Que toutes choses se fassent avec ordre et bienséance. 1 Cor., XIV, 40.
D'après le principe protestant,
l'Église invisible,
famille de Dieu, composée non seulement de
tous les chrétiens fidèles qui
luttent sur la terre contre le péché
et l'erreur, mais aussi de tous ceux qui sont morts
dans la foi pour être recueillis dans le sein
de leur Sauveur, a pour chef unique le Seigneur
Jésus-Christ, et pour loi sa volonté
suprême.
Les Églises visibles, institutions qui ont un caractère
humain,
séculier, national et politique, tout aussi
bien que moral et religieux, bien qu'elles se
réclament du même divin Chef et de
l'autorité de sa Parole, sont dans la
nécessité d'avoir un gouvernement
ecclésiastique qui pourvoit aux
nécessités d'ordre, d'instruction, de
discipline morale et de culte public, propre
à tout ce qui est terrestre et temporel.
Entre les diverses formes de gouvernements qui
constituent l'organisation temporelle des
Églises réformées
répandues dans le monde, on en distingue
deux qui, bien que différant entre elles
d'une manière assez prononcée, ont
répondu jusqu'ici aux
nécessités légitimes de ces
Églises.
Chez les unes, le gouvernement
ecclésiastique est concentré dans les
évêques ou dans une hiérarchie
cléricale ; c'est le système qui
a prévalu en Angleterre, en Suède,
etc.
Chez les autres, le gouvernement
s'exerce par un synode ou corps
représentatif, émanant de
l'Église elle-même. Ce système
de représentation populaire a suivi la
réforme de Calvin, en Suisse, en Hollande,
en Allemagne, en Écosse, chez les dissidents
de la Grande-Bretagne, aux États-Unis,
etc.
Le protestantisme français a aussi
présenté, dès son origine,
cette forme d'organisation ; et comme pendant
trois siècles nos Églises ne
recevaient aucune protection de la part de
l'État et ne lui devaient aucun compte de
leur administration intérieure, le
gouvernement synodal a pu se développer en
toute liberté, et descendre ainsi
très profondément dans les habitudes
et dans les affections du peuple.
Lorsque en 1802 l'État sanctionna, par un
concordat, l'exercice du culte catholique romain,
il reconnut l'existence d'un million et demi de
Français qui professaient les croyances
protestantes ; et comme il n'était plus
dans les idées du temps de considérer
les protestants comme des enfants
délaissés ou proscrits, l'État
dut non plus simplement les tolérer, mais assurer à jamais
une protection
réelle et efficace aux restes
vénérés de nos malheureuses
Églises. Dans ce but, le gouvernement
consulaire étudia, avec autant de soin que
le permettaient les préoccupations du temps,
les coutumes propres aux
réformés et l'organisation
caractéristique de leurs antiques
Églises ; et combinant ces
données avec ses propres droits et avec les
exigences du moment, il régla les rapports
mutuels qui devaient désormais
s'établir entre l'Église
réformée et lui, par une loi
organique qui fut promulguée le 18 germinal
an X.
Cette loi fut acceptée comme un
bienfait ; mais lorsque les Églises,
par suite même de la protection qu'elle leur
assurait, entrèrent dans une voie de
progrès et de prospérité, on
reconnut qu'elle était, à certains
égards, insuffisante, et à d'autres,
essentiellement fautive. Elle subsista
néanmoins pendant l'Empire, la Restauration,
le gouvernement de Louis-Philippe et les premiers
jours de la république de 1848 ; mais
en 1852 elle reçut un précieux
complément, et subit des modifications
radicales sous le régime d'un décret
signé par Louis-Napoléon.
Depuis cette époque, l'Empereur a
promulgué un nouveau décret ayant
pour but spécial de fixer la
législation à l'égard de
l'ouverture des nouveaux lieux de culte. Ces trois
lois successives, combinées avec nos
pratiques traditionnelles, forment l'ensemble de
notre organisation, au développement de
laquelle nous espérons que l'avenir
apportera encore des améliorations
importantes,
Les chapitres qui suivent feront comprendre les
détails aussi bien que l'aspect
général de cette organisation.
Prenez de vos tribus des gens sages, habiles et connus, et je vous les donnerai pour chefs. Deut., I, 13.
Le point de départ dans l'organisation de
nos Églises, c'est la paroisse.
La paroisse se compose de l'ensemble des
protestants résidant en un même lieu.
On lui donne très habituellement le nom d'Église.
Quel que soit le nombre et l'importance des
fidèles composant une paroisse, aucune
Église ne peut prétendre a aucune
primauté sur une autre Église, toutes
étant considérées comme
égales.
Est considérée comme membre de la
paroisse toute personne y résidant qui a
été reçue dans l'Église
protestante par le baptême, et plus tard par
la ratification du voeu du baptême, ou qui,
ayant été baptisée ailleurs,
justifie devant les représentants de
l'Église d'un désir sincère et
intelligent d'y être admise. Cette personne
est dès lors inscrite au registre
paroissial.
Chaque paroisse à un conseil
presbytéral composé de quatre
membres laïques au moins, de sept au plus, et
présidé par le pasteur ou l'un des
pasteurs.
Les conseils presbytéraux sont élus
par le suffrage des électeurs paroissiaux et
renouvelés par moitié tous les trois
ans.
Est électeur tout paroissien
âgé de trente ans révolus,
ayant résidé pendant deux ans dans la
paroisse s'il est Français, et trois s'il
est étranger. Ils doivent justifier qu'ils
ont été admis dans l'Église
conformément aux règles qui y sont
établies et qu'ils participent aux exercices
et aux obligations du culte, et, en cas de mariage,
qu'ils ont reçu la bénédiction
nuptiale protestante.
Toutes les incapacités
édictées par les lois et
entraînant la privation du droit
électoral politique ou municipal font perdre
le droit électoral paroissial. En cas
d'indignité notoire, la radiation ou
l'omission du nom est prononcée par le
conseil presbytéral au scrutin secret sans
discussion, et seulement à
l'unanimité des voix. En cas d'appel, le
consistoire décide en dernier ressort.
Les conseils presbytéraux gouvernent
l'Église sous l'autorité des
consistoires. Ils maintiennent l'ordre et la
discipline dans la paroisse ; ils veillent
à l'entretien des édifices religieux
et administrent les biens de
l'Église ; ils administrent
également les deniers provenant des
aumônes ; ils présentent des
candidats aux places de pasteurs qui viennent
à vaquer ou à être
créées ; ils nomment, sous
réserve de l'approbation du consistoire, des
pasteurs auxiliaires, et agréent sous la
même réserve les suffragants
proposés par les pasteurs ; enfin, ils
acceptent, avec l'approbation du gouvernement, les
legs ou donations faits aux Églises de leur
ressort.
Dieu n'est point un Dieu de confusion. 1 Cor., XIV, 33.
Au-dessus des conseils presbytéraux se
trouvent les consistoires. Ils ont leur
siège dans les chefs-lieux autour desquels
sont groupés un certain nombre
d'Églises ou paroisses. Ils sont
composés du conseil presbytéral du
chef-lieu, plus un nombre égal de membres
laïques délégués par les
paroisses avec leurs pasteurs respectifs.
Les consistoires transmettent au gouvernement, avec
leur avis, les délibérations des
conseils presbytéraux ; ils veillent
à la
célébration
régulière du culte, au maintien de la
liturgie et de la discipline, et à
l'expédition des affaires dans les diverses
paroisses de leur ressort ; ils surveillent
l'administration des biens des paroisses et
administrent les biens consistoriaux ; ils
acceptent, sous l'approbation de l'autorité
supérieure, les legs ou donations faits au
consistoire, ou indivisément aux
Églises du ressort ; ils arrêtent
les budgets, vérifient et approuvent les
comptes de ces conseils ; enfin, les
consistoires nomment aux places de pasteurs qui
viennent à vaquer dans les Églises de
leur ressort, et proposent au gouvernement la
création de places nouvelles.
Comme les conseils presbytéraux, les
consistoires sont renouvelés par
moitié tous les trois ans.
Que celui qui préside le fasse avec soin. Rom., XII, 8.
On a vu, par les deux chapitres
précédents, que les conseils
presbytéraux sont les représentants
de chaque paroisse, et que, par le groupement d'un
certain nombre de paroisses
formant une circonscription, le consistoire
devient l'organe et le représentant de leurs
intérêts communs.
Au-dessus des consistoires doit se trouver une
autorité centrale qui coordonne leurs
travaux et règle les questions d'un
intérêt général. Ce
corps s'appelle synode national.
Il formait autrefois le faîte de
l'édifice élève par la sagesse
et la piété de nos pères.
Leurs assemblées veillèrent pendant
trois siècles aux destinées de nos
Églises. Longtemps elles furent
convoquées à la face des
persécutions et non loin des bûchers
et des échafauds.
Tenus, une ou deux fois par an, dans les villes
désignées à cet effet, les
synodes réunissaient les
députés envoyés par les
synodes provinciaux, qui y apportaient leurs
cahiers ou mémoires. Ces assemblées
solennelles décidaient en dernier ressort
les grandes questions qui intéressaient
l'Église ; la confession de foi et la
discipline générale leur
étaient confiées.
D'après la loi qui nous régit, le
synode national ne peut se tenir sans
l'autorisation spéciale du gouvernement. Or,
depuis la restauration des cultes, cette
autorisation n'a pas encore été
accordée ; mais le moment n'est pas
loin ou le gouvernement, qui se montre si
bienveillant pour nos Églises, accomplira en
leur faveur cet acte de justice destiné
à achever leur
reconstruction et à
assurer l'ordre et la régularité dans
leur existence civile et dans leur progrès
intérieur. Un conseil central, nommé par le gouvernement, et
composé de personnes distinguées,
sert aujourd'hui de lien officieux entre
l'État et nos Églises.
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