« Voici, vous tous qui allumez un feu, Et qui vous armez de flambeaux, Marchez à la lumière de votre feu et des flambeaux que vous avez allumés. C'est par ma main que ces choses vous arriveront ; Vous vous coucherez dans la douleur. » ESAÏE L : 11.
Le contexte montre clairement que le
prophète adressait tes paroles à des
gens qui faisaient profession d'être
religieux et qui se flattaient d'être dans la
voie du salut ; gens dont l'espérance
était « un feu allumé par
eux-mêmes. »
Avant d'examiner avec vous la vraie et la fausse
conversion, laissez-moi vous dire que tout ce que
nous en dirons ne vous sera d'aucune utilité
à moins que vous ne soyez
déterminés à vous en faire
à vous-mêmes l'application avec une
droiture entière. Il faut que vous
procédiez ici avec autant de
sincérité que vous le feriez si vous
saviez devoir comparaître aujourd'hui
même devant le tribunal de Dieu, pour y
entendre la sentence qui fixera votre sort
éternel. Si vous voulez agir ainsi, je vous
conduirai, je l'espère, à
reconnaître votre véritable
état d'âme ; si telle n'est pas
votre volonté, j'aurai prêché
en vain et vous aurez écouté en
vain.
Je désire donc vous montrer la
différence qu'il y a entre la vraie et la
fausse conversion, et pour cela :
I. Je montrerai que l'état naturel de
l'homme est le pur égoïsme ; Que
ce qui caractérise celui qui est converti
c'est la bienveillance ;
II. Que la nouvelle naissance consiste à
passer de l'égoïsme à la
bienveillance ;
III. J'indiquerai plusieurs choses dans lesquelles
saints et pécheurs, vrais et faux convertis,
peuvent se ressembler ; et d'autres dans
lesquelles ils diffèrent.
IV. Je répondrai à quelques
objections et je conclurai par quelques remarques.
Par où j'entends qu'il n'a pas la
bonté telle que la comprend
l'Évangile.
L'égoïste prend son propre bonheur
comme but suprême et cherche son propre bien
par la seule raison qu'il est le sien propre. Il
place son propre bonheur au-dessus
d'intérêts d'une plus grande
importance, au-dessus de la gloire de Dieu et du
bien de l'Univers. Avant la conversion, il en est
ainsi de tout homme ; c'est ce qu'un grand
nombre de faits démontrent avec
évidence.
Du reste, que l'homme soit égoïste,
chacun le sait et règle sa conduite en
conséquence. Celui qui ne tiendrait pas
compte de ce fait notoire et agirait comme si tout
le monde était
désintéressé, passerait pour
avoir l'esprit dérangé.
Celui qui est converti est bienfaisant et bon et
non pas égoïste. La bienveillance
consiste à aimer et à vouloir le
bonheur des autres. Bienveillance est un mot
composé qui signifie bonne volonté,
volonté qui veut le bien des autres.
(1),
qui le
choisit comme son but suprême. Tel est le
caractère de Dieu. Il nous est dit que Dieu
est amour ; cela signifie qu'il est
bienveillant La bienveillance est tout son
caractère ; tous ses attributs moraux
ne sont que des manifestations de sa bienveillance.
Celui qui est converti est à cet
égard semblable à Dieu. Je ne veux
pas dire que personne ne soit converti à
moins d'être d'une bienveillance parfaite,
comme Dieu ; je dis que la bienveillance est
le caractère dominant du chrétien et
le principal motif de ses actions. L'homme converti
recherche sincèrement le bien des autres,
par amour pour ce bien lui-même, par amour
pour les autres et non dans des vues
intéressées. Je suis loin de
prétendre que l'homme
désintéressé ne jouisse pas du
bonheur qu'il procure à d'autres ; je
dis qu'il recherche le bonheur d'autrui en vue de
ce bonheur même, et non en vue de l'avantage
et du plaisir qu'il en pourra personnellement
retirer. Dieu est bienveillance pure,
désintéressée. S'il rend ses
créatures heureuses, c'est parce que leur
bonheur lui est cher en lui-même, ce n'est
pas en vue d'augmenter le sien propre.
Assurément le bonheur de ses
créatures est pour lui un sujet de
satisfaction, mais ce n'est pas sa propre
satisfaction qu'il cherche. Tels sont aussi les
sentiments de l'homme vraiment
désintéressé.
Faire le bien, sans aimer à le faire et sans
en jouir, ne serait pas une vertu.
La bienveillance est la sainteté. Elle est
ce que la loi de Dieu demande : « Tu
aimeras le Seigneur ton Dieu de tout, ton coeur, de
toute ton âme, de toute ta force, et ton
prochain comme toi-même. » S'il est
certain que le converti obéit à la
loi de Dieu, il est certain par cela même
qu'il est semblable à Dieu, qu'il est
bienveillant. Le trait fondamental de son
caractère, c'est qu'a recherche, comme son
but suprême, non son propre bonheur, mais le
bonheur des autres.
La conversion véritable est un changement
de but et non pas seulement un changement de
moyens. Il n'est pas vrai que celui qui est
converti et celui qui ne l'est pas ne
diffèrent que par les moyens qu'ils
emploient, leur but étant le même. Il
n'est pas vrai que l'ange Gabriel et Satan
poursuivent le même but, chacun d'eux ayant
en vue son propre bonheur, et qu'ils ne
diffèrent que par le fait qu'ils ne suivent
pas la même voie pour atteindre ce même
but. Gabriel n'obéit pas à Dieu en
vue d'augmenter son propre bonheur.
Un homme peut changer de moyens et cependant avoir
toujours le même but, son propre bonheur. Il
peut faire le bien en vue des avantages temporels
qu'il en retirera. Il peut ne pas croire à
la religion, ni à l'éternité
et cependant se rendre compte que faire le bien
tournera à son avantage en ce monde.
Supposons qu'alors ses yeux s'ouvrent, qu'il voie
la réalité de
l'éternité, il pourra arriver qu'il
adopte la religion comme un moyen d'être
heureux dans l'éternité. Mais il est
visible que ce changement n'aura aucune valeur
morale. C'est le but qui détermine le
caractère moral de la conduite. Or,
c'est quant au but que le vrai et le faux converti
diffèrent. Le vrai converti choisit comme
but de toute sa vie la gloire de Dieu et le bien de
son royaume. Il choisit ce but pour l'amour de ce
but lui-même, parce qu'il lui apparaît
commue le plus grand bien, comme un bien plus grand
par conséquent que son propre bonheur. Non
qu'il soit indifférent à son propre
bonheur, mais il lui préfère la
gloire de Dieu parce qu'elle est un bien plus
grand. Il fait la part du bonheur de chaque
individu pour autant qu'il peut
l'apprécier ; mais il ne peut choisir
comme but suprême que le plus grand de tous
les biens.
1. Ils peuvent se ressembler en
menant
l'un et l'autre une vie strictement morale.
La différence est dans leurs motifs. Le vrai
chrétien mène une vie strictement
morale par amour pour la sainteté ; le
faux chrétien, par amour pour
lui-même. Celui-ci prend la moralité
comme un moyen pour parvenir à son but, je
veux dire à son bonheur personnel ; le
vrai chrétien l'aime et recherche pour
elle-même.
2. Ils peuvent vaquer également
à la prière, du moins
extérieurement.
La différence est toujours dans les motifs.
Le vrai saint aime à prier ; l'autre
prie parce qu'il espère en retirer quelque
avantage. Le vrai saint s'attend bien à
retirer de l'avantage, mais ce n'est pas là
son motif dominant. L'autre. ne prie que par ce
motif-là.
3. Ils peuvent être
également zélés dans leur
religion.
L'un peut avoir un grand zèle parce qu'il a
de grandes lumières et qu'il désire
et aime sincèrement l'avancement du
règne de Dieu, pour l'amour de Dieu
lui-même. L'autre peut avoir un zèle
égal, mais en vue d'assurer son propre
salut ; d'échapper à l'enfer, ou
de rassurer sa conscience. Ce n'est pas la religion
elle-même qu'il aime.
4. Ils peuvent paraître
également consciencieux dans
l'accomplissement du devoir.
Le vrai converti l'accomplit parce qu'il
l'aime ; l'autre, parce qu'il n'ose le
négliger.
5. L'un et l'autre peuvent être
également attentifs à faire ce qui
est juste.
Le vrai converti parce qu'il aime la justice ;
l'autre, parce qu'il sait qu'il ne peut être
sauvé sans faire ce qui est juste. Celui-ci
est honnête dans les affaires, parce que
c'est le seul moyen de sauvegarder ses
intérêts. En vérité, il
a sa récompense. Il acquiert auprès
des hommes la réputation d'être
honnête, mais s'il n'a pas un motif plus
élevé que celui-là, il n'aura
pas de récompense de la part de Dieu.
6. Ils peuvent s'accorder dans leurs
désirs à beaucoup
d'égards.
L'un comme l'autre peut désirer de servir
Dieu ; l'un, parce qu'il aime le service de
Dieu ; l'autre, parce qu'il désire la
récompense.
L'un comme l'autre peut désirer d'être
utile ; le vrai converti désirant
l'utilité pour elle-même, parce
qu'elle est à la gloire de Dieu ;
l'autre la désirant comme un moyen d'obtenir
la faveur de Dieu. Et plus le faux chrétien
aura l'oeil ouvert sur l'importance qu'il y a pour
lui à obtenir la faveur de Dieu, plus il
désirera d'être utile.
Ils peuvent s'accorder à désirer la
conversion des âmes ; le vrai
chrétien la désirera parce qu'elle
glorifie Dieu ; le faux chrétien
cherchera à l'obtenir afin de gagner la
faveur de Dieu. C'est un motif de même ordre
qui le portera à donner de l'argent pour de
bonnes oeuvres. Qui ne sait qu'un homme peut fort
bien donner de l'argent à la
Société biblique ou à la
Société des missions, en vue de son
bonheur personnel, de sa réputation, ou de
la faveur divine qu'il veut s'assurer ? On
peut de même désirer la conversion des
âmes et y travailler par des motifs purement
égoïstes.
Ils peuvent tous deux chercher à glorifier
Dieu. Le vrai chrétien, parce qu'il aime
voir Dieu glorifié ; le faux
chrétien parce qu'il sait que c'est le moyen
d'être sauvé. Le vrai converti a la
gloire de Dieu à coeur, c'est là son
but suprême ;
l'autre désire glorifier Dieu comme un moyen
de parvenir à son but à lui, à
savoir son propre avantage.
L'un et l'autre se repentent. Le vrai saint abhorre
le péché à cause de sa nature
abominable, il le hait parce qu'il déshonore
Dieu, aussi désire-t-il se repentir de tout
péché. L'autre désire se
repentir parce qu'il sait que sans cela il sera
condamné.
(2)
L'un et l'autre croient en Jésus-Christ. Le
vrai saint croit parce que la foi est à la
gloire de Dieu et parce qu'il aime la
vérité pour elle-même. L'autre
désire croire afin d'avoir une plus ferme
espérance d'aller au ciel.
L'un s'accorde avec l'autre pour obéir
à Dieu. Mais le vrai saint obéit afin
de croître en sainteté ; le faux
chrétien obéit
(extérieurement) parce qu'il désire
obtenir une récompense.
7. Ils peuvent se ressembler
non
seulement dans leurs désirs mais encore dans leurs résolutions.
L'un comme l'autre peut prendre la
résolution « d'abandonner le
péché, d'obéir à Dieu
et de se consacrer à l'avancement de son
règne ; » et l'un comme
l'autre peut s'y déterminer avec beaucoup de
décision ; mais par des motifs
différents.
8. Ils peuvent avoir les mêmes
desseins.
L'un comme l'autre peut avoir l'intention de
glorifier Dieu, d'avancer son règne, de
sauver des âmes. Mais le vrai saint fera tout
cela par amour pour la sainteté et pour
Dieu ; l'autre le fera pour assurer son propre
bonheur. Le premier en fait son but
suprême ; le second n'en fait qu'un
moyen pour arriver à ses fins
égoïstes.
L'un comme l'autre peut se proposer de devenir
saint ; le vrai converti parce qu'il aime la
sainteté ; l'autre, parce qu'il sait
qu'il ne peut être heureux sans cela.
9. Ils peuvent s'accorder
non
seulement dans leurs désirs, dans leurs
résolutions et dans leurs desseins, mais
aussi dans leurs affections pour beaucoup
d'objets.
a) L'un comme l'autre peut aimer la Bible. Le vrai saint l'aime parce qu'elle est la vérité de Dieu ; et il en fait ses délices ; le festin de son âme ; l'autre l'aime parce qu'il pense qu'elle est en sa faveur et qu'elle est la charte de ses espérances personnelles.
b) Ils peuvent tous cieux aimer la doctrine de la grâce ; le vrai saint, parce qu'elle est si glorieuse pour Dieu ; l'autre, parce qu'il la regarde comme une garantie de son propre salut.
c) Ils peuvent tous deux aimer les préceptes de la loi de Dieu ; le vrai saint, parce qu'ils sont si excellents, si saints, si justes, si bons ; l'autre, parce qu'il pense qu'il sera heureux en les aimant.
d) L'un comme l'autre peut aimer Dieu ; l'un, surtout, parce qu'il voit que le caractère de Dieu est souverainement excellent, souverainement aimable considéré en lui-même ; l'autre, surtout parce qu'il pense que Dieu est son ami particulier, et que pour lui l'idée de Dieu est liée à celle de son intérêt personnel.
e) L'un comme l'autre peut aimer Christ. Le vrai converti aime son caractère ; le faux chrétien pense qu'il le sauvera de l'enfer et qu'il lui donnera la vie éternelle ; et pourquoi ne l'aimerait-il pas ?
f) L'un comme l'autre peut aimer les chrétiens ; le vrai converti, parce qu'il voit en eux l'image de Christ ; le faux chrétien, parce qu'ils appartiennent à la même dénomination que lui, ou qu'ils sont de son parti, ou qu'ils ont les mêmes intérêts et les mêmes espérances que lui.
g) L'un et l'autre peuvent aimer les réunions religieuses ; le vrai saint les aime parce que les actes du culte, la prière, les louanges de Dieu, l'audition de sa Parole, la communion de Dieu et des saints font ses délices ; l'autre les aime parce qu'il les juge propres à affermir ses espérances de vie éternelle. Ce dernier peut avoir cent raisons de les aimer sans cependant aimer le culte et le service de Dieu en eux-mêmes.
h) L'un et l'autre peuvent aimer la société des chrétiens ; le vrai converti l'aime parce qu'il jouit de la communion des saints, l'autre l'aime parce qu'il espère en retirer quelque avantage. Le premier en jouit parce qu'il aime Dieu et ses frères et que « de l'abondance du coeur la bouche parle ; » le second en jouit parce qu'il aime à parler des grands avantages qu'il trouve dans la religion, de l'espérance qu'il a d'aller au ciel, etc.
i) L'un comme l'autre peut trouver du plaisir dans la pratique du culte privé. Le vrai chrétien aime la solitude avec. Dieu parce qu'elle le rapproche de Dieu. Quand aucun obstacle ne l'empêche plus d'aller droit à Dieu et de converser avec lui, il fait ses délices de la communion de Dieu. Le chrétien de nom peut trouver aussi de la satisfaction à rendre un culte à Dieu dans le secret, parce qu'il sait que c'est un devoir ; il y trouve la satisfaction de sa propre justice. Il peut y avoir plus encore ; le faux chrétien peut trouver dans ce culte solitaire une certaine jouissance, une certaine excitation d’esprit qu'il prend pour de la communion avec Dieu.
10. Ils peuvent s'accorder
aussi
à haïr les mêmes choses.
L'un comme l'autre peut haïr
l'incrédulité et s'y opposer
fortement ; le vrai chrétien parce
qu'elle est opposée à Dieu et
à la sainteté ; le
chrétien imaginaire, parce qu'elle porte
atteinte à ses plus chers
intérêts et que, si elle avait raison,
elle détruirait toutes ses espérances
pour l'éternité. L'un hait l'erreur
parce qu'elle est détestable en
elle-même et contraire à Dieu ;
l'autre, parce qu'elle est contraire à ses
vues et à ses opinions personnelles.
Je me rappelle avoir lu dans les journaux, il n'y a
pas longtemps, une vive polémique contre un
ministre qui avait publié certaines
opinions. « Ces idées-là,
disait l'auteur de l'article, détruiraient
toutes MES ESPÉRANCES pour
l'éternité. » Une belle
raison vraiment ! raison assez bonne cependant
pour un égoïste.
L'un comme l'autre peut haïr le
péché ; le vrai converti, parce
qu'il est haïssable aux yeux de Dieu ; et
le chrétien de nom, parce qu'il lui fait du
tort à lui-même. On voit des gens
haïr leurs propres péchés et
cependant ne pas les abandonner.
Souvent, l'ivrogne se rappelant ce qu'il
était autrefois et comparant sa
dégradation présente à ce
qu'il aurait pu être, se prend à
haïr sa passion, mais il ne la hait pas parce
qu'elle est contraire à la loi de Dieu, il
la hait seulement parce qu'elle a été
la cause de sa ruine. Aussi continue-t-il à
aimer la boisson et à boire, bien qu'il
frémisse d'indignation quand il songe aux
effets de sa conduite.
L'un comme l'autre peut être opposé
aux pécheurs. Mais l'opposition du vrai
saint est une opposition bienveillante, ayant trait
au caractère et aux actes du pécheur,
qu'il abhorre parce qu'ils sont de nature à
détruire le royaume de Dieu ; tandis
que l'opposition du chrétien de nom provient
de ce que les pécheurs sont opposés
à SA religion et qu'ils ne sont pas de son
parti.
11. L'un et l'autre peuvent se
lamenter
sur le triste état de l'église.
Le vrai converti, parce que cet état de
l'église déshonore. Dieu ; le
chrétien de nom, parce qu'il en
résulte que sa propre âme n'est pas
heureuse, ou que la religion est vue et qu'il en
souffre du dommage.
12. Ils peuvent se réjouir des
mêmes choses.
L'un et l’autre peuvent se réjouir de
la prospérité de l'Église et
de la conversion des âmes ; le vrai
converti, parce que son coeur est à ces
choses et qu'il les aime pour elles-mêmes
comme étant, le plus grand bien ; le
faux chrétien parce qu'il considère
ses intérêts comme liés
à ceux de l'Église.
13. Ils peuvent admettre tous deux
les
pénalités de la loi.
Mais le vrai saint leur donne son plein assentiment
en ce qui concerne sa personne, parce qu'il
reconnaît qu'il serait juste en soi que Dieu
l'envoyât en enfer. Le chrétien de nom
les admet parce qu'il croit être
personnellement l'abri. Il a du respect pour les
jugements de Dieu parce qu'il sait qu'ils sont
justes ; et sa conscience les approuve ;
mais il ne leur a jamais donné son
assentiment quant à ce qui concerne son
propre cas.
14. Ils peuvent donner avec une
égale libéralité aux
sociétés de bienfaisance.
Aucun de vous ne doute que deux hommes ne puissent
donner des sommes égales, mais par des
motifs entièrement différents. L'un
donne dans le but le faire du bien ; et
agirait exactement de même alors
que personne d'autre que lui ne voudrait
donner. L'autre donne à cause de la
réputation qui lui en revient, ou pour
calmer sa conscience, ou pour acheter la faveur de
Dieu.
15. Ils peuvent également renoncer
eux-mêmes en bien des choses.
Le renoncement se remarque ailleurs que chez les
vrais chrétiens. Voyez le renoncement du
Mahométan faisant son pèlerinage
à La Mecque ; voyez celui des
païens qui se jettent sous les roues du char
de Jaggernaut ; voyez encore celui du pauvre
papiste qui, dans son ignorance, marche sur ses
genoux jusqu'à ce que le sang en ruisselle.
Une église protestante ne saurait attribuer
à des actes pareils un caractère
vraiment religieux. Mais n'y a-t-il aucun
renoncement ? Le vrai saint renonce à
lui-même afin de faire plus de bien aux
autres. Il fait plus de cas de ce lien qu'il
cherche à faire aux autres que de son propre
intérêt ou de son propre
bien-être. L'autre peut aller aussi loin que
lui, — extérieurement, — mais par
des motifs purement égoïstes.
16. L'un comme l'autre peut être
prêt à souffrir le martyre.
Lisez les vies des martyrs et vous ne douterez pas
que plusieurs n'aient donné leur vie par une
finisse idée des récompenses promises
au martyre. Quelques-uns couraient à la mort
parce qu'ils étaient persuadés que
c'était le moyen infaillible d'arriver
à la vie éternelle.
Dans tous ces cas, les motifs de l'un sont
directement opposés aux motifs de l'autre.
La différence est dans le but. Comme but
suprême, l'un choisit son propre
intérêt, l'autre choisit
l'intérêt de Dieu. Prétendre
que l'un et l'autre ont le même but, c'est
prétendre qu'un pécheur
impénitent est juste aussi bienveillant
qu'un vrai chrétien ; ou que le
chrétien n'est pas bienveillant comme
Dieu ; qu'il n'a en vue que son propre bonheur
et qu'il diffère du mondain par le seul fait
qu'il recherche ce bonheur dans la religion et non
dans le monde.
C'est ici le lieu de répondre à une
question qu'on fait souvent. « Si ces
deux classes de personnes se ressemblent en tant de
points, comment pouvons-nous savoir à coup
sûr à laquelle des deux nous
appartenons ? Le coeur est rusé et
désespérément malin par dessus
toutes choses ; comment pourrons-nous
discerner si nous aimons Dieu pour lui-même
et la sainteté pour elle-même, ou si
le désir de nous concilier la faveur de
Dieu, l'espoir d'aller au ciel,
l'intérêt personnel enfin, sont nos
véritables motifs ? » —
Je réponds :
1° La disposition de notre coeur se
manifestera dans notre conduite de chaque jour,
notamment dans la façon dont nous traitons
les affaires commerciales ou autres. Si, dans ce
domaine, c'est l'égoïsme qui nous
conduit, aussi vrai que l'Éternel
règne, nous ne sommes que des
égoïstes. Si nous sommes
égoïstes dans nos relations avec les
hommes, nous le sommes aussi dans nos relations
avec Dieu. « Car celui qui n'aime pas son
frère qu'il voit, comment peut-il aimer Dieu
qu'il ne voit, point ? » La religion
n'est pas seulement amour pour Dieu, elle est aussi
amour pour l'homme. Si vos transactions de
chaque jour montrent, que vous êtes
égoïstes, vous êtes
inconvertis ; autrement la bienveillance ne
serait pas essentielle à la religion et l'on
pourrait être chrétien sans aimer son
prochain comme soi-même.
2° Si vous êtes désintéressé
(3) dans
votre
religion, l'accomplissement de vos devoirs
religieux ne sera pas pour vous une tâche
pénible. Vous n'irez pas à vos
devoirs religieux comme le laboureur
(4) à
son
labourage, uniquement afin d'avoir de quoi vivre.
Le laboureur prend plaisir à son travail,
mais ce n'est pas pour l'amour de son travail
lui-même ; s'il pouvait, il ne
labourerait pas ; considéré en
lui-même, son labourage n'est pour lui qu'une
fatigue, et s'il prend plaisir, ce n'est qu'en
vue des résultats, de l'entretien de sa
famille, de son bien-être ou de
l'accroissement de ses richesses.
Il en est exactement de même pour beaucoup de
gens à l'égard de la religion. Ils
recourent à elle comme le malade à sa
médecine, parce qu'ils en désirent
les effets, et parce qu'ils savent qu'ils doivent
la prendre ou périr. Elle est pour eux une
tâche qu'ils n'accompliraient jamais pour
elle-même. Supposez que l'homme aime à
travailler comme l'enfant à jouer. Il
travaillera toujours et n'en sera jamais
dégoûté ; il le fera sans
autre motif que le plaisir qu'il prouvera à
travailler. Il en est ainsi de la religion quand
elle est aimée pour elle-même ;
on ne trouve aucune fatigue la pratiquer.
3° Si l'égoïsme est le trait
dominant de votre religion, celle-ci prendra
tantôt une forme, tantôt une autre.
Supposons, par exemple, un temps de froideur
générale dans l'église. Les
vrais chrétiens n'en goûteront pas
moins les joies secrètes de la communion
avec Dieu, quoique pour le moment leur
piété ne se manifeste pas beaucoup au
dehors. En un tel temps, le faux converti,
au contraire, ne pensera guère qu'au monde
et à ses biens. Mais que tout à coup
les chrétiens se lèvent pleins de
résolution, qu'ils se mettent à
l'oeuvre, qu'ils fassent éclater leur joie,
en sorte qu'on recommence à parler de la
religion ; et vous verrez peut-être les
faux chrétiens recommencer à se
donner du mouvement jusqu'à paraître
plus zélés que les vrais
chrétiens. Ils y sont poussés par
leurs convictions, non par leurs affections.
Quand la religion n'éveille pas
l'intérêt du public, le
chrétien de nom reste dans
l'indifférence ; mais que
l'église réveille, et le voilà
convaincu de péché et forcé de
se mettre en branle pour conserver la paix de sa
conscience.
Au fond, ce n'est qu'une forme
d'égoïsme succédant à une
autre.
4° Si vous êtes égoïste, la
jouissance que vous trouverez dans votre religion
dépendra surtout de la vivacité de
votre espérance d'aller au ciel, elle ne
procédera pas de l'exercice de vos
affections. Votre bonheur ne consistera pas
à avoir une religion active, comme c'est le
cas chez le vrai saint ; Il consistera dans
l'attente des biens du ciel. On entend souvent
des chrétiens dire que leur joie
disparaît quand ils perdent leurs
espérances. La raison en est bien simple.
S'ils aimaient la religion pour elle-même,
leurs jouissances ne dépendraient pas de
leurs espérances. Si vous aimiez la charge
que vous avez dans le service de
Jésus-Christ, vous seriez heureux même
en enfer, pourvu que Dieu vous permît d'y
accomplir les devoirs de cette charge ; car,
en ce cas, vous feriez ce qui vous plairait le
plus.
Si votre joie n'est pas puisée dans le
service de Dieu, mai uniquement dans vos
espérances personnelles, votre religion
n'est pas religion, mais égoïsme.
Je ne dis pas que les vrais chrétiens ne
jouissent pas de leur espérance ; je
dis que cette espérance n'est pas pour eux
l'essentiel. J'ajoute même qu'ils n'y pensent
pas beaucoup. Leurs pensées sont
occupées ailleurs.
5° Si vous êtes égoïste dans
votre piété, vous jouirez surtout par
anticipation. Le vrai saint jouit
déjà de la paix de Dieu, le ciel a
déjà commencé dans son
âme ; il n'en a pas seulement la
perspective ; la vie éternelle est
actuellement en lui. Il a cette foi qui est
« une substance des choses qu'on
espère. » Ses sentiments sont
véritablement ceux du ciel ; sa joie
n'est pas portée au même degré
que celle des bienheureux, mais elle est de
même nature ; et elle est
proportionnée à sa sainteté,
non à son espérance.
6° A ceci encore on reconnaîtra si l'on
n'a qu'une religion égoïste. Celui dont
la conversion est illusoire a seulement l'intention
d'obéir à Dieu, tandis que le vrai
chrétien PRÉFÈRE
l'obéissance à la
désobéissance. Cette distinction est
importante et je crains qu'il n'y ait que peu de
personnes qui la fassent. Ils sont innombrables, en
effet, ceux qui ont l'intention d'obéir,
sans avoir une préférence
véritable pour l'obéissance. Cette
préférence est LE choix actuel, elle
est l'obéissance du coeur. Vous entendez
souvent des gens dire qu'ils ont eu l'intention de
faire tel acte d'obéissance ;
puisqu'ils ne l'ont pas fait. Et ils vous diront
combien il est difficile d'exécuter ses
résolutions. Le vrai saint, par contre,
préfère réellement
l'obéissance et il la choisit dans son
coeur, aussi trouve-t-il facile d'obéir.
L'un a une intention d'obéir comme celle que
Paul avait avant qu'il fût converti, et dont
nous parle au chapitre VII de l'épître
aux Romains. Il avait une forte intention
d'obéir, mais il n'obéissait pas,
parce que son coeur n'y était pas. Le vrai
converti préfère obéissance
pour elle-même, il la choisit et la
pratique ; l’autre se la propose parce
qu'il sait qu'elle est le seul elle, I in pour
parvenir au bonheur.
7° Le vrai converti et le converti imaginaire
diffèrent encore
dans leur foi. Le premier a dans le
caractère de lieu une confiance qui le
conduit à une soumission sans réserve
à Dieu. On parle beaucoup des
différentes espèces de foi, mais ce
qu'on en dit n'a pas toujours beaucoup de sens. La
confiance dans les promesses spéciales
Seigneur dépend de la confiance dans le
caractère de Dieu. Il n'y a que deux
principes d'obéissance à un
gouvernement quelconque, humain ou divin, à
savoir : la crainte et la confiance. Ou
l'obéissance procède de
l'espérance de la récompense et de la
crainte du châtiment, ou elle procède
de Cette confiance qui produit l'amour. Un enfant
bien né obéit à ses parents
parce qu'il a confiance en eux ; il a,
à leur égard, la foi qui agit par
l'amour. Celui qui est poussé par
l'espérance et la crainte n'a qu'une
obéissance extérieure, il n'a pas
l'obéissance du coeur, il n'a pas l'amour.
Le vrai converti obéit parce qu'il
aime Dieu ; il cette confiance qui consiste
à se remettre soi-même tout entier
entre les mains de Dieu, dans la plus absolue
soumission, pour faire tout ce que Dieu voudra.
L'autre n'a qu'une foi partielle et une soumission
partielle. Le démon aussi a une foi
partielle. Il croit et il tremble. Nous pouvons
croire que Jésus-Christ est venu pour sauver
les pécheurs, et en conséquence nous
soumettre à lui pour être
sauvé, sans cependant nous soumettre
entièrement à lui pour qu'il nous
gouverne et qu'il dispose de nous comme bon lui
semblera ; cette soumission n'est que
conditionnelle, et la condition, c'est que nous
allions au ciel. C'est ici la religion
égoïste. La religion du vrai saint est
tout autre, c'est celle de l'amour.
8° Encore une différence. Si votre
religion est égoïste, vous vous
réjouirez particulièrement de la
conversion des pécheurs quand elle aura eu
lieu par votre moyen, parce que vous penserez en
avoir une grande récompense; mais cette
conversion ne vous donnera qu'une bien mince
satisfaction quand elle aura été
obtenue par d'autres que vous, vous en serez
même envieux.
Le vrai saint se réjouit sincèrement
de voir les autres utiles ; il se
réjouit quand les pécheurs sont
convertis par d'autres, comme s'ils
l'étaient par son propre moyen.
Il y a des personnes qui prennent grand
intérêt à un réveil tant
que ce réveil les touche de
près ; mais qui semblent
préférer que les pécheurs
restent inconvertis, plutôt que de les voir
arriver au salut par un évangéliste
ou un pasteur d’une église autre que la
leur.
Le vrai esprit de l'enfant de Dieu consiste
à dire : « Seigneur, envoie
qui tu veux envoyer, que seulement les âmes
soient sauvées et ton nom
glorifié ! »
1° Objection.
— Ne
dois-je tenir aucun compte de mon propre
bonheur ?
1° Réponse. — Il est juste
que vous teniez compte de votre propre bonheur, en
lui attribuant la part d'importance qu'il a
réellement. Mettez-le dans un des plateaux
de la balance, mettez dans l'autre la gloire de
Dieu et le bien de l'univers ; et n'attribuez
plus à votre bonheur que la valeur relative
qui est la sienne. C'est ce que Dieu fait, et c'est
aussi ce qu'il vous demande de faire quand il vous
commande d'aimer votre prochain comme
vous-même.
2° Réponse. — En fait, vous
travaillerez à votre propre bonheur
précisément dans la mesure où
vous l'oublierez.
Votre bonheur sera en proportion de votre
désintéressement.
Il peut y avoir du plaisir dans la satisfaction des
désirs égoïstes mais ce n'est
pas un bonheur réel. Le vrai bonheur se
trouve surtout dans la satisfaction des
désirs vertueux. Or, pour être
vertueux le désir doit être
désintéressé.
J'aperçois un mendiant dans la rue, assis
sur le bord du trottoir.
Touché de compassion, j'entre dans la
boulangerie voisine et je lui achète un
pain. La physionomie du malheureux s'illumine et
exprime une profonde gratitude. Ma satisfaction,
à moi, sera proportionnée à la
pureté de mes motifs. Si j'ai agi par pure
bienveillance, le plaisir d'avoir fait du bien
me suffira ; si le désir de
paraître bon est entré pour quelque
chose dans mon action, je ne serai pas tout
à fait content à moins qu'elle ne
soit connue.
Vous rencontrez un pécheur
entièrement corrompu. Votre compassion est
excitée ; vous parlez à ce
pécheur et vous l'amenez au Sauveur. Si vous
avez eu pour motif d'en acquérir de
l'honneur auprès des hommes et de vous
assurer la faveur de Dieu, vous ne serez pas
complètement heureux tant que votre action
ne sera pas colportée de bouche en
bouche ; peut-être même ne le
serez vous pas à moins qu'elle ne soit
publiée dans les journaux. Mais si vous
n'avez eu d'autre désir que celui de sauver
une âme de la mort, dès que Vous
verrez ce désir accompli, votre satisfaction
sera complète et votre joie sans
mélange. De même en est-il pour tous
les devoirs religieux : le bonheur est
exactement proportionné au
désintéressement.
Si vous vous appliquez à faire le bien, en
vue du bien lui-même, vous serez heureux en
proportion du bien que vous ferez. Mais si vous
vous proposez comme but votre propre bonheur et que
vous fassiez le bien seulement en vue d'être.
heureux, vous manquerez votre but. Vous serez
semblable à un enfant qui poursuit sa propre
ombre ; il ne peut jamais
l’atteindre ; elle reste toujours
à la même distance de lui. Supposons
que vous soyez dans le cas que j'ai cité
plus haut et que vous n'ayez aucun désir de
secourir le mendiant, mais que vous ayez en vue
d'obtenir l'approbation de telle ou telle
personne ; vous n'éprouverez alors
aucun plaisir du bien fait au mendiant ; seule
l'approbation que vous aurez recherchée
pourra vous satisfaire. De même, si
travaillant à la conversion des
pécheurs, ce n'est pas par amour pour les
pécheurs que vous agissez, cette conversion
ne peut vous rendre heureux, elle n'a rien qui
puisse satisfaire le désir qui vous aura
fait agir.
–La vérité est que Dieu a fait
le coeur de l'homme tel que pour être
heureux, il doit se proposer comme luit le bonheur
des autres. Les gens du monde manquent leur but
parce qu'au lieu de rechercher le bonheur des
autres, ils recherchent leur propre bonheur. C'est
la recherche même du bonheur qui rend le
bonheur impossible. Si l'homme voulait abandonner
cette recherche et se vouer au bien, il serait
heureux.
2° Objection.
Jésus-Christ n'a-t-il pas eu en vue la joie
qui lui était proposée ?
Moïse n'a-t-il pas eu égard à la
rémunération ? Et n'est-il pas
écrit que nous aimons Dieu parce qu'il nous
a aimés le premier ?
1° Réponse. Il est vrai que
Jésus-Christ a méprisé
l'ignominie et souffert la croix en vue de la joie
qui était devant lui. Mais quelle
était cette joie ? Ce n'était
pas son propre salut, ni son propre bonheur, mais
le bien immense qu'il voulait faire au monde en le
sauvant. Il était parfaitement heureux en
lui-même. Le bonheur des autres était
son but. C'est ce bonheur qui était la joie
mise devant lui, joie qu'il a obtenue.
2° Réponse. Quelle était
la rémunération que Moïse avait
en vue ? (Héb 11 : 24-26)
Était-ce son propre bonheur ? Loin de
là ! C'était le salut du peuple
d'Israël. Quand Dieu lui proposa de
détruire le peuple et de faire de lui une
grande nation, s'il avait été
égoïste, il aurait
répondu : « C'est bien,
Seigneur, qu'il soit fait à ton serviteur
selon ce que tu as dit. » Mais son coeur
était tellement au salut de son peuple et
à la gloire de Dieu, qu'il ne
songea pas un instant à ce qui le
concernait et qu'il répondit à
Dieu : « Pardonne leurs
péchés ! sinon efface-moi de ton
livre, » Plus tard, Dieu lui renouvela
son offre. « Je détruirai le
peuple, lui dit-il, mais je ferai de toi une nation
plus grande et plus puissante que lui. »
Mais Moïse se montra toujours uniquement
préoccupé de la gloire de Dieu.
« Les Égyptiens l'entendront dire,
répondit-il, et toutes les nations
diront : « C'est parce que
l'Éternel n'avait pas le pouvoir de mener ce
peuple dans le pays qu'il avait juré de lui
donner. » Il ne peut supporter la
pensée d'être favorisé aux
dépens de la gloire de Dieu. Que Dieu fut
glorifié et Israël sauvé,
c'était en réalité une plus
grande récompense pour lui qu'un avantage
personnel quelconque.
3° Réponse. Quand il est
dit : « Nous l'aimons parce qu'il
nous aima le premier, » ce langage ne
comporte que deux interprétations ; il
signifie ou bien que cet amour de Dieu nous a
engagés à retourner à lui et
nous a portés à l'aimer, bien que
nous aimons Dieu seulement à cause des
faveurs qu'il nous accorde. Or, ce second sens est
évidemment inadmissible. Jésus-Christ
l'a expressément réprouvé dans
son sermon sur la montagne : « Si
vous aimez ceux qui vous aiment ; quelle
récompense en aurez-vous ? Les
publicains n'en font-ils pas
autant ? » dit-il. Si nous n'aimons
pas Dieu à cause de son caractère
souverainement aimable, et que nous ne l'aimions
qu'en raison des faveurs qu'il nous accorde,
Jésus-Christ l'a
déclaré : nous sommes semblables
aux païens
(5).
3° Objection.
— La Bible ne présente-t-elle pas le
bonheur comme récompense de la
vertu ?
Réponse. — La Bible parle du
bonheur comme résultat de la vertu, mais
elle ne déclare nulle part que la vertu
consiste poursuivre le bonheur. Elle est partout
opposée à une semblable
pensée ; elle fait consister la vertu
à faire du bien aux autres. Une saine
psychologie montre qu'il doit en être ainsi.
Si quelqu'un désire le bien des autres, il
sera heureux dans la proportion où il pourra
satisfaire ce désir.
4° Objection.
— Dieu se propose pour but notre bonheur,
devons-nous être plus bienveillants que
Dieu ? Ne devons-nous pas être
semblables à lui ? Ne devons-nous pas
avoir le même but que lui ?
Réponse. — Cette objection est
spécieuse, mais futile, sans valeur aucune.
Dieu est bienveillant pour « les
autres ». Il se propose le bonheur
« des autres, » il se propose
notre bonheur. Être semblable à lui,
c'est se proposer le bonheur des autres ;
c'est faire nos délices tout d'abord du
bonheur et de la gloire de Dieu, puis du bonheur et
de la gloire de l'univers.
5° Objection.
— Pourquoi la Bible fait-elle
continuellement appel à nos
espérances et à nos craintes, si a
considération de notre propre bonheur n'est
pas un motif légitime d'action ?
1° Réponse. — La Bible fait
appel aux instincts constitutifs de notre
être, mais non pas à notre
égoïsme. L'homme craint le malheur et
ce n'est pas mal à lui de l'éviter et
de rechercher son propre bonheur, pourvu que cette
recherche soit subordonnée à la
gloire de Dieu.
2° Réponse. —
L'humanité a été tellement
abrutie par le péché,
qu'à moins de faire appel à ses
espérances et à ses craintes, il
n'est pas possible d’attirer son attention sur
la beauté du caractère de Dieu et sur
les raisons qu'elle a de l'aimer. Mais quand
l'homme est rendu attentif et que sa conscience est
éveillée, Dieu lui présente
l'Évangile. Quand un ministre a
prêché les terreurs de Dieu, de sorte
qu'il a alarmé, réveillé ses
auditeurs et conquis leur attention, il ne doit pas
continuer à prêcher dans le même
sens, mais exposer dès lors à ses
auditeurs tout le caractère de Dieu, de
manière à ce qu'ils l'aiment à
cause de sa propre excellence.
6° Objection.
— Les écrivains inspirés ne
disent-ils pas : « Repentez-vous,
croyez à l'Évangile et vous serez
sauvés ? »
Réponse. — Oui ; mais ils
exigent la vraie repentance qui consiste à
abandonner le péché parce qu'il est
odieux et abominable en lui-même. Ce n'est
pas la vraie repentance que d’abandonner le
péché à condition que l'on
soit pardonné. La Bible requiert la vraie
foi et la vraie soumission ; non pas une foi
conditionnelle, non plus qu'une soumission
partielle. Et elle y insiste. Elle dit, il est
vrai : « vous serez
sauvés, » mais elle veut pour cela
la repentance qui procède de l'amour et la
soumission sans réserve ni condition.
7° Objection.
— L'Évangile ne
présente-t-il pas le pardon comme un motif
de se soumettre à Dieu ?
Réponse. — Cela dépend du
sens que vous donnez à ce terme de MOTIF. Si
vous entendez que Dieu déploie devant les
hommes tout son caractère et toute la
vérité concernant la bonne nouvelle
du salut, comme motifs qui doivent, les porter
à l'amour de Dieu et à la repentance,
je réponds : Oui, la compassion de Dieu
et sa disposition à pardonner sont des
raisons pour aimer Dieu, parce que ce sont
là des traits de son glorieux
caractère qui est infiniment digne de notre
amour. Mais si vous entendez par
« motif » une condition, et que
vous vouliez dire que le pécheur doit se
repentir à condition que le pardon suive, je
réponds que nulle part la Bible ne
présente une semblable idée. Nulle
part elle n'autorise le pécheur à
dire : Je me repentirai SI tu veux me
pardonner.
1. Le sujet que nous avons
étudié nous montre pourquoi il y a
parmi les chrétiens de profession des vues
si différentes sur la nature de
l'Évangile.
Les uns le regardent comme une concession faite
à l'humanité, de sorte que Dieu
serait devenu moins strict qu'il ne
l’était sous la loi. Aussi pensent-ils
qu'il leur est permis de faire une large part
à l'amour du monde, et que l'Évangile
viendra, combler les lacunes de leur
obéissance et les sauver.
Les autres reconnaissent, dans l'Évangile la
surabondante bienveillance de Dieu ayant pour
premier but de détruire le
péché et de produire la
sainteté ; de sorte que bien loin de
donner aux hommes la facilité d'être
moins saints qu'ils devaient l'être sous la
loi, toute la valeur de l'Évangile consiste
au contraire dans le pouvoir qu'il a de les rendre
saints.
2. Nous voyons pourquoi nombre de
chrétiens de profession se
préoccupent beaucoup plus de la conversion
des pécheurs, que de voir l'église
sanctifiée et Dieu glorifié par les
bonnes oeuvres de son peuple.
Beaucoup de chrétiens ressentent une
sympathie naturelle pour les pécheurs et
désirent les voir sauvés de
l'enfer ; cela fait, leur préoccupation
ne va pas plus loin. Mais quant aux vrais saints,
c'est le péché, en tant que
déshonorant Dieu, qui les affecte au plus
haut point. Ce qui cause leur plus grande
détresse, c'est de voir le
péché des chrétiens, parce que
c'est celui-là qui plus que tout autre,
déshonore Dieu.
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