Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XVII.

Le gouvernement de l'Église.

  Que toutes choses se fassent avec ordre et bienséance. 1 Cor., XIV, 40.



 D'après le principe protestant, l'Église invisible, famille de Dieu, composée non seulement de tous les chrétiens fidèles qui luttent sur la terre contre le péché et l'erreur, mais aussi de tous ceux qui sont morts dans la foi pour être recueillis dans le sein de leur Sauveur, a pour chef unique le Seigneur Jésus-Christ, et pour loi sa volonté suprême.

Les Églises visibles, institutions qui ont un caractère humain, séculier, national et politique, tout aussi bien que moral et religieux, bien qu'elles se réclament du même divin Chef et de l'autorité de sa Parole, sont dans la nécessité d'avoir un gouvernement ecclésiastique qui pourvoit aux nécessités d'ordre, d'instruction, de discipline morale et de culte public, propre à tout ce qui est terrestre et temporel.
Entre les diverses formes de gouvernements qui constituent l'organisation temporelle des Églises réformées répandues dans le monde, on en distingue deux qui, bien que différant entre elles d'une manière assez prononcée, ont répondu jusqu'ici aux nécessités légitimes de ces Églises.

Chez les unes, le gouvernement ecclésiastique est concentré dans les évêques ou dans une hiérarchie cléricale ; c'est le système qui a prévalu en Angleterre, en Suède, etc.
Chez les autres, le gouvernement s'exerce par un synode ou corps représentatif, émanant de l'Église elle-même. Ce système de représentation populaire a suivi la réforme de Calvin, en Suisse, en Hollande, en Allemagne, en Écosse, chez les dissidents de la Grande-Bretagne, aux États-Unis, etc.
Le protestantisme français a aussi présenté, dès son origine, cette forme d'organisation ; et comme pendant trois siècles nos Églises ne recevaient aucune protection de la part de l'État et ne lui devaient aucun compte de leur administration intérieure, le gouvernement synodal a pu se développer en toute liberté, et descendre ainsi très profondément dans les habitudes et dans les affections du peuple.

Lorsque en 1802 l'État sanctionna, par un concordat, l'exercice du culte catholique romain, il reconnut l'existence d'un million et demi de Français qui professaient les croyances protestantes ; et comme il n'était plus dans les idées du temps de considérer les protestants comme des enfants délaissés ou proscrits, l'État dut non plus simplement les tolérer, mais assurer à jamais une protection réelle et efficace aux restes vénérés de nos malheureuses Églises. Dans ce but, le gouvernement consulaire étudia, avec autant de soin que le permettaient les préoccupations du temps, les coutumes propres aux réformés et l'organisation caractéristique de leurs antiques Églises ; et combinant ces données avec ses propres droits et avec les exigences du moment, il régla les rapports mutuels qui devaient désormais s'établir entre l'Église réformée et lui, par une loi organique qui fut promulguée le 18 germinal an X.

Cette loi fut acceptée comme un bienfait ; mais lorsque les Églises, par suite même de la protection qu'elle leur assurait, entrèrent dans une voie de progrès et de prospérité, on reconnut qu'elle était, à certains égards, insuffisante, et à d'autres, essentiellement fautive. Elle subsista néanmoins pendant l'Empire, la Restauration, le gouvernement de Louis-Philippe et les premiers jours de la république de 1848 ; mais en 1852 elle reçut un précieux complément, et subit des modifications radicales sous le régime d'un décret signé par Louis-Napoléon.
Depuis cette époque, l'Empereur a promulgué un nouveau décret ayant pour but spécial de fixer la législation à l'égard de l'ouverture des nouveaux lieux de culte. Ces trois lois successives, combinées avec nos pratiques traditionnelles, forment l'ensemble de notre organisation, au développement de laquelle nous espérons que l'avenir apportera encore des améliorations importantes,

Les chapitres qui suivent feront comprendre les détails aussi bien que l'aspect général de cette organisation.




XVIII

Les paroisses.


  Prenez de vos tribus des gens sages, habiles et connus, et je vous les donnerai pour chefs. Deut., I, 13.



 Le point de départ dans l'organisation de nos Églises, c'est la paroisse.
La paroisse se compose de l'ensemble des protestants résidant en un même lieu. On lui donne très habituellement le nom d'Église.
Quel que soit le nombre et l'importance des fidèles composant une paroisse, aucune Église ne peut prétendre a aucune primauté sur une autre Église, toutes étant considérées comme égales.

Est considérée comme membre de la paroisse toute personne y résidant qui a été reçue dans l'Église protestante par le baptême, et plus tard par la ratification du voeu du baptême, ou qui, ayant été baptisée ailleurs, justifie devant les représentants de l'Église d'un désir sincère et intelligent d'y être admise. Cette personne est dès lors inscrite au registre paroissial.

Chaque paroisse à un conseil presbytéral composé de quatre membres laïques au moins, de sept au plus, et présidé par le pasteur ou l'un des pasteurs.
Les conseils presbytéraux sont élus par le suffrage des électeurs paroissiaux et renouvelés par moitié tous les trois ans.
Est électeur tout paroissien âgé de trente ans révolus, ayant résidé pendant deux ans dans la paroisse s'il est Français, et trois s'il est étranger. Ils doivent justifier qu'ils ont été admis dans l'Église conformément aux règles qui y sont établies et qu'ils participent aux exercices et aux obligations du culte, et, en cas de mariage, qu'ils ont reçu la bénédiction nuptiale protestante.
Toutes les incapacités édictées par les lois et entraînant la privation du droit électoral politique ou municipal font perdre le droit électoral paroissial. En cas d'indignité notoire, la radiation ou l'omission du nom est prononcée par le conseil presbytéral au scrutin secret sans discussion, et seulement à l'unanimité des voix. En cas d'appel, le consistoire décide en dernier ressort.

Les conseils presbytéraux gouvernent l'Église sous l'autorité des consistoires. Ils maintiennent l'ordre et la discipline dans la paroisse ; ils veillent à l'entretien des édifices religieux et administrent les biens de l'Église ; ils administrent également les deniers provenant des aumônes ; ils présentent des candidats aux places de pasteurs qui viennent à vaquer ou à être créées ; ils nomment, sous réserve de l'approbation du consistoire, des pasteurs auxiliaires, et agréent sous la même réserve les suffragants proposés par les pasteurs ; enfin, ils acceptent, avec l'approbation du gouvernement, les legs ou donations faits aux Églises de leur ressort.




XIX

Les consistoires.


  Dieu n'est point un Dieu de confusion. 1 Cor., XIV, 33.



 Au-dessus des conseils presbytéraux se trouvent les consistoires. Ils ont leur siège dans les chefs-lieux autour desquels sont groupés un certain nombre d'Églises ou paroisses. Ils sont composés du conseil presbytéral du chef-lieu, plus un nombre égal de membres laïques délégués par les paroisses avec leurs pasteurs respectifs.

Les consistoires transmettent au gouvernement, avec leur avis, les délibérations des conseils presbytéraux ; ils veillent à la célébration régulière du culte, au maintien de la liturgie et de la discipline, et à l'expédition des affaires dans les diverses paroisses de leur ressort ; ils surveillent l'administration des biens des paroisses et administrent les biens consistoriaux ; ils acceptent, sous l'approbation de l'autorité supérieure, les legs ou donations faits au consistoire, ou indivisément aux Églises du ressort ; ils arrêtent les budgets, vérifient et approuvent les comptes de ces conseils ; enfin, les consistoires nomment aux places de pasteurs qui viennent à vaquer dans les Églises de leur ressort, et proposent au gouvernement la création de places nouvelles.
Comme les conseils presbytéraux, les consistoires sont renouvelés par moitié tous les trois ans.




XX.

Les synodes.


  Que celui qui préside le fasse avec soin. Rom., XII, 8.



 On a vu, par les deux chapitres précédents, que les conseils presbytéraux sont les représentants de chaque paroisse, et que, par le groupement d'un certain nombre de paroisses formant une circonscription, le consistoire devient l'organe et le représentant de leurs intérêts communs.
Au-dessus des consistoires doit se trouver une autorité centrale qui coordonne leurs travaux et règle les questions d'un intérêt général. Ce corps s'appelle synode national.
Il formait autrefois le faîte de l'édifice élève par la sagesse et la piété de nos pères. Leurs assemblées veillèrent pendant trois siècles aux destinées de nos Églises. Longtemps elles furent convoquées à la face des persécutions et non loin des bûchers et des échafauds.
Tenus, une ou deux fois par an, dans les villes désignées à cet effet, les synodes réunissaient les députés envoyés par les synodes provinciaux, qui y apportaient leurs cahiers ou mémoires. Ces assemblées solennelles décidaient en dernier ressort les grandes questions qui intéressaient l'Église ; la confession de foi et la discipline générale leur étaient confiées.

D'après la loi qui nous régit, le synode national ne peut se tenir sans l'autorisation spéciale du gouvernement. Or, depuis la restauration des cultes, cette autorisation n'a pas encore été accordée ; mais le moment n'est pas loin ou le gouvernement, qui se montre si bienveillant pour nos Églises, accomplira en leur faveur cet acte de justice destiné à achever leur reconstruction et à assurer l'ordre et la régularité dans leur existence civile et dans leur progrès intérieur. Un conseil central, nommé par le gouvernement, et composé de personnes distinguées, sert aujourd'hui de lien officieux entre l'État et nos Églises.

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