Chacun de nous est tenu de connaître le véritable état de son âme.
« Examinez-vous vous-mêmes, pour savoir si vous êtes dans la foi ; éprouvez-vous vous-mêmes. » 2 Cor XIII : 5.
En parlant sur ce texte, je me propose de
montrer :
I. ce qu'il demande,
II. la nécessité de faire ce qu'il
demande,
III. la possibilité de le faire,
IV. la manière de l'accomplir,
V. plusieurs points sur lesquels on est tenu de
s'éprouver soi-même.
Il veut que nous connaissions notre propre coeur,
que nous fassions ce qui est nécessaire pour
nous éprouver nous mêmes et arriver
à connaître le vrai état de
notre âme devant Dieu. Il ne nous demande pas
de mettre à l'épreuve notre force ou
notre connaissance, mais notre caractère
moral. Il veut que nous sachions ce que Dieu en
pense, s'il nous tient pour des saints ou pour des
pécheurs, et que nous ayons ainsi la
certitude ou que nous sommes héritiers du
ciel ou que nous le sommes de l'enfer.
1. Sans lui la paix n'est pas
possible.
On peut être dans une apathie plus ou moins
grande, mais l'apathie n'est pas la paix, loin de
là. Il n'y a que bien peu de
chrétiens de profession, bien peu
d'auditeurs de l'Évangile qui puissent
rester longtemps dans cette apathie et se garder de
toute anxiété à la
pensée de l'incertitude dans laquelle ils
sont à l'égard de leur âme et
de leur destinée éternelle. Je ne
parle pas des hypocrites qui ont
cautérisé leur conscience, ni des
moqueurs qui peuvent avoir été
abandonnés de Dieu. Mais, mettant à
part ces deux classes de gens, je dis qu'un homme
ne peut être en paix jusqu'à ce que la
question indiquée par mon texte soit
résolue pour lui.
2. Si ce point n'est pas
réglé, l'entière
loyauté chrétienne n'est pas possible
non plus.
Un homme qui ne sait pas où il en est au
point de vue spirituel, n'est pas parfaitement
honnête dans sa religion. S'il fait
profession d'être chrétien sans
être sincèrement persuadé qu'il
l'est, qui ne voit qu'il y a là un manque de
loyauté ? Un tel homme est au fond
à demi hypocrite. Quand il prie, il est
toujours dans le doute ; il ne sait pas si ses
prières sont agréables à Dieu,
comme lui étant adressées par un de
ses enfants.
3. Avoir cette vraie connaissance de
soi-même est indispensable pour être
utile.
Si quelqu'un en est réduit à agiter
constamment en son esprit cette question :
« Suis-je un
chrétien ? » et à
regarder sans cesse à l'état de son
âme, se demandant avec angoisse quel il peut
être; il est impossible qu'il n'y ait pas
là un grand obstacle au bien qu'il pourrait
faire. Si, quand il parle aux pécheurs, il
n'est pas certain de n'en être pas un
lui-même, il ne peut pas les exhorter avec
cette assurance et cette simplicité qu'il
aurait s'il sentait ses pieds sur le roc. C'est une
idée chère à beaucoup de gens,
qu'il est bon pour les saints d'être toujours
dans l'obscurité, afin d'être
gardés dans l'humilité. Comme si
c'était un sujet d'orgueil pour un enfant de
Dieu de se savoir enfant de Dieu ! Au
contraire, une des plus puissantes
considérations qu'il y ait au monde pour le
garder de déshonorer Dieu est de savoir
qu'il est son enfant. Aussi longtemps qu'un homme
est dans l'incertitude à cet égard,
il ne peut avoir qu'une faible foi et son
utilité ne peut être grande.
C'est, l'idée favorite de beaucoup de gens,
qu'en ce monde nous ne pouvons jamais savoir avec
certitude quel est l'état de notre coeur
devant Dieu. Des personnes dont le nombre est
étonnamment grand semblent se faire une
vertu de tous les doutes qu'elles ont sur leur
état spirituel. Depuis des siècles on
regarde assez généralement comme un
indice fâcheux qu'un chrétien de
profession ne soit pas rempli de doutes. On y voit,
en effet, presque une preuve certaine qu'il ne
connaît pas son propre coeur. Une des
questions qui sont posées partout aux
candidats à l'admission dans les
églises, est celle-ci :
« Avez-vous quelque doute quant à
l'état de votre âme ? »
Si le candidat répond :
« Oh ! oui, j'ai beaucoup de
doutes, » on est satisfait, on y voit une
preuve de spiritualité, de connaissance
profonde de soi-même et surtout
d'humilité. S'il n'a point de doutes, on est
persuadé qu'il n'a qu'une connaissance
très superficielle de son propre coeur et
n'est probablement qu'un hypocrite. À
l'encontre de tout cela, je maintiens que le devoir
prescrit dans notre texte est un devoir praticable,
et que les chrétiens peuvent se soumettre
eux-mêmes à une épreuve telle
qu'elle les amènera à la connaissance
certaine de leur véritable état.
1. C'est ce qui ressort avec
évidence du commandement donné dans
notre texte :
« Examinez-vous vous-mêmes, pour
savoir si vous êtes dans la foi ;
éprouvez-vous vous-mêmes. »
Y a-t-il quelqu'un qui puisse croire que Dieu nous
demanderait de nous examiner nous-mêmes et de
reconnaître quel est notre vrai
caractère, quand il saurait qu'il est
impossible que nous y arrivions jamais ?
2. Nous avons, pour nous éprouver
nous-mêmes, le de tous les instruments, la
conscience.
Votre conscience prononce avec la plus haute
certitude possible sur toits les faits qui
répondent à la grande question :
« Quel est mon état devant
Dieu ? » Nous pouvons, nous devons
avoir, quant à cette question, la même
certitude qu'au sujet de notre existence. Car le
témoignage de notre conscience existe ;
il est continuellement devant nous,
indépendamment même de notre
volonté. Il suffit que nous fassions
attention pour arriver à être
sûrs de notre état spirituel, comme
nous sommes sûrs de notre existence
personnelle.
3. Dieu nous donne des occasions si
fréquentes de montrer par nos actes ce qui
est dans notre coeur, que l'ignorance de notre
état intérieur ne peut être
attribuée qu'à la
négligence.
Si nous vivions enfermés dans des cachots et
que nous n'eussions aucune occasion d'agir, de
mettre en oeuvre ce qui, est caché dans nos
coeurs, nous ne serions pas autant à
blâmer pour ne pas nous connaître
nous-mêmes. Mais Dieu nous a placés
exprès dans cette vie et dans telles et
telles circonstances pour que nous puissions, comme
il le disait à Israël, nous
éprouver nous-mêmes, connaître
ce qui est dans notre propre coeur, et voir si nous
voulons garder ses commandements.
Les circonstances si diverses où nous sommes
placés ne peuvent manquer de faire
impression sur notre esprit et de nous amener
ù sentir et à agir d'une
manière ou d'une autre. Ce sont là
autant d'occasions de nous connaître
nous-mêmes.
4. Nous avons de plus une règle
parfaite qui nous permet de constater quel est
notre véritable caractère.
La loi de Dieu nous donne la vraie pierre de touche
qui nous permet d'apprécier l'état de
notre coeur ; elle est la règle
infaillible et invariable par laquelle nous devons
lieus juger nous-mêmes. Nous pouvons apporter
nos sentiments et nos actions à sa
lumière, les comparer avec ses exigences, et
connaître ainsi quelle est leur valeur aux
yeux de Dieu, car Dieu nous jugera par cette
même règle.
5. Nos circonstances sont telles que
l'illusion quant à l'état de notre
coeur ne peut s'expliquer que par un manqué
de droiture.
Celui qui se fait illusion sur lui-même n'est
pas seulement insouciant et négligent, il
est décidément peu sincère. Il
doit être possédé par
l'orgueil, aveuglé par la volonté
propre, autrement il saurait qu'il n'est pas ce
qu'il fait profession d'être. Les
circonstances qui l'appellent à se juger
lui-même sont si nombreuses et si
variées, que son illusion ne peut être
qu'aveuglement volontaire. S'il n'avait jamais eu
l'occasion d'agir, si jamais aucune circonstance
n'avait éveillé de sentiments en lui,
on comprendrait qu'il ne se connût pas
lui-même. Une personne qui n'aurait jamais vu
un mendiant, pourrait n'être pas capable de
dire quels seraient ses sentiments à la vue
d'un mendiant. Mais faites en sorte que cette
personne rencontre des mendiants chaque jour, et si
elle ne se rend pas compte des véritables
dispositions de son coeur à l'égard
des mendiants, alors qu'elle y est invitée,
il y aura là mauvaise volonté de sa
part.
I. - CONSEILS NÉGATIFS. COMMENT IL N'Y FAUT
PAS PROCÉDER.
1. Il n'y a pas à attendre que
l'évidence se produise
d'elle-même.
Beaucoup de gens semblent attendre dans une
attitude passive que la lumière se fasse
pour eux et leur montre, s'ils sont
chrétiens ou non. Ils attendent que certains
sentiments leur viennent. Peut-être
prient-ils pour cela, et prient-ils même avec
ferveur ; puis ils espèrent que tels ou
tels sentiments viendront leur montrer avec une
évidence entière qu'ils sont en
état de grâce. Souvent ils refusent
d'agir (dans le domaine religieux) jusqu'à
ce que clarté leur soit
accordée ; ils demeurent assis
dans une inaction absolue, attendant,
attendant toujours qu'un jour ou l'autre l'Esprit
de Dieu vienne les tirer du bourbier où ils
restent stupidement plongés. Ils peuvent
attendre ainsi jusqu'au jour du jugement : ils
ne recevront jamais l'Esprit de cette
façon-là.
2. Il ne faut pas songer non plus
à produire d'une manière directe et
artificielle les sentiments qui apporteront la
réponse désirée.
L'esprit de l'homme est ainsi constitué que
ce n'est pas en s'efforçant d'avoir des
sentiments qu'il réussira à en avoir.
Nous aurions beau faire pour cela les plus grands
efforts ; ces efforts seraient contraires
à toute bonne philosophie, ils seraient
totalement absurdes. Il faut présenter
à notre esprit l'objet capable
d'éveiller en nous l'émotion ou le
sentiment. Tant que notre esprit est occupé
de nos propres efforts, le sentiment ne peut pas se
produire. Nous devons donc oublier nos sentiments
et nos efforts et contempler l'objet propre
à éveiller en nous les sentiments que
nous devons avoir, et ces sentiments se produiront.
Mais quant à vouloir produire directement en
soi le sentiment, autant vaudrait s'efforcer de
voir en fermant les yeux ou dans une chambre
obscure. Comme il n'y a dans la chambre obscure
aucun objet propre à éveiller en nous
le sens de la vue, nous aurions beau faire tous nos
efforts pour voir, nous ne verrions rien. Si le
regard de l'âme se fixe sur elle-même
et s'occupe à observer l'émotion
intérieure, l'émotion aussitôt
cesse d'exister, parce que l'attention est
détournée de l'objet qui l'a
produite.
3. Vous ne serez jamais
éclairé sur votre situation, en
perdant votre temps à vous lamenter sur
l'état de votre coeur.
Beaucoup de gens perdent leur temps à
gémir : « Hélas je ne
sens rien, je ne puis rien sentir, mon coeur est si
dur ! » Et peut-être
s'efforcent-ils de produire en eux des sentiments.
C'est aussi philosophique que s'ils essayaient de
voler dans les airs. Tant qu'ils sont là
à ne rien faire, à se lamenter et
à s'occuper de la dureté de leur
coeur, ils sont la risée du démon.
Représentez-vous un homme qui
s'éloigne lui-même du feu et qui se
lamente au sujet du froid qu'il ressent ; les
enfants mêmes riront de lui.
II - CONSEILS POSITIFS. COMMENT IL FAUT Y
PROCÉDER.
1. Si vous désirez connaître
les vraies dispositions de votre coeur à
l'égard d'un objet, fixez votre attention
sur cet objet.
Si vous voulez éprouver l'excellence de
votre vue, vous vous appliquez à regarder un
objet ; si vous voulez éprouver votre
ouïe, vous vous appliquez à discerner
des sons. Et si vous éloignez les objets
capables d'agir sur les autres sens, de
manière à ce que votre attention se
porte aussi fortement que possible sur celui que
vous voulez éprouver, l'épreuve que
vous en ferez sera d'autant plus parfaite. La
multiplicité dés objets distrait
l'esprit. Quand nous portons notre attention sur
quelque objet propre à éveiller nos
sentiments, il est impossible que nos sentiments ne
s'éveillent pas.
Notre âme est ainsi faite que dans ces
conditions elle ne peut pas ne pas sentir. Il n'est
pas nécessaire pour cela, de s'arrêter
et de se demander : « Est-ce que je
sens ? » Si vous mettez votre main
près du feu, vous n'avez pas besoin de vous
poser cette question : « Est-ce que
j'éprouve la sensation de la
chaleur ? » Vous savez d'une
manière immédiate que vous avez cette
sensation. Si vous passez votre main rapidement
au-dessus de la lampe, la sensation de chaleur
pourra être si légère que vous
n'y ferez pas attention ; mais elle n'en sera
pas moins réelle, et vous en aurez
conscience si votre attention est assez
éveillée. De même, les
sentiments qui naissent dans notre coeur peuvent
être si faibles ou passer si rapidement,
qu'ils n'occupent pas notre pensée, en ce
cas nous ne nous en rendons pas compte ; mais
ils n'en sont pas moins réels. Mais tenez
votre main sur la lampe pendant une minute, et la
sensation que vous éprouverez vous forcera
bien de vous en rendre compte, quelles que soient
dit reste vos autres préoccupations.
Si donc notre attention est fixée sur un
objet propre à éveiller nos
sentiments, il est impossible que ces sentiments ne
se produisent pas à quelque
degré ; et si notre attention est
intense, il est impossible que ces sentiments ne
soient pas tels que nous ayons conscience de leur
existence. Ces principes nous montrent comment nous
pouvons faire l'épreuve de notre coeur et
connaître l'état réel de nos
sentiments à l'égard de quelque
objet. Il s'agit seulement de fixer notre attention
sur l'objet jusqu'à ce que nos
émotions soient telles que nous ayons
conscience de leur existence.
2. Soyez bien assuré que l'objet
sur lequel vous portez votre attention, et à
l'égard duquel vous voulez éprouver
les dispositions de votre coeur, est une
réalité.
Il y a dans le monde une très grande
quantité de religion imaginaire ; et
ceux qui ont cette religion-là se figurent
qu'elle est réelle. Ils but de beaux
sentiments, leur âme est parfois très
émue, et leurs sentiments correspondent
à l'objet qu'ils contemplent. Mais voici la
cause de l'illusion : l'objet qu'ils
contemplent est imaginaire.
Ce n'est pas que le sentiment soit faux ou
imaginaire il est réel. Ce n'est pas non
plus qu'il ne corresponde pas à l'objet
contemplé ; il lui correspond
parfaitement. Mais, je le répète, cet
objet est une fiction.
L'on s'est formé de Dieu, de
Jésus-Christ et du salut des notions tout
à fait fausses ; et les sentiments que
l'on éprouve pour ces objets imaginaires
sont analogues à ceux que l'on devra
éprouver pour les objets réels. C'est
ainsi que l'on se trouve adorer un faux dieu, un
dieu que l'on s'est fait soi-même. C'est
là une cause de beaucoup d'espérances
trompeuses et de beaucoup de professions
mensongères il n'y a pas à en douter.
1. Le péché, non pas nos
péchés particuliers, mais LE
péché, le péché
considéré comme outrage à
Dieu.
Si vous trouvez en vous un vif sentiment de
réprobation pour le péché, ne
vous hâtez pas de conclure que votre coeur
soit dans un état satisfaisant. Ce sentiment
de réprobation pour le péché
est inhérent à la nature de tout
être intelligent. Tous les êtres
intelligents l'éprouvent quand ils
considèrent le péché d'une
manière abstraite, sans qu'il ait aucun
rapport avec leur satisfaction égoïste.
Il n'y a pas de doute que le démon ne
l'éprouve. En effet, tant que le
péché est considéré en
lui-même, d'une manière abstraite,
nous pouvons être assurés
que Satan ne l'approuve pas plus que ne fait
l'ange Gabriel. Il blâme les pécheurs
et condamne leur conduite partout où il n'a
aucune raison égoïste pour prendre
plaisir à ce qu'ils font. Sur cette terre,
vous trouverez souvent chez le méchant une
grande horreur pour le péché ainsi
considéré. Et même, vous n'y
trouverez pas un seul méchant qui ne
condamne le péché et qui ne l'ait en
aversion, quand il l'envisage abstraitement.
L'homme est ainsi constitué que le
péché est contraire à sa
raison et à sa conscience ; toutes les
puissances de son âme se révoltent
à la vue du péché ; il ne
prend plaisir en ceux qui commettent
l'iniquité que dans le cas où il a
quelque raison égoïste de s'applaudir
du péché qu'ils commettent. Cette
répulsion abstraite pour le
péché est, chez l'homme, naturelle,
universelle et nécessaire.
Mais quelle différence entre la
répulsion pour le péché
considéré abstraitement et cette
aversion du coeur pour le mal qui est fondée
sur l'amour de Dieu ! Si un jeune homme
souffre d'une mauvaise action comme d'un outrage
fait à son père, c'est tout autre
chose pour lui que de sentir qu'une action est
mauvaise en soi. Il n'éprouve pas seulement
un sentiment d'indignation à l'égard
d'un acte mauvais, il éprouve encore cette
douleur toute particulière qui provient de
l'amour qu'il porte à son père. Il en
est de même pour celui qui aime Dieu :
il ne désapprouve pas seulement le
péché comme mauvais en soi, il
ressent encore à son égard un
sentiment de douleur mêlée
d'indignation, parce qu'il voit en lui un outrage
à Dieu.
Si donc vous voulez savoir quels sont vos
sentiments à l'égard du
péché, demandez-vous ce que vous
ressentez quand vous êtes parmi les
pécheurs et que vous les voyez violer la loi
de Dieu. Que ressentez-vous quand vous les entendez
prendre le nom de Dieu en vain, quand vous les
voyez violer le jour du Seigneur, s'enivrer,
mentir, ou médire ?
Éprouvez-vous les sentiments qu'avait le
Psalmiste lorsqu'il écrivait :
« J'ai considéré les
transgresseurs et mon coeur a été
rempli de douleur parce qu'ils n'observent pas ta
parole. » « Des ruisseaux d'eau
coulent de mes yeux parce qu'ils ne gardent pas tes
commandements. » « J'ai
été saisi d'horreur parce que le
méchant oublie ta loi ? »
2. Vous devez mettre à
l'épreuve les dispositions de votre coeur
à l'égard de vos propres
péchés.
Considérez vos péchés
passés, rappelez-vous votre conduite
d'autrefois et sachez si vous la condamnez de tout
votre coeur, sachez si cette vie loin de Dieu vous
remplit d'horreur et de dégoût. Vos
sentiments sont-ils ceux d'un fils
affectionné qui se rappellerait ses
désobéissances envers un père
bien-aimé ? C'est une chose que d'avoir
la ferme conviction que votre conduite
précédente était
mauvaise ; et c'est une autre chose que
d'avoir en outre une douleur profonde parce que
cette Conduite offensait Dieu. Il y a peu de
chrétiens probablement qui n'aient pas
jeté un regard en arrière, avec une
profonde émotion, sur leur conduite envers
leurs parents, et qui n'aient pas repassé en
leur esprit nombre de désobéissances
et de torts de toute espèce dont ils se sont
rendus coupables à leur égard. Ceux
qui l'ont lait n'ont pas seulement
désapprouvé fortement leur conduite
passée, ils ont encore ressenti une douleur
profonde, de sorte qu'ils ont eu peine à
retenir leurs larmes et que peut-être
même ils n'ont pu s'empêcher
d'éclater en sanglots. Voilà la vraie
repentance à l'égard d'un
père. La repentance envers Dieu est de
même nature et son degré
d'intensité correspond à celui de
l'attention qui s'est portée sur les
péchés passés.
3. Vous devez vous rendre compte de
ce
que sont vos sentiments à l'égard des
pécheurs inconvertis.
Pour cela, rendez-vous au milieu d'eux,
entretenez-vous avec eux au sujet de leurs
âmes, avertissez-les, écoutez ce
qu'ils disent, examinez quels sont leurs
sentiments, apprenez à connaître
l'état réel de leur coeur, et vous
saurez aussi quels sont vos sentiments à
l'égard des inconvertis. N'allez pas vous
enfermer dans votre cabinet et vous efforcer
d'imaginer un pécheur impénitent.
Votre imagination pourrait, en effet, se faire une
représentation qui éveillerait vos
sympathies et vous ferait pleurer et prier ;
mais cela ne prouverait rien. Allez plutôt
auprès des pécheurs, apportez-leur
votre coeur, mettez-le en contact avec le leur,
raisonnez avec eux, exhortez-les, mettez au jour la
vanité de leurs objections, leur
obstination, leur manque de
sincérité, et priez avec eux si vous
le pouvez. Vous ne pourrez pas faire cela sans
éveiller en vous des émotions ;
si vous êtes un chrétien, ces
expériences éveilleront en vous un
mélange de douleur, de compassion et
d'indignation, comme nous le voyons en
Jésus-Christ, et elles ne vous laisseront
aucun doute sur les dispositions de votre. coeur
envers les pécheurs.
4. Vous devez sonder les
dispositions de
votre esprit l'égard de Dieu.
Fixez fortement vos pensées sur Dieu. Ne
vous mettez pas à imaginer un Dieu selon la
folie de votre coeur ; ne cherchez à
vous représenter quelque apparence ou
quelque figure ; mais prenez la Bible et
apprenez d'elle ce qu'est Dieu ; fixez votre
attention sur ce qu'elle vous dit des sentiments,
des actes et des paroles de Dieu ; et vous ne
pourrez faire autrement que de sentir. C'est alors
que vous découvrirez l'état
réel de votre coeur.
5. À l'égard de
Jésus-Christ.
Vous êtes tenus de savoir si vous aimez le
Seigneur Jésus-Christ ou non. Passez en
revue les circonstances de sa vie et voyez si elles
vous apparaissent comme des
réalités ; considérez ses
miracles, ses souffrances, sa perfection morale, sa
mort, sa résurrection, son ascension, son
intercession actuelle à la droite du
trône de Dieu. Et voyez si vous croyez
à toutes ces choses. Sont-elles des
réalités pour vous ? Quels
sentiments éprouvez-vous quand vous les
considérez ? Quand vous pensez à
Jésus, à sa mort expiatoire, à
son pouvoir et à sa volonté de
sauver, si ces choses sont des
réalités pour vous, vous
éprouverez des sentiments dont vous aurez
conscience et au sujet desquels il ne vous sera pas
possible de vous méprendre.
6. À l'égard des
chrétiens.
Si vous désirez savoir si vraiment vous
aimez les chrétiens, ne laissez pas courir
vos pensées jusqu'aux
extrémités de la terre ; mais
fixez votre attention sur les chrétiens qui
vivent auprès de vous et voyez si vous les
aimez, si vous désirez leur sanctification,
si vraiment vous avez un grand désir de les
voir croître dans la vie spirituelle, si
votre coeur les porte avec foi au trône de la
grâce, demandant à Dieu de les combler
de bénédictions.
7. À l'égard des
réveils.
Si vous désirez connaître les vraies
dispositions de votre coeur à l'égard
des réveils, lisez ce qui se rapporte aux
réveils et fixez votre attention sur ce
sujet ; il ne se peut pas que vous
n'éprouviez des sentiments qui
dénoteront le véritable état
de votre coeur.
Vous pourrez faire de même à
l'égard des païens, des esclaves, des
ivrognes ; de même encore à
l'égard de la Bible et de tout objet en
rapport avec la piété. Il n'y a pas
d'autre voie pour connaître l'état de
votre coeur que de fixer votre esprit sur ces
réalités, jusqu'à ce que les
sentiments qui s'élèveront en vous
deviennent assez forts pour qu'il ne vous soit pas
possible de vous méprendre sur leur
nature.
Si vous trouvez de la difficulté à
fixer suffisamment votre attention sur ces objets
pour que le sentiment se produise, cela vient d'une
ou de deux raisons : ou votre esprit est
absorbé par d'autres objets religieux ;
ou, distrait et léger, il erre d'un bout du
monde à l'autre. J'ai connu quelques
chrétiens qui étaient dans le premier
cas ; ils étaient en grande
détresse parce qu'ils ne pouvaient pas, sur
quelques points particuliers, sentir autant qu'ils
le jugeaient nécessaire. Il s'agissait
surtout de leurs péchés. Or, j'ai
constaté à ce sujet, que l'on peut
être en un tel travail pour les
pécheurs, que l'on peut être tellement
absorbé par la prière en leur faveur,
tellement occupé du ministère
à poursuivre auprès d'eux, qu'il faut
un effort pour penser à sa propre âme
de manière à sentir
profondément en ce qui la concerne. Celui
qui, en cet état, se mettra à genoux
afin de prier au sujet de ses propres
péchés, verra aussitôt l'image
de tel pécheur au salut duquel il travaille
se présenter si fortement à son
esprit qu'il lui sera difficile de prier pour
lui-même. Mais ce ne sera point un mauvais
signe quant à son état spirituel. Si,
par contre, vos pensées errent d'un bout du
monde à l'autre, se portant sur mille sujets
divers, de sorte que vous ne puissiez pas arriver
à des sentiments assez profonds pour pouvoir
discerner leur vrai caractère ; si par
exemple vous ne pouvez attacher votre attention sur
quelque sujet biblique propre à
éveiller vos sentiments ; faites-vous
alors violence, fixez vos pensées avec une
énergie désespérée sur
l'objet qu'il vous importe de considérer, et
persévérez jusqu'à ce que vos
sentiments s'éveillent. Vous pouvez
commander à vos pensées ; Dieu
vous a donné pouvoir sur votre propre
esprit ; et par ce moyen vous avez pouvoir sur
vos sentiments. Apportez-y une
absolue résolution et vous arriverez au
but.
1. Être actif dans la
piété est une condition indispensable
pour arriver à se connaître
soi-même.
Jamais personne n'arrivera à connaître
le vrai état de son coeur à moins
qu'il ne soit actif, travaillant à accomplir
les devoirs de la religion. Un homme qui vivrait
enfermé dans son cabinet, ne
connaîtrait pas l'état réel de
ses sentiments à l'égard de ceux qui
sont au dehors. De même, vous ne saurez
jamais quelle est votre véritable
disposition à l'égard des
pécheurs, avant d'être allé
vers eux et de vous
être mis à l'oeuvre pour les
sauver.
On s'enferme chez soi, puis l'imagination excite
tels ou tels sentiments ; mais ces sentiments
sont trompeurs : ils ne sont pas produits par
des réalités.
2. À moins que l'on n'éprouve
son coeur en le mettant en contact avec des
réalités, on vit constamment dans
l'illusion.
Représentez-vous un individu qui s'enferme
dans un cloître, qui se sépare
absolument du monde de la réalité,
pour vivre dans le monde de l'imagination. Cet
homme-là deviendra un être tout
d'imagination. De même en est-il chez tous
ceux qui ne mettent pas leur esprit en contact avec
la réalité. De tels gens s'imaginent
aimer l'humanité et cependant ils ne font
pas de bien ; ils s'imaginent avoir en horreur
le péché et cependant ils ne font
rien pour le détruire. Combien de gens qui
se trompent eux-mêmes en excitant leur
imagination au sujet des missions, par
exemple ? rien de plus commun on se fait une
grosse provision de sentiments, puis l'on tient des
réunions de prières pour les
missions, quand en réalité on ne fait
rien pour sauver les âmes. Des femmes
dépenseront une journée tout
entière en réunions de prières
pour la conversion du monde, tandis que dans
leur cuisine se trouve une servante inconvertie
à laquelle elles ne diront pas un mot de
toute une journée, de tout un mois
peut-être, afin de l'amener au salut !
On préparera une assemblée publique
pour discourir sur les sentiments qui doivent nous
animer envers les païens, tandis qu'on ne fait
aucun effort direct pour sauver les pécheurs
qui nous entourent. Fiction, imagination que tout
cela ! Il n'y a aucune réalité
dans une religion de cette espèce. Si l'on
avait un réel amour pour Dieu et pour les
âmes, une réelle piété,
on ne serait pas beaucoup plus ému par la
peinture que l'imagination se fait des païens
que par la vue des misères morales dont on
est entouré.
Et s'il en est ainsi chez beaucoup de
chrétiens, ce n'est pas que leur attention
ne soit pas tournée du côté des
pécheurs qui. les entourent. Au contraire,
ils entendent leurs imprécations
profanes ; ils voient leur violation du jour
du Seigneur et leurs autres vices ; ils ont la
réalité toute nue chaque jour devant
les yeux. Si ce spectacle n'éveille en eux
aucun sentiment, c'est en vain qu'ils
prétendent avoir pour les païens les
sentiments que Dieu demande. Prenez ce même
individu si plein de généreuses
sympathies pour les païens, et placez-le aux
Îles des Amis ou ailleurs, loin des fictions
de son imagination, en face de la nue et froide
réalité du paganisme, et tous ses
beaux sentiments auront disparu. Il pourra
écrire à ses compatriotes des lettres
décrivant les abominations que commettent
ces païens, mais tous les sentiments qu'il
avait au sujet de leur salut se seront
évanouis.
Il y a des gens qui discourent sur le salut des
païens et qui n'ont jamais converti une
âme dans leur propre pays ; soyez-en
sûrs, tout ce qu'ils disent est pure
imagination. S'ils ne travaillent pas à
propager les réveils dans leur propre pays
où ils comprennent la langue de tous et ont
un accès direct et facile auprès de
leur prochain, beaucoup. moins encore
travailleraient-ils à réveiller les
âmes en pays
païen.
Il faut que les églises comprennent cela et
qu'elles s'en souviennent lorsqu'elles choisissent
tels ou tels hommes pour porter le message du salut
aux païens. Elles doivent savoir que si la
réalité toute nue n'excite pas, dans
notre pays, un homme à
l'évangélisation, cet homme serait un
type de missionnaire dont le diable ne ferait que
rire, y en eût-il un million
d'exemplaires.
Beaucoup de gens se font la même illusion au
sujet des réveils. Voici, par exemple,
M. N. qui est un grand ami des réveils. Mais
remarquez-le, il s'agit toujours des réveils
d'autrefois, ou des réveils en principe, ou
des réveils qui ont lieu à
l'étranger, ou encore des réveils
à venir. Mais quant au réveil
présent, celui au milieu duquel il se
trouve, il doute toujours de son existence. Il lira
l'histoire des réveils du temps du
président Edwards, celle des réveils
d'Écosse ou du pays de Galles et il en sera
tout, enthousiasmé ; il s'en
délectera. Vous l'entendrez prier.
« O Seigneur ravive ton oeuvre !
ô Seigneur donne-nous de pareils
réveils ! donne-nous un temps de
Pentecôte où nous puissions voir des
milliers d'âmes se convertir en un
jour !
Mais transportez-le dans la réalité
des choses, et vous verrez qu'il n'y aura jamais
aucun réveil auquel il puisse prendre
quelque intérêt. Il est amateur des
fictions et des rêves de son
imagination ; il crée tout un
état de choses qui excite ses
émotions ; mais la simple
réalité des choses ne l'amène
jamais à donner sa coopération
à l'oeuvre des réveils.
Aux jours de notre Sauveur, les Juifs disaient, et
croyaient sans doute, qu'ils avaient en horreur la
conduite de ceux qui avaient
persécuté les prophètes.
« Si nous avions vécu au temps de
nos pères, disaient-ils, nous n'aurions pas
participé au meurtre des
prophètes. » Ils
s'étonnaient, sans doute, que l'on eût
été assez méchant pour
commettre de semblables crimes. Mais ils n'avaient
jamais vu de prophètes ; tout cela
n'existait pour eux qu'en imagination. Dès
que le Seigneur Jésus-Christ apparut, lui le
plus grand des prophètes, lui vers qui
toutes les prophéties convergeaient, ils le
rejetèrent aussitôt et le mirent
à mort avec autant de froide cruauté
que leurs pères avaient jamais pu en
avoir.
« Comblez la mesure de vos pères,
disait Jésus-Christ, afin que vienne sur
vous tout le sang juste qui a été
versé sur la terre. »
Constamment, et dans tous les âges,
l'humanité s'est éprise des fictions
qu'enfante son imagination, et ces fictions l'ont
toujours précipitée vers sa ruine.
Voyez les universalistes. Ils imaginent un Dieu qui
sauvera tout le monde, à n'importe quelles
conditions, et un ciel où il y aura place
pour tous ; puis ils aiment le Dieu et le ciel
qu'ils ont imaginés et peut-être qu'en
y pensant ils pleureront d'attendrissement. Leurs
sentiments, en effet, sont souvent profonds, mais
ils sont trompeurs, parce qu'ils sont produits non
par la vérité mais par une
fiction.
3. Plus vous sortirez de vous-mêmes,
de manière à ce que vos oeuvres
soient désintéressées et vous
fassent oublier votre personne, plus vous aurez de
piété et plus aussi sera nette la
conscience que vous en aurez.
La religion consiste dans l'amour, elle consiste
à sentir bien et à faire bien ;
elle consiste à faire le bien. Si donc
quelqu'un veut avoir beaucoup de
piété, qu'il se garde de la cultiver
d'une façon qui n'a jamais pu la faire
croître, je veux dire en se retirant dans un
cloître et en évitant le contact de
ses semblables. Si notre Seigneur avait jugé
cet isolement favorable à la
piété, il nous aurait poussés
à le rechercher. Mais il connaissait quelque
chose de mieux. Il a disposé nos
circonstances de manière à ce que
nous eussions mille occasions d'exercer notre
charité, mille moyens de faire du bien. Si
donc vous sortez de vous-mêmes et tournez vos
coeurs vers ces occasions d'exercer votre bonne
volonté, vous ne pourrez manquer de
croître dans la piété et d'en
avoir conscience.
4. Il n'y a dans l'examen de soi-même,
qu'un point qui puisse exiger une entière
solitude ; c'est lorsque nous passons en revue
les jours écoulés et que nous avons
besoin d'examiner avec soin quels ont
été les motifs de notre conduite
passée. Il finit, en ce cas, bannir toute
autre pensée, éloigner tout ce qui
pourrait distraire ; aussi est-il souvent
nécessaire de recourir à la retraite,
au jeûne et à la prière.
Parfois il est impossible d'arriver à un
souvenir assez net des choses que l'on
désire examiner. La loi de l'association des
idées peut alors être d'un grand
secours. Si vous pouvez, en effet, vous rappeler
quelque idée ou quelque circonstance
associée aux choses dont le souvenir vous
échappe, cette idée ou cette
circonstance pourra ramener devant votre esprit
tout le passé oublié. Je suppose que
je sois appelé devant le tribunal comme
témoin d'un événement dont
j'aurais oublié les détails ; il
se peut qu'en retournant au lieu où la chose
s'est passée, tout ce que j'ai publié
me revienne en mémoire avec une grande
netteté. De même il peut arriver, que
cherchant à nous rappeler quelque partie de
notre passé, ni retraite, ni
méditation, ni jeûne, ni prière
ne nous fassent réussir, jusqu'à ce
que nous nous soyons replacés dans des
circonstances qui, par l'association des
idées, nous rappellent tout ce passé
oublié.
Supposez qu'un pasteur veuille se rendre compte des
sentiments qu'il avait et de l'esprit dans lequel
il prêchait il y a plusieurs années,
dans quelque église autre que celle
où il se trouve maintenant. Il désire
savoir combien il y avait alors de réelle
piété dans les travaux de son
ministère. Il y réussira en grande
partie dans la prière du cabinet, par
l'assistance de l'Esprit de Dieu. Mais il y
réussira
encore mieux s'il peut retourner travailler dans
son ancien champ de travail. Les dispositions qu'il
avait autrefois pourront alors lui apparaître
de nouveau avec une grande force.
5. En vous examinant vous-même,
n'oubliez pas que vous ne devez pas vous attendre
à trouver en vous toutes les grâces
à la fois.
Elles ne peuvent être toutes à la fois
présentes d'une manière sensible dans
votre esprit ; la nature humaine n'est pas
constituée de manière à ce que
cela soit possible. Vous avez lieu d'être
satisfait si vous trouvez en vous de bonnes
dispositions à l'égard du seul objet
qui occupe présentement votre esprit ;
si vous n'y trouvez pas, en même temps,
d'autres émotions excellentes, n'en tirez
aucune conclusion fâcheuse. Notre esprit est
ainsi fait qu'il ne peut éprouver à
la fois plus d'un seul genre d'émotions.
6. Vous pouvez voir maintenant pourquoi il y
a tant d'insensibilité à
l'égard des vérités que
proclame la parole de Dieu.
On a bien des sentiments, mais ces sentiments ne
sont pas ce qu'ils devraient être, parce
qu'on ne porte pas suffisamment son attention sur
les objets qui devraient les produire.
7. Vous voyez maintenant pourquoi il y a une
si grande, diversité de sentiments parmi les
vrais chrétiens.
Il y a des chrétiens dont les sentiments,
quand ils en éprouvent, sont habituellement
joyeux.
D'autres sont habituellement pleins de tristesse et
d'angoisse ; ils sont presque constamment
comme en agonie au sujet des pécheurs. La
raison de cette diversité de
senti monts se trouve dans le fait que les
pensées de ces différents
chrétiens sont dirigées sur des
objets différents. Les uns pensent toujours
à ce qui est fait pour les rendre
heureux ; les autres pensent à
l'état de l'église ou à
l'état des pécheurs, et sont
accablés sous ce fardeau, comme si une
montagne pesait sur leurs épaules. Les uns
et les autres peuvent être également
religieux, leurs sentiments peuvent, être
également justes, en tant que se rapportant
à des objets différents.
L'apôtre Paul « éprouvait
une grande tristesse et un chagrin
continuel » par rapport à ses
frères ; et il n'y a pas de doute qu'il
ne fût dans l'ordre. La pensée de ses
frères qui avaient rejeté le Sauveur,
la colère de Dieu qu'ils avaient
amassée sur leurs têtes, le jugement
terrible qui les attendait, tout cela était
si constamment présent à son esprit,
qu'il était impossible qu'il ne fût
pas triste.
8. Remarquez la valeur respective de ces
deux classes de sentiments au point de vue de
l'utilité de l'individu.
Considérez ceux des chrétiens qui
sont très joyeux et très heureux, et
vous verrez que généralement ils ne
sont pas des chrétiens très utiles.
La plupart du temps ils sont tellement
occupés à savourer les joies de la
religion qu'ils sont médiocrement actifs. Il
y a toute une classe de ministres qui
prêchent beaucoup sur ces sujets
réjouissants et qui rendent très
heureux leurs pieux auditeurs, mais il est rare que
ces ministres soient les instruments de beaucoup de
conversions, quelque utiles qu'ils soient pour
l'édification des chrétiens. D'autre
part, ceux qui sont ordinairement remplis d'une
angoisse profonde au sujet des pécheurs
seront les instruments de beaucoup de conversions.
La raison en est simple les uns et les autres
prêchent l'Évangile, mais ils le
prêchent à des points de vue
différents, et les sentiments qu'ils
éveillent correspondent au point de vue
auquel ils se sont placés. Les uns
réjouissent les saints, les autres
convertissent les pécheurs. Vous retrouverez
partout cette différence parmi ceux qui font
profession de piété. Il en est dont
la société est aimable et pleine de
charmes, mais qui sont rarement occupés
à arracher les pécheurs du feu ;
d'autres, comme le Fils de Dieu quand il
était sur la terre, « soupirent en
leur esprit » et passent des nuits
entières en prières.
9. Le véritable esprit de
réveil est un esprit de prière et
lutte ardente et, douloureuse pour le salut des
pécheurs.
10. Vous voyez comment vous pouvez vous
rendre compte de vos sentiments à
différentes époques de votre vie.
Beaucoup de gens s'étonnent d'avoir les
sentiments qu'ils ont. L'explication est bien
simple. Vous sentez de telle façon parce que
vous pensez de telle façon. Vous dirigez
votre attention sur des objets qui sont faits pour
produire les sentiments que vous avez.
11. Vous comprenez aussi pourquoi les
sentiments de plusieurs sont si variables. Il y a
en effet des gens dont les sentiments sont toujours
variables et inconstants.
La raison en est que leur pensée change.
S'ils voulaient fixer leur pensée, ils
fixeraient par là leurs sentiments.
12. Vous voyez maintenant la voie à
suivre pour produire on vous les sentiments
désirables ; et comment vous pourrez
les produire chez les autres.
Dirigez les pensées sur l'objet qui est de
nature à produire ces sentiments et,
tenez-les attachées sur cet
objet-là ; les sentiments ne manqueront
pas de se produire.
13. Il y a une multitude de gens pieux qui
déshonorent la religion par leurs
doutes.
Ils parlent continuellement de leurs doutes et se
persuadent trop vite qu'ils n'ont pas de religion.
Si, au lieu de s'arrêter à leurs
doutes, ils veulent fixer leur attention sur
d'autres sujets, sur Jésus-Christ, par
exemple, ou s'ils veulent s'en aller chercher les
pécheurs, et s'efforcer de les amener
à la repentance, soyez sûrs d'une
chose, c'est qu'ils auront des sentiments et que
ces sentiments seront tels qu'ils doivent
être et dissiperont leurs doutes. Rappelez
vous bien ceci : vous ne devez pas attendre
pour agir de cette manière d'avoir les
sentiments que vous souhaitez.
Comprenez-moi bien : j'ai dit que vous ne
pouviez rien faire pour Dieu à moins d'avoir
les sentiments convenables ; n'en concluez pas
que vous deviez vous tenir tranquilles et ne rien
faire jusqu'à ce que vous soyez convaincus
que vous avez les sentiments convenables.
Placez-vous, au contraire, dans les conditions
où vous aurez les sentiments convenables et
mettez-vous à l'oeuvre. D'une part, il ne
faut pas se jeter précipitamment dans
l'oeuvre sans avoir aucun sentiment ; d'antre
part, il ne faut pas s'enfermer dans son cabinet
pour attendre que le sentiment vienne. Ayez soin
d'être toujours actifs ; vous n'aurez
jamais les sentiments convenables dans d'autres
conditions. Et gardez votre esprit constamment sous
l'influence des objets faits pour créer et
conserver en vous, pleins de vie, les sentiments
qui caractérisent le chrétien.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |