Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

AVANT-PROPOS.

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 Les longs ouvrages me font peur, a dit le bon Lafontaine. L'étude des lois de Moïse aurait fourni la matière d'un long ouvrage, et nous n'offrons au public qu'une faible ébauche qui ne sera sans doute signalée que par ses lacunes et ses nombreux défauts. Quelques-uns y trouveront trop de détails ; d'autres, au contraire, nous reprocheront d'avoir légèrement traité un aussi important sujet.

« Entre ces deux excès la route est difficile. »
Si le plan que nous nous sommes tracé pouvait attirer l'attention d'hommes plus autorisés que nous et les engager à reprendre cette étude, nous accueillerions avec reconnaissance leur critique, nous saurions respecter ce que nos maîtres ont toujours respecté : reprehensionem doctorum atque prudentium, tout en nous félicitant d'avoir indiqué une mine abondante, jusqu'ici trop négligée.

« O Éternel ! j'ai vu un bout dans toutes les choses les plus parfaites, mais ton commandement est d'une très grande étendue » (Ps. CXIX).




PREMIÈRE PARTIE.

ORIGINE DES LOIS.


 Tous les peuples de l'antiquité ont fait remonter l'origine des lois à une intelligence plus élevée que celle de l'homme. Le plus illustre des orateurs romains attribue l'origine des lois à la Divinité. Cette opinion s'est maintenue jusqu'à nos jours.
Domat, le célèbre auteur des lois civiles, celui dont le chancelier d'Aguesseau a dit que personne n'a mieux approfondi le véritable principe de la législation, Domat trouve toujours Dieu à la base des grandes institutions sociales.
Le savant Toullier, qui a été, à juste titre, appelé le Pothier moderne, rapporte à Dieu les prescriptions d'où sont dérivées les lois : « C'est, dit-il, un de ces dogmes dont l'importance a été sentie par tous les législateurs tant anciens que modernes, et par tous les vrais philosophes. »

Le Dieu créateur de l'univers, qui a posé les lois fondamentales qui régissent la matière, a aussi - tous les jurisconsultes instruits et profonds le reconnaissent - posé les principes constitutifs de toute société humaine.
Mais comment Dieu s'est-il fait connaître à l'homme ?
Comment lui a-t-il révélé ces principes fondamentaux de toute législation ?
Est-ce par une sorte d'intuition, au moyen de cette raison et de cette conscience dont il l'a doué ?
Est-ce au moyen d'une révélation directe et positive ?

En dehors de la Bible, les monuments manquent absolument pour déterminer l'origine des lois. Si l'on veut consulter les historiens profanes, on ne trouve, avant la réunion des Israélites en corps de nation, que nuages, qu'incertitude. La guerre, la chasse, la satisfaction des premiers désirs de la nature humaine, un culte grossier déifiant la matière et les animaux à cause de l'utilité que l'homme en retire, voilà tout ce qui semble occuper les premières sociétés.

Les lois des Égyptiens sont très peu connues. On comprend, dans une certaine mesure, ces paroles de découragement échappées à un historien, à la suite de longues et infructueuses études sur les moeurs et les lois des Égyptiens : « Comment le publiciste ne jette-t-il pas aux flammes l'écrit où il expose des conjectures sur un peuple dont l'origine et les révolutions ne peuvent être fixées même par les monuments qu'il a élevés ! »

La Bible dit que Dieu se fit entendre lui-même à Moïse, qu'il lui dicta les lois destinées à régir le peuple élu, que le fondement de ces lois, les principes premiers de la législation hébraïque furent tracés sur des tables de marbre, au sommet du Sinaï.
Ces lois existent : leur respectable antiquité n'est plus aujourd'hui contestée. Où Moïse aurait-il donc puisé ces prescriptions dont nous aurons à faire remarquer l'admirable sagesse ?
S'il ne les a pas reçues de Celui qui est la sagesse éternelle, il est encore plus difficile de croire qu'il ait, à cette époque d'ignorance et de préjugés de toutes sortes, composé, tout d'une pièce, un corps de lois si beau, si parfait, si peu en harmonie avec les idées grossières que l'homme se faisait de Dieu, de la justice, de ses devoirs envers son semblable, même dans des âges moins reculés que les temps de Moïse.

Pour ôter à la Bible son cachet divin, on a dit que Moïse avait emprunté aux Égyptiens les institutions dont il dota son peuple. Cette thèse s'appuie principalement sur ce qu'il est dit dans la Bible que Moïse était instruit dans la science des Égyptiens. Et d'abord est-il bien logique et de bonne discussion d'invoquer le témoignage de la Bible pour le repousser ensuite lorsqu'il déclare que Moïse reçut de Dieu lui-même les lois du peuple d'Israël ?

Ce système commode s'est étrangement vulgarisé de nos jours ; mais, parce qu'il est employé par beaucoup d'adversaires de la divinité des Livres saints, gardons-nous d'en conclure qu'il soit acceptable. Si le législateur des Hébreux avait puisé dans les lois égyptiennes les prescriptions qu'il a données à son peuple, on devrait constater des analogies. Sur quels monuments, sur quels livres des Égyptiens trouve-t-on quelque chose qui ressemble aux principes fondamentaux des lois de Moïse ? N'est-il pas, au contraire, très facile de constater des différences radicales entre ce que nous connaissons des institutions de l'Égypte et des institutions, des Hébreux ?

Ce que l'on sait des lois égyptiennes, c'est qu'elles faisaient incessamment appel à l'orgueil humain. Les rois eux-mêmes étaient placés sous l'empire de ce mobile. Être privé ou être honoré d'une glorieuse sépulture était la punition ou la récompense réservée à tous.
Les lois mosaïques mettent sans cesse l'homme en présence de sa conscience et d'un Dieu unique, sans emprunter jamais aucun élément humain.

Les prêtres égyptiens étaient investis d'une imposante autorité. Pour augmenter leur influence, la loi leur accordait de grands biens ; ils possédaient, à eux seuls, le tiers des terres.
Les sacrificateurs et les lévites d'Israël devaient s'occuper exclusivement de la célébration des cérémonies du culte. Ils ne devaient intervenir dans les rapports des Israélites entre eux que dans des cas exceptionnels, lorsque survenaient des contestations très difficiles ; ils étaient appelés alors à aider le juge dans l'appréciation des points de fait. Ils ne devaient avoir aucune part dans les biens distribués au peuple hébreu.

En Égypte, des lois sensuelles s'adressaient aux instincts grossiers de l'homme naturel, imposant à son adoration des figures et des animaux.
Dans les institutions du peuple hébreu, toute souillure est un crime horrible, l'idolâtrie est sévèrement condamnée ; Dieu seul, un Dieu unique, personnel, Celui qui est, doit être adoré.

Chez les Égyptiens, si nous en croyons le savant auteur de l'Esprit des Lois, les femmes étaient maîtresses dans la maison, ce qui paraît à Montesquieu une institution contre la raison et contre la nature.
La loi de Moïse, tout en laissant à la femme la place que lui avaient faite les moeurs patriarcales, instituait, comme chef de la maison, le père de famille.

Si l'on en excepte quelques règles de peu d'importance se rapportant aux détails journaliers de la vie matérielle, quelques prescriptions sur l'hygiène, tout cela se rattachant à des habitudes contractées en Égypte et qui pouvaient parfaitement convenir au peuple hébreu dans son long voyage vers la terre de Canaan, aucune des principales institutions de l'Égypte n'a trouvé place dans la loi mosaïque.

On chercherait vainement ailleurs des analogies. La loi de Moïse restera toujours une oeuvre sans précédent ; plus elle sera étudiée, plus elle remplira d'admiration et de respect ceux qui en rechercheront les grandes lignes et les riches détails.

« La loi par laquelle ce peuple est gouverné, dit Pascal, en parlant du peuple d'Israël, est tout ensemble la plus ancienne loi du monde, la plus parfaite et la seule qui ait toujours été gardée sans interruption dans un État. C'est ce que Philon, juif, montre en divers lieux, et Josèphe admirablement, contre Appion, où il fait voir qu'elle est si ancienne que le nom même de loi n'a été connu des plus anciens que plus de mille ans après ; en sorte qu'Homère, qui a parlé de tant de peuples, ne s'en est jamais servi. »

« Je ne trouve aucun sujet de douter de la vérité du livre qui contient toutes ces choses, dit encore Pascal, car il y a bien de la différence entre un livre que fait un particulier et qu'il jette parmi le peuple, et un livre qui fait lui-même un peuple. »

Cette dernière observation est frappante de vérité. La loi de Moïse a fait le peuple d'Israël ; il s'est tellement identifié avec elle qu'il a toujours gardé avec amour, dans sa mauvaise comme dans sa bonne fortune, dans ses jours d'affreux revers comme dans ses jours de gloire, les livres de la loi.
Les Égyptiens, même à l'époque où écrivait Tacite, nous sont représentés comme un peuple changeant et superstitieux, ne respectant ni magistrats, ni lois, superstitione ac lascivia discordent et mobilem, insciam legum, ignaram magistratuum.
Où l'Israélite avait-il donc puisé ce respect pour la loi ? Ce n'est pas que le législateur eût cherché à flatter son peuple. Les livres de la loi rappelaient, à chaque page, à l'Israélite, son ingratitude ; ils lui prédisaient sa dispersion au milieu des Gentils ; ils lui annonçaient l'événement qui devait le plus irriter la nation élue : c'est que Dieu, à cause de l'incrédulité d'Israël, appellera son peuple celui qui n'était point son peuple.
Ce grand amour d'Israël pour sa loi, cette fidélité à la conserver, à la remettre en honneur toutes les fois qu'il échappe à la persécution, toutes les fois qu'il revient de l'exil, ont, il faut le reconnaître, quelque chose de surnaturel qui n'a pas d'exemple dans l'histoire du monde. Il y a là le doigt de Dieu.

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