Suite du V° discours: LES VRAIS CHRÉTIENS
« Qui est pour l'Éternel ? » Exode XXXII : 26.
Vous vous souvenez que vendredi passé, en parlant sur ce texte, je mentionnai trois classes de chrétiens de profession : ceux qui aiment véritablement Dieu et les hommes, ceux qui ne sont mus que par l’égoïsme (ou par l’amour de soi) et ceux qui sont mus par la pensée du qu’en dira-t-on. J’ai mentionné plusieurs des traits qui caractérisent la première classe ; j’ai l’intention maintenant de vous en présenter plusieurs qui caractérisent ...
Je montrerai comment le motif principal de
la religion de ceux-ci se manifeste dans leur
conduite. La conduite d’un homme, en effet,
révèle toujours le vrai but de sa
vie ; et son caractère correspond
invariablement à ce but. Si donc, par la
conduite, vous pouvez découvrir quel est le
but suprême de la vie, vous aurez aussi par
là, et d’une manière certaine,
le caractère de la personne. Et, je pense
qu’en observant avec candeur et à fond
la conduite de quelqu’un, vous pourrez
généralement juger de son état
d’âme avec une grande certitude.
Les trois classes que nous avons distinguées
s’accordent en beaucoup de choses ; il va
de soi que ce n’est pas par l’observation
de ces choses-là que vous pourrez les
distinguer. Mais il y a d’autres choses dans
lesquelles elles diffèrent ; et, pour
un observateur attentif, ces différences se
trahiront dans leur conduite et
révéleront leur vrai
caractère. Ces points sur lesquels elles
diffèrent sont ceux qui touchent aux
fondements mêmes de la religion.
Je vais donc indiquer quelques traits qui
distinguent ceux qui sont mus par l’amour
d’eux-mêmes, par
l’égoïsme, et chez lesquels
l’espérance et la crainte inspirent
tout ce qu’ils font en fait de religion.
1. Ils font de la religion une
affaire
secondaire.
Ils montrent par leur conduite qu’ils ne
regardent pas la religion comme l’affaire
capitale de leur vie, mais comme une chose
subordonnée à d’autres. Ils la
regardent comme une chose qui doit venir à
propos, et trouver sa place entre beaucoup
d’autres ; une affaire bonne pour le
dimanche, ou qui ne doit pas sortir du cabinet ou
du culte de. famille ; mais ils ne la
regardent pas comme la grande affaire de la vie.
Ils font une distinction entre les devoirs
religieux et les affaires, et les
considèrent comme étant d’ordre
entièrement différent. Tandis que
s’ils y voyaient clair, ils comprendraient que
la religion est la seule affaire de la vie, et
qu’aucune chose n’est légitime
à moins qu’elle ne serve les
intérêts de la religion. S’ils
avaient des sentiments chrétiens, tous leurs
actes auraient un caractère religieux et
seraient accomplis manifestement en vue
d’obéir à Dieu.
2. Ils remplissent leurs devoirs
religieux comme une tâche.
Il s’en faut que l’amour de Dieu
brûle en eux et les presse de travailler pour
Lui ; ils ne prennent pas leur plaisir dans
les exercices religieux auxquels ils se sont
assujettis ; et quant à la communion
avec Dieu, ils n’en connaissent absolument
rien ; la prière elle-même est
une tâche pour eux. Ils font leurs devoirs
religieux comme le malade prend ses remèdes,
non parce qu’ils les aiment, mais parce
qu’ils espèrent en retirer quelque
profit.
Et vous qui êtes ici devant moi, trouvez-vous
votre plaisir dans vos devoirs religieux ou les
accomplissez-vous parce que vous espérez en
retirer quelque avantage ? Soyez
honnêtes, en cet instant, répondez
à cette question en toute
vérité et jugez quel est
l’état de votre âme.
3. Il est manifeste qu’ils ont un
esprit légal et non l’esprit de
l’Évangile.
Ce qu’ils font en religion, ils le font parce
qu’ils sont obligés de le faire, non
parce qu’ils l’aiment. Ils ne perdent pas
de vue les commandements de Dieu et y
obéissent en accomplissant leurs devoirs
religieux, mais ce n’est pas qu’ils y
aient mis leur coeur. Ils se demandent toujours non
pas « Comment pourrai-je faire du
bien ? » Mais « comment
pourrai-je être
sauvé ? » Il y a entre eux et
les vrais amis de Dieu et de l’homme la
même différence qu’entre le
pécheur convaincu de péché et
le vrai converti ; le premier demande :
« Que dois-je faire pour être
sauvé ? » et le second
s’écrie : « Seigneur,
que faut-il que je fasse ? » Ils
sont constamment à demander :
« Que dois-je faire pour aller au
ciel ? » Et non point :
« Que puis-je faire pour y amener les
autres ? » Leur grande affaire
n’est pas de sauver le monde, ruais de se
sauver eux-mêmes.
4. Ils sont mus par la crainte
beaucoup
plus que par l’espérance.
Ils accomplissent leurs devoirs religieux surtout
parce qu’ils n’osent pas les
négliger. Ils prennent la communion non
parce qu’ils aiment à rencontrer Christ
ou à communier avec leurs frères,
mais parce qu’ils n’osent pas rester
à l’écart. Ils ont peur en
négligeant la cène d’encourir la
discipline ecclésiastique ou
d’être damnés. Ils prient dans
leur cabinet, non parce qu’ils jouissent
d’être en rapport direct avec Dieu, mais
parce qu’ils n’osent pas négliger
la prière. Ils ont l’esprit servile et
sont au service de Dieu comme des esclaves au
service de leur maître, avec le sentiment
qu’il faut faire tant, sous peine
d’être battu. Ils ont toujours la
pensée qu’il faut avoir tant de
religion, accomplir tant de devoirs religieux, sous
peine d’être châtié par sa
conscience ou de perdre ses espérances. de
vie à venir. Ils cheminent, en
conséquence, péniblement,
laborieusement, remplissant tant de devoirs
religieux, année commune ; et ils
appellent, cela de la religion !
5. Leur religion porte un
caractère négatif des plus
prononcés.
Ils sont satisfaits surtout de ce qu’ils ne
font rien de très mal. N’étant
pas spirituels, ils regardent la loi de Dieu
surtout comme un recueil de défenses
destiné à préserver
l’homme de certains
péchés ; ils n’y voient,
point une dispensation de la bienveillance divine,
une règle qui ne peut être accomplie
que par l’amour. Ainsi, pourvu que leur
conduite soit morale, leur manière
d’être sérieuse et décente
et qu’ils accomplissent la somme exigée
des devoirs religieux, les voilà contents.
Leur conscience les tracasse moins au sujet des
péchés d’omission qu’au
sujet des péchés de commission. Ils
font une différence entre négliger de
faire ce que Dieu demande positivement et faire ce
qu’il défend expressément. Ce
qu’on peut dire de mieux sur leur compte,
c’est qu’ils ne sont pas très
mauvais. Ils ne semblent guère se soucier
d’être utiles à la cause de
Christ. Aussi. longtemps qu’on ne peut les
convaincre de quelque transgression positive, ils
sont satisfaits.
6. Leur piété est plus
ou moins stricte, suivant leurs lumières et
la délicatesse de leur conscience.
Quand leur intelligence est éclairée
et leur conscience, délicate, ils sont
souvent les chrétiens les plus rigides
qu’on puisse trouver. Ils paient la dîme
de la menthe, de l’aneth et du
cumin. »
(Mat
XXIII : 23) Ils sont
raides
jusqu’à la morosité. En fait de
rigorisme, personne n’ira plus loin
qu’eux. Ce sont de parfaits pharisiens.
7. Plus leur conscience est
délicate, plus ils sont
misérables.
En dépit de leur rigorisme, ils ne peuvent
ignorer qu’ils. sont de grands
pécheurs, ce qui les rend très
malheureux, vu qu’ils ne se font pas une
idée juste de la justification ; et
plus leur conscience est éclairée et
délicate, plus ils sont malheureux.
Malgré la rigueur de leur
piété, ils se sentent toujours
au-dessous de leur devoir, et n’ayant pas la
foi que demande l’Évangile, ni
l’onction du Saint-Esprit qui apporte
la paix à l’âme, ils sont
toujours mécontents, inquiets,
misérables.
Beaucoup d’entre vous peut-être
connaissent de telles personnes. Il y en a
sûrement ici. Ces personnes-là
n’ont, jamais su ce que c’est que de se
sentir justifié devant Dieu par le sang de
Jésus-Christ ; elles n’ont jamais
su ce que c’est que de se sentir
accepté et, adopté comme sien par
Jésus-Christ. Elles n’ont jamais
possédé la réalité
contenue dans ces paroles : « Il
n’y a maintenant plus de condamnation pour
ceux qui sont en Jésus-Christ, qui marchent
non selon la chair, mais selon
l’Esprit. »
Pouvez-vous dire que ces paroles réchauffent
vôtre coeur parce que vous avez fait, en
votre âme, l’expérience de la
réalité qu’elles
contiennent ? Ou vous sentez-vous encore
condamnés et coupables, n’ayant pas
conscience du pardon de vos péchés,
ne jouissant point de la paix avec Dieu et ne
sachant ce que c’est que de se confier en
Jésus-Christ ?
8. Ils sont encouragés et
réjouis quand ils lisent l’histoire des
saints de l’ancien temps qui sont
tombés dans de grands
péchés.
Ils se sentent, en effet, admirablement instruits
et édifiés quand les
péchés du peuple de Dieu sont remis
en lumière. Ils sont alors tout
réconfortés et leurs
espérances se ravivent merveilleusement. Ils
ne sont point humiliés et
désolés ; considérant
combien une pareille vie de péché est
contraire à toute religion, ils ne se disent
point qu’il leur serait bien de tenir de tels
hommes pour des saints, si la Bible ne les
considérait pas comme tels ; encore
moins pensent-ils que si ces gens avaient
vécu dans la lumière de
l’économie actuelle, ils ne pourraient
absolument pas porter le titre de saints ;
— ils se sentent au contraire tout
réjouis, tout fortifiés, tout remplis
de nouvelles espérances. J’ai connu un
homme, un ancien, qui fut cité à
comparaître. devant son église pour
crime d’adultère et qui s’excusa
en alléguant qu’on n’aurait pas
dû s’attendre à ce qu’il
fût meilleur que David, l’homme selon le
coeur de Dieu.
9. Moins le prédicateur est
exigeant en fait de piété, plus ils
sont contents.
S’il est disposé à
espérer charitablement que presque tout le
monde est chrétien, les voilà
satisfaits et ils le complimentent sur sa grande
charité ; ils le louent comme un homme
excellent, charitable, etc. Il est aisé de
comprendre pourquoi ces chrétiens sont
contents de cette façon d’entendre le
christianisme ; c’est qu’elle
concourt à les affermir dans leurs plus
chères espérances ; elle les
aide, en effet, à entretenir ce qu’ils
appellent leur « consolante
espérance, » et cela, bien
qu’ils fassent si peu pour Dieu. Ah !
qu’elle est différente la conduite de
l’homme dont le but suprême est
d’arracher le monde au
PÉCHÉ ! Il a besoin de voir tous
les hommes devenir saints ; il veut en
conséquence que l’étendard de la
sainteté soit maintenu haut et ferme. Il
désire que tous les hommes soient
sauvés, mais il sait qu’ils ne peuvent
pas l’être à moins qu’ils ne
soient véritablement saints. Faire aller un
homme au ciel en rabaissant
« charitablement ».
l’idéal de sainteté que nous
présente. la Bible lui paraîtrait
aussi impossible que d’admettre Satan
lui-même dans le Paradis.
10. Ils veulent qu’on leur
prêche des doctrines
« consolantes. »
Ils aiment qu’on leur prêche les
doctrines de la persévérance des
saints et de l’élection, qu’on
s’y arrête, qu’on s’y
étende et qu’on y insiste. Souvent
même ils ne veulent autre chose que ce
qu’ils appellent la doctrine de la
grâce ; et s’ils peuvent obtenir
une prédication abstraite qui leur apporte
jouissance et consolation sans remuer leur
conscience, les voilà
« nourris ».
11. Ils aiment, en effet, que leur
pasteur leur prêche des sermons pour
« nourrir les
chrétiens. »
Comme leur grande affaire n’est pas de sauver
les pécheurs, mais d’être
sauvés eux-mêmes, ils choisiront
toujours non pas un pasteur capable de
prêcher convenablement la conversion aux
pécheurs, mais un pasteur qui ait le talent
de nourrir l’église avec de pures
abstractions.
12. Ils mettent une grande
importance
à posséder ce ils appellent une
« bonne espérance. »
Vous les entendrez, en effet, parler avec une
grande solennité de l’importance
qu’il y a à posséder cette
espérance. Et, qu’ils puissent la
nourrir, dissipant leurs craintes, se
réjouissant en leurs coeurs, savourant leurs
privilèges : cela leur suffit. Que ceux
qui les entourent soient sauvés ou non, ils
s’en inquiètent peu. (Ah ! que
nous sommes loin des vrais amis de Dieu et de
l’homme, oublieux d’eux-mêmes et
tout occupés à arracher du feu les
pécheurs !)
Dans leurs prières de même, ils
demandent que leur assurance soit affermie,
qu’ils puissent sentir qu’ils vont au
ciel, qu’ils sont acceptés de Dieu,
etc., au lieu de demander que leur foi devienne
puissante et qu’ils soient remplis du
Saint-Esprit afin de délivrer beaucoup
d’âmes de la mort.
13. Ils vivent sur leurs
sentiments.
Ils ajoutent beaucoup d’importance aux
émotions qu’ils éprouvent de
temps à autre. S’il leur arrive
d’avoir, à l’occasion, des
élans de ferveur religieuse, ils y
arrêtent complaisamment leur pensée et
s’appuient longtemps sur cette preuve de leur
piété. Ces temps
d’émotions religieuses entretiendront
leurs espérances aussi longtemps qu’ils
en conserveront un souvenir distinct. Peu importe
qu’actuellement ils ne fassent rien pour Dieu
et n’éprouvent aucun sentiment
d’amour pour lui : ils se rappellent
avoir eu tels sentiments à telle
époque ; cela leur suffit. S’ils
ont été mêlés à
des scènes de réveil et que leur
imagination ait été excitée au
point de faire couler leurs larmes et de les
pousser à prier et à exhorter leurs
frères, ce souvenir va nourrir leurs
espérances pendant des années.
Quoique, le réveil passé, ils ne
fassent rien pour l’avancement du règne
de Christ et que leurs coeurs soient aussi durs que
le roc, ils sont pleins d’assurance, et
attendent patiemment qu’un nouveau
réveil vienne les pousser derechef en
avant.
14. Ils prient presque
exclusivement
pour eux-mêmes.
Si vous pouviez entendre les prières
qu’ils font dans le secret du cabinet vous
verriez que les huit dixièmes de leurs
demandes sont pour eux-mêmes. Cela montre
à quel taux ils mettent leur propre salut en
regard de celui des autres. C’est le quatre
cents pour cent, huit contre deux. Et s’ils
prient dans les assemblées, il en sera
très souvent de même ; à
les entendre prier, vous ne supposeriez pas
qu’il y ait sur la terre un seul
pécheur allant en enfer ; ils prient
là comme dans leur cabinet, à cela
près qu’ils s’associent le reste
de l’église en disant
« nous » au lieu de
« je ».
15. Dans leurs prières ils
demandent bien plutôt d’être
préparés pour la mort que
d’être rendus capables de mener une vie
utile.
Ils s’inquiètent bien plus
d’être préparés à
mourir que d’être préparés
à sauver les pécheurs autour
d’eux. S’ils demandent l’Esprit de
Dieu, c’est bien plus pour qu’il les
prépare à mourir que pour pouvoir
« enseigner les voies de Dieu à
ceux qui les transgressent, de sorte que les
pécheurs reviennent à Lui »
ainsi que le demandait le Psalmiste
(Ps
51:14,15).
Plusieurs d’entre vous, mes frères, ne
se reconnaissent-ils pas à ce trait ?
Leurs prières ne sont-elles pas exactement
telles que je viens de les
décrire ?
Un homme tout occupé de faire du bien et de
sauver les. pécheurs ne songe pas tant
à se demander quand, où et comment il
mourra ; il se demande plutôt comment il
pourra faire le plus de bien possible pendant sa
vie. Et quant à la mort, il s’en remet
pleinement à Dieu et sans aucune crainte. Il
y a longtemps qu’il a remis son âme
à Dieu, et il ne s’occupe plus que de
vivre à la gloire de Christ.
16. Ils ont plus peur du
châtiment que du péché.
C’est précisément le contraire
de ce que vous remarquerez chez les vrais amis de
Dieu et de l’homme qui ont plus peur du
péché que du châtiment.
Quant à ceux qui nous occupent maintenant,
ils se livrent au péché
lorsqu’ils parviennent à se persuader
que Dieu leur pardonnera, ou quand ils pensent
qu’ils pourront se repentir. Ils raisonnent
souvent ainsi : « Le pasteur un tel
fait telle. chose, pourquoi ne la ferais-je
pas ? » Un membre de cette
Église était moniteur dans
l’école du dimanche, mais voyant que
d’autres membres qui auraient pu
l’être, ne l’étaient pas, il
se dit : « Pourquoi ferais-je ce
travail plutôt qu’eux ? »
et il abandonna, son groupe. Oui, c’est ici
l’esprit qui anime toute cette classe de
chrétiens de nom « Les autres ne
font pas ceci, ils ne font pas cela, pourquoi me
tourmenterais-je pour être meilleur
qu’eux ? » Je le
répète, ce n’est pas du
péché qu’ils ont peur,
c’est du châtiment... Ils pêchent
et ILS LE SAVENT ; mais ils se flattent
d’échapper au châtiment !
Qui ne voit combien cet esprit est contraire
à celui des vrais amis de Dieu dont la
préoccupation dominante est
d’ôter le péché du
monde ? Quant à ceux-ci, l’enfer
ne les effraie pas la moitié autant que la
pensée de commettre le
péché.
17. Les chrétiens qui nous
occupent manifestent plus d’inquiétude
au sujet de leur propre salut qu’ils n’en
ressentiraient si le monde entier allait en
enfer.
Un tel homme, si son espérance vient
à faiblir, voudrait que chacun se mît
en prières pour lui ; il fait grand
bruit de sa personne et en préoccupe toute
l’église ; lui qui ne pense jamais
à faire quelque chose pour les
pécheurs qui l’entourent et qui sont
certainement dans la voie large qui mène
à la perdition ! Il montre que toute
son attention est concentrée sur
lui-même et que sa pensée dominante
n’est point lu tout de chercher quelle est la
plus grande somme de bien qu’il pourra
accomplir.
18. Ils aiment mieux recevoir du
bien que
d’en faire.
Ici encore vous pouvez reconnaître que de
telles personnes n’ont pas l’esprit de
l’Évangile ; elles ne sont jamais
entrées dans l’esprit de
Jésus-Christ qui disait qu’il y a plus
de bonheur à donner qu’à
recevoir. Celui qui est mû par le vrai amour
de Dieu et de l’homme jouit du bien qu’il
fait au autres plus que les autres ne jouissent en
recevant ce bien. Il est réellement
bienveillant, et, pour lui, c’est une
grâce que de pouvoir montrer de la
bonté, son coeur ne bat que pour cela, et
lorsqu’il peut le faire, une sainte et
délicieuse joie remplit, son âme. Mais
quant à l’autre classe de
chrétiens, c’est tout autre
chose : ils sont plus empressés
à recevoir qu’à donner. Ils
désirent recevoir de l’instruction plus
qu’ils ne désirent en répandre.
Ils désirent recevoir des consolations, mais
ils ne sont jamais prêts à se
sacrifier eux-mêmes pour apporter aux autres
les consolations de l’Évangile. Chacun
voit d’emblée combien une telle
disposition est contraire à l’esprit de
l’Évangile qui trouve son suprême
bonheur à communiquer le bonheur aux
autres.
Qui ne connaît ces deux classes de
chrétiens ? Les uns cherchant toujours
à faire du bien, les autres cherchant
toujours à en recevoir. Les uns toujours
possédés du désir de donner,
les autres toujours possédés du
désir de recevoir. Ces deux
caractères sont aussi opposés que la
lumière et les ténèbres.
19. Quand on parvient à les faire
prier pour la conversion des autres, ils le font en
présentant les mêmes motifs
qu’ils ont eus en priant pour
eux-mêmes.
Lorsque leur égoïsme permet chez eux
l’éveil d’une certaine sympathie,
comme ils ont surtout peur de l’enfer pour
eux-mêmes, ils en ont peur aussi pour autrui.
Le bonheur étant ce qu’ils cherchent
principalement, c’est aussi ce qu’ils
demandent pour les autres. Ils prient pour les
pécheurs, poussés non par un vif
sentiment de l’horreur du péché,
mais par l’horrible idée qu’ils se
font des tourments de l’enfer. Ce n’est
donc pas parce que les pécheurs
déshonorent, Dieu qu’ils
désirent les voir convertis, mais parce
qu’ils sont en danger. Comme la raison
d’être de leur religion est
d’assurer leur propre sécurité,
c’est aussi la sécurité du
pécheur qui les pousse à prier pour
lui. S’il n’y avait point de danger, ils
ne prieraient jamais, ni pour eux-mêmes, ni
pour les autres.
Certes ! les vrais amis de Dieu et de
l’homme ressentent de la compassion pour les
pécheurs, mais ils s’émeuvent
bien plus encore à la pensée de
l’honneur de Dieu compromis. Oui, ils
sont plus désolés de voir Dieu
outragé et déshonoré que de
voir les pécheurs aller en enfer. S’il
fallait ou que Dieu fût
déshonoré à jamais ou que les
pécheurs lussent jetés dans les
tourments sans fin, ils choisiraient, cette
dernière alternative ; cela est aussi
certain qu’il est certain qu’ils aiment
Dieu par dessus tout. Les vrais sentiments de
chacun se manifestent dans ses prières. Vous
les verrez donc, les vrais amis de Dieu,
considérer dans leurs prières les
pécheurs comme des rebelles envers Dieu,
comme des criminels méritant la
colère éternelle, comme des ennemis
de Dieu et de tout l’univers ; et tandis
qu’ils sont remplis de compassion pour eux, le
feu d’une sainte indignation les embrase
à la pensée de leur conduite à
l’égard du Dieu béni
éternellement.
20. La classe de chrétiens qui
nous occupe est fort sujette aux angoisses du
doute.
Ils sont gens à parler beaucoup de leurs
doutes. Et le détail de ces doutes forme un
chapitre considérable de leur histoire. Leur
grande affaire étant la jouissance
d’une consolante espérance, dès
que le doute s’empare d’eux, les
voilà par terre ; ils font alors grand
vacarme de leurs doutes ; et n’allez pas
à ce moment leur demander de faire quoi que
ce soit pour l’avancement du règne de
Dieu : il va sans dire qu’ils
« n’y sont pas
préparés. » Ah !
qu’ils sont différents ces vrais amis
de Dieu et de l’homme dont la seule
pensée est de faire le bien ! Si
parfois le diable cherche à leur dire
qu’ils vont en enfer, la première
réponse qui leur vient à
l’esprit est celle-ci : « Eh
bien ! s’il le faut !... quoi
qu’il en soit, il faut, que je tire du feu les
pécheurs. » J’admets que de
vrais chrétiens puissent avoir des doutes,
mais ils y seront d’autant moins sujets
qu’ils seront plus complètement
consacrés à l’oeuvre du salut
des pécheurs. Il serait en effet bien
difficile à Satan de troubler par des doutes
une église qui serait entièrement
engagée dans cette oeuvre ;
l’attention des chrétiens y serait tout
entière et les suggestions de
l’adversaire n’auraient pas de prise sur
eux.
21. Leur horreur du sacrifice va
croissant avec les demandes qui leur sont
adressées.
Un homme disait : « Où
veut-on en venir avec cette oeuvre de la
tempérance ? Il ne s’agissait
d’abord que d’abandonner les
liqueurs ; je l’ai fait et je m’en
suis bien trouvé. Ensuite on en est venu
à demander l’abandon du vin ;
maintenant c’est le tabac ; où
s’arrêtera-t-on ? La pensée
d’avoir à sacrifier d’abord ceci,
puis cela jette cette sorte de
chrétiens dans une véritable
détresse. Le bien qui en résultera ne
leur vient pas à la pensée, parce
qu’ils ne songent qu’aux privations
à endurer.
Ces entreprises incessantes contre le royaume des
ténèbres les jettent dans la
détresse parce que leur but n’a jamais
été de rechercher et
d’ôter de ce monde tout ce qui
déshonore Dieu et fait du tort à
l’homme. Ils sont entrés dans
l’église, il se sont revêtus du
manteau de la religion, mais ils ne l’ont pas
fait avec la détermination de poursuivre ce
but ; jamais ils n’ont été
décidés à détruire le
péché partout et toujours,
aussitôt qu’ils en auraient connaissance
et autant qu’il serait en leur pouvoir.
Ces chrétiens sont ennuyés des
demandes incessantes des collecteurs pour les
missions, pour le colportage, etc. Autrefois quand
un homme riche donnait cent vingt-cinq francs par
année pour ces oeuvres, il trouvait que
c’était beaucoup ; mais les
demandes se sont tellement multipliées, les
contributions ont tellement augmenté, que
les chrétiens dont nous parlons sont dans
une anxiété continuelle
« Je n’aime pas ces
collectes, » disent-ils, « je
suis opposé à ce qu’on en fasse
dans l’église, cela ne fait que du
mal. » Et leur bile se décharge
surtout contre les agents des
sociétés religieuses.
Ils sont obligés de donner comme les autres,
afin de maintenir leur réputation, ou de ne
pas perdre leur « consolante
espérance. » Et, le niveau
spirituel s’étant élevé
depuis quelques années, je ne doute pas
qu’ils n’aient à donner le
quadruple de ce qu’ils donnaient, il y a vingt
ans, pour soutenir leur profession. Que
deviendront-ils si l’on prend tous les jours
de nouvelles mesures, si l’on entreprend tous
les jours de nouvelles oeuvres ?
22. Quand ils sont appelés
à renoncer à eux-mêmes pour
faire du bien, au lieu d’en être
contents, ils n’en éprouvent que de la
peine.
Ils ne connaissent rien de la joie qu’il y
à renoncer à soi-même. Il ne
leur entre pas dans l’esprit que le
renoncement à soi-même puisse
être agréable ; que l’on
puisse trouver son plaisir et sa joie à
s’oublier pour faire du bien aux autres. Ils
pensent que ce sont là, dans la religion,
des hauteurs telles que personne ne les a
atteintes. Cependant le vrai ami de Dieu et de
l’homme, qui ne pense qu’à faire
du bien, ne jouit jamais autant de son argent que
lorsqu’il peut le dépenser pour
l’avancement du règne de Christ ;
il comprend que c’est le meilleur placement
qu’il puisse trouver et c’est même
avec peine qu’il se voit obligé
d’employer son argent pour autre chose, alors
surtout qu’il voit se multiplier les occasions
de l’employer à faire le bien.
Je désire que vous tous qui m’entendez
soyez bien attentifs à ceci : si un
homme a mis tout son coeur à quelque chose,
il lui sera fort agréable de pouvoir y
consacrer son argent ; et plus il pourra
retrancher d’argent aux autres choses pour le
mettre à cette chose-là, plus il sera
content. Si donc quelqu’un trouve dur de
donner son argent pour l’avancement du
règne de Dieu, c’est qu’il
n’a point mis son coeur à cette
oeuvre ; s’il l’avait fait, il
donnerait avec joie. Que penseriez-vous de celui
qui, refusant de donner de son argent, se mettrait
à remuer l’église en faveur de
l’oeuvre des missions, sollicitant les dons
des autres quand il n’aurait lui-même
jamais donné un dollar ? Il serait
absolument démontré qu’il
n’a pas donné son coeur à la
cause de Christ ; car s’il l’avait
fait, il donnerait pour elle son argent aussi
volontiers qu’un verre d’eau
fraîche ; et plus il pourrait
économiser en faveur de cette cause, plus il
serait content.
23. Ils ne sont pas de ceux qui font
avancer l’oeuvre des réveils.
Ce n’est pas leur affaire. Il faut toujours
les traîner à l’ouvrage ; et
ce n’est que lorsque le réveil est bien
établi et que les émotions deviennent
vives, qu’ils paraissent s’y
intéresser. Mais vous ne les verrez jamais
prendre la direction de l’oeuvre, jamais
devancer les autres ; vous ne les entendrez
jamais dire à leurs frères :
« Allons ! et faisons quelque chose
pour le Seigneur. »
24. C’est un fait qu’ils ne
convertissent pas les pécheurs à
Dieu.
Dieu peut se servir d’eux de
différentes façons pour faire du
bien ; il se sert de Satan aussi ; mais,
en général, ils n’arrachent pas
les pécheurs du feu ; et la raison en
est que ce n’est pas là le but de leur
vie. Qu’en est-il de vous ? Avez-vous du
succès dans l’oeuvre de la conversion
des pécheurs ? Y a-t-il quelqu’un
qui puisse vous regarder comme l’instrument de
sa conversion ? Si vous vous étiez
véritablement donnés pour cette
oeuvre, vous ne pourriez. vivre sans la
faire ; vous vous y mettriez avec un tel
sérieux, avec une telle « agonie
de prières » que l’oeuvre se
ferait.
25. Ils ne manifestent pas une
grande
détresse à la vue du
péché.
Ils ne le reprennent pas : Ils aiment à
être mêlés aux scènes
dans lesquelles le péché est commis.
Ils aiment à se trouver où ils
peuvent entendre des conversations vaines ;
ils aiment même à s’y joindre.
Ils aiment la société mondaine, les
livres mondains. Leur esprit est mondain. Au lieu
de « haïr jusqu’au
vêtement souillé par la chair (Jude
1 : 23), » ils aiment à se
tenir sur les confins du péché, comme
trouvaient en lui leur plaisir.
26. Ils ne prennent que fort peu
d’intérêt aux récits de
réveils, de missions, etc.
Si quelque mission est sévèrement
éprouvée, ils ne s’en mettent
pas en peine, ils ne le savent même
pas ; si les missions prospèrent, ils
ne le savent pas non plus ; cela ne les
intéresse pas. Il en est de même pour
les journaux religieux, ils n’en lisent aucun.
Ou s’ils en lisent un et qu’ils en
viennent au récit d’un réveil,
ils le laissent de côté, pour courir
aux nouvelles du jour, à la polémique
ou à quelque autre chose. C’est tout
l’opposé des vrais amis de Dieu et de
l’homme qui aiment à suivre les
progrès des réveils et qui cherchent
tout d’abord, dans les journaux religieux, si
quelque réveil se montre ; et qui se
réjouissent lorsqu’il en est ainsi, et
on rendent grâce et gloire à Dieu de
toute leur âme. De même. pour les
missions, ces vrais amis de Dieu et de l’homme
sont de coeur avec les missionnaires et quand ils
apprennent que le Seigneur a répandu son
Esprit sur une mission, le feu d’une sainte
joie remplit toute leur âme.
27. Les chrétiens que nous
considérons aujourd’hui ne connaissent
qu’une religion toute négative,
légale, triste et laborieuse, et ils ne
visent pas plus haut.
L’amour de Christ ne les contraint pas
à une guerre constante contre le
péché, ni une vigilance continuelle
pour faire tout le bien qui est en leur pouvoir. Ce
qu’ils font est fait uniquement parce
qu’ils croient être obligés de le
faire ; c’est ainsi qu’ils se font
une piété de forme, une
piété où le coeur n’est
pour rien, piété sans valeur.
28. C’est à contre coeur
qu’ils prennent part à toute mesure
extraordinaire que prend l’église pour
avancer le règne de Dieu.
Si l’on propose quelque réunion
prolongée, vous verrez
généralement cette sorte de
chrétiens battre en retraite, faire des
objections et élever toutes les
difficultés qu’ils pourront. De
même pour tout effort extraordinaire que
l’on proposera de faire. Ils
préfèrent toujours la
« bonne vieille
méthode. » Et ils sont fort
ennuyés d’avoir chaque année
tant de choses à ajouter à leur
religion sous peine de voir leur espérance
plus ou moins ébranlée.
29. Ils ne jouissent pas de la
prière secrète.
Ce n’est pas parce qu’ils aiment à
prier, qu’ils prient dans le secret du
cabinet, mais parce qu’ils pensent que
c’est leur devoir, et qu’ils n’osent
pas le négliger.
30. Ils ne jouissent pas de la Bible.
Ce n’est pas parce qu’elle est douce
à leur âme « plus douce que
le miel », qu’ils la lisent ;
ils ne « jouissent » pas de
cette lecture comme on jouit de ce qu’il y a
de plus exquis au monde ; ils la font parce
que c’est leur devoir et que l’on ne peut
pas faire profession d’être
chrétien sans lire la Bible. Mais, en
réalité, ils trouvent que c’est
une lecture bien aride.
31. Ils ne jouissent pas des
réunions de prières.
La moindre excuse les dispense d’y aller. Ils
n’y vont qu’autant que cela est
nécessaire pour maintenir leur
réputation de piété ou pour
maintenir leur « consolante
espérance. » Vous pourrez les y
voir alors, non pas enflammés d’amour,
mais froids, distraits, tristes, joyeux seulement
quand la réunion est terminée.
32. Ils ne parviennent pas à
s’expliquer ce que pourrait bien signifier le
mot de désintéressement.
Servir Dieu parce qu’on l’aime et non en
vue d’une récompense, voilà ce
qu’ils ne peuvent comprendre.
33. Leur pensée n’est pas
anxieusement rivée à cette
question : « Quand donc le monde
sera-t-il converti à
Dieu ? »
Leurs coeurs ne sont pas angoissés par des
questions comme celles-ci : Combien de temps
encore la méchanceté
prévaudra-t-elle ? Quand verrons-nous
ce monde méchant arraché au
péché et à la mort ?
Oh ! quand les hommes cesseront-ils de
pécher contre Dieu ? Ils
s’occupent beaucoup plus de ces
questions : Quand mourrai-je ? Quand
irai-je au ciel ? Quand serai-je
délivré de tous mes soucis et de
toutes mes afflictions ?
1. Je crois que vous ne
m’accuserez pas d’exagération si
je dis que la religion que j’ai décrite
parait être celle d’un très grand
nombre de membres de l’église. Le moins
que l’on puisse dire, c’est qu’il y
a grandement à craindre qu’elle ne soit
la religion de la majorité de ceux qui font
profession d’être
chrétiens ; et il n’y a ni
méchanceté ni manque de
charité à dire cela.
2. Cette religion est radicalement
fausse.
Il n’y a aucun vrai christianisme en elle.
Elle diffère du christianisme autant que le
légalisme diffère de
l’Évangile, autant que les pharisiens
différaient de Jésus-Christ.
Maintenant, laissez-moi vous demander quelle est,
entre les deux classes de chrétiens
décrites dans ce discours et dans le
précédent, celle à laquelle
vous appartenez.
Ou est-ce que peut-être vous
n’appartiendriez ni à l’une ni
à l’autre ?
Il se peut qu’ayant conscience de ne pas
appartenir à la seconde, vous vous disiez
que vous appartenez à la première,
quand il n’en est rien, et que vous aurez
à vous reconnaître dans le tableau que
je ferai de la troisième.
Oh ! qu’il est important que vous sachiez
avec une entière certitude quel est votre
vrai caractère ! que vous sachiez si
vous êtes mus en religion par le vrai amour
de Dieu et de l’homme, ou si vous
n’êtes religieux qu’en vue de
vous-mêmes ! Oh ! quelle solennelle
pensée ! ces âmes dont j’ai
été le pasteur, ne seraient-elles
jamais arrivées à juger
intelligemment de cette question : sommes-nous
de vrais amis de Dieu et de l’homme, ou
n’en serions-nous pas ? Hâtez-vous
de résoudre cette question, mes
bien-aimés ! C’est maintenant le
moment de le faire !
Mettez-vous au clair sur ce point, puis allez
travailler à l’oeuvre de Dieu.
(Suite dans le prochain discours)
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