« Soyez observateurs de la Parole et non pas seulement « auditeurs, vous séduisant vous-mêmes. » Jacques I : 22.
Il y a, en religion, deux extrêmes également faux et
funestes ; et il y a deux classes d'hypocrites qui occupent ces
deux extrêmes. Les uns font consister la religion uniquement dans la
foi en certaines doctrines abstraites (du moins dans ce qu'ils
appellent la foi) et n'attachent que peu ou point d'importance à ce
qu'ils appellent les bonnes oeuvres. Les autres ne font consister la
religion que dans les bonnes oeuvres (je parle d'oeuvres mortes) et
n'attachent que peu on point d'importance à la foi en
Jésus-Christ ; ils espèrent faire leur salut par leurs propres
oeuvres. Les Juifs appartenaient généralement à cette dernière classe.
Ceux qui leur enseignaient la religion leur disaient qu'ils seraient
sauvés par l'obéissance à la loi cérémonielle. Aussi Paul semble-t-il
avoir, dès ses débuts, attaqué plus spécialement cette erreur des
Juifs. Il tenait à bien établir l'importante vérité que les hommes
sont justifiés par la foi en Jésus-Christ, en opposition à la doctrine
des scribes et des pharisiens qui faisait dépendre le salut de
l'obéissance à la loi. Il insista si sérieusement sur ce point, dans
sa prédication et dans ses épîtres, qu'il le fit admettre ; et
dès lors la grande doctrine de la justification par la foi fut établie
dans l'Église. Mais certains individus s'emparèrent bientôt de cette
doctrine, la poussèrent à l'extrême et proclamèrent que l'homme est
sauvé uniquement par la foi, indépendamment de toute espèce d'oeuvre.
Ils oubliaient ce principe évident que la vraie foi produit toujours
les bonnes oeuvres et qu'elle est elle-même une bonne oeuvre.
J'ai dit que ces deux extrêmes dont l'un fait consister la religion
uniquement en oeuvres extérieures, et l'autre uniquement dans la foi,
sont, également faux et également funestes. Ceux qui font consister la
religion uniquement en bonnes oeuvres oublient que les oeuvres
elles-mêmes ne sont point acceptables devant Dieu, à moins qu'elles ne
procèdent de la foi. Car sans la foi il est impossible de plaire à
Dieu. Et ceux qui font consister la religion seulement en foi,
oublient que la vraie foi opère toujours par la charité et produit
invariablement les oeuvres de l'amour.
Ces deux extrêmes sont également funestes, parce que d'un côté, sans
la foi personne ne peut être pardonné ou justifié ; et de
l'autre, sans la sanctification personne ne peut être préparé, ni pour
l'activité, ni pour les joies du ciel. Qu'un pécheur se détourne de
ses mauvaises actions, et qu'on suppose ses oeuvres aussi parfaites
qu'il les voit lui-même, il n'en reste pas moins qu'il ne peut être
pardonné sans la foi en l'expiation de Jésus-Christ. De même si
quelqu'un croit qu'il peut être justifié par la foi tandis que ses
oeuvres sont mauvaises, il a besoin d'apprendre que sans la
sanctification sa foi est morte et ne peut pas même être l'instrument
de sa justification.
Il me paraît que, dans son épître, l'apôtre Jacques se propose de
remettre ce sujet sous son vrai jour, de montrer exactement où se
trouve la vérité, et de faire comprendre tout à la fois la nécessité
de la foi et la nécessité des bonnes oeuvres. Cette épître est
vraiment pratique ; elle aborde de front toutes les grandes
questions pratiques du jour et elle les résout.
Il y a, en religion, deux sortes de doctrines : celles qui se
rapportent à Dieu et celles qui se rapportent à la conduite de
l'homme. Beaucoup de gens se contentent de la première sorte ;
ils pensent qu'il n'y a, à proprement parler, de doctrines que celles
qui se rapportent à Dieu, à ses attributs, à son mode
d'existence, à ses décrets, etc. Quand j'annonçai que je
commencerais une série de « Discours pratiques » j'espère
que vous ne m'avez pas attribué la pensée que ces discours ne seraient
pas dogmatiques ou qu'ils ne renfermeraient pas de doctrines. Mon
intention est de prêcher, si le Seigneur le veut, une série de
discours sur des doctrines pratiques. La doctrine que je me propose de
considérer maintenant est celle-ci : Celui qui professe la
religion et qui ne pratique pas ce qu'il reconnaît vrai se séduit
lui-même.
Il y a deux classes d'hypocrites parmi ceux qui font profession d'être
religieux : ceux qui trompent les autres et ceux qui se trompent
eux-mêmes.
L'une de ces classes est composée de ceux qui, sous une apparence
trompeuse de moralité et de religion, cachent l'inimitié de leur coeur
contre Dieu et réussissent à persuader aux autres qu'ils sont des gens
très pieux. C'est ainsi que les pharisiens obtinrent
la réputation d'être remarquablement pieux ; ils y
arrivèrent par leur extérieur religieux, leurs aumônes et leurs
longues prières.
L'autre classe est celle à laquelle se rapporte notre texte, elle est
composée de ceux qui ne trompent pas les autres mais se trompent
eux-mêmes. Ils sont orthodoxes en théorie et relâchés en pratique. Ils
semblent croire que la religion consiste en une quantité de notions
sans rapport avec la pratique, et ils se trompent eux-mêmes en se
tenant pour bons chrétiens tandis qu'ils sont destitués de vraie
sainteté. Ils sont auditeurs de la Parole, mais non observateurs de la
Parole. Us aiment la prédication orthodoxe et prennent grand plaisir à
entendre l'exposition des doctrines abstraites delà religion ;
leur imagination s'enflamme peut-être et leurs sentiments s'embrasent
à la vue du caractère et du gouvernement de Dieu ; mais ils n'ont
aucun soin de pratiquer les préceptes de la Parole de Dieu et n'aiment
point à entendre prêcher les doctrines qui se rapportent à la pratique
de nos devoirs.
Peut-être y a-t-il ici, ce soir, bien des personnes qui appartiennent
soit à l'une, soit à l'autre de ces deux classes d'hypocrites.
Maintenant, remarquez-le, je ne vais point prêcher ce soir à ceux
d'entre vous qui trompent les autres par la grande rigueur de leur
morale et par l'étalage qu'ils font de leur religion. Je m'adresse à
ceux d'entre vous qui ne pratiquent point ce qu'ils savent être
vrai ; à ceux qui sont auditeurs et non point pratiquants. Je
crois remplir un devoir en ajoutant que, selon toute vraisemblance, il
y a ici maintenant un grand nombre de personnes de ce caractère. Je ne
connais pas vos noms, mais je désire que vous compreniez que si votre
caractère est tel, vous êtes les personnes à qui je parle, exactement
comme si je vous nommais par vos noms. Je veux dire vous, vous qui
êtes là devant moi. Vous entendez la parole et vous
la croyez en théorie, tandis que vous la reniez en pratique. Je
vous dis que vous vous trompez vous-mêmes. Notre texte en est, la
preuve ; il est pour vous un formol : « Ainsi a dit le
Seigneur » qui ne permet pas de douter que tous ceux qui portent,
le caractère qui vous distingue, ne se séduisent eux-mêmes. Je
pourrais citer beaucoup d'autres passages des Écritures qui ne
laissent, non plus aucun doute à ce sujet. Mais je désire attirer
votre attention sur quelques considérations autres que le témoignage
direct de l'Écriture.
Premièrement, vous ne croyez pas véritablement l'Écriture. Vous
l'écoutez, vous admettez qu'elle est vraie, mais vous ne la croyez pas
véritablement. Ici laissez-moi vous dire que celui qui se trompe sur
ce point est responsable de son erreur. Ce n'est pas votre conscience
qui vous trompe, mais c'est vous qui ne discernez pas ce que votre
conscience témoigne. Deux choses sont indispensables à la foi
évangélique, c'est-à-dire à la foi qui sauve. La première est une
conviction intellectuelle de la vérité de ce qu'il s'agit de
croire ; non pas en tant que vérité abstraite seulement, mais en
tant que vérité ayant telle ou telle relation avec vous. C'est donc
cette vérité concernant votre conduite que vous devez recevoir
intellectuellement ; cela fait ; la vraie foi se montre
alors en entraînant un état correspondant du coeur. Cet état,
correspondant du coeur est toujours partie essentielle de la vraie
foi. Quand l'intelligence d'un homme est convaincue et qu'il admet la
vérité dans ses rapports avec sa personne, il doit encore donner sa
cordiale approbation à cette vérité telle qu'elle est dans sa relation
avec lui-même. Ces deux états d'esprit sont indispensables à la vraie
foi. La conviction intellectuelle de la vérité n'est pas la foi qui
sauve ; mais la conviction intellectuelle accompagnée d'un état
correspondant des affections du coeur, c'est là la foi qui sauve. Il
s'en suit que là où est la vraie foi, celle qui sauve, se trouve
toujours la conduite qui lui correspond. La conduite est
invariablement liée à la foi réelle. Il est tout aussi certain que les
hommes agiront comme ils croient, qu'il est certain que la volonté
dirige la conduite. Supposez que je dise à un homme :
« Croyez-vous cela ? » — « Oui, je le
crois, » répond-il ; mais que veut-il dire ? Il se peut
qu'il parle d'une conviction purement intellectuelle ; or, il
peut avoir cette conviction sans avoir la foi.
Un homme peut même éprouver un sentiment d'approbation pour une vérité
abstraite. Et c'est là ce que beaucoup de gens supposent être la vraie
foi ; — le sentiment d'approbation qu'ils éprouvent pour le
caractère et le gouvernement de Dieu, ainsi que pour le plan du salut
considéré abstraitement. Beaucoup de personnes, quand elles entendent
un éloquent sermon sur les attributs ou sur le gouvernement de Dieu
sont transportées d'admiration à la vue des choses excellentes qu'on a
déployées devant elles, mais cela sans avoir un atome de vraie foi.
J'ai entendu parler d'un incrédule transporté même jusqu'à l'extase en
considérant de tels sujets. La raison est ainsi constituée qu'elle
approuve naturellement et nécessairement la vérité considérée d'une
manière abstraite. Les plus méchants démons de l'enfer l'aimeraient
s'ils pouvaient la considérer en dehors de toute relation avec
eux-mêmes. S'ils pouvaient voir l'Évangile en dehors de toute relation
avec leur égoïsme, non seulement ils le trouveraient vrai, mais ils
lui donneraient encore leur approbation cordiale. Tous les êtres de
l'enfer, s'ils pouvaient voir Dieu dans son existence absolue, sans
aucune relation avec eux-mêmes, ne manqueraient pas de donner leur
cordiale approbation à son caractère. La raison pour laquelle les
méchants et les démons haïssent Dieu, c'est qu'ils le voient dans ses
rapports avec eux-mêmes. Leurs coeurs sont en révolte contre lui parce
qu'ils le voient opposé à leur égoïsme.
Ici se trouve la source d'une grande illusion au sujet de la religion.
L'homme voit qu'elle est vraie et se réjouit réellement en la
contemplant ; il ne s'occupe point des rapports qu'elle a avec
lui, il aime à l'entendre prêcher et il prétend en être nourri ;
mais voyez ! il s'en va et il ne la met point en pratique. Voyez
cette personne ; elle est malade et sa sensibilité est très
vive ; à la vue de Jésus-Christ, aimable et tendre Sauveur, son
coeur se fond et elle éprouve une vive sympathie pour lui.
Pourquoi ? Il en est ainsi par la même raison qui lui ferait
éprouver les plus vives émotions au sujet du héros d'un roman. Mais
elle n'obéit pas à Christ ; elle n'agit jamais pour l'amour de
Lui ; elle le considère en lui-même, sans s'occuper des rapports
qu'il peut avoir avec elle ; elle fait ses délices de son
caractère glorieux et souverainement aimable ; mais pendante ce
temps elle demeure dans le fiel le plus amer. Il est donc évident que
votre foi doit être une foi efficace qui règle votre conduite et
produit les bonnes oeuvres, autrement ce n'est point la foi de
l'Évangile, ce n'est point du tout une foi réelle.
Il est d'autant plus manifeste que vous vous séduisez vous-mêmes, que
toute vraie religion consiste en obéissance. Quelle que soit donc
l'approbation que vous donniez au christianisme, vous n'avez pas de
religion à moins que vous ne lui obéissiez. En disant que toute
religion consiste en obéissance, je ne parle nullement d'obéissance
extérieure. La première obéissance, c'est la foi elle-même, la vraie
foi qui opère par l'amour et produit des actions en conséquence. Il
n'y a de réelle obéissance que celle du coeur : l'amour est
l'accomplissement de la loi ; et la religion consiste dans
l'obéissance du coeur avec la conduite extérieure qui en résulte.
Celui donc qui entend la vérité, l'approuve et ne la pratique pas, se
trompe lui-même. « Il est semblable à un homme qui contemple son
visage naturel dans un miroir, et qui, après s'être regardé, s'en va,
et oublie aussitôt quel il était. »
Cet état d'esprit que par erreur vous prenez pour de la religion,
cette conviction intellectuelle de la vérité et cette approbation que
vous lui donnez quand elle se présente dans sa forme abstraite, sont
si loin d'être la preuve que vous êtes pieux, qu'on les trouve aussi
communément chez les méchants que chez les bons, du moins lorsque la
vérité se présente en dehors des rapports qu'elle doit soutenir avec
nous. C'est là la raison pour laquelle il est souvent difficile de
convaincre les pécheurs qu'ils sont opposés à Dieu et à la vérité.
L'homme est ainsi constitué qu'il approuve la vertu, qu'il admire le
caractère et le gouvernement de Dieu, et qu'il approuverait et
admirerait toutes les vérités de la Bible, s'il pouvait les voir
abstraitement, sans aucune relation avec sa propre personne. Et quand
il est soumis au régime d'une prédication qui présente la vérité de
manière à ce qu'elle n'ait pas beaucoup de rapports soit avec sa vie
intérieure, soit avec la conduite qu'il doit tenir, il peut entendre
cette prédication pendant des années et des années sans jamais
reconnaître qu'il est un rebelle opposé à Dieu et à son gouvernement.
Je suis de plus en plus persuadé que dans toutes nos églises se
trouvent de grandes multitudes à qui les doctrines abstraites de
l'Évangile sont beaucoup prêchées, multitudes qui aiment la
prédication, qui aiment à entendre parler de Dieu et de toutes les
choses de Dieu et qui cependant sont encore inconverties. Il n'y a pas
de doute que beaucoup de gens n'aillent dans les lieux de culte, parce
qu'ils aiment la prédication orthodoxe, quand, après tout, il est
manifeste qu'ils ne sont point des observateurs de la Parole. Le mal
est qu'ils n'ont pas été placés sous l'influence d'une prédication
approfondie et pénétrante qui leur eût montré la vérité dans tous ses
droits sur leurs propres personnes ; et maintenant qu'ils sont
dans l'église, toutes les fois que la vérité leur est prêchée dans
la relation pratique qu'elle doit soutenir avec eux, ils montrent
l'inimitié de leur coeur irrégénéré en s'opposant à la vérité.
C'est chose convenue pour eux qu'ils sont chrétiens, et comme tels ils
se joignent à une église, parce qu'ils aiment à entendre la
prédication de la saine doctrine et qu'ils l'approuvent, ou parce
qu'ils lisent la Bible et approuvent ce qu'elle dit. Mais si leur foi
n'est pas assez puissante pour influencer leur conduite et s'ils ne
considèrent pas la vérité dans sa relation avec leur vie pratique de
chaque jour, leur foi ne les affecte pas même autant que la foi des
démons n'affecte les démons.
1. On a commis une grande injustice en portant sur les
vrais chrétiens des jugements défavorables qu'en réalité les faux
chrétiens méritent seuls.
À ce qu'on dit, un célèbre prédicateur donnait, il y a peu de temps,
cette définition du chrétien : « Un peu de la grâce et
beaucoup du diable. » Je donne un démenti absolu à cette
définition ; elle est fausse et désastreuse. « Beaucoup du
diable », c'est parler de manière à faire l'impression que les
vrais chrétiens sont les êtres les plus méchants qu'il y ait sur la
surface de la terre. II est vrai que quand ils pèchent leur
culpabilité est grande ; car pour un chrétien pécher est
hautement criminel. Aussi les chrétiens éclairés voient-ils dans leurs
péchés une grande méchanceté. Quand ils comparent leurs obligations
avec leur vie, ils sont grandement humiliés, et expriment leur
humiliation en un langage fort énergique. Mais ce n'est pas vrai
qu'ils soient aussi méchants que le démon, ni même qu'ils en
approchent. Ceci est parfaitement démontrable. Le péché prend une
gravité exceptionnelle quand il apparaît en eux ; il est alors
d'une méchanceté extrême aux yeux de Dieu. Mais supposer que des gens
soient, de vrais chrétiens pendant qu'ils vivent au service du diable,
ou qu'ils aient alors quelque religion, c'est une pensée qui non
seulement est fausse, mais qui est encore des plus dangereuses.(1)
Elle est faite aussi bien pour encourager les relaps, les apostats et
toute la classe des hypocrites qui n'aiment point la loi, que pour
faire le plus grand tort à la cause de Christ dans l'esprit des
adversaires. La vérité est que ceux qui n'obéissent pas à Dieu ne sont
pas chrétiens. La doctrine contraire est la ruine des églises ;
en effet elle les remplit d'une foule de gens dont la piété se réduit
à l'adoption de certaines notions ou de certaines formalités. tandis
qu'ils n'ont jamais entendu obéir de tout leur coeur aux exigences de
l'Évangile.
2. Ceux qui sont beaucoup plus zélés pour les doctrines que
pour la pratique et qui mettent beaucoup plus importance à cette
classe de doctrines qui se rapportent à Dieu qu'à celles qui se
rapportent à leur propre conduite, sont ANTINOMIENS
Il y a beaucoup de gens qui reçoivent cette classe de doctrines de la
Bible qui se rapportent à Dieu, qui l'approuvent et qui l'aiment, et
qui cependant n'ont pas un atome de vraie religion ; ils ne sont
jamais « nourris », comme ils disent, par aucune prédication
autre que par celle qui traite de certains points abstraits de
doctrine. Ce sont des antinomiens : pareils précisément à ceux
contre lesquels l'apôtre Jacques écrivit son épître ; ils font
consister la religion en un ensemble de notions et de théories et ne
mènent point une vie sainte.
3. Quant à cette classe de chrétiens de profession qui
n'aiment jamais à entendre parler de Dieu, de ses attributs, de la
Trinité, des décrets divins, de l'élection et autres doctrines
semblables, et n'attachent d'importance qu'à la pratique religieuse, à
l'exclusion de la doctrine religieuse, ce sont tout simplement des
pharisiens.
Ils ont de grandes prétentions à la piété extérieure, ils ont
peut-être des élans intérieurs, de vives émotions empreintes d'une
certaine teinte poétique, tandis qu'ils ne veulent pas recevoir les
grandes vérités qui se rapportent à Dieu et qu'ils renient les
doctrines fondamentales de l'Évangile.
4. La tendance, le but de toute vraie doctrine, quand elle est
crue véritablement, c'est de produire une conduite et une vie
irréprochables.
Partout où vous voyez quelqu'un se
conduire d'une manière hérétique (répréhensible), vous pouvez
être certain que sa foi est hérétique aussi. La foi qu'il a dans le
coeur est juste aussi hérétique que sa vie. Il peut n'être pas
hérétique dans ses idées et dans ses théories ; il peut être
parfaitement orthodoxe sur les points mêmes où il est hérétique en
pratique. Mais il ne les croit pas réellement
Voyez ce pécheur insouciant se précipitant à corps perdu dans la
recherche des richesses. Croit-il véritablement qu'il avance
constamment vers la mort ? Peut-être direz-vous qu'il sait qu'il
doit mourir. Mais je réponds que tant qu'il est plongé dans sa
recherche avide, il ne croit pas qu'il marche sans cesse à la mort. Ce
sujet n'est pas du tout présent à son esprit à ce moment-là, aussi
est-il impossible qu'il croie, dans cet état de complète insouciance.
Vous lui demandez s'il s'attend à vivre toujours et il vous
répond : « Oh ! non ! je sais bien que je dois
mourir ; tous les hommes sont mortels. » Aussitôt en effet
qu'il tourne ses pensées de ce côté-là. il donne son assentiment à la
vérité ; et s'il pouvait garder cette conviction dans son esprit
jusqu'à ce qu'elle fût gravée dans son coeur d'une manière permanente,
il changerait infailliblement de conduite et vivrait pour le monde à
venir an lieu de vivre pour celui-ci. Il en est parfaitement de même
en religion : quelles que soient les choses qu'un homme croit
réellement, il est absolument aussi certain que sa foi gouverne sa
conduite qu'il l'est que sa volonté dirige ses actions.
5. L'Église a beaucoup trop agi, et depuis longtemps, dans le
sens antinomien.
Elle a été très attachée aux doctrines les plus abstraites et a trop
perdu de vue les plus pratiques. Elle a recherché et exigé
l'orthodoxie dans les premières bien plus que dans les secondes.
Examinez les confessions de foi des églises et vous verrez que toutes
donnent la place principale aux doctrines qui n'ont que peu de rapport
avec la pratique. On peut être le plus grand hérétique quant à la
pratique, pourvu qu'on ne soit point ouvertement profane ou vicieux et
qu'on garde une bonne position dans l'église. Que la vie corresponde
ou ne corresponde pas aux exigences de l'Évangile, ce n'est point ce
que l'on prend en considération. N'est-ce pas monstrueux? Quand on
entreprend de purifier l'église quant à ce qui touche à ses
erreurs pratiques, elle ne peut le supporter. Que d'irritation et
d'opposition, en effet, ne produit-on pas lorsqu'on essaie de purifier
l'église de sa participation aux péchés de l'intempérance, de la
violation du jour du repos et de l'esclavage? Et pourquoi est-il
si difficile d'amener l'église à tenter un sérieux effort pour la
conversion du monde? Quand l'église sera-t-elle purifiée et le monde
converti? Cela n'arrivera pas tant que l'on n'aura pas reconnu que
l'hérésie de la pratique est la preuve de l'hérésie de la foi. Cela
n'arrivera pas tant qu'un homme pourra renier tout l'Évangile par sa
conduite de chaque jour et cependant passer dans l'église pour
un bon chrétien.
6. Voyez comment un pasteur peut être trompé quant à l'état de
son église.
Il prêche beaucoup de doctrines abstraites qui ne se rapportent pas
immédiatement à la pratique, et ses auditeurs disent qu'ils sont «
nourris » et s'en réjouissent ; et lui, il pense qu'ils croissent dans
la grâce, quand en fait il n'y a aucun signe certain qu'il y ait
quelque religion parmi eux. Si, an contraire, il prêchait des
doctrines pratiques et que ses auditeurs montrassent qu'ils aiment la
vérité quand elle leur est appliquée, et qu'ils le montrassent en la
pratiquant, il serait manifeste alors qu'il y a parmi eux un véritable
amour de la vérité.
Si un pasteur constate que son troupeau aime la prédication des
doctrines abstraites, mais que lorsqu'il en vient à insister sur les
doctrines pratiques, ses auditeurs se révoltent, il peut être certain
que s'il y a quelque religion dans l'église qu'il dirige, cette
religion est dans un triste état ; et si, après un loyal essai, il
constate qu'il ne peut pas amener ses auditeurs à recevoir un
enseignement religieux d'un caractère pratique et direct, il peut être
sûr qu'ils n'eut pas un atome de religion, et qu'ils ne sont
absolument que des antinomiens qui pensent pouvoir aller au ciel avec
une foi morte, avec une abstraite orthodoxie.
7. Quelle immense multitude de gens n'y a-t-il pas qui font
profession d'être religieux et qui se trompent eux-mêmes !
Beaucoup supposent qu'ils sont chrétiens parce qu'ils éprouvent des
émotions à la vue de la vérité, mais ils ne la reçoivent que
lorsqu'elle leur est présentée de façon à ce qu'ils ne voient pas les
droits qu'elle a sur eux. Si au contraire vous la leur présentez telle
qu'elle est par rapport à eux, de manière à détruire leur orgueil et à
les arracher à leur mondanité, ils résisteront aussitôt. Voyez quelle
multitude d'églises orthodoxes et de chrétiens orthodoxes se
nourrissent et vivent de doctrines abstraites ; et maintenant
considérez leur vie et voyez combien peu la foi qu'ils professent à
d'influence sur eux. Ont-ils la foi qui sauve ? Non, cela ne se
peut pas. Je ne veux pas dire qu'aucun des membres de ces églises ne
soit pieux ; je dis que ceux qui ne pratiquent pas ce qu'ils
reçoivent en théorie, qui sont auditeurs et non observateurs de la
Parole, se trompent eux-mêmes.
Il s'agit maintenant de savoir combien d'entre vous croient réellement
les vérités que vous entendez prêcher. Je me suis proposé de faire une
série de discours « pratiques ; » mais je n'ai pas eu
la pensée de prêcher des discours qui ne contiennent pas de
doctrines ; ce serait ne pas prêcher du tout. Ce que je désire
est de savoir si vous, église ; vous voulez faire ce que vous
savez être vrai. Que je ne réussisse pas à vous convaincre que telle
doctrine que j'avance soit vraie, c'est une autre affaire, et ce
serait une raison pour que vous ne la missiez pas en pratique ;
mais si je réussis à vous prouver par les Écritures et à convaincre
votre intelligence qu'elle est vraie, et que cependant vous ne la
pratiquiez pas, j'aurai alors devant mes propres yeux la manifestation
de votre vrai caractère et je ne continuerai pas à me tromper en
gardant la pensée que vous êtes une église chrétienne.
Avez-vous conscience que l'Évangile produit sur vous un effet
pratique, en rapport avec votre avancement dans la connaissance ?
Vous a-t-il sevré du monde et des choses qui sont au monde ?
Est-ce là votre expérience, que lorsque vous avez admis quelque vérité
pratique, vous l'aimez, vous aimez son application à votre propre
personne et vous prenez plaisir à la pratiquer ? Si vous ne
croissez pas dans la grâce, devenant de plus en plus saints, vous
abandonnant vous-mêmes à l'influence de l'Évangile, vous vous séduisez
vous-mêmes. Vous, anciens de cette église, où en êtes-vous
maintenant ? Et vous, pères et mères de famille, où en
êtes-vous ? Quand vous entendez un sermon, vous en emparez-vous,
l'emportez-vous dans vos demeures et l'y mettez-vous en
pratique ? Ou bien serait-il vrai que vous le recevez dans votre
esprit, que vous l'approuvez et que vous ne le pratiquez jamais ?
Malheur à l'homme qui admet la vérité, puis qui s'en retourne ne la
pratiquant point, ressemblant à celui qui « regarde son visage
naturel dans un miroir et qui, après s'être regardé, s'en va et oublie
aussitôt quel il était ! »
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