieux, il se mit à genoux sur les marches de l'autel, et qu'avec beaucoup de ferveur il pria Dieu de lui faire la grâce de lui en découvrir la cause ; que le sous-diacre fut, à l'instant, obsédé par le démon, de manière que tous les assistants s'en aperçurent ; que le pape pria de nouveau, et invita tout le monde à prier pour la délivrance du sous-diacre, et qu'il fit enfermer le calice et le vin consacré dans le tabernacle d'un autre autel.
Fleuri ajoute que Lambert est un écrivain d'un grand poids ; mais le fut-il encore plus, je ne croirai pas à ce miracle tel qu'on le raconte. Le pape eut, sans doute, quelque motif de crainte, et il feignit alors l'impossibilité de lever le calice. Il persécuta beaucoup les simoniaques ; voilà la seule chose remarquable qui appartienne à notre sujet. Il mourut en Toscane, à son retour d'Allemagne, le 28 juillet 1057.


ÉTIENNE IX

CLIVe PONTIFE. DE 1057 A 1058.
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 Lorsque le pape Victor II mourut, l'empereur Henri III n'était déjà plus. Ses royaumes d'Allemagne et d'Italie avaient passé à son fils Henri IV. Ce prince, qui n'avait alors que six ans, ne fut couronné empereur que quelque temps après : Les Romains profitèrent de ces circonstances, pour élire, par eux-mêmes, un souverain pontife. Ils élurent, le 2 du mois d'août 1057, Frédéric de Lorraine, cardinal du titre de Saint-Crisogone, et frère de Godefroi, duc de Lorraine. Il prit le nom d'Étienne IX, et mourut le 29 août 1058. Dans ce court espace de temps, il s'était déjà montré ambitieux et guerrier, caractère totalement contraire à l'état monastique dans lequel il avait vécu auparavant au Mont-Cassin, où il avait été abbé.
La mort, qui le surprit à Florence, arrêta les progrès des préparatifs, qu'à peine élu pape, il avait commencés, afin que son frère se rendît maître de l'Italie, au préjudice du jeune roi Henri IV qui était à la veille d'être nommé empereur ; il avait conçu le projet de réunir les forces du Saint-Siège à celles du duc pour chasser les Normands qui étaient déjà maîtres d'une partie du territoire adjugé à l'Église ! Romaine par les donations impériales. Cet homme voulut encore commander après sa mort. Il réunit, dans l'église, les évêques, le clergé, et le peuple de Rome : il leur intima, si Sa Sainteté mourait pendant l'absence du sous-diacre Hildebrand, alors résidant à Constantinople en qualité de légat chargé des affaires de l'état, auprès de l'impératrice mère, de ne pas élire un nouveau pape jusqu'au retour d'Hildebrand à Rome ; de prendre son avis, et de le suivre. Cet ordre produisit le schisme que nous allons bientôt voir naître. On trouve encore des écrivains qui disent qu'il s'opéra des miracles sur le tombeau d'Étienne IX.



NICOLAS II

CLVe PONTIFE. - DE 1058 A 1061.

Seizième schisme.

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 À peine eut-on connaissance à Rome qu'Étienne IX venait de terminer sa carrière à Florence, qu'on choisit, pour pape, Jean, évêque de Veletri, qui prit le nom de Benoît X. Grégoire, comte de Toscanilla, fils d'Albéric, et Gérard de Galera, firent ce choix dans une réunion, qui eut lieu pendant la nuit, des principaux personnages de Rome et d'un nombre considérable de gens du peuple, en armes.
Pierre Damien et plusieurs autres cardinaux protestèrent contre ce choix et lancèrent des anathèmes contre les électeurs qui devaient, disaient-ils, exécuter l'ordre du pape Étienne IX. Pierre d'Amiens devait faire l'intronisation, comme évêque d'Ostie : à lui seul appartenait la prérogative d'ordonner les papes. Mais s'étant refusé à remplir les fonctions de son ministère, les Romains prirent l'archiprêtre d'Ostie, et le forcèrent à placer la tiare sur la tête du nouvel élu.

Benoît X n'en était pas indigne, comme nous pouvons en juger par la réponse que fit Étienne IX, avant d'être pape, à celui qui lui demandait quel était le sujet qui lui paraissait le plus digne d'être élu ; en effet, Jean, évêque de Veletri, fut un des cinq qu'Étienne désigna. Il fut couronné le dimanche de la Passion, 5 avril 1058. Il donna le pallium à Estigand, archevêque de Cantorbéri en Angleterre, et il exerça les fonctions pontificales, chaque fois que les circonstances lui en présentèrent l'occasion.

Après tous ces événements, Hildebrand revint de Constantinople ; il apprit, en Toscane, tout ce qui s'était passé à Rome ; il s'arrêta à Florence, écrivit ce qu'il jugea convenable ; les Romains lui envoyèrent des pouvoirs illimités pour qu'il put agir comme il le croirait utile. Il se rendit à Sienne et là il choisit, de lui-même, pour souverain pontife, Gérard, évêque de Florence et lorrain d'origine ; Godefroi, duc de Lorraine et de Toscane, fournit des secours pour favoriser le succès de cette élection ; et l'élu prit le nom de Nicolas II.
Les Romains qui étaient entrés dans ce parti écrivirent au roi Henri IV ; ils lui firent la promesse qu'ils lui seraient fidèles comme ils le furent à son père ; et ils lui dirent que ce motif leur avait fait suspendre jusqu'alors l'élection d'un souverain pontife. Ils lui demandèrent des commissaires de son choix, afin qu'instruits de tout ce qui se passait, ils empêchassent qu'une élection faite contre les règles, prévalût sur celle qui aurait pour elle la légitimité.

Le roi approuva l'élection de Gérard, et ordonna au duc Godefroi de le conduire à Rome. Cet ordre ayant été exécuté, Benoît X renonça à tous ses droits, et le schisme cessa : mais s'il n'eût pas voulu céder, je ne sais pas pourquoi son élection eut été nulle.

Nicolas II célébra un concile dans son palais de Latran, l'an 1059, avec cent treize évêques : d'accord avec eux, il y promulgua une loi qui fixait le mode à suivre dans les élections de papes, afin d'éviter l'événement qui venait d'avoir lieu. Cette loi portait que le Saint-Siège étant vacant, les évêques cardinaux, avant toutes autres personnes, se réuniraient, et procéderaient à l'élection ; qu'ils appelleraient ensuite les clercs cardinaux, puis le reste du clergé, et enfin le peuple pour qu'il donnât son consentement : sera élu pape, celui des individus de l'Église romaine qui en sera jugé digne ; si nul de ses membres ne présente cette condition, on le choisira dans une autre Église.
« Sauf l'honneur dû à notre bien-aimé fils Henri qui maintenant est roi, et qui, si Dieu le veut, comme nous le lui avons accordé, sera empereur. On rendra le même honneur à ses successeurs auxquels le Saint-Siège aurait accordé personnellement le même droit. »

S'il y a des obstacles qui empêchent de faire, à Rome, une élection libre, pure et gratuite, les évêques, les cardinaux, le reste du clergé et les laïques catholiques pourront choisir le lieu qui leur paraîtra le plus convenable. Si, pour cause de guerre ou de tout autre empêchement, l'élu ne peut pas être intronisé à Rome, il procédera, nonobstant cela, en véritable pontife. Tout individu élu non conformément à cette loi sera anathématisé et déposé, ainsi que tous ses complices, comme antéchrist, usurpateur et destructeur de la chrétienté, sans que, sur ce point, audience lui soit accordée.

La clause de ce décret où l'on feint que le droit de l'empereur est seulement personnel, et une grâce accordée par le pape, mérite une attention particulière. L'abus que l'on fit de. l'enfance d'Henri IV est bien notoire, puisque nous avons vu que, depuis Constantin, tous les empereurs jouirent du droit d'approuver où de rejeter les élections pontificales avant la consécration de l'élu. L'esprit d'ambition et le désir d'indépendance se montrent au grand jour dans Nicolas II, ainsi que dans ses prédécesseurs.

En 1059 il réunit un autre concile dans la ville d'Amalfi, pour prendre un parti dans les affaires des Normands ; il fit des conventions avec Richard et Robert de Normandie : il confirma Richard dans la principauté de Capoue, et Robert dans les duchés d'Apulie, de Calabre, et dans ses droits à la Sicile. Robert promit de payer au Saint-Siège, dans le temps de pâques, une contribution de douze deniers, monnaie de Pavie, pour chaque paire de boeufs. Outre cela, Robert et Richard se reconnurent vassaux du Saint-Siège, et lui jurèrent fidélité.

Voilà l'origine du royaume de Naples, et la cause des progrès extraordinaires de l'ambition des papes qui, tirant vanité de la souveraineté directe de ce royaume, ont causé dans le moyen âge et dans les siècles modernes, plus de guerres et fait répandre plus de sang que les rois. Ils ont prouvé ainsi que leur esprit était plus occupé des affaires de la domination temporelle que des intérêts de la religion et des soins du gouvernement ecclésiastique.
Que Saint-Pierre serait loin de vouloir reconnaître pour son successeur ce Nicolas II et ceux qui l'ont suivi, lorsqu'il les verrait désoler la chrétienté par des calamités et par des guerres, pour satisfaire des passions humaines d'un prétendu équilibre politique qui n'est d'aucun intérêt pour le successeur de l'apôtre ! Nicolas mourut le 22 juillet 1061.



ALEXANDRE II

CLVIe PONTIFE. - DE 1061 A 1073

Dix-septième schisme.

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 Le 30 septembre 1061, fut consacré sous le nom d'Alexandre II, Anselme Badages, milanais, évêque de Lucques.
Il imita le mauvais exemple de ses prédécesseurs, en conservant, durant sa vie, la jouissance de son évêché. On n'avait point demandé au roi Henri IV, la confirmation de l'acte qui constatait sa nomination. On ne fit aucun cas de ce que le pape Nicolas avait stipulé dans le concile qu'il avait tenu ; bien que les expressions de son décret qui en émanait eussent été rédigées avec intention, de manière qu'on eut l'air d'y avoir satisfait par la seule notification de l'élection à l'empereur, et sans qu'on fut tenu d'attendre sa confirmation.

L'impératrice, veuve Inès, qui, en sa qualité de tutrice, gouvernait l'empire, se sentit vivement offensée de cet acte de mépris. Elle ordonna qu'il fût fait une nouvelle élection de pape à la diète de Bâle.
Cadaloo, évêque de Parme, fut élu le 28 octobre, et prit le nom d'Honoré II. Il fut condamné comme antipape par les évêques Italiens et Allemands, le 27 octobre 1062, en concile de Osbor ; mais Honoré II, entouré de sa cour et de ses partisans, continua de remplir ses fonctions pontificales. Je ne pense pas que l'élection d'Alexandre II fut nulle ; mais alors la loi fut violée autant, et même plus qu'elle ne le fut lorsqu'en 1059, on élut Benoit X. Pourquoi l'élection de celui-ci fut-elle déclarée nulle, et valable celle d'Alexandre ? parce qu'ainsi l'exigeaient les intérêts de Rome. Cadaloo qui mourut l'an 1064, procéda toujours comme véritable pape, sous le nom d'Honoré II, traitant d'antéchrist et d'excommunié, le pape Alexandre II, et l'insultant même dans Rome où il avait des partisans. En même temps Alexandre excommuniait l'empereur Henri, comme protecteur de Cadaloo.

Le génie du cardinal Hildebrand, qui disposait de tout à Rome depuis Léon X, était la cause de ce désordre et de plusieurs autres sujets de trouble qui agitèrent ce pontificat. Saint Pierre d'Amiens fit à ce sujet un distique très piquant, que voici :

Papam rite colo, sed te prostratus adoro,
Tu facis hunc dominum, te facit ille deum.

Je rends au pape le tribut de vénération que je dois ; mais prosterné à tes pieds, je t'adore. Tu fais le pape seigneur, lui te fait Dieu.

On nous parle aussi de miracles faits par Alexandre II ; quant à moi je ne crois point à ceux d'un homme qui, à chaque instant et pour des motifs quelconques, lançait les foudres de l'excommunication, à ceux d'un homme qui, à peine parvenu au suprême degré du sacerdoce, viola les lois et les droits de son souverain, usurpa la souveraineté de la Calabre, de Capoue, de la Sicile et de l'Apulie, pour la donner à ceux que son prédécesseur disait être pires que des tigres et des bêtes féroces ; et qui enfin se jeta dans mille affaires temporelles et peu dignes du successeur de Saint-Pierre.



GRÉGOIRE VII

CLVIIe PONTIFE. DE 1073 A 1086.

Dix-huitième schisme.


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http://fr.wikipedia.org/wiki/Grégoire_VII


 Le moment est arrivé de faire le portrait d'un pape que je peindrais, s'il n'eut été canonisé et mis au rang des saints, avec des couleurs qui le représenteraient comme le plus grand des monstres que l'ambition ait pu former.
Je dirais qu'il fut la source, le principe et la cause de mille guerres et de mille morts par le système qu'il adopta, qu'il consolida, qu'il consacra, et dont il voulut qu'on suivît désormais l'exemple dans l'exercice du pouvoir pontifical, je pourrais dire enfin qu'il paraît impossible qu'un seul homme ait été capable de causer autant de maux qu'en causa Grégoire VII.

Les Églises catholiques d'Allemagne, de France et de plusieurs autres états ne voulurent pas admettre la bulle de canonisation ; elles ne reconnaissent point ce pontife pour saint, ni ne le vénèrent comme tel. Des considérations politiques portèrent l'Église d'Espagne à se conformer à la décision du Saint-Siège ; mais les hommes de lettres qui savent donner aux choses la couleur qui leur convient, disent que quand même les raisons manqueraient pour reconnaître dans la canonisation des saints, le jugement des hommes, celles que nous offre la canonisation de Grégoire VII suffiraient.
On s'y abstient de déclarer que les âmes jouissent du ciel ; les plus grands pécheurs sont sauvés s'ils meurent avec une contrition sincère de leurs péchés. La controverse tombe seulement sur la question de savoir si la conduite et la vie de cet homme furent vertueuses jusqu'à ce degré d'héroïsme qui les rend dignes d'être proposées pour modèles au peuple chrétien.

Pour ce qui concerne le culte à rendre à Grégoire, comme saint, il est confondu avec tous les autres qui, le 1er novembre, sont offerts à notre vénération, sans qu'il soit nécessaire de connaître leur nom, ni aucune circonstance de leur vie, ainsi qu'on en use à l'égard de ceux qu'on parvient à faire canoniser à force de sollicitations. Je ne puis m'empêcher de citer avec éloge la décision que prit la congrégation des moines de l'ordre de Saint-Benoît des Pays-Bas, vers le commencement du XVII siècle ; ils décrétèrent que toutes les causes pendantes, relativement à la canonisation de moines, seraient suspendues : d'abord parce que le nombre de ceux de leur ordre qui avaient été canonisés, était déjà considérable, et parce que l'expérience leur démontrait que la dévotion que l'on avait aux anciens saints diminuait à mesure que celle qu'on accordait aux nouveaux, devenait une dévotion à la mode.

Hildebrand naquit à Sienne, en Toscane, il fut moine de l'ordre de Saint-Benoît, à Sainte-Marie du Mont Aventin, à Rome, et ensuite à Cluni en Bourgogne. C'est de là que Léon IX le fit venir pour le mettre à la tête de l'abbaye de Saint-Paul, avec le titre de cardinal.
Nicolas II le fit ensuite archidiacre de Rome. Pendant ces deux pontificats, et ceux de Victor II, d'Étienne IX et d'Alexandre II, il commanda avec plus d'autorité que ces cinq papes qui s'en déféraient entièrement à son sentiment. On lit dans l'office ecclésiastique de sa fête, le verset d'un psaume qu'il écrivit, dit-on, par hasard étant encore enfant,
dominabitur à mari usque ad mare : Il dominera d'une mer jusqu'à l'autre ; c'est-à-dire, il dominera sur tout le monde chrétien.
Je regarde cela comme une fable, composée après coup, pour lui donner une certaine odeur de prophétie ; mais cette seule anecdote, envisagée sous un autre point de vue, devait nuire à sa canonisation. Le système qui donnerait à un souverain pontife la domination sur les hommes, se trouve réprouvé, dans l'évangile, par Jésus-Christ, et s'oppose diamétralement à celui de Saint-Pierre et des douze premiers papes qui, étant plus près de la source des traditions originales de Jésus et de ses apôtres, connaissaient mieux que les modernes le véritable esprit du christianisme et du sacerdoce.

Pendant les 25 années qui précédèrent son élection, il commanda plus en pontife qu'en cardinal : Saint-Pierre Damien, son collègue, fit bien connaître par son distique latin que Hildebrand était le dieu d'Alexandre II.
Les légations et l'élection de Nicolas II, lorsque Benoît X était déjà sur le trône pontifical, seront un éternel témoignage que la résistance que Grégoire écrivit avoir opposée à ceux qui travaillaient à son élection, n'était que feinte : sa conduite postérieure confirma cette vérité. Je ne soutiendrai pas avec ses ennemis, qu'à l'âge de plus de soixante ans, il ait vécu en concubinage avec la comtesse Matilde qui en avait trente, ni qu'il ait donné du poison au pape Alexandre pour rendre la chaire vacante, ni qu'il ait acheté à prix d'argent le suffrage des électeurs, quoique ses ennemis lui aient prouvé tout cela, soit par témoins, soit par des lettres qui, maintenant que l'intérêt des parties a cessé, méritent peu de confiance ; mais tous les papes et tous les cardinaux présents et futurs auraient beau se réunir pour faire l'apologie de ce successeur de Saint-Pierre, il résulterait toujours de l'examen attentif de sa vie, que Hildebrand Grégoire fut ambitieux, despote, orgueilleux, arrogant, inflexible, vindicatif, imprudent, injuste ; qu'il méprisa les maximes évangéliques qui font de l'humilité et du désintéressement une vertu ; qu'il fut un appréciateur avare des grandeurs humaines pour son Église et pour sa dignité, et qu'enfin il fit périr un plus grand nombre d'hommes que les autres papes des siècles IX et X, qu'il citait lui-même comme mauvais.

Voyons quelques traits de sa conduite.
Il fut élu pape le 22 avril 1073 ; il n'en donna aucun avis à l'empereur Henri IV. Ce souverain s'en plaignit, et Grégoire chercha à lui persuader qu'il n'avait pris aucune part à son élection ; il fit plus, il écrivit à quelques personnages pour les engager à porter l'empereur à ne pas l'approuver. Quel événement pour Hildebrand, si le résultat eut été conforme à ce qu'il avait fait semblant de désirer ! Cependant Henri IV confirma son élection, et Grégoire VII fut consacré le 30 juin.

Aussitôt qu'il crut son pouvoir bien établi, il se conduisit mal envers l'empereur. Il méditait le projet de dépouiller les souverains laïques du droit d'investiture des évêchés et des abbayes, droit qu'ils possédaient depuis très longtemps, soit sous ce nom, soit sous un autre : ils l'exerçaient par le moyen de l'anneau et du bâton ou de quelques autres signes qui sont le symbole de la puissance, et qui ne sont pas si opposés à l'esprit de l'Église, que les papes, ne consultant que leurs intérêts, ont cherché à le persuader. La réponse de l'empereur fut bien simple ; il dit qu'il n'avait usurpé aucun droit, et qu'il ne devait pas nuire à ses successeurs, en se laissant dépouiller de celui que lui avaient transmis ses ancêtres. Grégoire, irrité, regardé dès lors comme ses ennemis tous les rois chrétiens ; il leur impute le crime de simonie dans la provision de dignités et de bénéfices ecclésiastiques, parce qu'ils faisaient usage des investitures. Il les menaça non-seulement de l'excommunication et de publier qu'ils avaient été anathématisés comme ennemis de l'Église, mais de délier leurs vassaux du serment de fidélité.

Cet attentat n'était pas si inouï que le disent les auteurs de
l'Art de vérifier les dates, mais il l'était quant à la manière et aux circonstances. Les écrits publiés sur la vie des papes antérieurs, établissent que le pape Innocent Ier excommunia l'empereur Arcadius ; Martin Ier, l'empereur Constant II ; Grégoire III, l'empereur Léon ; Adrien II, l'empereur Charles II, dit le Chauve ; Alexandre II, l'empereur Henri IV ; Jean VIII, Sergius, duc de Naples, parce qu'il fit la paix avec les Sarrasins ; Étienne VII, Hugues le Grand, duc de France, parce qu'il faisait la guerre au roi Louis IV, dit d'Outre-Mer, contre lequel il s'était révolté ; qu'Étienne II excommunia tout ceux qui oseraient s'opposer à l'établissement de la nouvelle dynastie de Pépin, roi de France ; Étienne V, tous ceux qui favorisaient l'établissement de la nouvelle dynastie des Capets. Zacharie délia les Français du serment de fidélité en vers leur roi Childéric III, et ordonna qu'ils jurassent d'être fidèles au nouveau roi Pépin. Mais qu'est-ce que tout cela, comparé à l'action de porter les nations, par leur propre mouvement, à la révolte contre leurs souverains, et d'employer le prétexte de la religion pour exciter des tumultes, des guerres civiles, des incendies, des homicides, des vols, des sacrilèges, des adultères, des violences, la misère publique, le dépeuplement des pays, et ce nombre considérable d'actions criminelles, d'horreurs et de maux qui épouvantèrent l'Allemagne, l'Italie et presque toute l'Europe.
L'invention de cet épouvantable attentat était réservée à Grégoire VII. L'extirpation de la simonie en était le prétexte, et le but réel celui de la faire exercer exclusivement par les Romains. La simonie ne cessa point ; elle changea de théâtre. Les péchés ne furent pas moins nombreux, mais les personnes des pécheurs ne furent plus les mêmes. On ne nomma plus aux investitures., mais la partie essentielle était dans les provisions pontificales.

Si l'on cherche la cause première des péchés et des guerres qui désolèrent les siècles suivants, on la trouvera dans les principes que Grégoire VII établit ; ils donnent au pape le droit de disposer indirectement des royaumes, en excommuniant les rois, en dégageant les vassaux du serment de fidélité, et en offrant le royaume à d'autres catholiques, sous la condition qu'ils se confesseront redevables de leur droit de souveraineté, au souverain pontife.

Grégoire VII fomenta le soulèvement des Saxons, et donna lieu à celui des Allemands et des Italiens, Il fit nommer empereur, Rodolphe de Souabe, beau-frère de Henri. II est impossible de rien imaginer qu'il n'ait tenté pour perdre celui-ci. On ne sera pas surpris que ce monarque ait cherché à lui rendre la pareille, en créant le schisme qu'on dut prévoir par l'élection de l'antipape Guilbert, qui prit le nom de Clément III.
Il était facile aussi de calculer les maux qui en furent la suite. Rien n'est comparable à l'orgueilleuse témérité que Grégoire montra lorsqu'il fut question de la réconciliation avec l'empereur. Ni Sergius, ni aucun des papes barbares des neuvième et dixième siècles, n'auraient imaginé une conduite aussi arrogante et aussi contraire à l'esprit de l'Évangile et à tout ce que nous offrent les vies des anciens papes.

L'empereur arrive à Canosa, et on le garde pendant trois jours dans le fossé de la citadelle, entre deux murailles, nu pieds, sans autre vêtements qu'une tunique d'une laine grossière, sans suite, et sans aucune marque distinctive de dignité. On exige ensuite de lui qu'il confesse publiquement, dans une diète impériale, que, dans tout ce qu'il a fait, il a agi sans raison, et qu'il est indigne de régner. Henri accepta non-seulement des conditions aussi humiliantes, mais il fut encore obligé d'en admettre de plus dures. Grégoire l'absout de l'excommunication, lui donne le corps de notre seigneur Jésus-Christ pendant la messe, et nonobstant cela, quelques jours après, il écrit aux Allemands qu'il avait soulevés contre leur souverain, de ne pas le reconnaître pour roi, puisqu'il ne lui avait pas rendu l'Empire ni la dignité royale.

Il eut recours à tous les mensonges inventés par lui ou par ses adulateurs pour persuader, soit par des lettres, soit par l'entremise de ses légats, que le droit de nommer ou de confirmer presque tous les souverains, ou d'approuver le droit héréditaire des nouveaux possesseurs, appartenait à l'Église Romaine qui devait recevoir d'eux des tributs de reconnaissance, et serment de vasselage et de fidélité.
C'est ainsi qu'il le déclara à l'Empire de Constantinople, aux royaumes d'Espagne, de France, et à plusieurs autres États. On ne peut lire sans scandale ses lettres qui n'offrent qu'un tissu de mensonges sans nombre, sur cette affaire. Si les canonisations n'inspiraient quelque respect aux catholiques, nous ne pourrions donner au pape Grégoire VII d'autre titre que celui d'imposteur.
Quant à l'Espagne, il ne se borna pas à déclarer qu'il avait des droits sur le royaume, mais il fit don au comte Rouci, chevalier français, de tout le territoire dont il ferait la conquête sur les Maures, à condition qu'il se reconnaîtrait feudataire du Saint-Siège. Rien de tout cela n'eut lieu. Avec de semblables mensonges, il parvint à introduire dans les royaumes de Castille et d'Aragon, la liturgie alors en usage à Rome, à la place de celle qui avait été conservée dans toute sa pureté depuis les premiers siècles. Le Père Henri Florez composa sur cette affaire un excellent ouvrage ayant pour titre
l'Espagne sacrée. Il fit voir que la liturgie gothique d'Espagne était la liturgie primitive de Rome, et que la différence qu'on y remarquait du temps de Grégoire VII, consistait dans les changements opérés par les Romains et non par les Espagnols dans les temps intermédiaires.

L'abus de la puissance spirituelle et son mélange avec la politique mondaine furent notoires dans la conduite de Grégoire VII envers les normands, souverains de l'Angleterre et des Deux-Siciles. Aujourd'hui il lance contre eux les foudres de l'excommunication, il les traite de tyrans, d'antéchrist et d'ennemis de l'Église ; le lendemain il les absout, il les flatte, il les loue, il exagère leur bonté parce qu'ils se soumettent à faire la guerre à Henri IV. Les conjurés d'Allemagne lui reprochèrent avec raison de les avoir abandonnés après les avoir jetés dans le précipice. Grégoire voulait qu'on lui déférât l'élection du roi, et que le premier serment de celui-ci fut celui de vasselage et de fidélité au Saint-Siège ; il se conduisit envers les rois de France et leurs évêques avec duplicité et suivant les occurrences. Il écrivit en faveur du pouvoir qu'il usurpait de détrôner les rois, et l'on ne voit dans ses écrits qu'un abus de la sainte écriture, des pères de l'Église, et le soin qu'il prend de cacher tout ce que l'histoire ecclésiastique offre de contraire à ses projets, comme l'a dit le cardinal de Fleuri.

Enfin, je suppose que tout ce qu'on a dit contre lui, relativement à la sensualité, à la simonie, aux homicides, et à tant d'autres vices grossiers, ne soit que des calomnies ; il demeurera encore démontré que l'on ne vit peut-être jamais un homme plus ambitieux, plus téméraire, plus arrogant, plus intrigant, ni plus méchant ; d'autant plus pernicieux, qu'il sanctifiait ses passions, en les cachant sous le voile hypocrite de la religion et du respect qu'inspirait le Saint-Siège. Il mourut à Salerne, le 25 mai 1085, exilé de Rome, à cause, suivant ses dernières paroles, de son amour pour la justice. S'il le pensait ainsi, sa bonne foi aura sauvé son âme ; mais elle ne commandera pas à l'opinion ; il faut à celle-ci d'autres titres que des canonisations.



VICTOR III

CLVIIIe PONTIFE. DE 1085 A 1087.

Suite du dix-huitième schisme.

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 DÉSIRÉ, abbé du monastère de Mont-Cassin, et cardinal romain, fut élu pape le 24 mai 1086, une année après la mort de son prédécesseur. Il refusa la tiare, à peu près pendant une autre année, c'est pourquoi il ne fut consacré que le 9 mai 1087, sous le nom de Victor III, et mourut le 16 septembre de la même année.

Dans les quatre mois de son pontificat, il confirma l'excommunication lancée par Grégoire VII contre l'antipape et l'empereur ; mais Clément III, non-seulement était reconnu pour véritable pape, par le parti de Henri IV, en Allemagne et en Lombardie, mais par une grande partie du peuple de Rome, où il faisait sa résidence, protégé par le préfet Cencius, qui gouvernait la ville au nom de l'empereur : ainsi Victor III n'était maître que de Saint-Pierre et de la ville située sur l'autre rive du Tibre, et tout au plus eut-il quelquefois l'île de ce fleuve. Un tel état de chose devait faire naître dans Rome des factions sanguinaires, et y produire les guerres civiles. Les partisans de Victor étaient soutenus par les armes de la comtesse Matilde, par celles de Roger de Sicile et des princes ses adhérents. Il est difficile de dire en peu de mots les malheurs que ce schisme causa en Italie, en Saxe, et dans tout le reste de l'Allemagne.

On fut en proie à tant de maux, parce que les papes s'étaient mis dans un état contraire à celui de Saint-Pierre. Si on ne leur eût pas accordé une puissance temporelle, un moment eut suffit pour éteindre le schisme, comme Théodoric, roi d'Italie, fit cesser celui de Symmaque, et comme cela arriva dans d'autres circonstances, que nous avons déjà fait connaître. La position dans laquelle Victor se trouvait ne l'empêcha pas d'envoyer une escadre en Afrique, avec des troupes de débarquement pour châtier les Sarrasins, et pour faire la conquête des peuples qui habitaient les côtes de la mer. On peut considérer cette expédition comme l'avant-coureur des croisades, que nous verrons commencer sous le pontificat suivant, On dit que Victor mourut empoisonné. Il est constant que les cardinaux Richard, abbé de Marseille, qui avait été légat en Espagne, et Hugues, archevêque de Lyon, l'un des trois que Grégoire VII jugeait convenable de nommer, ambitionnaient le pontificat.



URBAIN II

CVIXe PONTIFE, - De 1087 A 1099

Suite du dix-huitième schisme.

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 Othon, évêque d'Ostie, était l'un des trois que Grégoire proposa pour lui succéder. Il fut, en effet, élu immédiatement après la mort de Victor III, le 12 mars 1088. Il était Français, fils de Enchère, seigneur de Lageri, près de Reims : il avait été premier chanoine de cette dernière ville, ensuite moine de Cluny, et postérieurement abbé du Mont-Cassin. Il ne tarda pas à être nommé évêque et cardinal, et enfin pape.
Avant sa promotion au pontificat, il était d'avis qu'on ne devait point célébrer d'élection papale sans le consentement de l'empereur, souverain de Rome, ni consacrer, ni introniser l'élu avant l'approbation impériale de l'acte de l'élection. Étant encore abbé du Mont-Cassin, il s'était montré le défenseur de cette opinion, dans ses débats avec le pape Victor III ; mais, devenu pape, il changea de manière de penser. Il regarda l'honneur de l'indépendance comme une chose sacrée ; et ce qu'il regardait avant comme une justice, ne lui parut plus mériter son attention.
Il suivit le même système de Grégoire VII : dès lors il ne prit aucun moyen de faire cesser le schisme qu'entretenaient Clément III et Henri IV ; mais il s'acharna à les persécuter, eux et les évêques de leur parti, et avec tant de fureur qu'on ne pouvait reconnaître dans sa conduite le caractère du vicaire de Jésus-Christ, qui cherche la brebis égarée pour la ramener au bercail ; mais c'était un prince temporel, un roi des Gentils, qui ne respire que la vengeance et la mort.

Il fit le voyage de France, et dans un concile de Clermont, il exhorta les Français à former une armée, à l'envoyer dans la Palestine pour en faire la conquête, et pour délivrer du joug des Mahométans, les habitants de Jérusalem, de Bethléem, de Nazareth et de plusieurs autres lieux, qui furent le théâtre où s'opérèrent de grands mystères, et que notre rédempteur Jésus-Christ consacra par sa présence. Les préjugés du siècle firent adopter ce projet dont l'issue fut ce qu'elle devait être ; car ce pays retomba enfin sous le pouvoir des Orientaux ; la population fut inutilement diminuée en Europe par des émigrations de trois cent mille hommes, dans une occasion ; de quatre cent mille dans une autre, etc. ; enfin, le nombre des personnes qui périrent dans les croisades se monta à cinq au six millions.

Ces croisades produisirent le débordement de moeurs qu'on ne trouve que dans la soldatesque, ces idées chevaleresques sur le prétendu honneur, que l'on attache an duel et à d'autres préjugés dangereux ; elles donnèrent naissance à ces corporations de chevalerie, connues sous les titres distinctifs de chevaliers du Temple, de Saint-Jean, du Sépulcre, et sous plusieurs autres qui fournirent, en Europe, l'idée dé la création de l'ordre de Calatrava, de Saint-Jacques, d'Alcantara, etc., qui, en augmentant le nombre de célibataires, multipliaient les causes de la diminution de la population ; elles firent connaître, et elles nous apportèrent l'institut des ermites du Mont-Carmel, qui fut imité de suite par les Augustins, et peu de temps après par les Trinitaires et par l'ordre de la Merci : ceux-ci furent suivis, comme cela était facile à prévoir, des Dominicains et des Franciscains, source inépuisable d'instituts de mendiants, qui n'a cessé de produire, jusques à nos jours, des corporations régulières, de manière que si nous comparons le nombre des célibataires ecclésiastiques d'aujourd'hui, à celui qui existait à l'époque du concile général de Nicée, quand déjà la religion chrétienne était dominante en Asie, en Afrique et en Europe, on trouvera le rapport de mille à un.
Nous devons joindre à tout cela la réunion immense de biens-fonds et domaniaux dans les corporations ecclésiastiques, au préjudice des habitants d'un pays réduits à la condition de colons, qui gémissent sous le poids de la misère, ou sous celui de la servitude. Voilà une partie des funestes résultats que produisirent successivement les croisades, par une lutte d'idées, liées entre elles, suivant le développement que chacune d'elles présentait.
Urbain II mourut à Rome, le 29 juillet 1099

FIN DU PREMIER VOLUME.

 

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