Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XXXII.

Les fêtes.

  Célébrons la fête non avec le vieux levain, ni avec le levain de la malice et de la méchanceté, mais avec les pains sans levain de la sincérité et de la vérité. 1 Cor., V, 8.



 Reconnaissant que, dans la mesure déterminée par le Créateur lui-même, le travail est aussi impérieusement ordonné à l'homme que le repos, le protestantisme est extrêmement sobre de fêtes religieuses.
Il accepte comme un bienfait et observe comme une ordonnance le repos du dimanche.
Ce premier jour de la semaine rappelle aux chrétiens celui où le Seigneur Jésus, sortant vainqueur du tombeau, détruisit à jamais la puissance du sépulcre et justifia les pécheurs repentants auprès de la justice de Dieu.

Selon nos principes, ce jour doit être donné tout entier à la piété et au repos, et tout ce qui ne contribue pas réellement à l'amélioration du coeur, au développement de la vérité évangélique dans les âmes, ou à l'exercice du bien, nous semble une véritable profanation du dimanche.
Nous en réclamons l'observation pour le soulagement et l'instruction des pauvres, aussi bien que pour le bien-être des classes supérieures, et nous croyons que les progrès de la vraie piété, et par conséquent ceux du bonheur, sont attachés à cette sage observation.

À part le dimanche, nous observons les fêtes suivantes, non à titre d'institutions divines, portant, en conséquence, un caractère d'obligation rigoureuse, mais comme convenables et bienséantes dans l'ordre de l'Église, qui offre en elles au peuple chrétien les souvenirs les plus augustes et les plus édifiants.

Le jour de Noël ouvre la série des souvenirs évangéliques ; il nous rappelle la naissance de notre Emmanuel, Dieu incarné, Sauveur du monde, qui ne dédaigna pas notre chair infirme ; Homme de douleurs, qui connut et promit de guérir toutes nos douleurs.

Le jour de l'an, qui appelle les enfants du siècle à se visiter et à s'adresser de mutuelles félicitations, réunit le peuple de Dieu dans sa maison sainte, pour attirer les bénédictions du ciel sur la terre, et pour méditer salutairement sur la fuite du temps qui nous échappe, et sur l'approche de l'éternité, que le pardon évangélique peut seul dépouiller de ses terreurs.

La Semaine sainte rappelle aux fidèles la suite des douleurs humaines et des gloires divines par lesquelles Jésus-Christ dut passer avant d'opérer et de confirmer notre justification.

Le dimanche des Rameaux, Jésus entra d'une manière triomphale dans la ville de Jérusalem, salué du peuple par de glorieux hosannas.

Le Jeudi saint, Jésus institua la cène, qui nous rappelle, sous le touchant emblème d'un repas fraternel, l'effusion de son sang et la fraction de son corps qu'il donna pour racheter nos âmes coupables.

Le Vendredi saint offre à notre mémoire le jour marqué par la prescience du Père pour l'abolition du sacrifice et l'accomplissement entier du salut. Alors l'Agneau de Dieu ôta les péchés du monde, s'offrant lui-même en holocauste volontaire, saint et tout-puissant pour satisfaire les exigences de la loi et pour nous réconcilier avec notre juge.

Le jour de Pâques, en présentant à notre souvenir la résurrection de Jésus-Christ, confirme toutes les promesses évangéliques et résume tous les trésors de compassion que le Père amasse dans son coeur en faveur de ses faibles enfants.

Le jour de l'Ascension réunit encore les fidèles pour diriger spécialement leurs pensées et leurs désirs vers la demeure que Jésus est allé nous préparer lui-même dans le ciel ; il scelle aussi pour jamais les espérances que nous pouvons fonder sur Celui dont le Père a accepté la mission et le sacrifice, en le rappelant dans son propre sein, glorieuse patrie qu'il avait habitée de toute éternité.

Le jour de Pentecôte fut signalé, dans les temps apostoliques, par une effusion extraordinaire du Saint-Esprit sur son Église naissante. Une semblable dispensation, moins éclatante sans doute, mais non moins efficace, a été promise à l'Église dans tous les âges ; « la promesse, » dit saint Pierre, « a été faite à nous et nos enfants ; » c'est pourquoi les fidèles s'assemblent dans le jour où la promesse fut faite et ratifiée, afin d'en appeler le glorieux accomplissement.

Nous avons dit ailleurs que la sainte cène est célébrée chez nous les jours de Noël, Pâques et Pentecôte ; on ajoute aussi le premier dimanche de septembre, non que ce jour rappelle aucun souvenir biblique, mais afin de répartir sur toute l'année, et d'une manière à peu près égale, les époques où les fidèles s'approchent de Dieu par la communion visible, au nom du Seigneur Jésus-Christ.

Un jeûne spirituel, c'est-à-dire l'humiliation et la tristesse religieuse, a remplacé, chez les protestants, le jeûne matériel, dont l'observation leur paraît plutôt expédiente que nécessaire. Il a paru convenable à nos pères de consacrer un jour tout entier à l'humiliation publique.
La plupart de nos Églises l'ont fixé aux approches de Pâques. Dans ce jour, les prédications sont plus multipliées, les prières plus pressantes, les exhortations plus sévères, l'exposition de la loi plus intime et plus incisive ; c'est une précieuse occasion, pour les conducteurs du troupeau, de lui faire entendre des vérités utiles, pénibles peut-être, mais trop souvent méritées...

Les protestants n'observent point le carême, et ils ne font aucune distinction entre les aliments gras ou maigres. Les passages scripturaires suivants leur paraissent justifier suffisamment leurs croyances sur ce sujet :
« Le royaume de Dieu ne consiste ni dans le manger ni dans le boire (Rom., XIV, 17.). Ce qui souille l'homme n'est pas ce qui entre dans sa bouche, mais ce qui en sort (Matth., XV, 11.). Que nul ne vous condamne au sujet du manger et du boire (Col., II, 16.). Mangez de tout ce qui se vend à la boucherie sans vous en inquiéter au sujet de la conscience (1 Cor., X, 25). »

Les fêtes que nous venons d'énumérer ont un caractère plus spécialement ecclésiastique ; il en est d'autres qui sont commandées par le pouvoir civil.
Les fêtes auxquelles nous faisons allusion sont celles dans lesquelles le Monarque réclame des prières spéciales sur sa personne auguste, sur sa famille et sur son gouvernement, ou celles qui sont commandées par quelque circonstance particulière, telle qu'une éclatante victoire, le rétablissement de la paix, etc.
Nous nous associons de bon coeur à ces solennités et comme citoyens et comme disciples de Jésus-Christ, dociles à cette injonction de l'Apôtre, qui écrivait à Timothée (1 Tim., II, 1, 2, 3) : « Je recommande donc avant toutes choses qu'on fasse des requêtes, des prières, des supplications et des actions de grâces pour tous les hommes, pour les rois et pour tous ceux qui sont constitués en dignité, afin que nous menions une vie paisible et tranquille en toute piété et en toute honnêteté ; car cela est bon et agréable à Dieu notre Seigneur. »

Pendant ces solennités, l'Église entonne le Te Deum, cantique composé par un ancien docteur, dans lequel la gloire de la Sainte Trinité est exaltée d'une manière sublime, cantique qui appartient à toutes les communions, et qui pourrait bien leur servir à toutes de point commun de ralliement, car il exprime leurs communes convictions. On a réuni les passages scripturaires suivants, qui résument les devoirs des monarques et des peuples, pour les lire à l'occasion des fêtes nationales.

« Béni soit le nom de Dieu, depuis un siècle jusqu'à l'autre, car à lui est la sagesse et la force ; c'est lui qui change les temps et les saisons, qui ôte les rois et rétablit les rois, qui donne la sagesse aux sages et la science aux intelligents.
O rois ! ayez de l'intelligence ; juges de la terre, recevez instruction. Servez l'Éternel avec crainte, et réjouissez-vous avec tremblement. Vous mourrez comme les autres hommes, et, quoique au premier rang, vous tomberez comme l'un d'eux.
Vous n'aurez point égard à l'apparence des personnes en jugement ; vous écouterez le petit comme le grand ; vous ne craindrez personne, car c'est de la part de Dieu que vous exercez la justice.
Faire une injustice doit être une abomination aux rois, car le trône est établi pour la justice. Les rois doivent prendre plaisir aux paroles de justice, et aimer celui qui profère des choses droites.
Les princes que j'établirai ne fouleront plus mon peuple. Princes, ôtez la violence, rendez le droit et la justice, ayez la balance juste.
Choisis d'entre le peuple des hommes vertueux et craignant Dieu, des hommes droits et qui haïssent tout gain déshonnête ; établis-les chefs sur les peuples. Prenez des gens sages, habiles et connus, et je vous les donnerai pour chefs.
Le peuple tombe faute de prudence. Quand un pays est en rébellion, il s'élève une multitude de chefs ; mais un seul homme sage suffit pour maintenir l'ordre.
L'ambition est une source d'animosité, mais la confiance en l'Éternel assure le repos.

Lorsque les justes s'élèvent, c'est une joie publique ; mais quand le méchant domine, tout le peuple gémit.
Tu ne médiras point des juges, et tu ne maudiras point le prince de ton peuple.
Observez les ordres du roi, et ce que vous lui avez juré au nom de Dieu. Celui qui obéit à ses ordres ne sentira aucun mal, et le coeur du sage connaît le temps et la conduite qu'il doit tenir.

Le prince est le ministre de Dieu pour ton bien ; mais, si tu fais mal, crains, parce qu'il ne porte pas en vain l'épée ; car il est le ministre de Dieu et le vengeur pour punir celui qui fait mal. C'est pourquoi il est nécessaire d'être soumis non seulement par la crainte de la punition, mais aussi à cause de la conscience. C'est aussi pour cela que vous payez les tributs, parce qu'ils sont les ministres de Dieu, qui s'appliquent sans cesse à leur emploi. Rendez donc à chacun ce qui lui est dû : le tribut à qui vous devez le tribut, les impôts à qui vous devez des impôts, la crainte à qui vous devez la crainte, l'honneur à qui vous devez l'honneur.

Soyez donc soumis à tout ordre humain pour l'amour du Seigneur ; soit au roi, comme à celui qui est au-dessus des autres ; soit aux gouverneurs, comme à ceux qui sont envoyés de sa part pour punir ceux qui font mal et pour honorer ceux qui font bien. Car telle est la volonté de Dieu, qu'en faisant bien vous fermiez la bouche aux gens ignorants et dépourvus de sens. Vous êtes libres ; que votre liberté ne vous serve pas de prétexte pour faire le mal ; conduisez-vous comme des serviteurs de Dieu. Rendez honneur à tout le monde, aimez tous vos frères, craignez Dieu, honorez le roi.
La justice élève une nation, mais le péché est la honte des peuples.
Oh ! que bienheureuse est la nation dont l'Éternel est le Dieu, et le peuple qu'il a choisi pour son héritage ! »

En mai 1859, toutes les Églises réformées de France ont célébré, d'une manière solennelle, l'anniversaire tricentenaire de la première constitution de nos Églises, dans le synode tenu à Paris sous la présidence de François de Morel. Une médaille commémorative a été frappée à cette occasion ; des discours remarquables ont été prononcés et publiés. En plusieurs lieux les temples ne pouvaient plus contenir la foule des auditeurs. Une assemblée de vingt mille protestants est tenue à Nîmes, non loin du lieu désert où nos pères étaient naguère réduits à célébrer furtivement leur saint culte, alors proscrit et condamné par des lois d'iniquité.




XXXIII.

Exercice de la charité chrétienne.


A. Secours aux pauvres.


  La religion pure et sans tache devant Dieu notre père consiste à visiter les orphelins et les veuves et à se préserver de la souillure du monde. Jacq., 1, 27.



 C'est à ceci que l'on reconnaîtra que vous êtes de mes disciples, disait Jésus-Christ, quand vous vous aimerez les uns les autres ; d'où il faut conclure que les Églises qui prétendent à une grande pureté dans la foi doivent le démontrer par leur zèle pour la charité.
Notre culte exige peu de sacrifices pour soutenir l'éclat de sa simplicité évangélique ; notre clergé est en grande partie entretenu par le traitement légal que le pays lui accorde ; les libéralités des fidèles peuvent donc aisément s'étendre sur la portion souffrante de la société, en faveur de laquelle les prédicateurs de l'Évangile font souvent retentir de touchants appels.
Les conseils presbytéraux, chargés spécialement du maintien de la discipline locale, sont aussi, avec juste raison, considérés comme bureaux de bienfaisance, investis du soin d'assister, avec régularité et discrétion, les nécessiteux de l'Église.
À cet effet, il reçoivent leur part des ressources affectées aux bureaux de bienfaisance proprement dits ; mais comme ces secours seraient insuffisants pour l'accomplissement de l'oeuvre de soulagement réel et efficace que ces corps religieux ont acceptée, ils ont recours à d'autres sources de charité ; c'est dans ce but que les fidèles sont invités, à l'issue des services religieux, à déposer leurs aumônes dans le tronc placé à l'entrée du temple ; à certaines époques, ils provoquent une quête à domicile ; ils reçoivent aussi des dons que de généreux chrétiens n'oublient pas de leur faire aux époques solennelles de la vie, telles que le mariage et le deuil, et des legs, résultant des volontés testamentaires que les fidèles mourants ajoutent à leurs dernières volontés en faveur des établissements de bienfaisance chrétienne.

L'ensemble de ces ressources diverses permet aux conseils presbytéraux d'étendre le bienfait de leur protection sur une foule d'êtres souffrants, qui apprennent, par sa pieuse intervention, à bénir la religion et la charité qu'elle inspire. Le diaconat vient en aide à cette pieuse entreprise ; ses dignes membres, n'écoutant que la voix de la compassion et du dévouement, visitent assidûment la demeure du pauvre, s'enquièrent avec soin de leurs besoins, se font raconter la longue et douloureuse histoire de ses infortunes, se concertent avec lui pour chercher des protecteurs, des secours et surtout du travail, et s'adressant enfin aux conseils presbytéraux, exposent, dans des réunions hebdomadaires, l'état réel des familles qu'ils ont visitées, et sollicitent en leur faveur des secours dont la nature et la quotité sont adaptées aux circonstances particulières où elles se trouvent.

C'est ainsi que les Églises qui ont pu se créer quelques ressources en étendent la distribution sur les vieillards, les infirmes, les malades, les ouvriers chargés d'une nombreuse famille, les pauvres femmes en couche, les enfants abandonnés ; elles ont des secours qu'elles dispensent avec une sainte discrétion aux infortunés qui jadis ont vu de meilleurs jours, et qui maintenant se cachent derrière le voile d'une pudeur qu'il importe de respecter.

Les étrangers que d'impérieuses circonstances obligent à changer de domicile, et que la maladie ou l'absolu dénûment arrêtent à leur passage, n'échappent pas entièrement à la sollicitude des Églises consistoriales, lorsque des recommandations viennent démontrer qu'ils n'appartiennent pas à la classe méprisable des mendiants et des vagabonds. En s'adressant à ces divers ordres d'infortunes, les consistoires savent adapter à chacun les secours qui lui conviennent ; c'est ainsi qu'ils distribuent des secours en pain, en argent, en vêtements d'hiver, en médicaments, en visites de médecins, en literie, en layettes, etc. ; soigneux de suivre, dans la répartition de leurs bienfaits, la route de cette charité miséricordieuse, également éloignée de l'avare prudence qui oppose ses refus aux cris de la famine et de l'imprudente libéralité qui perpétue la misère en encourageant l'oisiveté.

En dehors, et à côté de cette institution charitable du diaconat, on rencontre chez les protestants de France les Sociétés de secours mutuels, associations protégées par le gouvernement, approuvées de tous les hommes sages et prudents, dont les heureuses conséquences ont toujours dépassé l'attente de leurs fondateurs, et dont l'action est si conforme aux intérêts de la dignité humaine comme aux vrais progrès des populations. Elles consistent, comme chacun sait, en cotisations mensuelles, dont le produit réuni permet à la Société d'accorder à chacun de ses membres des secours convenables et une assistance personnelle pendant le temps de la maladie. Cette fraternelle institution a pour effet certain d'empêcher un grand nombre d'ouvriers de devenir les victimes de revers imprévus qui accablent tout d'un coup ceux qui n'ont pas su se ménager quelques ressources, et qui les font descendre pour jamais au rang des vrais indigents.
L'exemple donné et l'expérience fournie par les Sociétés de secours mutuels de Paris, Lyon, Montauban, Toulouse, Nîmes, Castres, Lille, etc., sont là pour démontrer l'excellence de ces institutions, dont nous appelons de tous nos voeux la plus grande extension dans notre Église et dans notre patrie.

Enfin, signalons les institutions fondées depuis la restauration de notre culte, qui à la fois démontrent sa vitalité et contribuent à le développer dans les voies de la bienfaisance chrétienne ; institutions qui ont pour seules ressources les libéralités des protestants français :
Maisons de santé :
Paris, Strasbourg, Nîmes, Montpellier, Montauban, Toulouse, Lyon, Mulhouse, Lille, Marseille, Bordeaux.
Asiles pour les vieillards : Paris, Courbevoie, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Montauban, Nîmes, Orlhez, Saint-Hippolyte.
Asiles pour les orphelins : Paris, Neuhof, Saverdun, Castres, Tonneins.
Asiles pour les orphelines : Paris, Crest, Nîmes, Montauban, Orléans, Nérac, Pau, Orthez, AvalIon, Lemé, Alger.
Asile pour les idiotes et les enfants scrofuleux :
Laforce.
Asile pour les sourds-muets : Saint-Hippolyte.
Refuge pour les repenties : Paris, Nîmes.
Colonie pénitentiaire pour les jeunes détenus des deux sexes : Sainte-Foy.
Société pour soigner les pauvres aux bains de mer : Le Grau-du-Roi,
Institution pour élever les diaconesses (1) ou former des garde-malades : Paris, Strasbourg, Nîmes, Bordeaux.

 

B. Instruction publique.


  Instruis le jeune enfant dès l'entrée de sa voie, et quand il sera vieux, il ne s'en écartera pas. Prov., XXII, 6.



 Élevé comme un phare éclatant à la tête de la civilisation des peuples, le protestantisme s'est toujours montré le protecteur de l'instruction populaire.
Il vit de vérité ; il ne connaît pas de plus dangereux ennemis que les préjugés et l'ignorance. Il appelle donc de tous ses voeux, encourage de toute son assistance, et éclaire par toute son influence tous les moyens propres à développer chez les peuples les connaissances utiles et bonnes. Les services que le protestantisme a rendus en France sous ce rapport ne sont contestés par personne. C'est à lui qu'on doit l'introduction de l'enseignement mutuel, des salles d'asile, des écoles du dimanche, et l'invention des bibliothèques populaires ; il a donné à la France l'homme d'État qui, dans nos temps modernes, paraît avoir apporté dans la direction de l'université et de tous les établissements qui s'y rattachent les vues les plus neuves, la direction la plus forte, l'influence la plus durable. Et s'il est permis d'attendre encore, pour l'instruction primaire dans notre patrie, un plus grand développement et de nouveaux progrès, nous le devrons surtout à l'étude de ce qui s'est fait pour cette oeuvre importante, sous l'influence des idées protestantes, en Prusse, en Angleterre, en Hollande et aux États-Unis.

Dans les villes où il a été permis à nos Églises de se développer sans trop de contrainte, l'enseignement public, grâce à la sollicitude des consistoires et à la protection des autorités locales, est aujourd'hui arrivé à l'état où se trouve un édifice dont toutes les parties principales ont été élevées sans qu'elles soient encore ni parfaitement terminées ni même suffisamment liées entre elles, mais qui offre cependant des conditions précieuses d'utilité et de solidité.

Voici donc les établissements par lesquels la jeunesse de nos Églises est appelée successivement à passer.

Les salles d'asile reçoivent les petits enfants depuis l'âge de trois ans jusqu'à six. D'habiles instituteurs, souvent aidés de leurs épouses, s'efforcent de développer, dans l'intérêt de la vérité, la jeune intelligence, et de dresser à l'amour du bien le coeur de leurs élèves, à l'aide de leçons extrêmement simples, d'histoires attrayantes et de questions mille fois répétées.
L'exercice et le mouvement, si nécessaires à leur âge, dirigés à l'aide d'une gymnastique convenable, entretiennent et développent chez eux la force et la santé.
À ces soins viennent se joindre ceux de la propreté, soit dans la personne, soit dans les vêtements, si capables de rehausser le sentiment de dignité personnelle qui doit accompagner l'homme dans toutes les phases de la vie.
La salle d'asile est un admirable bienfait pour les parents, que l'on décharge ainsi du soin de leurs petits enfants, à l'heure où le père est peut-être absent et la mère au travail (2).

La salle d'asile prend l'homme au sortir du berceau ; l'école d'enseignement mutuel le reçoit au sortir de la salle d'asile. Ce n'est pas ici le lieu d'exposer le système qui préside à l'instruction dans ces écoles, système d'ailleurs assez connu, et auquel les progrès du temps ont apporté d'utiles modifications par une heureuse combinaison avec l'enseignement simultané (3).

Dans les écoles dont nous parlons, le programme des études se borne à la lecture, l'écriture, l'usage des premières règles de l'arithmétique, le catéchisme et le chant sacré.
Il fallait, après cela, un enseignement supérieur pour ceux des élèves qui, persévérant dans ces épreuves successives, désiraient acquérir une instruction capable de les conduire plus loin dans la vie industrielle et commerciale ; c'est dans ce but que l'on a créé des écoles supérieures.
Sous les soins du directeur, les élèves y apprennent la grammaire, l'histoire de France, la géographie, l'arithmétique, la géométrie, le dessin linéaire et l'histoire sainte.

Reste encore les hommes faits, qui, dans leur première jeunesse, ont passé par des temps moins heureux, ou que des parents négligents et oublieux ont privés de la première instruction : ouvriers de la onzième heure, arrivant tard, sans doute, mais arrivant enfin, pleins de bon vouloir, altérés d'instruction. Pour eux se sont ouvertes les écoles d'adultes, où le soir on voit accourir nos ouvriers qui, le jour, cultivent nos champs, élèvent nos édifices, ou de leurs mains calleuses font battre nos métiers.
Il est inutile d'ajouter que ceux de nos jeunes hommes qui se destinent aux fonctions à la fois si pénibles et si honorables d'instituteurs participent aux bienfaits des écoles normales fondées par l'État. Nous possédons même en France des établissements de ce genre qui ont un caractère spécialement protestant, telles les écoles de Paris, Courbevoie, Nîmes, Orlay, Dieu-le-Fit, Sainte-Foy, etc.

L'enseignement public donné aux jeunes filles est en tout point semblable à celui que les garçons reçoivent dans nos écoles, et l'on n'observe point chez nous l'inégalité qui existe encore à cet égard sur plusieurs points de la France.
Le gouvernement de nos écoles se ressent de la double et salutaire influence de l'Église et de la cité, et l'on comprendra aisément que ce n'est pas trop de la réunion de toutes les influences morales et religieuses, avec toute la puissance gouvernementale et administrative, pour créer, consolider et poursuivre une oeuvre si importante et si étendue.
Aussi, tout en même temps que l'Église redouble d'efforts pour étendre l'instruction populaire et pour la rendre plus efficace, l'État la considère comme une dette dont il faut au plus tôt s'acquitter envers la nation.

À cet effet, la cité et l'Église donnent à nos écoles des comités de surveillance, composés de jeunes hommes actifs, ardents au bien, capables de comprendre et d'inventer les moyens de le produire, et forts pour les mettre en oeuvre avec une infatigable persévérance. Oublieux de leurs plaisirs ou de leurs propres intérêts, on voit ces jeunes hommes s'occuper avec suite de soins fastidieux, et donner leur temps à une inspection constante et minutieuse.
Honneur à ceux qui comprennent si bien les devoirs de leur âge et de leur position sociale ! Heureuses les cités qui se peuplent de bonnes écoles primaires ! Les générations naissantes y apprennent à obéir à qui de droit ; elles y apprennent à se respecter elles-mêmes, à compter sur le travail de leurs mains, à espérer de l'avenir, à aimer l'Évangile de Jésus-Christ. Elles reçoivent à l'école des leçons de propreté, d'économie, de subordination, d'humilité, de piété. C'est à l'école que se forment les citoyens paisibles, les ouvriers laborieux, les fils soumis, les chrétiens humbles et vertueux.

Lorsque les générations ont été gâtées par des commotions inattendues, par le triomphe momentané de quelque mauvais principe, ou par des malheurs extraordinaires contre lesquels la sagesse humaine est demeurée impuissante, c'est l'école qui rétablit le règne des bons principes, qui ramène le calme et la moralité publique...
L'école refait les générations... L'école est donc un sanctuaire que, dans l'ordre hiérarchique des institutions consacrées aux occupations graves, on peut placer après le sanctuaire de la religion, et avant le sanctuaire de la justice ; car elle est destinée à peupler le premier d'humbles adorateurs de Dieu, et à laisser le second désert et muet par l'amélioration progressive des moeurs et le retour au bien.
Aussi, dans ce sanctuaire, l'instituteur a-t-il charge d'âmes. À lui de seconder les vues de l'Église et de la cité ; à lui le premier développement des jeunes intelligences ; à lui de faire naître les premières émotions dans les jeunes coeurs ; à lui de jeter les premières semences de l'ordre, de l'honnêteté, de la vertu ; l'avenir lui demandera compte de son administration !... Aussi l'Église et la cité ont les yeux sur lui ; elles tendent chaque jour à relever sa dignité, à assurer son avenir, à éloigner les soucis et les préoccupations fâcheuses qui pourraient l'entraver dans sa sainte mission. Et, nous pouvons le dire, la plupart des instituteurs semblent, enfin, comprendre ce progrès de l'opinion publique à leur égard, comme ils comprennent mieux leurs importantes fonctions.

Après avoir mis en mouvement une multitude d'intelligences ignorantes ou endormies, après avoir fait naître en elles la soif de connaître, il fallait au plus tôt satisfaire à leurs nouveaux besoins, au risque de les voir se dépraver ou s'éteindre. C'est dans ce but qu'on a fondé des Bibliothèques populaires.
Ces utiles établissements, dont l'invention appartient à nos temps modernes (4), offrent un choix de bons ouvrages à l'usage de ceux qui ne craignent pas de faire un léger sacrifice (5) dans l'intérêt de leurs progrès intellectuels. Religion, morale, sciences naturelles, industrie, histoire, voyages, littérature, tout a été mis à contribution pour couvrir les rayons des bibliothèques populaires, et répandre au loin des connaissances à la fois agréables, utiles et dirigées dans un esprit qui se résume par cette devise, que devraient porter tous les établissements d'instruction publique : civiliser sans pervertir.

Une société autorisée par ordonnance royale du 15 juillet 1839, sous le titre de Société pour l'encouragement de l'instruction primaire parmi les protestants en France, protège les écoles protestantes de l'Empire, et emploie les fonds qui sont mis à sa disposition pour l'établissement de nouvelles écoles, et pour concourir, avec les institutions publiques ou particulières, à tout ce qui peut propager l'instruction primaire dans la population protestante. Un service religieux, institué à l'effet de rappeler les bienfaits de cette société et de l'instruction en général, a été établi dans plusieurs Églises de France.

C. Propagation des idées religieuses.


  Instruisez toutes les nations ! Matth., XXVIII, 19.



 Vous êtes la lumière du monde, disait Jésus à ses disciples d'autrefois, et il le dit encore à ses disciples de tous les temps, en leur enjoignant comme un devoir impérieux de faire part à leurs frères de toutes les vérités dont ils sont eux-mêmes éclairés. De là le prosélytisme ; non cette manie du pharisien qui, par orgueil, court la terre et les mers pour faire un seul prosélyte, faux zèle pour lequel les protestants éprouvent une répugnance toute particulière ; mais ce tendre intérêt qui porte l'âme religieuse à communiquer les dons qu'elle a reçus, à épancher ses pensées d'avenir dans d'autres coeurs d'hommes qui sont amenés, par l'entraînement de l'exemple, de la douceur et de la persuasion, à les partager avec elle ; action qui constitue l'éducation chrétienne, et qui prenant l'homme au berceau le conduit jusqu'à la tombe.

L'institution consistoriale est la première qui entre dans cette voie de propagation évangélique ; elle agit par toute l'influence du culte qu'elle préside, par tout l'ensemble du ministère chrétien et de la prédication publique de la Parole de Dieu.
On doit aussi à cette puissance conservatrice tourte l'influence religieuse qui s'exerce dans les écoles, où elle appelle le concours spécial et assidu des pasteurs, dont la loi civile sanctionne la présence dans les comités communaux et supérieurs : en certains lieux, des services religieux, sur semaine, sont affectés à l'édification et à l'instruction des jeunes enfants, qui y apprennent, dès leurs plus tendres années, à adorer Dieu en bégayant ses louanges. Le consistoire s'est aussi montré le protecteur des écoles du dimanche. Un mot sur cette utile institution.

Les écoles du dimanche furent introduites en France au retour de la paix générale, en 1814. Elles ont un caractère exclusivement religieux.
L'étude de la lecture y est remplacée par la pratique de la lecture et l'usage des saintes Écritures.

Ici les pasteurs ont appelé les laïques à leurs secours : ce sont quelques jeunes hommes éclairés, quelques dames charitables et pieuses, qui groupent autour d'eux les enfants des deux sexes, pour les diriger dans les voies de la piété.
Le moniteur fait lire à son élève les pages du texte sacré ; il l'interroge, il l'instruit, il l'intéresse, il cherche à le gagner au bien ; il ne l'abandonne pas dans la vie ; il sait sa demeure, il le visite, il l'encourage, il devient son protecteur, et lorsque, plus tard, l'enfant, devenu un jeune homme, a quitté les bancs de l'école, il trouve encore dans son ancien moniteur un conseiller et un appui.
C'est, en grande partie, aux écoles du dimanche, il n'en faut pas douter, qu'est dû le réveil religieux qui se manifeste si visiblement dans les classes populaires. Une société, destinée à encourager la fondation des écoles du dimanche et à leur fournir d'excellents livres, a été fondée à Paris.

L'action extérieure des consistoires et des conseils presbytéraux produit un bien immense et généralement senti ; toutefois elle a ses limites, comme cela doit arriver à tous les corps légalement constitués ; aussi, en dehors de ses pouvoirs et sous leur patronage plus ou moins direct, une foule d'associations charitables et pieuses sont venues compléter leur oeuvre et lui donner une extension à laquelle il est difficile d'assigner des bornes ; car elles n'en acceptent d'autres que celles du zèle chrétien.
À la tête de ces associations, qui font la gloire de notre siècle et l'avenir de notre Église, il faut placer les sociétés bibliques. Leur but est très simple : il consiste à répandre la Bible en langue vulgaire, sans notes ni commentaire, dans toutes les classes de la société et chez tous les peuples du monde.
La réforme religieuse du seizième siècle avait proclamé pour principe fondamental que la Bible est la seule autorité en matière de foi ; en distribuant cette Parole divine, les sociétés bibliques deviennent le complément nécessaire de la Réformation.
Aussi, depuis trois siècles, y a-t-il eu, dans tous les pays protestants, des publications considérables de l'Écriture sainte ; mais c'est surtout au retour de la paix européenne que ces publications ont reçu une nouvelle extension et le titre significatif de Société biblique.
La Société biblique britannique et étrangère, qui étend son action bienfaisante sur les deux hémisphères, a répandu, depuis sa fondation en 1804 jusqu'en 1860, la cinquante-sixième année de son existence, trente-sept millions cinq cent mille exemplaires de la sainte Écriture, traduite en près de deux cents langues ou dialectes.
Les Sociétés bibliques de France sont loin de présenter un aussi immense résultat : c'est le sacrifice pieux d'une pauvre Église longtemps foulée par l'ennemi et décimée par la persécution.
Établies en 1818, elles ont distribué depuis cette époque un grand nombre de livres saints parmi les familles protestantes, dont la plupart doit aujourd'hui en posséder l'exemplaire sacré. Afin qu'aucun membre de l'Église ne puisse se soustraire à l'influence bénie de la Parole de Dieu, les Sociétés bibliques prennent soin de distribuer gratuitement le Nouveau Testament aux catéchumènes le jour de leur réception à la sainte cène, et la Bible aux nouveaux époux lors de leur bénédiction nuptiale ; elles ont eu aussi la chrétienne pensée de publier une édition de la Bible en très gros caractères, pour les vieillards dont la vue est affaiblie par l'âge.
Je désire, du fond de mon coeur, que tous ceux qui lisent cet écrit, se fassent une idée juste de la nature, de l'utilité, de la nécessité incontestable et de l'opportunité pressante des sociétés bibliques.

Une société biblique est une réunion d'hommes qui ont reconnu, soit à l'aide des lumières fournies par l'apologétique chrétienne, soit surtout par l'expérience de leur propre vie religieuse, que la Bible est la Parole de Dieu.
Ils se présentent à leurs frères comme témoins de cette vérité, et leur profession à cet égard, quand même elle n'amènerait aucun autre résultat positif, est déjà un bien, parce qu'elle conserve au monde un principe parfaitement vrai et abondamment fertile pour l'avenir.
Mais les hommes qui dirigent une société biblique ne s'en tiennent pas à une simple adhésion en faveur de la divine autorité de la Bible. Ils croient que la vie des âmes raisonnables et immortelles dépend des vérités contenues dans le Livre sacré, et qu'en dehors de la foi biblique tout est erreur, ténèbres, confusion et malheur. Ainsi, les directeurs des sociétés bibliques aiment la Bible ; ils acceptent, ils chérissent les doctrines vitales qu'elle renferme ; ils désirent adorer le Dieu-Sauveur qu'elle annonce, jouir du salut gratuit qu'elle prépare, et se laisser guider par l'Esprit divin dont elle promet l'effusion constante sur l'Église ; et, d'un autre côté, ils ont pitié des âmes humaines qui ne connaissent pas, qui ne goûtent pas ces choses.
C'est à ce double titre qu'ils deviennent les propagateurs de la Bible ; ici commence une oeuvre d'utilité incontestable, que dis-je, de pressante nécessité.

Naguère les exemplaires de la Bible étaient rares, ils en multiplient le nombre ; ces volumes étaient incommodes, ils en approprient le format aux nécessités du culte, de la famille, de l'écolier, du soldat, du voyageur. Il y aura des Bibles pour les réunions de famille ; il y en aura pour celui qui veut porter le volume sacré partout avec soi ; il y en aura pour le vieillard dont la vue est affaiblie par l'âge ; que dis-je, il y en aura qui, par un procédé ingénieux, dérouleront les trésors du royaume de Dieu sous les doigts si clairvoyants des aveugles.
Mais la confusion des langues... ? la Société biblique y a pourvu : elle imprimera le livre de Dieu en deux cents langues différentes ; elle fera des lettres pour des peuples qui n'ont jamais su écrire, pour des langues dont nous connaissons à peine le nom ; et, pour nous renfermer dans les bornes étroites de notre patrie, elle aura pour nous des Bibles françaises, pour nos compatriotes de l'Alsace des Bibles allemandes ; pour nos frères des provinces de l'Armorique des Bibles en langue bretonne ; des Bibles escualdiennes pour le pays basque ; et pour nos marins des Bibles dans toutes les langues de l'Europe.
Jadis le Livre sacré était hors de prix ; ses propagateurs en abaisseront le prix matériel au niveau des fortunes les plus modestes ; ils le livrent à prix coûtant, à prix réduit ; ils le donnent gratuitement, de peur qu'une seule âme humaine ne meure faute de ce livre sacré : c'est aussi dans l'intérêt de cette âme humaine qu'ils cherchent à découvrir où elle se trouve, car cette âme se cache souvent, toute honteuse de son ignorance ou de son incrédulité ; elle voudrait, s'il était possible, se dérober aux regards du peuple de Dieu ; mais le colporteur de la Bible la poursuit de ses yeux vigilants ; il l'atteint jusque dans ses derniers retranchements ; il épie le moment favorable : si ce n'est pas aujourd'hui, ce sera demain ; si ce n'est pas au milieu des étourdissements de la joie mondaine, ce sera à l'heure plus calme de l'épreuve et de la douleur : le moment vient, enfin, et cette âme n'a pas été abandonnée au dénûment.
Et lorsque cette âme a été consolée, substantée, attirée, vaincue, sauvée..., alors les propagateurs de la Bible recueillent pieusement dans les annales de l'histoire de l'Église les événements de cette vie intérieure ; non point pour s'en glorifier eux-mêmes, oh non ! ne le croyez pas, car ils savent que si Paul plante, et si Apollos arrose, Dieu seul donne l'accroissement ; mais ils les recueillent pour en donner gloire au chef de l'Église, qui a promis de demeurer avec elle jusqu'à la fin du monde.

Telle est l'oeuvre biblique ; c'est donc une oeuvre de propagande essentiellement chrétienne, car elle répond fidèlement à l'ordre de Jésus-Christ : Allez et enseignez aux nations de la terre tout ce que je vous ai moi-même enseigné.
C'est une oeuvre de propagande essentiellement protestante car elle complète l'élan donné au monde par nos glorieux réformateurs, qui proclamèrent le principe de l'émancipation par la Bible, et nous laissèrent le soin de faire descendre ce principe dans la vie pratique.
C'est une oeuvre de propagande essentiellement française ; car c'est de notre patrie que sont sortis les premiers colporteurs de la Bible (6), dès l'aurore de la Réforme, comme le constatent les documents historiques de cette époque.

La fondation d'une Société de traités religieux devait suivre de près celle de la Société biblique. En 1822, on vit dans la capitale un grand nombre d'hommes instruits et pieux se réunir pour préparer la publication et la diffusion d'une foule de petits écrits populaires qui, tantôt sous le voile d'une histoire touchante, tantôt sous la forme d'un enseignement plus direct, devaient présenter au peuple une exposition claire et satisfaisante des doctrines vitales de l'Évangile, de leurs applications morales aux diverses positions de la vie chrétienne, des démonstrations populaires de la divine origine du christianisme, des réponses aux objections les plus généralement répandues dans le monde, des exhortations à lire la parole de Dieu, et des directions pour la bien lire, des conseils d'hygiène publique et domestique, enfin, un Almanach chrétien assez connu aujourd'hui sous le titre d'Almanach de bons conseils.

La plupart de ces petits écrits, en général assez étendus, se vendent un sou, plusieurs sont livrés à un moindre prix. La Société distribue chaque année environ un million et demi de ces précieux écrits.

Une autre Société, qui marche dans le même esprit, a entrepris la publication d'ouvrages plus considérables, en les mettant, toutefois, par leur prix très modique, à la portée d'un grand nombre de personnes.
Elle a établi son siège à Toulouse. Elle réimprime et répand des oeuvres déjà connues et appréciées ; elle y ajoute des ouvrages nouveaux, fruits des travaux d'hommes déjà illustrés dans la chaire évangélique ou dans la chaire doctorale. Elle s'impose toutefois la loi de ne publier que les ouvrages conformes aux doctrines évangéliques, savoir : la corruption naturelle de l'homme, la divinité éternelle de Jésus-Christ, et la justification par la foi en lui. Elle crée gratuitement des bibliothèques religieuses partout où le besoin s'en fait sentir ; sa libéralité à donner égale son zèle à produire.

À ces prédications écrites, qui. sont destinées à agir d'une manière toujours lente et restreinte, il fallait ajouter la prédication vivante qui s'adresse aux âmes d'une manière directe et toujours plus entraînante et plus efficace. C'est dans ce but que l'on a créé diverses sociétés d'évangélisation, sociétés diverses quant au champ qu'elles explorent, mais semblables quant au but qu'elles désirent atteindre. Voici celles qui exercent l'influence la plus étendue.

La Société centrale d'évangélisation, établie à Paris, forme une confédération de sociétés locales désignées sous les titres de sections de Paris, de Bordeaux, du Nord, de Normandie, du Centre, du Centre-Sud, du Sud-Ouest, du Béarn et des Pyrénées, du Midi, du Sud-Est, de l'Ouest, des Colonies.
Cette admirable institution, qui, depuis sa fondation, en 1847, a ouvert plus de cent quarante lieux de culte dans des localités qui n'en possédaient point, se rattache d'une manière plus spéciale aux Églises protestantes reconnues par l'État.

La Société évangélique de France date de 1832. Elle a rendu d'éminents services à la cause évangélique et a soutenu avec persévérance et courage la cause sainte et légitime de la liberté religieuse. Ses oeuvres se rattachent plus spécialement aux Églises non salariées par l'État.
La, Société évangélique de Genève accomplit aussi en France une oeuvre de propagande importante et bénie.
L'Église évangélique de Lyon est aussi entrée depuis longtemps dans cette voie de courageuse activité.
Des sociétés établies à Nîmes, Strasbourg et Genève s'occupent plus exclusivement d'évangéliser les protestants disséminés.
Les sociétés des missions évangéliques chez les peuples non chrétiens agrandissent encore ce cercle d'action.

Ce fut en 1732, c'est-à-dire il y a cent trente-quatre ans, et dans le petit village d'Herrnhut, en Moravie, qu'il vint à la pensée de quelques chrétiens, connus sous le nom de Frères-Unis, d'envoyer des ministres de l'Évangile au delà des bornes de leur pays, et chez les peuples lointains et sauvages, pour leur faire part des connaissances religieuses qu'ils avaient le bonheur de posséder eux-mêmes.
Cette idée sublime ne pouvait prospérer qu'au milieu des Églises éclairées par le pur Évangile ; aussi vit-on la plupart des dénominations protestantes l'accepter et la mettre en pratique avec tout ce qu'elle pouvait avoir de grand et de désintéressé.
Elle fut accueillie avec ardeur par les Danois, par les Hollandais, surtout par les Anglais et les Américains. Ceux-ci consacrèrent à la prospérité de cette oeuvre des hommes éminents et des trésors considérables ; de sorte que les vaisseaux anglais et américains qui parcouraient les ports des deux mondes y transportèrent, avec leurs riches marchandises, des Bibles et des interprètes de la Parole divine, pour prêcher et annoncer la venue du règne de Jésus-Christ.

Et nous, Français, que faisions-nous, en présence de ces efforts pieux et de ces triomphes de la croix ? Nous étions entourés de périls : tantôt des guerres au dehors, tantôt des persécutions au dedans, nous concentraient dans le cercle étroit de l'égoïsme ; nous songions à nous, rien qu'à nous...
Le temps allait montrer que la France protestante devait cette indifférence surtout aux circonstances douloureuses qui la comprimaient. À peine les guerres eurent-elles cessé, qu'une contrée qui nous est chère, et que depuis longtemps nous pouvons appeler du doux nom de soeur, avait donné un élan qui devait se faire ressentir jusqu'à nous. Une école de missionnaires évangéliques fut instituée à Bâle, en 1816.
On vit alors plusieurs chrétiens français s'empresser de réunir leurs charités pour les envoyer en Suisse ; mais cela ne pouvait suffire aux amis de la propagation de l'Évangile chez les païens. Ils sentirent vivement le désir de créer un établissement de ce genre dans notre pays, et surtout dans notre capitale, où les jeunes gens seraient entourés de tant de ressources scientifiques et religieuses, et où l'acquisition des langues étrangères leur deviendrait beaucoup plus facile que partout ailleurs.

Nos voeux ont été accomplis, et, en 1823, après la formation d'une Société de missions sous la présidence de M. l'amiral Verr- Huel, nous vîmes s'élever, sous ses auspices, un asile où l'on pouvait désormais favoriser le développement de la foi et de l'intelligence chez les jeunes gens que le Seigneur appellerait à cette oeuvre de dévouement et d'amour.
Depuis cette époque, et à l'aide de souscriptions volontaires, le Comité de Paris a envoyé une petite armée de missionnaires au milieu des hordes sauvages des Hottentots et des Cafres, au sud de l'Afrique. Ces hommes dévoués ont été d'abord reçus par une communauté de colons, descendants de réfugiés français qui avaient cherché jadis, dans ces contrées lointaines, un refuge contre l'oppression dont les chrétiens réformés étaient les tristes victimes.
Plus tard, ils fondèrent des stations ou résidences, autour desquelles ils attiraient les naturels du pays pour les instruire dans notre foi et dans les merveilles de notre civilisation européenne.
Plusieurs fois ils furent chassés par la famine, la maladie, et surtout par les guerres cruelles que ces hordes sauvages se livraient continuellement. Toujours ils se sont montrés les bienfaiteurs de l'humanité. Ils ont reculé les bornes de la science (7) en déterminant la direction des montagnes et le cours des fleuves dans le pays des Ligoyas, qui n'avait pas été exploré avant eux ; ils ont fait imprimer dans la langue des Bassoutos, dont, il y a quelques années, on connaissait à peine le nom, des tableaux d'école, un catéchisme, un recueil de cantiques et de prières, de courts traités sur les vérités essentielles et les principaux devoirs du christianisme, et l'Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ. Dieu leur a donné de faire beaucoup de bien et de convertir plusieurs âmes à l'amour de son Christ.
Une intéressante publication que nous recommandons particulièrement à l'attention de nos lecteurs, le Journal des missions évangéliques de France, donne depuis longtemps des détails très circonstanciés sur les travaux de nos missionnaires français.
C'est une grande et belle oeuvre que celle de l'évangélisation chez les peuples païens, communément désignée sous le titre de Missions évangéliques. Elle plaît même aux hommes du monde, car elle réveille chez eux l'idée d'entreprises lointaines et périlleuses, de découvertes curieuses, d'explorations nouvelles, d'études et d'observations chez des peuples peu connus.

L'oeuvre de l'évangélisation du monde est aussi en harmonie avec quelques-unes des idées du siècle, qui demande, de toute entreprise, qu'elle aboutisse finalement à quelque chose de positivement utile.
Le siècle reconnaîtra, s'il veut lui donner quelque attention, que l'oeuvre des missions, en établissant des relations amicales et bienveillantes avec de nouveaux peuples, peut retirer de ces relations même des avantages signalés pour la prospérité nationale, l'encouragement de l'industrie, les progrès dans les sciences, et l'extension du commerce à l'extérieur.
Le siècle, abjurant l'esprit rétréci et égoïste d'une philosophie matérialiste, demande aussi que les entreprises grandes par les efforts qui les dictent, par les résultats qu'on en attend, soient aussi grandes par la pensée généreuse qui les inspire.
Et certes, le but que se proposent les nouveaux apôtres de l'Évangile proclame assez une pensée généreuse et bienveillante. Qui méconnaîtrait, en effet, le dévouement de ces hommes dont l'instruction, le courage et les vertus méritaient peut-être quelque distinction au milieu de la patrie qui les a vus naître, et qui néanmoins, s'arrachait volontairement à cette patrie bien-aimée, se séparent avec larmes de leurs parents, leurs frères, leurs amis, pour aller... Dieu sait où.
Elle n'est ni sordide ni intéressée cette pensée de quelques hommes, qui, du sein de leur paix et de leur aisance, s'émeuvent de compassion, et portent des regards inquiets vers les nations païennes et barbares, réunissant leurs prières et leurs aumônes pour envoyer, parmi ces nations, des hommes puissants d'esprit et riches de foi, pour les arracher aux ténèbres du paganisme par le spectacle irrésistible et glorieux de l'Évangile de Christ, et pour les délivrer de la plus honteuse barbarie par les bienfaits de notre civilisation moderne.

L'oeuvre des missions ne saurait être indifférente même aux chrétiens qui ne le sont que de nom. Ceux-ci, tout en reniant la force de la foi, n'ont pu échapper entièrement à l'influence bénie de l'Évangile de Christ ; c'est la civilisation chrétienne qui les entoure ; c'est la mansuétude chrétienne qui adoucit leurs relations avec leurs semblables ; c'est la droiture chrétienne qui les protège, et, s'il leur reste au coeur quelque chose d'humain et quelques lueurs de compassion et de charité, comment ne se réjouiraient-ils pas d'apprendre que des peuplades, qui naguère s'entre-déchiraient, vivent aujourd'hui dans une paix profonde ; que des gouvernements sages prennent la place de l'oppression et de l'esclavage ; que l'homme apprend à se respecter lui-même, à honorer son semblable, à entourer la femme des égards qu'elle mérite, et à comprendre, enfin, le bonheur de la famille, la sainteté du mariage, et le lien sacré de la société.

Mais autant l'éclat du soleil surpasse à nos yeux celui des astres errants qui l'entourent et jouissent eux-mêmes de sa clarté, autant l'évangélisation du monde apparaît comme une oeuvre infiniment plus glorieuse aux yeux du vrai chrétien qu'elle ne saurait le paraître aux yeux de tout autre ; c'est pour lui une question d'avenir et de vie ; c'est l'extension du règne de son Seigneur : c'est la réhabilitation de milliers d'êtres égarés, dégradés, perdus ; c'est la sainte cause de la vérité et de la justice ; c'est la sainte guerre, qui ne se terminera qu'avec le triomphe du Fils de Dieu ; c'est l'enfer qui frémit de rage ; c'est le ciel qui tressaille d'allégresse !
Et, dans cette entreprise immense, qui embrasse la terre entière et toutes les générations qui l'habitent, depuis celles qui aujourd'hui fourmillent à sa surface, jusqu'à celles qui la couvriront encore lors de la consommation des siècles, dans cette entreprise immense, le chrétien ne se laisse rebuter par aucune difficulté, parce qu'il marche continuellement par la foi et non par la vue.

Le missionnaire chrétien... et il ne faut point confondre sous ce titre des hommes généreux et sages avec ceux dont le zèle inconsidéré et farouche désole l'Église en y semant les passions religieuses et un fanatisme effréné... le missionnaire chrétien est le meilleur ami des hommes après Dieu. C'est un vrai philanthrope, car il se sacrifie pour faire à l'humanité un présent du plus grand prix : celui de la vérité. Il marche vers l'homme avec le témoignage du salut, l'Évangile de paix. Il porte avec lui toutes les ressources de la civilisation moderne, tous les adoucissements qu'elle procure. C'est l'ami des enfants, des petits enfants, qu'il protège, qu'il arrache à la négligence, à la mort même, leur enseignant à bégayer le nom du Saint des saints, et à devenir un jour des hommes abondants en toutes vertus.
Le missionnaire est l'ami des gouvernements, car il les consolide par le respect qu'il inspire à ses disciples pour les lois du pays. Il est l'ami des rois ; il les rend pacifiques, humains, tolérants. Il est l'ami de leurs peuples, qu'il instruit dans les voies de la droiture et de la paix.
Le missionnaire est un réformateur dont on bénira la mémoire d'âge en âge.
Le missionnaire est un héros, car il ne craint point de renoncer aux douceurs de la vie pour affronter les dangers de la mer, les intempéries de l'air, les sables mouvants de la zone torride, les glaces du pôle, la faim, la soif, les insultes, la mort... Et pourquoi ? pour convertir des âmes à Jésus-Christ, pour rendre les hommes heureux...




XXXIV.

Résumé.


  Je sais en qui j'ai cru. 2 Tim., I, 12.



 Chrétiens évangéliques, protestants et réformés, nous reconnaissons l'autorité de la Parole de Dieu contenue dans l'Ancien et le Nouveau Testament.

Nous soumettons à l'épreuve de l'examen, par la Parole de Dieu, tous les enseignements des hommes.

Nous croyons en un Dieu invisible, tout-puissant, infiniment sage, saint, juste, miséricordieux et bon, manifesté au monde dans la sainte Trinité de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.

Nous croyons que Dieu, dans l'intérêt de sa gloire, nous a donné la vie, le mouvement et l'être : nous douant d'une âme personnelle, intelligente, immortelle, nous appelant au bonheur présent et à venir par l'exercice du bien et la soumission à sa sainte et paternelle volonté.

Nous croyons que Dieu fait connaître cette volonté suprême et parfaite à tous les hommes par la voie de la conscience ; mais d'une manière plus directe, plus détaillée et plus sûre par les révélations bibliques.

Nous croyons que tous les hommes, sans en excepter un seul, sont pécheurs, entretenant dans leurs coeurs des penchants qui, s'ils ne sont changés par le renouvellement intérieur, que la Parole de Dieu appelle la régénération ou la conversion, les conduisent à une démoralisation plus grande encore et à leur perte finale.

Nous croyons que le péché, c'est-à-dire la désobéissance à la volonté de Dieu, sous quelque forme qu'elle se manifeste, mérite et encourt la juste sentence de Dieu, le mal moral ne pouvant produire de sa nature que la disgrâce et le malheur.

Nous croyons que Dieu, ayant trouvé tous les hommes dans cet affreux état, a eu pitié de leurs ténèbres, de leurs souillures et de leur malheur. Afin de les sauver en leur faisant grâce, et afin de ne point affaiblir par leur pardon l'autorité souveraine de la loi morale, Dieu a donné Jésus-christ au monde.

Nous croyons que Jésus-Christ a réuni, en sa mystérieuse personne, toute la plénitude de la Divinité et la nature parfaite de l'homme.
Dieu, il a porté les noms incommunicables, participé aux perfections infinies, coopéré aux oeuvres merveilleuses du Père.
Homme, il est né par le pouvoir miraculeux de l'Esprit-Saint, qui est l'auteur de la vie, dans le sein d'une vierge : Marie de Bethléem.
Dieu, il a été parfait et saint en toutes choses ; homme, il s'est dévoué, il a volontairement souffert et il est mort.
Par sa mort, Jésus-Christ, innocent et juste, satisfait à la loi pour les pécheurs : il devient leur garant, leur avocat, leur rédempteur ; et la justice divine, satisfaite en lui, accorde la délivrance et le salut à tous ceux qui s'attachent à lui par une foi sincère.

Nous croyons que Jésus-Christ seul sauve et rachète, complètement et pour toujours, ceux qui mettent leur confiance en lui ; mais nous ne reconnaissons à aucun homme l'autorité de pardonner au nom de Dieu les péchés de leur frères, nous croyons que le salut est une pure grâce de Dieu que nous ne pouvons acheter ni avec de l'or, ni avec de l'argent, ni même par aucun mérite de notre part ; car si, dans quelque mesure, les hommes peuvent mériter l'estime, la considération de la part de leurs semblables, il nous est impossible de nous appuyer sur nos mérites devant le Dieu souverain qui connaît le fond de nos coeurs et dont les yeux sont trop purs pour voir le mal.

Les bonnes oeuvres que peuvent et que doivent faire les chrétiens sont en eux, non la cause méritante de leur salut, car, s'ils pouvaient se sauver eux-mêmes, c'est en vain que Jésus-Christ serait venu au monde, mais elles sont la manifestation et le témoignage de la sincérité et de la valeur réelle de leur foi, la foi sans les oeuvres étant morte.
Le pécheur, vaincu par l'amour de Dieu, absous et pardonné par le sacrifice de Jésus-Christ, ne vit plus sous une économie de terreur et de crainte ; mais il entre dans une économie de reconnaissance et d'amour ; il ne voit plus en Dieu un juge irrité, mais un Père ; désormais ses devoirs deviennent de doux privilèges ; chaque jour il fait des progrès dans le service de Dieu, l'amour des hommes et le développement de sa propre âme perfectible et immortelle.

Mais comme il est, de sa nature, faible et faillible, Dieu lui prête et lui multiplie les lumières, les encouragements, les consolations et les secours du Saint-Esprit. Comme nous croyons que Dieu, après avoir créé le monde physique, le soutient et le conserve par sa providence, nous croyons aussi que Dieu soutient, conserve et fait progresser le monde moral par l'influence de l'Esprit-Saint : celui-ci agissant, non comme autrefois, lors du premier établissement du christianisme, par des interventions miraculeuses qui bouleversaient l'ordre de la nature, mais par des moyens naturels et ordinaires qu'il fait concourir aux vues de sa bonté et de sa sagesse infinies.

Nous croyons que Dieu s'est formé sur la terre un peuple ou une Église qui est composée de tous ceux qui croient sincèrement en Jésus-Christ et qui s'efforcent de vivre selon ses préceptes et d'imiter son exemple, quelles que soient d'ailleurs les diversités de nationalités politiques et de sectes religieuses qui les distinguent. Nous croyons que cette Église n'est point limitée par des institutions humaines, mais qu'elle a pour chef unique Jésus-Christ lui-même, qui, seul, sait infailliblement qui sont ceux qui lui appartiennent réellement. Nous croyons que cette Église, vraiment catholique ou universelle, doit rendre témoignage à la gloire de son Chef, par ses progrès, sa pureté et sa charité.
Nous reconnaissons que, dans l'intérêt de l'ordre et des progrès de la vérité, Dieu a établi un ministère humain : mission toute fraternelle, instituée, non pour opprimer, mais pour éclairer les consciences. Ce que saint Pierre exprime par ces paroles : Pasteurs, paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, veillant sur lui, non par contrainte, mais volontairement ; non pour un gain déshonnête, mais par affection ; non comme ayant domination sur les héritages du Seigneur, mais en devenant les modèles du troupeau.

Nous croyons qu'il est agréable à Dieu que nous nous réunissions à nos frères dans l'acte du culte public ; mais la Parole de Dieu demande que ce culte soit sincère, spirituel, intelligible pour tous, propre à l'instruction et à l'édification, dépouillé de formes idolâtriques.
Le baptême, que nous conférons à nos enfants au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, ne devient un signe de salut qu'autant qu'il est accompagné de l'engagement d'une bonne conscience devant Dieu.
La communion, que nous célébrons en mémoire de Jésus-Christ, est un acte fraternel de foi, de repentance, d'union chrétienne et de salutaires résolutions.

La vie est le temps d'épreuve dans lequel nous devons nous préparer au ciel par une lutte incessante contre l'ignorance, l'égoïsme, la sensualité, l'incrédulité, en un mot, le péché ; la mort est l'événement suprême qui termine notre exil ; elle est suivie du jugement qui nous introduit sans intermédiaire dans le lieu dont notre vie a marqué le choix : chacun étant jugé selon ses oeuvres. Le ciel est la patrie du chrétien où il vivra aux siècles des siècles, heureux de connaître Dieu, d'obéir à ses volontés et de s'unir à ses frères, dans un saint et inaltérable amour.

Voilà vos croyances chrétiennes, dans lesquelles vous vous fortifierez de plus en plus, frère et amis, à mesure que vous vous pénétrerez davantage des grands enseignements que Dieu vous donne par la direction de sa paternelle providence, par l'expérience de la vie et par les révélations de sa Parole.

Cette foi saine et glorieuse, confessez-la hautement ; n'ayez jamais honte de Celui qui vous appelle à partager ses gloires. Il se peut qu'après cette profession franche et persévérante de vos convictions évangéliques, on dise encore de vous que vous ne croyez à rien, comme on a pu le faire dans des lieux qui ne devraient jamais retentir que de paroles de paix et de bénédiction ; je ne vous dirai point de mépriser ces imputations injustes, mais plutôt je vous dirai : Sachez en faire votre profit en veillant avec plus de soin sur vous-mêmes.
Démentez ces assertions calomnieuses en prouvant la sincérité de votre foi et la supériorité des principes qui vous dirigent, par une vie plus pure, plus honorable, plus utile.
Ne vous contentez pas de porter le nom de chrétiens ; mais justifiez ce beau titre par une vie vraiment chrétienne. La religion n'est ni une vaine forme, ni une stérile profession, ni une affaire d'habitude et de convenance ; elle est une consolation efficace, une conseillère fidèle, une directrice persévérante ; qu'elle préside à tout, qu'elle sanctifie, qu'elle embellisse, qu'elle réjouisse tout.
Soyez chrétiens en tout et toujours, dans la prospérité et dans l'affliction, dans le repos et dans la vie active, dans la solitude et dans le mouvement du dehors.

Citoyens, que votre patriotisme se manifeste non par l'agitation et le bruit, non en fomentant dans vos coeurs et autour de vous de coupables passions, mais en donnant l'exemple du respect pour le monarque, pour les institutions et les lois du pays, en répandant autour de vous les lumières, les consolations et les bienfaits : disciples du Prince de paix, soyez des hommes de paix ; affranchis de Jésus-Christ, respectez la liberté de vos frères, aimez le pays qui vous a vu naître, et priez avec ferveur pour le repos du monde.

Chefs de famille, resserrez les liens sacrés de la famille ; dirigez vos enfants dans les sentiers de la vertu, de l'honneur et de la piété ; que ce sanctuaire, béni par tant de joies intimes, devienne un temple d'où s'exhale chaque jour l'encens de la prière et de l'action de grâces. Exercez, auprès de ceux qui vous entourent, un sacerdoce saint et paternel, en les nourrissant chaque jour de la lecture et de la méditation de cette Parole divine, hors de laquelle tout redevient ténèbres et confusion.

Jeunes gens, respectez ceux qui, vous ayant devancés dans la carrière, ont sur vous tout l'avantage et toute la supériorité que donne l'expérience de la vie. Prouvez votre foi par le soin que vous mettez à honorer, à soulager, à seconder les parents que Dieu vous a conservés dans son amour.

Chrétiens, supportez-vous, pardonnez-vous, unissez-vous, aimez-vous tendrement les uns les autres comme Jésus-Christ vous a aimés. Ayez pitié de ceux qui souffrent ; contemplez la misère du peuple ; sondez-en la profondeur, non pour l'irriter par une pitié déclamatoire, mais pour vous appliquer avec plus de soin à la guérir, selon la mesure de votre intelligence et de vos ressources.

Chrétiens, ne vous arrêtez pas à ce soulagement des misères physiques ; rappelez-vous qu'il y a dans le monde moral des plaies bien plus profondes, bien plus hideuses encore. Faites briller votre lumière devant les hommes ; proclamez le glorieux et sanctifiant principe du christianisme tel qu'il vous a été transmis par la Parole de Dieu ; abstenez-vous d'un prosélytisme étroit, mesquin, inquiétant, oppresseur, séducteur, si opposé à l'esprit du vrai protestantisme ; mais forcez les intelligences et les coeurs à reconnaître la vérité de l'Évangile de salut, par la douce contrainte de la persuasion, du raisonnement, de l'exemple, de la prière et de l'amour.
Vous habitez un pays où la majorité professe un culte différent de celui dans lequel vous êtes nés ou que vous avez embrassé par votre libre choix. La fidélité chrétienne ne vous permet pas de confondre des principes qui, à plusieurs égards, diffèrent profondément ; mais la charité évangélique vous commande de confondre dans un même sentiment d'amour ceux qui les professent; ne vous lassez donc pas de les aimer et de le leur prouver par un infatigable dévouement, par un tendre support, par une fraternité active et sincère.

Chrétiens, soyez des hommes de progrès. Je veux parler du progrès dans la connaissance de la vérité, dans la pratique du bien, dans l'exercice de la charité, dans la vie intérieure de la conscience. Ne présumez pas de vous-même; ne croyez pas n'avoir plus rien à faire parce que vous avez accepté un principe fécond, vrai et éternel. Réformés, réformez-vous constamment! Gardez-vous de l'orgueil spirituel, le pire de tous; gardez-vous de l'égoïsme; gardez-vous de la passion des intérêts matériels, qui perd le monde; gardez-vous du formalisme, qui éteint le culte du coeur; gardez-vous de l'hypocrisie, qui tue la religion ; gardez-vous du sensualisme, qui empoisonne la vie présente ; gardez-vous de l'incrédulité et de l'irréligion, qui ferme l'accès de la vie à venir. Vivez et agissez comme des enfants de lumière, des rachetés du Christ, des citoyens du ciel.

Étrangers et voyageurs ici-bas, unissons-nous sur la terre et donnons-nous rendez-vous dans le ciel.
Que le Dieu de toute grâce, qui nous appelle à sa gloire éternelle , en Jésus-Christ, après que nous aurons été éprouvés pour un peu de temps, vous perfectionne, vous affermisse, vous fortifie et vous rende inébranlables.
La paix soit avec vous tous qui êtes en Jésus-Christ.

 
(1) L'Institution des diaconesses dans le protestantisme répond à celle des soeurs de charité dans le catholicisme. Il va sans dire qu'il n'y a rien de monastique dans nos maisons de diaconesses : ce dont on peut se convaincre en visitant l'admirable établissement de la rue de Reuilly, à Paris.

(2) C'est Marie Scheppler, servante d'Oberlin, qui la première a ouvert une salle d'asile. Mme Jules Mallet avait depuis consacré son infatigable activité au développement de ces admirables institutions, non seulement parmi les protestants, mais aussi parmi les catholiques.

(3) Le système de l'enseignement mutuel a été introduit d'Angleterre en France par le pasteur F. Martin et mon frère le pasteur Émile Frossard.

(4) La bibliothèque populaire formée par Mme la baronne Auguste de Gasparin, à Orange, est, à ma connaissance, la première qui ait été établie en France.

(5) Le règlement de la bibliothèque populaire de Nîmes porte le prix de l'abonnement à 50 centimes par trimestre ; la bibliothèque s'ouvre tous les dimanches ; chaque abonné peut emporter un volume.

(6) Alors appelés contre-porteurs.

(7) M. Guizot, présidant l'assemblée générale de la Société de géographie, à Paris, le 1er décembre 1837, s'exprime ainsi, en parlant des découvertes de nos jeunes amis : « Songez à ces missionnaires, qui, au fond des déserts de l'Afrique, adonnés avec une passion sainte à conquérir des âmes, ont encore du zèle et du temps à donner aux conquêtes de la science, et vous adressent, Dieu sait avec quelles fatigues ! leur humble tribut. Qui appréciera de tels travaux, tantôt si arides, tantôt si rudes ! Qui leur portera, non pas une curiosité momentanée et frivole, mais un long, sérieux et fidèle intérêt ! »
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