Aquésti, en gounflejant, me diguèron : « Pouèto, que vous estoune pas de nous vèire ploura; ver nous-àutri, uganaudo, aguéli pàuri femo, martiro de sa fe, es nòsti sànti Mario. »
Poète, me dirent-elles, suffocantes d'émotion, ne vous étonnez pas de nous voir pleurer ainsi : pour nous autres huguenotes, ces pauvres femmes, martyres de leur foi, sont nos saintes Maries.
Frédéric MISTRAL, Moun Espelido,
Paris, 1906, p. 374-375.
Il y a plus de soixante-dix ans, un Anglais, le Rév. James
Anderson, publiait un ouvrage en trois volumes sur les Femmes de
la Réformation, qui fut traduit en français par Mme
Abric-Encontre. C'est d'une lecture agréable et instructive, bien que
les récits du Rév. J. Anderson sentent terriblement le prône. À force
de vouloir édifier son lecteur, il le met en défiance, comme l'a
remarqué, dans le Bulletin de la Société de l'Histoire du
Protestantisme Français, M. M.-J. Gaufrès, qui ajoute :
« L'idée est heureuse de réunir en un petit livre, d'un
usage commode, tant de traits de piété et de vertu chrétienne
jusqu'ici dispersés dans des bibliothèques entières. Exécutée par une
plume française qui connût l'art difficile des nuances et les
scrupules délicats de la fidélité historique, elle eût produit un
ouvrage d'un prix inestimable pour toutes nos familles protestantes.
Celui du Rév. Anderson, qui a obtenu un grand succès en Angleterre,
devra du moins à l'habileté et à l'heureuse hardiesse de son
traducteur de nous faire attendre ce chef-d'oeuvre avec plus de
patience et peut-être d'en suggérer à qui de droit l'ambition » (1).
Nous avons voulu composer ici, non pas une galerie de
portraits à la manière du Rév. J. Anderson, et d'après les conseils de
M. M.-J. Gaufrès, mais un simple recueil de pages féminines, où les
patronnes de la Réforme, les huguenotes du XVIIe et du XVIII, siècles,
nos Mères du Désert ou du Refuge, se présentent elles-mêmes et se
racontent, définissant, infiniment mieux que nous ne pourrions faire,
leur couronne historique. Recueil puisé aux lettres, mémoires ou
autobiographies, testaments, essais divers, poésies, cités, pour la
plupart, dans la collection incomparable que constituent les
quatre-vingt-cinq tomes du Bulletin historique et littéraire de la
Société de l'Histoire du Protestantisme Français.
Si le présent Miroir recevait du public un bon
accueil, nous lui donnerions une suite, en un volume qui ne serait,
certes, pas moins riche ni moins savoureux. On y verrait, peintes par
elles-mêmes, les femmes du Réveil. Beaux caractères, âmes pures,
grands coeurs, elles sont notre famille spirituelle d'hier et restent
cependant bien ignorées des protestants d'aujourd'hui.
Faisons la place un peu plus large, s'il vous plaît, à
ces admirables femmes de notre Réforme. J'ai trouvé parfois trop bref,
j'ose le dire, l'article consacré à telle ou telle par la France
Protestante. Il y a là une sorte d'injustice à réparer. D'où
l'anthologie que voici, qui veut être un hommage aux Mères
calvinistes.
Respirez cette gerbe d'âpre et doux parfum. Le bouquetier qui
l'a rassemblée en a emprunté les éléments aux diverses époques de
notre histoire.
Fleurs cueillies sur un sol arrosé du sang des supplices,
fleurs des cachots, fleurs du Désert, fleurs de l'exil, - flos
martyrum - qui nous rappellent un splendide morceau des Tragiques.
Agrippa d'Aubigné, ayant raconté les premiers martyrs, dit qu'il
n'oubliera pas, après eux, les deux femmes héroïques pendues et
brûlées en place de Grève, Radegonde et Claude Foucaud, filles d'un
Procureur au Parlement de Paris, que le peuple trouva
« belles ».
- Le printemps de l'Eglise et l'été sont passés.
- Si (2) serez-vous par moi, verts boutons, amassés,
- Encore éclorez-vous, fleurs si franches, si vives,
- Bien que vous paraissiez dernières et tardives.
- On ne vous lairra (3) pas, simples (4) de si grand prix,
- Sans vous voir et flairer au céleste pourpris.
- Une rose d'automne est plus qu'une autre exquise
- Vous avez éjoui l'automne de l'Eglise (5).
Que ne donnerions-nous pas pour avoir quelques pages, un
billet, quelques lignes de nos premières martyres ? Car nous
avons lu Crespin, sa brûlante histoire des saints de la Réforme, notre
Légende dorée, et la voix d'une Philippe de Luns et de ses imitatrices
nous sonnera toujours dans le coeur.
Puisque nous ne possédons aucun texte de leur plume,
écoutons-les, du moins, indomptables et candides, confesser tout haut
leur foi. Sublime prologue pour un livre qui est, je pense, en ses
plus intenses parties, comme le poème de la foi et du martyre, voire,
selon le mot de Michelet, « une seconde Bible sans le savoir, et
combien sainte ! » (6).
Puissance du calvinisme, - foyer où s'est allumé le coeur
de nos Mères huguenotes, - puissance de « ces doctrines capitales
de la souveraineté de Dieu et de la justification par la foi, que l'on
a souvent accusées d'écraser la liberté humaine et de stériliser les
oeuvres chrétiennes », et qui « ont produit », au
contraire, « les plus fermes caractères et les vies le mieux
remplies ». La vertu éducatrice du calvinisme brille d'un vif
éclat chez les femmes de la Réforme française. C'est elle qui a
transformé de faibles veuves et de toutes jeunes filles, en
d'intrépides confesseuses de Jésus-Christ (7).
On voyait « les simples femmelettes, raconte un auteur catholique
du temps, chercher les tourments pour faire preuve de leur foi, et,
allant à la mort, ne crier que le Christ, le Sauveur, chanter quelque
psaume, les jeunes vierges marcher plus gaiement au supplice qu'elles
n'eussent fait au lit nuptial » (8).
Flos martyrum, fleur des martyrs... Mais écoutons-les (9).
En 1545, Marion, femme d'Adrian, couturier de Tournai,
fut arrêtée avec son mari. Adrian ne demeura ferme, dit Jean Crespin,
et pourtant fut décapité, tôt après sa prise. Sa femme, au contraire,
persévéra toujours. Pour chose quelconque, on ne la sut divertir ni
faire aucunement vaciller, à quoi néanmoins les adversaires tâchèrent
par tous moyens, lui mettant au devant que son mari s'était repenti.
Elle ne croyait leur dire. On la condamna à être enterrée et enfouie
toute vive. Ainsi qu'on la menait au supplice, au
grand marché de la ville, elle ne cessa d'admonester le peuple et de
prier Dieu pour ceux qui étaient encore détenus en ignorance. Et,
quand elle passa devant la tour du beffroi (où elle pensait son mari
être encore prisonnier), s'écria à haute voix :
« Adieu, Adrian, je m'en vais à d'autres
noces. »
En 1549, Anne Audebert, veuve de Pierre Genest,
apothicaire, fut condamnée à être brûlée vive sur la place du Martroy,
à Orléans. Comme en la liait d'une corde, à la façon accoutumée, elle
dit : « Mon Dieu, la belle ceinture que mon époux me
baille ! Par un samedi, je fus fiancée pour mes premières
noces ; mais, en ces secondes noces, je serai mariée, ce samedi,
à mon époux Jésus-Christ. » Quand elle vit le tombereau à boue,
elle demanda de coeur allègre : « Est-ce ci où il me faut
monter ? » Et, en disant cela, elle monta courageusement, et
jusques à la fin persévéra avec constance et vertu admirable.
La même année, le 2 avril, dans la ville de Valenciennes,
on conduisit au supplice une simple marchande, Michelle de Caignoncle.
Du milieu de la foule, une vieille pauvresse se lamenta :
« Hélas ! Mademoiselle, vous ne nous donnerez
plus l'aumône. - Si bien te la ferai-je encore une fois, dit Michelle.
Tiens, voilà mes pantoufles, je n'en ai plus que faire. »
Une jeune femme de vingt-trois ans, veuve d'un
gentilhomme, Philippe de Luns, dame de Graveron, fut prise, le 4
septembre 1557, dans une assemblée de protestants réunis à Paris, rue
Saint-Jacques, pour faire la Cène. Elle eut de durs assauts en la
prison du Châtelet, mais elle demeura victorieuse. C'était sa réponse
ordinaire :
« J'ai appris la foi que je confesse de la Parole de
Dieu, et je veux vivre et mourir en icelle. »
Venant devant les juges,elle soupirait
quelquefois, cependant elle répondait toujours d'un franc courage.
Elle fit cette requête :
« Monsieur, vous avez commandé que je fusse enfermée
seule. Je vois bien que ma mort approche. Et pourtant, si j'ai jamais
eu besoin de consolation, c'est à présent. Je vous prie m'octroyer que
j'aie une Bible ou un Nouveau Testament pour me conforter. »
Attendant l'heure du supplice, elle vit un prêtre
approcher d'elle pour la vouloir confesser.
« Je me confesserai à Dieu, et je m'assure recevoir
de lui pardon. Je ne crois autre que lui seul me pouvoir absoudre. Je
n'ai appris autre chose en la Parole de Dieu. »
Elle fut sollicitée par quelques conseillers de la Cour
de prendre une croix de bois en ses mains, selon la coutume des autres
qu'on mène au supplice, et alléguaient lesdits conseillers :
« Dieu commande à chacun de porter sa croix. »
- « Messieurs, répondit-elle, vous me faites bien porter ma
croix, m'ayant injustement condamnée, et m'envoyant à la mort pour la
querelle (la cause) de Notre-Seigneur Jésus-Christ, lequel n'entendit
oncques parler de cette croix que vous dites. »
Requise de bailler sa langue au bourreau, pour qu'il la
coupât, le fit allégrement, disant ces paroles :
« Puisque je ne plains mon corps, plaindrai-je ma
langue ? Non, non. »
On partit. Elle n'était aucunement changée de visage,
assise dessus le tombereau, elle montrait une face vermeille, voire
d'une excellente beauté. Elle avait auparavant pleuré son mari et
porté le deuil ; mais à présent elle avait posé tous ses
habillements de veuvage et repris le chaperon de velours et autres
accoutrements de joie, comme pour recevoir cet heureux triomphe et
être jointe à son époux Jésus-Christ. On arriva à la place Maubert, où
elle fut étranglée après avoir été flamboyée aux pieds et au visage.
La place Maubert vit également, en août 1559, le triomphe
de Marguerite Le Riche ou la Dame de la Caille, épouse d'Antoine
Ricaut, libraire à l'enseigne de la Grand'Caille.
Cette femme porta toujours son affliction avec une joie
indicible, chantant assidûment psaumes et louant Dieu. Elle consolait
ses compagnes, criait à ceux qui partaient de la Conciergerie pour
aller à la mort, les exhortant à se réjouir et à porter patiemment les
opprobres de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Même à Monsieur Du Bourg (10),
elle servit beaucoup pour l'affermir. Car elle avait
une petite fenêtre en sa chambre qui regardait celle de Monsieur Du
Bourg, et de là, par paroles ou par signes quand on l'empêchait de
parler, l'incitait à persévérer constamment et le consolait, de
manière que ce même Du Bourg, étant importuné de se dédire, dit ces
mots :
« Une femme m'a montré ma leçon et enseigné comment
je me dois porter en cette vocation-ci. »
On la mit dans le tombereau. Elle passa comme triomphante
au milieu de la foule amassée par les rues pour la voir. Elle avait un
visage franc et de bonne couleur, les yeux toujours levés au ciel.
Étant au lieu du martyre, on lui demanda si elle ne voulait point
changer de propos. Elle fit réponse que son propos était si bon et si
bien fondé en la Parole de Dieu, qu'elle ne le changerait jamais. Et
pour leur montrer que la mort ne l'effrayait point, elle commença à se
dépouiller sans que le bourreau en eût la peine. Le feu fut allumé.
Renaudine de Francville, femme d'un marchand de Cambrai,
montra, au mois de juillet de l'an 1562, ce qu'elle avait retenu des
prédications. Ni la mort cruelle dont elle était menacée par ses
juges, ni les allèchements de ses parents et amis, ne la surent
aucunement divertir de la vraie confession du nom de Dieu. Sa
belle-mère, entre autres, la vint voir avant qu'on l'exécutât, et lui
dit plusieurs fois ces mots, en langage du pays : « Ma mie,
retournez-vous, retournez-vous, je vous prie. » Renaudine, pour
lui montrer qu'elle perdait temps, d'un coeur allègre et dispos revira
une fois et deux devant elle, en disant :
« Eh bien, ma mère, je me retourne ;
contentez-vous, et n'attendez qu'autrement jamais je me
retourne. »
Et nous en pourrions citer beaucoup d'autres, des femmes
du peuple, des femmes nobles, qui furent ainsi menées au triomphe,
brûlées, pendues, enfossées.
Ce sont nos saintes à nous, ces victorieuses. Comment ne
pas les aimer ? Comment ne pas les trouver
« belles » ? Elles respirent la grâce du printemps. On
sent l'âme en fleur en les voyant. Et dans leurs paroles, il y a une
sereine fortitude, un caractère étonnant de joie, de jeunesse. Le
souffle même de la Réforme. Loin d'être vain, leur sacrifice a gagné
bien des coeurs au protestantisme, car le sang répandu - sanguis
martyrum - est, de toutes les semences de régénération, la plus
féconde.
- Les cendres des brûlés sont précieuses graines
- Qui, après les hivers noirs d'orage et de pleurs,
- Ouvrent, au doux printemps, d'un million de fleurs
- Le baume salutaire... (11).
Et celles-ci ne furent nullement, parmi les femmes
protestantes, une exception, étincelante apparition
se détachant sur un fond sombre. On en rencontre d'aussi héroïques et
d'aussi pures dans les générations calvinistes qui suivirent.
Une raideur tendue, un coeur trop sévère, ce n'est pas là
ce qui caractérise nos huguenotes, et M. Georges Blot a eu grandement
raison de noter avec soin (12),
chez les ancêtres, franchise d'accent, joie profonde des yeux et de
l'âme, éclats de verve, rire de bonne humeur, dons primesautiers.
En des récits parfois lourdement hagiographiques, des
prédicateurs dressent nos Pères et nos Mères comme des lutteurs au
front d'airain et plus grands que nature.
- Dans quel granit, ô mes Cévennes,
- Fut taillé ce peuple vainqueur ? ...
Qu'on nous les campe en un relief fortement accusé, rien de
mieux ; mais nous les offrir figés en une attitude hiératique et
drapés d'impassibilité ! ... Ne nous lassons pas de le redire,
nos saints et nos héros sont humains, et si l'on veut bien les
considérer, « moins dans les situations dramatiques où les
circonstances poussent l'homme à se dépasser, que dans la vie
quotidienne, l'intimité et les heures d'abandon » (13),
on sentira battre leur coeur, d'une humanité
profonde.
Pascal avait raison :
« On regarde saint Athanase, sainte Thérèse et les
autres, comme couronnés de gloire et... comme des dieux. Mais, au
temps où on le persécutait, ce grand saint était un homme qui
s'appelait Athanase, et sainte Thérèse, une fille » (14).
Que l'on prenne donc la peine de les lire, nos héros et
nos saints sont des hommes comme nous, nos héroïnes
et nos saintes sont des femmes.
À y regarder de près, Jeanne d'Albret, « grand
homme » s'il en fut (on connaît le mot d'Agrippa d'Aubigné :
« N'ayant de femme que le sexe, l'âme entière aux choses
viriles... ») Jeanne d'Albret elle-même ne laisse pas d'avoir des
préoccupations toutes féminines : voyez, je vous prie, ses
lettres.
Et sa fille, Catherine de Bourbon, cette loyale, cette
parfaite huguenote, aimait fort la danse, encore qu'elle fût boiteuse.
Tous les protestants savent qu'elle faisait prêcher dans le Louvre,
lors de ses séjours à Paris ; mais beaucoup ignorent qu'elle
courait, au sortir du prêche, prendre part à un ballet.
« Madame fit un ballet magnifique au Louvre, où il
n'y eut rien d'oublié, si ce ne fut possible, que Dieu, qui ne se
trouve en telles compagnies pleines de luxe et dissolution. »
Pierre de L'Estoile est bien sévère, et nous ne condamnerons pas la
tendre soeur de Henri IV. Comme s'exprime son historien, M. Raymond
Ritter, « dans la limpidité parfaite de son âme, elle avait trop
de naturelle et confiante piété pour ne pas comprendre instinctivement
que Dieu préfère l'hommage d'un libre et franc sourire, pourvu qu'il
soit aimant, au froid respect d'une face gourmée et morfondue » (15).
Ces femmes de la Réforme, elles sont bien de chez nous,
et la lumière d'un beau ciel français resplendit sur leur visage. Non,
le charme ne leur manque pas, et plusieurs l'ont irrésistible, et
plusieurs même nous sourient de l'aimable sourire des saintes du pays
de France. Rien des « Eves dolentes » et des
« Magdeleines repenties » dont parle Florimond de Roemond (16),
ni des calvinistes rigides,
engoncées, maussades de nature, condamnant la joie comme un péché. Nos
Mères huguenotes étaient plus souriantes qu'on ne le croit, et le
portrait traditionnel doit être corrigé. Si elles paraissent parfois
tout d'une pièce, un peu trop dédaigneuses des nuances, avec la
passion du bien plutôt que du beau, elles n'ont jamais été, en tous
cas, celles que représente une sotte et injurieuse légende : des
femmes d'une chagrine austérité, n'ouvrant leurs lèvres plissées que
pour discuter ou sermonner.
Nous les avons lues et nous les avons trouvées
réceptives. Réceptives et capables de tirer de cette réceptivité le
pouvoir d'embellir leur sympathie. Elles sont bien, elles aussi,
certes, de ces femmes en qui l'on a vu la musique de la vie, de ces
gentils esprits, de ces « esprits charmants et légers »,
qu'invoquait Sainte-Beuve et dont il disait qu'ils furent, « de
tout temps, la grâce et l'honneur de la terre de France ». Leur
âme est cordialement ouverte, comme leur demeure, Quelques-unes
d'entr'elles sont de véritables humanistes, ayant été nourries aux
lettres, anciennes, telle cette Catherine de L'Estang qui laissa à son
fils, Agrippa d'Aubigné, un Saint-Basile en grec commenté de sa main,
relique dont le vieil Agrippa parlait si fièrement à ses filles (17).
L'on découvre, chez nos huguenotes, humanité, clair bon sens, sagesse
et beauté de coeur. Une Louise de Coligny déploya en Hollande une
surprenante largeur de vues dans les querelles à l'occasion des
doctrines arminiennes. « Cette personne admirable », qui
« était étonnamment la fille de l'Amiral » (18),
portait dans la politique un
jugement sain, relevé au besoin d'une pointe d'ironie (18b).
Ah ! qu'elle est bien française ! Et l'esprit tolérant,
élevé d'une Charlotte-Brabantine de Nassau, sa fille adoptive,
« la belle Brabant », qui devint duchesse de La Trémoïlle,
n'a-t-il pas mérité ce grand hommage de la catholique comtesse de
Fiesque :
« Je sais que vous m'aimez et de plus vous savez que
je vous honore et estime, hors la religion, autant que personne du
monde, jusques à vous tenir pour sainte sans ce manquement » (19).
Je pense également à Charlotte de Caumont La Force, la
délicieuse maréchale de Turenne intelligence si pénétrante, douée,
écrit son arrière-petit-neveu, le duc de La Force, d'un « bon
sens qui eût ravi saint François de Sales ».
On ne rencontrera pas chez nos calvinistes un
protestantisme décoloré. Elles ont de fortes convictions bibliques.
Mais le souffle de la Réforme, loin de dessécher, faner ou éteindre en
elles le naturel de bonne humeur, de gaieté française, de goût
artistique, l'a aidé à reverdir et s'épanouir.
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