Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XXV.

Abjuration.

  Sortez de Babylone ! Esaïe, XLVIII, 20.



 Abjuration ! ce mot réveille d'ordinaire la méfiance et l'appréhension. La pensée se porte en effet aussitôt sur des souvenirs de conversions achetées à prix d'or ou extorquées par la terreur. Et ce qu'on trouve odieux de la part d'une religion dominante, on ne l'approuve pas davantage de toute autre Église. Je me hâte donc de dire que notre principe protestant, qui n'attache de valeur à la foi qu'autant qu'elle est consciencieuse et libre, repousse de la manière la plus éclatante et la plus absolue toute tentative de lui gagner des adhérents autrement que par des convictions sincères et éclairées. Et si nous considérons l'établissement de l'Inquisition, la révocation de l'édit de Nantes, comme de diaboliques machinations, nous ne craignons pas de dire tout haut que nous croyons que Calvin a péché en approuvant la condamnation de Michel Servet ; que s'il est des monarques protestants qui usent de mesures restrictives contre les chrétiens dissidents, ils sont en contradiction flagrante avec le principe de leur religion nationale, et que tout autre acte d'oppression spirituelle, de quelque côté qu'il vienne, est entaché, d'injustice et même d'impiété...

Toutefois, ce principe de liberté de conscience, nous l'acceptons dans toutes ses conséquences ; et si, sous le bienfait de son application la plus large, nous voulons que chacun soit libre de rester dans la religion qu'il croit la meilleure, nous voulons que chacun soit également libre de choisir la religion qu'il préfère.
Ce dicton populaire partout répandu : Il faut mourir dans la religion où on est né, nous a toujours paru une tyrannique absurdité.
- Mourir dans la religion de ses pères ?
Oui, si elle est vraie ; non, si l'on découvre qu'elle est fausse. Autant vaudrait dire qu'il faut mourir dans l'ignorance, dans les vices, dans les crimes de ses pères. Nul ne peut accepter cette fatalité de la naissance sans une espèce de suicide moral.
Le principe de ce dicton proverbial est l'absence de tout principe ; cet attachement aveugle à une religion de naissance est l'absence de toute religion, car il réduit la religion à une position, à un nom, à une apparence. C'est ainsi que l'on condamne des nations entières à l'hypocrisie en les maintenant dans la profession extérieure d'un culte qu'elles ne pratiquent plus, de principes qu'elles ne croient plus.
L'observation la plus superficielle prouve que les nations les plus religieuses sont celles où il est entendu que chacun choisit le culte qui lui convient quand il est assez éclairé pour choisir par lui-même, et que si les cultes officiels peuvent perdre à cette indépendance de la pensée, la religion y gagne en sincérité, en lumière, en influence moralisante.

Si donc nous méprisons l'homme qui abandonne le culte de sa naissance à la légère, par intérêt, par peur, nous estimons celui qui, faisant usage de toutes les lumières qui lui ont été départies, examine sérieusement ce culte dans son principe fondamental, et n'hésite pas, quoi qu'il puisse lui en coûter en sacrifices d'affection et de position, à embrasser la croyance qui lui paraît le plus en harmonie avec les besoins de sa conscience et les lumières de sa raison.

Nous allons plus loin encore, et nous pensons que tout homme convaincu doit s'efforcer de convaincre les autres ; que celui qui a dans la tête une bonne pensée, dans son coeur un bon sentiment, dans son âme un bon principe, n'a pas le droit de tenir ces trésors enfouis, qu'il doit les répandre autour de lui, et qu'il n'a pas besoin, pour exercer ce ministère fraternel, d'être revêtu d'une charge officielle.
Il y a dans l'humanité une solidarité si étroite, que chaque homme est responsable vis-à-vis de son frère des lumières qu'il aurait pu lui communiquer.

Ce que nous disons des individus, nous le disons à plus forte raison des Églises ; elles sont atteintes de mort lorsqu'elles renoncent à s'étendre ; elles abandonnent leur principe, elles se réduisent au silence, elles n'ont plus de raison d'être lorsqu'elles ne cherchent pas à envahir le monde. Lorsqu'elles sont dans la vérité, elles emploient pour s'étendre des moyens conformes à la vérité : la prédication, l'instruction, la persuasion, la douceur, la prière, l'amour. Lorsqu'elles ne craignent pas d'employer la ruse, la politique, les séductions, les actes de violence, nous n'hésitons pas à dire qu'elles sont dans les sentiers de l'erreur et d'une flagrante infidélité.

II y a diverses manières de juger un homme qui abandonne la religion dans laquelle il est né pour embrasser un autre culte.

Qu'un homme renie la foi de ses pères par la crainte d'un blâme public, par fausse honte, sous le vent de la persécution, en présence des douleurs du martyre, il est permis de dire de cet homme qu'il n'est qu'un lâche renégat.
Qu'un homme abjure son culte par motif d'ambition humaine, pour se concilier la faveur des grands, l'appui du pouvoir, les richesses et les honneurs du monde, on peut dire de cet homme qu'il est un hypocrite.
Qu'un homme passe successivement d'un culte dans un autre par inconstance, par inquiétude d'esprit, pour essayer d'une situation nouvelle, on peut dire de cet homme qu'il se fait un jeu de tout ce qu'il y a de plus sacré parmi nous.

Mais qu'un homme sérieux, sincère, pieux, reconnaisse les erreurs attachées au culte dans lequel il a passé son enfance ; guidé par la raison, par sa conscience, ou plutôt par les lumières certaines que nous fournit la révélation divine, qu'il ait le courage de s'affranchir du joug de l'erreur et d'affronter, s'il le faut, les moqueries du monde, les persécutions des fanatiques, la défaveur des grands : que n'écoutant que la conscience et le devoir, il embrasse la vérité évangélique..., un tel homme a droit à notre estime et à notre bienveillance. L'Église réformée ne repoussera pas un tel homme ; elle n'est pas jalouse de s'en acquérir d'autres.

L'admission d'un prosélyte dans l'Église réformée de France, diffère, quant à sa forme, selon les circonstances.
S'il s'agit d'un homme qui ait été constamment étranger aux rites chrétiens, je veux dire un païen, un mahométan, un juif, il va sans dire qu'il devra recevoir, avant tout, le sceau du baptême.
Si le prosélyte est né et a été élevé dans une des branches de la grande famille chrétienne, un catholique, un grec, par exemple, une commission consistoriale est chargée de s'enquérir de son instruction religieuse et de ses moeurs ; elle s'entoure de toutes les lumières propres à lui faire connaître les convictions intimes du néophyte, et, sur des renseignements favorables, le conseil presbytéral accepte le nouveau frère, après qu'il a déclaré lui-même formellement renoncer aux erreurs de sa naissance, et désirer être admis dans notre Église, en communion d'esprit, d'amour et de foi. Il devra déclarer aussi qu'il n'a été mu dans sa décision par aucun motif d'intérêt ni de pression extérieure, et que cette importante démarche est l'effet d'une conscience libre et éclairée. Cette réception est accomplie sans éclat et dans un esprit de prière.




XXVI.

Le mariage.


  Le mariage est honorable pour tous. Héb., XIII, 4.



 Le mariage a été institué de Dieu, lorsque déclarant qu'il n'est pas bon pour l'homme d'être seul, il lui donna une compagne.
En retirant Ève de la propre chair d'Adam, il a établi l'union qui doit exister entre le mari et la femme.
En ne donnant qu'une seule femme au premier homme, il a institué la monogamie et condamné par là le concubinage et la polygamie. Si la Bible parle de patriarches qui ont eu plusieurs femmes, ce n'est point pour les approuver, mais pour raconter avec fidélité l'histoire du genre humain, qui est, hélas ! le plus souvent, l'histoire de ses faiblesses.

Si le divorce était permis dans la loi de Moïse, ce n'était que sous certaines conditions exceptionnelles ; Jésus-Christ, en déclarant que cette permission avait été donnée aux enfants d'Israël à cause de la dureté de leur coeur, exclut, par cela même, sauf le cas d'adultère, cette rupture d'un lien sacré au milieu du peuple de Dieu formé sous la nouvelle alliance, qui est une alliance de sainteté autant que de miséricorde.

Jésus-Christ a sanctionné le mariage soit en en rappelant l'institution primitive, soit en assistant aux noces de Cana avec sa mère et ses disciples, soit en condamnant l'adultère, le divorce et l'impureté, soit en comparant la venue du royaume de Dieu à des noces, et son union intime avec l'Église à ce lien béni.
Saint Paul déclare « que le mariage et le lit sans souillure est honorable entre tous les hommes ; qu'il aurait eu, comme les autres apôtres, le droit d'emmener avec lui une femme d'entre ses soeurs. »
Si, dans son épître aux Corinthiens, il dit « que celui qui se marie fait bien, mais que celui qui ne se marie pas fait mieux, » il a soin d'ajouter que son conseil il le donne de lui-même et à cause de la dureté des temps, c'est-à-dire des persécutions atroces qui sévissaient contre les chrétiens (1 Cor., VII, 26.).
L'Écriture, en racontant la guérison de la belle-mère de Pierre, constate que cet apôtre était marié, et saint Paul annonce comme un siècle d'hérésie celui où l'on défendra le mariage.

D'après les préceptes de la Parole de Dieu et l'esprit de l'Évangile, les protestants considèrent le mariage et le célibat comme également autorisés, la décision entre ces deux états étant abandonnée au libre choix de chacun selon ses inclinations individuelles.
Ils n'attachent aucune idée de sainteté supérieure au célibat, ni d'infériorité morale à l'état du mariage. Il est des circonstances de fortune, de position sociale, de santé qui rendent le mariage peu désirable et même quelquefois impossible ; mais nous croyons que l'épouse fidèle, la bonne mère de famille, est plus digne d'estime, et remplit plus fidèlement la tâche de la femme chrétienne que celle qui, dans les vues d'une dévotion mal éclairée, se renferme dans la stérile et égoïste condition du célibat.
Ajoutons, pour compléter notre pensée, que nous considérons comme attentatoire aux droits de la souveraine Providence et à la dignité de l'humanité tout ordre humain qui condamne au célibat une classe quelconque d'hommes, à qui d'ailleurs Dieu a accordé, comme à tous les autres, le droit et le doux privilège du mariage chrétien.

Nous n'appelons par le mariage un sacrement parce que nous réservons ce titre aux cérémonies, signes extérieurs d'une grâce cachée, ordonnées de Jésus-Christ à tous les chrétiens comme gage de salut.
Nous approuvons pleinement la loi française, qui veut que le mariage civil précède le mariage religieux, parce qu'il y a des intérêts civils dans le mariage dont la société et le magistrat qui la représente doivent s'occuper spécialement, et que rendre de tels intérêts dépendants des croyances religieuses individuelles et secrètes des hommes, ce serait abandonner les intérêts de la société et de la famille à des variations incessantes ou à des conditions insaisissables ; ce serait aussi imposer à chacun un joug religieux légal.
Une fois le mariage civil accompli, le contrat liant les époux à la société dans les conditions sociales, ceux-ci restent libres de donner à leur union le cachet religieux qui convient à leurs convictions. Ce sceau nous paraît indispensable au chrétien, qui ne peut attendre aucun bien d'une union que Dieu lui-même ne cimenterait pas de sa bénédiction.

Nous voyons avec douleur, sans les défendre absolument, les mariages mixtes, je veux dire ceux où les époux appartiennent à des communions différentes. Nous les croyons favorables à l'indifférence religieuse et fertiles en froissements douloureux ; mais quand ils sont contractés, nous en respectons les conditions, et nous considérons comme coupable toute tentative qui tendrait à inquiéter l'un des deux époux à l'occasion de ses convictions religieuses.

Chez nous, la célébration religieuse du mariage consiste en une cérémonie simple, grave et empreinte d'un caractère évangélique, comme tout ce qui se pratique dans nos Églises.
Les époux se rendent au temple avec leurs parents et leurs amis, en plein jour et en présence de l'Église assemblée. Le ministre, revêtu de son costume pastoral, rappelle aux époux l'institution du mariage ; il leur adresse de pressantes exhortations, il les appelle à contracter de solennelles promesses. « Vous, » dit-il au mari, « vous déclarez avoir pris pour votre épouse N.N., ici présente ; vous promettez de l'aimer, de l'entretenir, dans la maladie et dans la santé, dans la mauvaise fortune comme dans la prospérité, et de lui demeurer fidèle jusqu'à la mort, comme c'est le devoir d'un mari chrétien envers son épouse, et comme Dieu vous le commande dans sa Parole. »

Après une déclaration à peu près semblable de la part de la femme envers son mari, le pasteur joint les mains des époux, après leur avoir remis l'anneau nuptial et après avoir imploré, par une ardente prière, la bénédiction de Dieu sur leurs noeuds légitimes et sacrés. Enfin, il leur présente un exemplaire de la sainte Bible. Ce volume devient la Bible de mariage, premier monument du culte de famille, et souvenir sacré d'un jour à jamais solennel.




XXVII.

Visite aux malades.


  J'étais malade et vous m'avez visité. Matth., XXV, 36.



 Donnée de Dieu aux hommes pour détacher leurs affections d'un monde qui périt, et pour les diriger vers le salut et la vie, la religion devient surtout pour eux une source de consolation et de force. Il faut donc s'attendre à retrouver auprès du lit des malades les ministres de la Parole, chargés de l'administrer à tous selon leurs besoins.
Cette partie de leur pieux ministère leur a toujours paru digne de leurs soins les plus assidus, de leur plus sérieux intérêt. On comprend tout d'un coup que la visite des pasteurs aux malades ne peut être assujettie à une forme liturgique et sacramentelle. Elle consiste, selon l'occasion, en conseils, en exhortations, en lectures et en prières. Cette fonction exige, plus que toute autre, l'exercice d'une grande discrétion et d'une charité à toute épreuve. C'est ici surtout que se manifeste le chrétien de coeur.
Attentif aux souffrances de ses frères, il accourt à leurs cris ; que dis-je ! il devance souvent leur appel. Ceux qu'il a bénis dans la ratification du voeu baptismal ou dans la sainte joie du mariage, ne viendrait-il pas encore les bénir au milieu de la souffrance et de l'angoisse ! Ce spectacle de douleurs déchire son coeur d'ami ; mais il sait que Dieu sanctifie pour plusieurs ces heures d'épreuves ; il profite donc de ces moments favorables où Dieu semble adresser aux hommes de nouveaux appels et des avertissements plus solennels, pour disposer les âmes qui lui sont confiées à répondre à cette voix céleste par une entière soumission.

Ceux des fidèles qui comprennent toute l'importance des consolations évangéliques au milieu des douleurs de la vie, se hâtent d'appeler leur pasteur aussitôt que la main de l'affliction s'appesantit sur eux ; mais, hélas ! trop souvent, par une contradiction dont il n'est pas aisé de rendre compte, il en est qui, redoutant que l'apparition d'un homme grave et sérieux dans leur maison ne porte l'épouvante dans l'âme du malade, n'appellent le pasteur auprès de lui qu'à la dernière extrémité, c'est-à-dire lorsque ses dernières angoisses démontrent qu'il lui reste trop peu de sensibilité pour qu'il soit fortement ému par les événements extérieurs, et encore assez de vie pour que le pasteur soit dispensé du scandale d'administrer les secours de la religion à un cadavre inanimé.

Dans les temps les plus orageux pour l'Église, les pasteurs ne se sont jamais ralentis dans les soins qu'ils donnaient aux malades, et souvent on les vit affronter les plus grands dangers, se glisser furtivement dans l'ombre, et, à l'aide d'un déguisement, s'introduire dans la maison d'un frère expirant, pour lui fermer pieusement les yeux. Et nos aumôniers en Crimée et en Italie n'ont pas failli à leurs périlleux devoirs.

Aujourd'hui, les progrès de la piété donnent à ces soins religieux un intérêt plus grand encore. Le préjugé qui attribue un effet sinistre à la première visite de l'homme de Dieu dans la maison du fidèle s'efface de plus en plus.
On demande du pasteur des visites plus fréquentes, plus longues, et par conséquent plus fructueuses, et, dans plusieurs familles, on n'attend plus que le malade soit arrivé au dernier période de souffrance ou d'atonie pour lui faire entendre la Parole du salut.
Dans ces circonstances, les ministres de la Parole ne manquent pas de profiter du moment favorable pour rappeler à leur frère malade l'état de péché et de misère dans lequel tous les enfants d'Adam sont plongés, et la nécessité où ils se trouvent tous de se convertir et d'être régénérés pour entrer dans la vie.
Les pasteurs annoncent ces grandes vérités avec tous les ménagements que commande la charité, mais aussi avec toute la fidélité que le devoir leur impose. Il ne s'agit pas d'endormir une âme malade, il s'agit de la réveiller et de la guérir.
Mais, après avoir ainsi annoncé les exigences de la loi, les ministres de la Parole se hâtent d'exposer les trésors de la miséricorde divine. Ils parlent du Dieu patient, lent à la colère, abondant en, grâces ; ils annoncent le Seigneur Jésus obéissant pour les pécheurs, crucifié à leur place, les appelant, les sollicitant, les attirant, les liant à lui par des cordeaux d'amour. Ils ouvrent aux yeux du mourant la glorieuse perspective de la vie à venir, la splendeur d'un ciel préparé et habité par Jésus ; puis ils prient, ils assiègent le trône de sa gloire en faveur de ce fidèle qui se débat contre la mort, et qui, peut-être quelques instants après, comparaîtra devant son Juge suprême.
Ils demandent à Dieu de l'éclairer, de le convertir, de le sauver, de lui multiplier les dons de son Esprit. Ils prient aussi pour lesmembres de sa famille, pour ses enfants qu'il va laisser orphelins, pour sa femme qu'il va laisser veuve, pour tous les chrétiens qu'un sentiment de pieuse compassion avait réunis autour du lit de douleur ; et, en se retirant, ils laissent dans la maison d'affliction un parfum d'espérance et de paix évangélique que la foi chrétienne peut seule et donner et comprendre.




XXVIII.

Confession et l'absolution.


  Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n'est point en nous. Si nous confessons Dos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner et pour nous purifier de toute iniquité. 1 Jean, I, 8, 9.


 Cette parole, adressée aux Églises par l'apôtre saint Jean, constate un fait important : c'est que si Dieu, dans sa miséricorde infinie en Jésus-Christ, veut pardonner au pécheur, il veut aussi que le pécheur ait le sentiment de la valeur de ce pardon, que, sentant ses misères spirituelles, il en fasse un aveu complet. S'il se croit sans péché, il se trompe : il ment à sa propre conscience, et rien ne le porte à chercher sa délivrance, à désirer le salut, à croire en un Sauveur dont après tout il pense qu'il n'a que faire. S'il sent sa misère spirituelle et sa culpabilité, il en gémit, il la déteste ; il a recours à la source de toute miséricorde, il saisit avec empressement la promesse de réconciliation, il se jette avec abandon dans les bras de son libérateur ; et en retour Dieu lui donne l'assurance de son pardon ; il fait descendre dans le coeur de son enfant justifié une paix indicible, gage certain et avant-goût précieux d'un bonheur sans mesure et sans fin.
Cet aveu de la part du pécheur, c'est la confession ; cette assurance de pardon dispensée de Dieu, c'est l'absolution.

Le péché étant une transgression de la loi de Dieu, et par conséquent une affaire qui se passe entre l'homme et Dieu, et dans laquelle Dieu est l'offensé et l'homme l'offenseur, nous devons confesser notre péché à Dieu lui-même, qui, présent partout, est toujours prêt à nous écouter, et qui, connaissant tout, ne saurait jamais être trompé.
C'est à ce juge suprême que les Moïse, les David, les Daniel, les Manassé, et plus tard les péagers repentants, le Larron converti sur la croix, l'Enfant prodigue, confessèrent leur faute sans avoir recours à d'autres intermédiaires.

Devons-nous nous confesser aux hommes ?
Oui, s'il s'agit d'une offense dont nous nous soyons rendus coupables envers eux.
Oui, devant un père ou une mère qui, chargés de notre éducation, ont le droit de nous demander compte de notre conduite. Voilà pour les relations sociales et la vie de famille.

En ce qui concerne notre état spirituel ou nos relations avec Dieu, nous pouvons, par un élan spontané et libre, rechercher l'intimité des chrétiens plus avancés que nous dans l'expérience de la vie chrétienne et de la connaissance de l'Évangile ; nous pouvons leur ouvrir notre coeur, leur faire part de nos doutes, de nos chutes mêmes, et réclamer les leçons de leur sagesse, la communion de leurs prières, la consolation de leur sympathie fraternelle... ; témoignage libre et fraternel de l'union qui existe entre les membres de l'Église de Jésus-Christ et auquel un apôtre fait allusion quand il exhorte les lecteurs de ses épîtres à confesser leurs fautes les uns aux autres, tout aussi bien qu'il leur demande de prier les uns pour les autres (Jacq., V, 16.).
Mais ce chrétien auquel on ouvre son coeur en recourant à sa sympathie et à sa longue expérience, doit-on le considérer autrement que comme un frère ; faut-il le regarder comme un juge, un arbitre officiel ? Les protestants repoussent cette idée de la manière la plus positive, comme attentatoire à la gloire du Père, seul souverain de nos âmes, à la gloire de Jésus-Christ, notre seul juge suprême, à la gloire du Saint-Esprit, qui seul connaît ce qui est dans le coeur de l'homme et dans le coeur de Dieu.

L'absolution étant l'acte par lequel nous recevons l'assurance de notre entier pardon, Dieu seul peut la donner ; saint Jacques l'appelle « le seul législateur qui peut sauver et qui peut détruire (Jacq., IV, 12.). »
L'absolution est l'oeuvre spéciale du Saint-Esprit ; saint Paul nous l'enseigne quand il écrit aux Romains (Rom., VIII, 16.) : « C'est ce même Esprit qui rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ; » toute l'Écriture est pleine de déclarations par lesquelles nous pouvons constater la réalité et les conditions de cette précieuse assurance du salut. Méditez, et recevez dans votre coeur les passages suivants :
« Quiconque croira en Jésus-Christ recevra la rémission de ses péchés en son nom (Actes, X, 43.). Sachez, mes frères, que c'est par Jésus-Christ que vous est annoncée la rémission des péchés, et que c'est par lui que tous ceux qui croient sont justifiés (Actes, XIII, 38, 39.). Si quelqu'un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, savoir : Jésus-Christ, le juste (1 Jean, II, 1.). Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu (Rom., V, 1.). Il n'y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ (Rom., VIII, 1.). Celui qui croit au Fils de Dieu, a le témoignage de Dieu en soi-même, et voici quel est ce témoignage : c'est que Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est en son Fils (1 Jean, V, 11,12.). »

Après ces déclarations si claires et si formelles, pourquoi irions-nous chercher auprès des hommes des assurances qui ne rassurent pas, des absolutions qui n'ont rien de certain ni d'absolu ? pourquoi irions-nous réclamer auprès des hommes, pécheurs comme nous, des grâces qu'ils ne peuvent se donner à eux-mêmes ?
Tout au plus, comme nous l'avons dit plus haut, pourront-ils exercer auprès de nous un ministère fraternel de conseils, de consolation, d'encouragement ; mais ils ne sauraient aller plus loin sans se rendre coupables de présomption et sans usurper les droits du Saint-Esprit, qui seul produisant en nous la véritable conviction du péché, peut seul faire descendre dans nos âmes la paix de Dieu dont il est le céleste dispensateur.
Mais, dira-t-on, Dieu n'a-t-il pas institué des hommes qu'il a revêtus d'un pouvoir plus étendu qu'un simple ministère fraternel et auquel il a dit d'une manière formelle : « Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés ; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus (Jean, XX, 23.) ? »

Ces hommes étaient les premiers disciples et les apôtres, exerçant un ministère accompagné de miracles nécessaires au premier établissement du christianisme dans le monde. Alors l'Écriture, « toute inspirée de Dieu, » n'avait pas encore été rédigée pour faire connaître au monde les conditions de l'alliance de grâces et les sources de l'absolution qui vient de Dieu. Ces conditions étaient enseignées par le ministère direct des apôtres, qui, en recevant le pouvoir d'accomplir des miracles, de parler des langues étrangères et d'annoncer la vérité par inspiration, avaient aussi reçu le don de « discerner les esprits, » et par conséquent d'apprécier l'état des âmes au point de pouvoir leur donner l'assurance qu'elles étaient dans la voie du salut ou qu'elles étaient engagées dans celle de la perdition.

Ce pouvoir d'absolution conféré aux disciples directs du Sauveur n'avait aucun rapport avec la confession ; l'Écriture ne nous montre aucun chrétien allant se confesser aux apôtres ; elle nous montre ceux-ci lisant directement dans l'âme d'Ananias, de Saphira et d'autres pécheurs, sans qu'il fût nécessaire de les interroger sur leurs pensées secrètes.
Or, ce pouvoir de discerner les esprits et de sonder les coeurs sans confession et de leur appliquer les conditions du salut d'une manière infaillible a cessé avec les apôtres. Ceux-ci n'ont point eu de successeurs. Il est écrit que Dieu donne « les uns pour être apôtres, d'autres pour être prophètes, d'autres pour être évangélistes, d'autres pour être pasteurs et docteurs (Ephés., IV, 11.). » Cette déclaration établit des distinctions importantes. Elle constate que les pasteurs ne sont pas des apôtres, et que si le Seigneur a conféré des dons spéciaux à ceux-ci, il ne s'ensuit pas du tout que ceux qui sont pasteurs ou se disent tels aient hérité de ces dons. Ce qui prouve d'ailleurs qu'ils ne les possèdent pas, c'est que ceux qui prétendent absoudre les péchés se trouvent dans la nécessité de confesser les pécheurs avant de les absoudre ; ce qui, montrant leur impuissance à connaître ce qui se passe dans les coeurs, démontre en même temps leur impuissance à leur appliquer d'une manière certaine et absolue les conditions de l'éternel salut.

Et s'appuyant sur les principes ci-dessus exposés, les protestants repoussent la pratique de la confession obligatoire, détaillée, provoquée par voie d'interrogation. Ils repoussent l'absolution prononcée par un homme d'une manière absolue, autoritative, judiciaire et sacramentelle.

Ils pratiquent la confession générale dans le culte public.
Ils ont recours à leurs pasteurs comme à des amis, comme à des frères pieux et avancés dans l'expérience de la vie chrétienne, pour recevoir de leur pieux ministère les conseils, les consolations, les encouragements que ceux-ci leur donnent à l'aide de la Parole de Dieu, notre code suprême. Les protestants ne cherchent pas ces secours spirituels exclusivement auprès de leurs pasteurs : ils ont recours aussi à tous les chrétiens qui leur paraissent dignes de leur confiance ; car il est bien entendu qu'il ne s'agit pas ici d'un acte officiel, mais d'un ministère tout fraternel.

Les protestants croient qu'à l'aide de la Parole de Dieu et par la foi, ils peuvent acquérir la certitude qu'ils sont enfants de Dieu, rachetés de Christ et pardonnés de leurs péchés d'une manière bien autrement sûre qu'ils ne pourraient le faire par les jugements des hommes, toujours incertains et faillibles.

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