O Éternel ! fais-moi connaître tes voies ; enseigne-moi tes sentiers. Fais-moi marcher dans ta vérité et enseigne-moi, car tu es le Dieu de mon salut ; c'est à toi que je m'attends tout le jour.
Cette prière est évidemment celle d'un homme à qui ses propres forces
et ses propres lumières échappent. Il ne sait quel chemin il doit
tenir ; ses pieds sont dans des filets ; il est seul
et affligé, il parle de détresses qui se sont augmentées,
d'angoisses dont il voudrait être délivré ; il a
des ennemis, des souvenirs qui l'accusent ; son âme est
en un mot dans un état de travail.
Quand tout cela se rencontre, que faire ? Se présenter
simplement à Dieu tel qu'on est ; prier, soupirer et attendre.
Heureux ceux qui, dans une situation semblable, ne perdent pas
courage, et qui se rappellent que, quoi qu'il en soit, Dieu est le
Dieu de la délivrance, et qu'aucun de ceux qui s'attendent à lui, ne
sera confondu !
Tout ce psaume est le langage d'une âme qui lutte, et qui lutte avec
foi. Une petite foi est encore de la foi ; le Seigneur n'éteint
point le lumignon qui fume encore. Quand notre âme passe par de
pénibles combats, assurons-nous tout d'abord de notre droiture et
de notre intégrité ; cherchons s'il n'y a pas en nous
quelque chose de louche ni de double, et si nous pouvons nous rendre
le témoignage qu'il n'y a dans notre coeur rien de semblable, soyons
certains alors que ces gros nuages se dissiperont, quoique nous
soyons maintenant attristés pour un peu de temps par diverses
épreuves.
Ces combats de notre foi deviendront de l'or pur et nous
tourneront à louange, à honneur et à gloire, lorsque Jésus-Christ
paraîtra.
Était-ce à propos d'une détresse matérielle ou d'une lutte spirituelle
que le Psalmiste se jetait aux pieds de son Dieu ? Nous ne le
savons pas ; ce pouvait être à cause de l'une et de l'autre. Il
est rare, en effet, que la conscience n'ait pas à lutter quand on est
aux prises avec l'adversité ; et d'un autre côté, la souffrance
spirituelle influe presque toujours aussi sur notre vie matérielle.
Nous sommes composés d'esprit et de chair ; chaque coup
occasionne un contrecoup, un abîme appelle facilement un
autre abîme. Mais la courte prière du Psalmiste nous montre
aussi le secret de notre force, quelle que soit notre situation. Éternel !
dit-il, fais-moi connaître tes voies, enseigne-moi tes
sentiers.
Voilà la vraie prière, car la connaissance de la
volonté de Dieu est aussi la connaissance de la ligne de conduite que
nous devons tenir. Quand nous avons cette première lumière il ne
restera plus qu'à ajouter : « Fais-moi marcher dans ta
vérité. Je vois ta vérité ; donne-moi le courage
de suivre le bon chemin qu'elle m'indique, de n'en plus chercher
d'autre ; enseigne-moi en me fortifiant, et fortifie-moi en
m'enseignant ; répète-moi que tu es le Dieu de ma délivrance,
que cette délivrance m'attend au bout du combat, et si je dois
l'attendre jusqu'au soir, eh bien, ô mon Dieu ! je
m'attendrai à toi tout le jour. » - C'est le Psalmiste qui
parle ainsi, ce n'est pas nous.
Les embarras de la vie sont nombreux et variés, mais Dieu est toujours
également puissant ; il ne lui est pas plus difficile de nous
tirer d'une grande détresse que d'une petite, si nous croyons. La
prière du Psalmiste convient surtout dans trois espèces de perplexités
que nous rencontrons souvent ici-bas ; je veux parler des perplexités
de position, des perplexités de conscience et des
perplexités de prière. Examinons-les successivement, et voyons
ce qu'il faut faire quand nous y serons exposés.
Il y a, ai-je dit, des perplexités de position. Notre
position peut devenir difficile tantôt par le genre d'occupations
auquel nous nous livrons, tantôt par l'encombrement de ces
occupations, tantôt par le frottement inévitable avec certains
caractères, tantôt par l'indécision où l'on est, si l'on doit quitter
la position où l'on se trouve, ou y rester encore.
Vous avez, admettons-le, une position qui vous astreint à des
occupations difficiles, et dont, à tout instant, il vous semble que
vous ne pouvez venir à bout. Que faire dans ce cas-là ? Votre
force, c'est avant tout de vous assurer que vous êtes où Dieu vous a
mis. La certitude d'être dans sa volonté sera tout à la fois
votre lumière et votre délivrance. Ce premier point bien établi,
abattez-vous journellement devant lui, car il vous a promis de vous
rendre intelligent en toutes choses ; recherchez aussi une
communion très intime avec Jésus-Christ, car en lui sont renfermés
tous les trésors de la sagesse et de la science.
Quand le Seigneur place son enfant à un poste, il lui donne aussi
la capacité nécessaire pour le remplir, sinon aujourd'hui, du moins
plus tard. Plus vous aurez de courage, plus vous aurez de lumières,
tandis que l'abattement du coeur amène à sa suite l'obscurcissement de
l'intelligence.
Vivez de foi dès que vous savez avec certitude que vous êtes dans la
volonté de Dieu. La lumière est semée dans les ténèbres pour ceux
qui sont droits de coeur. Voyez quelle force saint Paul puisait
dans l'assurance qu'il était apôtre, non de la part des hommes, ni
par aucun homme, mais par Jésus-Christ et Dieu son Père.
Que si votre position ne vous a pas été
assignée par Dieu, mais que vous vous y soyez placé vous-même, et
qu'il ne vous soit plus possible d'en sortir, commencez par accepter
comme un juste châtiment les difficultés dont elle vous entoure ;
vous avez fait une faute, humiliez-vous-en sincèrement devant Dieu,
mais croyez fermement aussi que si vous déplorez véritablement votre
faute rien n'est perdu. Dieu peut se servir de votre position même,
pour en tirer un grand bien pour vous et pour lui.
Vous le glorifierez, si vous acceptez humblement les embarras du
moment et que vous n'abandonniez pas votre espérance.
J'ai dit en second lieu que notre position peut nous mettre en
perplexité par un encombrement d'affaires. Il y a en effet des moments
où tout s'accumule ; on ne sait ni par où commencer ni par où
finir. Ne perdez pas la tête alors ; faites d'abord ce qui est le
plus pressé, le plus nécessaire, et ne vous embarrassez pas du reste.
Ne pensez pas au lendemain ; Dieu y avisera.
Si le travail s'allonge, les minutes s'allongeront aussi. Faites-vous
une bonne disposition d'esprit, en travaillant avec confiance ;
vous ferez alors plus de besogne et en moins de temps que si vous vous
pressiez outre mesure, poursuivi par la crainte de ne pas finir à
temps.
Quand l'essentiel sera fait, passez avec diligence à une seconde, à
une troisième affaire. Le courage donne la force et l'exercice rend
habile. Gardez Dieu à vos côtés, et il soulèvera vos montagnes les
unes après les autres ; vous verrez alors combien le repos est
doux quand on a été fidèle jusqu'à la fin.
Quant aux difficultés qui nous viennent du caractère des personnes
avec qui nous avons affaire, dites-vous bien qu'il faut prendre les
hommes comme ils sont, puisqu'il est certain qu'on ne peut les
façonner comme on le désire. Il y a dans toutes les positions, soit
dans notre demeure, soit hors de chez nous, des personnes avec qui
nous avons des rapports obligés et qui peuvent nous
donner bien du tourment. Voici ce que nous vous conseillons à regard
de ces personnes.
Restez passif envers elles, autant que cela peut se faire, et ne
prenez l'initiative que lorsque cela est absolument nécessaire ;
mais alors, au lieu de vous livrer à l'emportement de votre nature,
mettez-vous sur le terrain de ces personnes ; cherchez à entrer
dans leur individualité ; ne parlez pas selon ce que vous êtes
vous-même, mais parlez autant que possible eu vous plaçant à leur
point de vue. La douceur brise les os, mais partout où il
y a du zèle amer et de l'esprit de contention, il y a du
trouble et toutes sortes de mauvaises actions.
Si pourtant il n'y a pas moyen, sans manquer à la fidélité, de
leur complaire dans ce qu'elles demandent, montrez alors une fermeté
sans acrimonie et sans passion. Les mauvais caractères sont toujours à
plaindre ; ce sont des victimes du péché ; soyez donc pour
eux ce que Jésus-Christ a été pour vous, et si par
ces ménagements vous ne les convertissez pas, vous aurez du moins
beaucoup avancé votre propre sanctification. Les personnes pour qui
nous avons le plus d'aversion, sont souvent celles qui nous sont le
plus nécessaires, et quand l'Éternel prend plaisir aux voies d'un
homme, il apaise envers lui ses ennemis mêmes.
J'ai indiqué une dernière espèce de perplexité ; c'est celle où
l'on est dans l'indécision si l'on doit sortir de sa position actuelle
ou y rester. L'Écriture dit en thèse générale : Que chacun
demeure dans la vocation dans laquelle il a été appelé. Il peut
y avoir des exceptions, il est vrai.
Si Dieu vous fait sortir de votre position par la force des
circonstances, sa volonté est claire ; vous devez en sortir et
sans regret ; mais souvent il n'en est pas ainsi. Il y a des cas
où un avenir qui semble meilleur s'ouvre naturellement devant nous,
sans que l'on soit positivement forcé d'abandonner la position
où l'on se trouve. Examinez bien dans ces cas si le motif qui vous
ferait désirer un changement est un simple goût, un appât de fortune,
d'honneur, l'espérance d'être délivré d'une croix, en un mot, un motif
purement humain. Si le motif qui vous détermine est de cette nature,
il est presque certain qu'en changeant de position, vous empirez votre
sort au lieu de l'améliorer. C'est alors qu'il faut répéter la prière
du Psalmiste : Éternel ! fais-moi connaître tes voies,
enseigne-moi tes sentiers.
Cherchez premièrement la gloire de Dieu ; que la vôtre vienne
après, vous n'y perdrez rien. Et comme il est pourtant possible que
tout en ayant le désir de ne regarder qu'à la gloire de Dieu, vous ne
sachiez quelle détermination vous devez prendre, ayez pour règle, en
cas d'indécision, de ne rien précipiter et de garder le statu quo
aussi longtemps que faire se peut. La tournure que prendront les
choses vous indiquera ce que vous devez faire, surtout si vous
continuez à prier et à vous mettre à la disposition
de Dieu. Si cette suspension vous devenait trop pénible en se
prolongeant, essayez de prendre une résolution et voyez si elle se
maintient. Souvent on voit plus clair quand on est décidé que pendant
qu'on est indécis ; la joie qui vous manquait viendra peut-être
quand vous vous serez déterminé d'une manière ou de l'autre, pourvu
que ce soit avec foi, car ce qu'on fait avec foi devient toujours une
bénédiction.
Disons maintenant un mot des perplexités de conscience.
Il y a des consciences qui ne sont pas entièrement tranquilles, qui
éprouvent un certain malaise dont on ne découvre pas toujours la cause
réelle. Ce malaise est quelquefois le caractère général d'une
conscience ; quelquefois aussi il ne se fait sentir que par
intervalles et à propos de certains faits qu'il faut rechercher.
On trouve beaucoup de personnes qui sont dans le premier cas. Leur
conscience n'est jamais entièrement à l'aise ; elles ont un fond
d'inquiétude qui, malgré des convictions bien réelles, les empêche de
jouir de la paix qui accompagne l'assurance joyeuse du salut. Ces
personnes ont sincèrement reçu l'Évangile, et cependant leur vie
intérieure est empreinte d'un certain caractère de tristesse ou de
sécheresse. Les causes de cet état maladif ne sont pas toujours les
mêmes. Il faut que ces personnes s'examinent bien pour savoir d'abord
de quelle manière elles ont reçu l'Évangile, par quel côté de leur
nature il les a atteintes, s'il a véritablement frappé leur coeur et
leur conscience, ou si peut-être il n'aurait pas principalement agi
sur leur tête et leur imagination.
Qu'elles examinent ensuite si elles ne retiennent rien qui puisse être
un interdit ?
Se sont-elles rencontrées avec leurs péchés ? désirent-elles
sincèrement d'être guéries ? prient-elles, soupirent-elles pour
cela ?
Les perplexités de la conscience viennent fort souvent de la mollesse
de la volonté et d'une répugnance intérieure à se donner véritablement
au Seigneur.
Pour d'autres personnes, le manque de paix vient d'un reste caché de
justice propre. À côté de la foi qu'elles ont en Jésus-Christ, elles
ont encore un peu foi en elles-mêmes, en leur valeur personnelle, en
leur capacité, en leur sanctification. Le sauveur qu'elles connaissent
n'est pas le Sauveur entier et parfait de l'Évangile ; c'est un
aide ; elles coupent en deux le manteau de justice de Christ.
Peut-être aussi ne sont-elles pas véritablement affranchies ; si
la justice personnelle peut lier la conscience à la crainte, les
soucis, les souvenirs de péché le font aussi. Celui qui n'a pas vu
l'obligation qui existait contre lui, clouée à la croix de Jésus, peut
sentir toutes les perplexités intérieures qui remplissent la
conscience d'égarements et la vie d'épines. C'est la foi qui manque
alors, c'est l'abandon du coeur, une entrée plus confiante au
sanctuaire de la rédemption. Ces personnes doivent chercher à faire
une expérience plus vivante de l'efficacité du sang de Christ ;
il faut qu'elles sachent que l'oeuvre du Sauveur enveloppe toutes nos
misères, couvre toutes nos craintes, celles qui concernent les fautes
qui sont derrière nous, aussi bien que celles qui sont devant nous.
Chaque fois que notre conscience nous travaille et nous accuse, il
faut sans doute l'écouter avec soin, mais il faut se souvenir aussi
que ce n'est pas la conscience qui prononce en dernière
instance : c'est la grâce. Les chrétiens mal affranchis
s'arrêtent trop à leurs impressions personnelles, et surtout à leurs
mauvaises impressions : leurs rapports avec Jésus-Christ ne sont
pas assez ceux d'un malade avec son médecin, ou ceux d'un ami avec son
intime ami.
Si le malaise de la conscience tient à certains
faits isolés, il faut chercher à les connaître : II y a certaines
racines qui, même après la conversion, font encore cruellement
souffrir, et qui, si on ne les surveille de près, repoussent tout à
coup, avec une recrudescence alarmante.
Les caractères passionnés, susceptibles ou orgueilleux ; les
coeurs enclins à l'envie, à la méfiance, à l'attachement aux biens du
monde, à la colère, ne changent pas si foncièrement, qu'on soit
absolument quitte de l'influence de ces péchés sur la vie chrétienne.
Mais les mauvais mouvements qu'ils occasionnent sont plus
cachés ; on leur donne des noms qui dissimulent leur présence, on
n'aime pas à constater leur identité quand on les aperçoit. Le malaise
de la conscience est le châtiment de cette déloyauté.
Si donc vous êtes mal avec vous-même, sans trop savoir pourquoi,
demandez que l'Esprit de Dieu vous fasse remonter à la cause première.
Ne serait-ce point parce que vous avez usurpé une gloire qui ne
revenait qu'à Dieu ? parce que vous vous êtes
soustrait à quelque devoir qui vous était pénible ? parce que
vous n'avez pas étouffé un ressentiment qui vous ôte la paix ?
parce que vous avez entassé quelques petites négligences qui ont
produit du relâchement dans vos prières ? parce que vous avez
laissé passer quelques jours sans vous juger vous-même, et que
l'atmosphère du monde a étouffé la repentance journalière ?
Le malaise, un grand malaise même, est bientôt là, quand, à la fin de
ses journées, on n'examine pas avec Dieu l'emploi de ses heures, le
détail de ses actions, quand les rapports avec lui se détendent au
lieu de se resserrer, et que la voix de sa parole n'a plus le
retentissement qu'elle doit avoir.
Une infidélité en amène une autre ; il n'y a qu'une vie
intérieure soigneusement entretenue, qui tienne à distance les
perplexités de la conscience. Si vous vous sentez dans un état de
confusion, dites avec le Psalmiste : Éternel ! fais-moi
connaître tes voies, enseigne-moi tes
sentiers. Si vous ne craignez pas la lumière, elle jaillira
dans vos ténèbres, et votre rétablissement spirituel dépendra de
l'usage que vous eu ferez.
Venons-en à une troisième et dernière classe de perplexités,
celles que nous rencontrons dans la prière.
Aussi longtemps qu'on peut prier, tout va bien ; une prière
chaleureuse et fervente est un flambeau qui éclaire les
profondeurs de l'âme, mais quand la prière est empêchée, nos
perplexités commencent. Quelquefois nous avons tant de choses à dire à
Dieu, et des choses si diverses, que cette multiplicité même nous
jette dans l'embarras. On cherche un moment de retraite pour se
soulager, on s'abat dans la poussière, mais les choses qu'on voudrait
dire à Dieu se croisent et arrivent avec tant de désordre, que,
ne pouvant s'arrêter à rien, on se fatigue en pure perte, et la prière
devient une véritable perplexité.
D'autres fois, on aurait le temps nécessaire pour prier, et moins de
choses à dire, mais on se sent si mort, si relâché, qu'on n'a aucune
confiance en la prière qu'on peut faire en cet état, car l'âme
ressemble à une ville ouverte à tous les assauts de l'ennemi.
Quelquefois, c'est tout le contraire : on a pu prier avec
persévérance et même avec larmes, pour tel sujet qui concerne notre
sanctification, et malgré cette lutte avec Dieu, on n'observe aucun
changement en bien. Il serait impossible, pense-t-on, de prier avec
plus de ferveur, mais le résultat qu'on attend n'arrive pas.
Ou bien l'on est sur un lit de maladie ; des douleurs physiques
nous agitent ; on se tourne et retourne sur sa couche, sans
pouvoir rencontrer Dieu. La même chose peut arriver quand on est au
fort d'une épreuve. Il y a de ces coups qui nous enlèvent à
nous-mêmes, et sous lesquels la prière est en nos
mains comme une arme brisée.
Ces situations, et d'autres qui leur sont analogues et que nous
n'indiquons pas, sont douloureuses à porter, mais elles n'ont rien
d'effrayant ; le Saint-Esprit n'a pas de méthode pour nous
apprendre à prier. C'est prier aussi et même fort bien que de se
présenter à Dieu sans chercher de paroles, mais dans la persuasion
qu'il comprend tout ce qui nous charge, que notre désir est devant
lui, et que notre gémissement ne lui est point caché.
Le gémissement n'est-il pas une prière, et Jésus-Christ à
Gethsémané a-t-il prié autrement ? Qu'est-ce que Dieu réclame en
définitive ? N'est-ce pas avant tout une âme froissée et
brisée par le sentiment de son incapacité ? Vous voudriez prier
et vous avez trop de choses à dire, mais la soif de la prière est déjà
une oeuvre de prière, et tant qu'on découvre en soi une oeuvre de
l'Esprit de Dieu, c'est signe que l'on est parfaitement dans l'ordre.
Vous trouvez vos prières mauvaises, vous n'y mettez
aucune confiance. Savez-vous ce qui vous donne le sentiment de cette
pauvreté ?
C'est l'Esprit de Dieu. Vous voyez donc qu'il agit au moment même où
vous croyez qu'il vous oublie. Vous priez sans résultat : mais le
plus beau résultat de la prière n'est-ce pas cette persévérance même
dans la prière ? Un homme qui prierait toute sa vie et qui ne
gagnerait pour tout résultat que ce point-ci, de continuer à prier
sans découragement, pourrait encore faire envie, car est-il un signe
plus sûr qu'on est aimé de Dieu, que de sentir continuellement qu'on
ne peut se passer de Dieu ?
Dans la maladie, dans les épreuves si nombreuses de la vie, vous
ne pouvez prier ; mais n'avez-vous donc personne à qui remettre
votre cause ? N'avez-vous pas un Intercesseur, un Avocat
auprès du Père, et ces cris saccadés, ces prières sans
ensemble, n'est-ce pas le Consolateur qui les crée, et ne
sont-ils point parfaitement intelligibles pour
l'Éternel ? Ah ! ne donnez pas tant d'importance aux
paroles ; ce que Dieu estime, c'est l'affection du coeur que la
perplexité n'empêche pas. Ne vous plaignez donc plus, mais au
contraire rendez grâces, car votre cause est gagnée.
Vous avez pour vous le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Vos
perplexités ne sont qu'amour : l'or ne se consume pas dans le
creuset : il s'y épure et en sort beaucoup plus précieux.
Le vrai Dieu est celui de la délivrance ;
attendez-vous à lui tout le jour. Il ne nous fait pas une vie
comme nous la voudrions ; il ne nous donne pas des prières comme
nous l'entendons ; n'importe ! donnons-nous à lui, sans lui
rien prescrire, et quand il nous aura comme il le veut, nous l'aurons
à notre tour comme nous le voudrions.
Les crises les plus orageuses sont celles qui nous rapprochent le plus
du Seigneur, et où donc est-on mieux qu'auprès du Père des
miséricordes et du Dieu de toute consolation ? Tenez pour
certain que ses compassions et ses bontés sont
de tout temps, y compris le temps de vos perplexités. Il ne les
permet qu'afin de vous apprendre à croire, à aimer et à persévérer.
Entrons filialement dans la voie que le Psalmiste a suivie II n'a
point été confus en mettant en Dieu son espérance : pourriez-vous
l'être, ô vous qui avez vaincu par le sang de l'Agneau ?
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