Ce volume fut publié en 1850 par la Société des Traités religieux de Toulouse. Nous l'avons lu avec intérêt et édification, et estimant qu'il peut servir utilement la cause de la Bible, aujourd'hui comme à son apparition, nous publions cette nouvelle édition.
J. P. D.
« Ces discours sont essentiellement un témoignage rendu par un chrétien à l'Écriture qu'il aime, en laquelle il a une confiance pleine de respect et à laquelle il croit son devoir d'obéir. C'est comme témoignage que je les publie. S'il faut confesser Christ, il faut aussi confesser sa Parole. »
(Tiré de la préface de l'édition de 1850.)
MES FRÈRES,
Nous poserons, comme base de cet entretien,
trois paroles du Seigneur, qui nous sont
rapportées dans le chapitre IVe de
l'Évangile de l'apôtre Matthieu.
La première parole se lit au verset
4e, en ces mots.
IL EST ÉCRIT.
La seconde parole se lit au verset 7e, en
ces mots :
IL EST ÉCRIT.
La troisième parole se lit au verset
10e, en ces mots :
IL EST ÉCRIT.
Le Seigneur vient d'être
baptisé ; les cieux se sont
ouverts ; l'Esprit de Dieu est venu sur
lui ; une voix a dit : Celui-ci est
mon fils bien-aimé, en qui J'ai mis mon
affection ; son ministère va
commencer ; il est mené par l'Esprit
dans le désert ; il y est tenté
par le diable. L'Eglise doit être attentive
à la manière dont son divin Chef va
repousser l'ennemi.
Quelle est la première arme qu'il
nous faudra employer dans nos luttes avec
l'Adversaire ? - Le Seigneur
répond : L'Écriture...
Retournons à la charge et demandons :
Quelle est la seconde ? - L'Écriture... et la
troisième ? - Le Seigneur
répondra : L'Écriture !...
Quand on est appelé à
combattre une erreur, deux dangers se
présentent : le premier, de n'avoir pas
assez d'amour pour ceux qui se trompent ; le
second, de n'avoir pas assez de décision
contre l'erreur. je demande à Dieu de me
préserver de l'un et de l'autre. Il est des
affections vraies et profondes qui résistent
même à de grands naufrages :
elles ont été tout au fond du coeur,
et elles n'en sortiront jamais ; depuis
quelque temps, je n'ai pas
cessé de le sentir. Mais, d'un autre
côté, quand la base de la foi des
chrétiens est attaquée, quand de
jeunes esprits, dont l'Eglise aimait à
concevoir de douces espérances, tombent dans
le piège, entraînés par la
nouveauté qui a tant de charmes à
vingt ans, et, hélas ! obstruent
eux-mêmes l'entrée de leur
carrière au moment où ils allaient la
commencer ; quand on voit se répandre
des doctrines directement opposées à
celles qu'a enseignées le Seigneur de
gloire, celui qui a apporté la
vérité sur la terre, comment de
telles choses nous laisseraient-elles muets ?
« Ah ! » disait Calvin dans ces mêmes murs de Genève, un chien aboie bien quand on attaque son maître, et moi, je me tairais quand on attaque mon Seigneur et mon Dieu ! »
Toutefois, mes frères, je le déclare, je ne viens m'occuper ni d'un homme ni d'un enseignement particulier. Sans doute, cette réunion a une occasion spéciale ; mais mon intention est, non de lutter avec mes adversaires, mais d'affermir les coeurs de mes amis. Ne l'oubliez pas. La première de ces tâches serait pénible ; la seconde est pleine de douceur. Je ne viens pas parler à l'Eglise comme docteur, mais comme ancien, prémunir ce troupeau et lui dire, avec Jean : L'ancien à ceux qu'il aime dans la vérité. Marchez dans ce que vous avez entendit dès le commencement. - Nous parlons devant Dieu, pour votre édification.
« S'il en est, disait Luther, qui reconnaissent que les écrits évangéliques sont la parole même de Dieu, nous voulons bien parler avec eux ; mais avec ceux qui le nient, nous n'échangerons pas un mot. On ne doit pas discuter avec ceux qui rejettent les prima principia, les fondements essentiels. Les philosophes païens eux-mêmes ont dit. « Contra negantem prima principia non esse disputantum. » Ainsi parle Luther. Je suivrai ce précepte.
Et en m'adressant à vous, qui êtes assemblés dans cet oratoire, je me rappellerai que présenter la vérité est le meilleur moyen de prévenir l'erreur. Il se pourrait que quelqu'un prétendît un jour que le soleil n'a pas de lumière. Cela s'est vu, et, hélas ! pis encore. Si cette assertion était faite en présence de personnes auxquelles on me demandât de prouver le contraire, je les prendrais par la main, je les sortirais de la cave, où, à la lueur d'une lampe sépulcrale, ou eût avancé cette étrange assertion, je leur montrerais le soleil, « semblable, dit le prophète, » à un vaillant qui s'apprête à faire sa course, » et ce serait toute ma démonstration.
- Les noirs habitants des déserts
- Insulter, par leurs cris sauvages,
- L'astre éclatant de l'univers.
- Cris impuissants ! Fureurs bizarres !
- Tandis que ces monstres barbares
- Poussaient d'insolentes clameurs,
- Le Dieu, poursuivant sa carrière,
- Versait des torrents de lumière
- Sur ces obscurs blasphémateurs. »
Nous ne ferons pas autrement quand il s'agit de
la Parole de Dieu.
Attaquées dans tous les
siècles, attaquées maintenant encore,
les saintes Écritures le seront aussi dans
les siècles futurs. Mais vous connaissez le
symbole qu'aimaient nos pères : une
enclume sur laquelle trois hommes faisaient tomber
les coups de leur marteau, et autour de l'enclume
cette devise :
Voilà l'histoire de la parole
écrite de Dieu.
Ne craignez donc point ! Si vous vous
trouviez un jour au pied du Mont-Blanc, à la
place où ce géant des monts jette
dans la terre des inébranlables fondements,
et que vous vissiez quelques
petites fourmis, sortant de leur
fourmilière, travailler, creuser, piquer,
courir, prendre, l'une un brin d'herbe, l'autre un
grain de sable, croiriez-vous que le Mont-Blanc va
chanceler ? Et penseriez-vous que d'autres
petites fourmis, telles que nous, dussent faire la
guerre à leurs camarades pour empêcher
nos Alpes gigantesques de s'écrouler ?
- Non, certes. - Eh bien ! réunissez
les efforts de tous les hommes qui ont, en tout
lieu et en tout temps attaqué la Parole de
Dieu : il n'y a pas plus que cela. Je me
trompe : il y a moins. La sainte
Écriture, quand elle reçoit la
piqûre des hommes, ne court pas même le
danger auquel est exposé le Mont-Blanc quand
une fourmi l'attaque. Jésus-Christ n'a pas
dit seulement : « Le
Mont-Blanc
passera, » mais il a dit : La
terre (la
terre
avec ses plus hautes montagnes), la
terre et les cieux passeront,
mais mes paroles ne passeront point.
S'il en est ainsi, pourquoi ma bouche
s'ouvre-t-elle au milieu de vous ? je ne
crains pas pour l'Écriture de Dieu, mais je
crains pour beaucoup d'esprits faciles à
induire en erreur. Je sais que, quand un
réveil a duré une
génération, - c'est le cas du
nôtre, - on le voit souvent
décliner ; et que, si les serviteurs du
père de famille dorment, l'ennemi se
plaît alors à semer l'ivraie, dans le
champ. je vois dans le siècle actuel
beaucoup de penchants mauvais,
en harmonie avec ces doctrines nouvelles qui
s'opposent à l'autorité de
l'Écriture de Dieu. Je pense que, si nous
voulons maintenir la maison de Dieu, le temple
saint du Seigneur, il ne suffit pas de
s'opposer à ceux qui veulent en jeter bas
les murailles ; mais il faut tout
premièrement repousser ceux qui voudraient
enlever les pierres mêmes sur lesquelles le
temple repose. Or, vous êtes
édifiés, dit saint Paul, sur
le fondement des apôtres et des
prophètes, dont la pierre angulaire est
Jésus-Christ.
La divine autorité des
Écritures et leur inspiration sont deux
vérités distinctes, mais
inséparables. L'autorité des
Écritures provient de leur inspiration, et
leur inspiration établit leur
autorité, de la même manière
que la trempe produit l'acier et que l'acier
provient de la trempe. Si l'autorité tombe,
l'inspiration tombe ; si c'est, au contraire,
l'inspiration qui nous est enlevée,
l'autorité aussi disparaît.
L'Écriture sans l'inspiration, c'est
un canon dont on a ôté la charge. Mais
n'ayez pas peur ! le canon ne se laisse pas
décharger. Le docteur Twesten a
déjà remarqué que
l'autorité et l'inspiration des
Écritures sont si étroitement unies,
que l'on ne peut parler de l'une de ces doctrines
sans parler de l'autre.
« Ce que nous reconnaissons comme l'exposition inspirée d'une révélation divine, » dit-il, nous devons aussi le recevoir comme la Parole de Dieu (1). », I Thes., II, 13).
Ainsi, deux méthodes se présentent
à nous. Il y a une manière
d'établir l'inspiration des
Écritures : c'est de montrer leur
divine autorité ; mais il y a aussi une
manière d'établir l'autorité
des Écritures - c'est de montrer leur divine
inspiration. C'est la première de ces
méthodes que je suivrai dans ces
entretiens.
Voyons donc quels sont les
témoignages que nous avons en faveur de la
divine autorité des Écritures.
Ces témoignages se divisent en deux
classes : les uns viennent de Dieu, les autres
viennent des hommes ; les uns sont du ciel,
les autres de la terre.
je vous dirai quelque chose aujourd'hui sur
le témoignage de Dieu, et, si le Seigneur le
permet, dimanche prochain, sur le témoignage
des hommes. je dis quelque chose, car je ne
me propose point de traiter le sujet dans toute son
étendue ; et, conformément
à mes habitudes, je l'envisagerai plus
particulièrement, sous un point de vue
historique. je pourrai ainsi éclaircir deux
points d'histoire sur lesquels on est tombé
dernièrement dans de palpables
erreurs.
S'il y a deux époques importantes
pour l'Eglise chrétienne et pour toute
l'humanité, ce sont, premièrement,
l'époque du commencement du
christianisme ; et secondement, celle de la
Réformation. Or, quels sont les principes de
ces deux époques, quant à la divine
autorité de la sainte Écriture ?
Il est important pour nous de le savoir, et
d'autant plus que c'est précisément
ici que les deux erreurs dont je parle ont
été commises.
L'erreur dans laquelle on est tombé,
quant à l'époque de la
Réformation, je vous la dirai, si Dieu le
veut, dimanche prochain. Pour aujourd'hui, nous
n'avons affaire qu'à celle qui concerne le
commencement du christianisme. La voici :
La Bible, a-t-on dit, n'est plus pour le
simple fidèle une autorité ;
l'idée d'inspiration, qui constitue le
recueil sacré du Nouveau Testament et sa
dignité, est l'un des éléments
de ce catholicisme qui s'est insensiblement
développé dans l'ancienne
Église. On recourut à
l'autorité d'un code inspiré, comme
on recourut à l'autorité de
l'épiscopat et à la vertu magique des
sacrements. Le biblicisme est le fléau de
l'Eglise. Ce serait, à ce qu'il parait, le
besoin de s'opposer à la secte gnostique qui
aurait fait inventer l'autorité de
l'Écriture. Voilà la première
erreur.
Il n'est peut-être pas d'opinion plus
étrange que celle qui
regarde l'autorité de la sainte
Écriture comme appartenant au
catholicisme.
Le catholicisme, chacun le sait,
consiste précisément à mettre
l'autorité humaine de l'Eglise au-dessus de
l'autorité divine des Écritures. Dire
que c'est le catholicisme qui a produit
l'autorité de l'Écriture qui lui est
contraire, c'est comme si l'on disait que c'est la
Réformation du seizième siècle
qui a produit la papauté.
Cette erreur, contraire à la nature
même de ces institutions, ne l'est pas moins
à l'histoire. Nous le verrons dimanche
prochain, quant au témoignage des hommes.
Aujourd'hui, je vous présenterai le
témoignage rendu de Dieu à
l'autorité de la sainte Écriture, et
rendu bien avant le catholicisme. Ce
témoignage est double. Il y a :
1° Le témoignage du Fils ;
2° Le témoignage du Saint-Esprit.
Ces deux témoignages sont de nature fort diverse. Le témoignage du Fils, étant rendu par la Parole, est surtout extérieur. Le témoignage du Saint-Esprit, étant rendu par l'Esprit, est surtout intérieur. Mais ces deux témoignages, quoique distincts, n'en forment au fond qu'un seul ; ils proviennent tous les deux du Père. Le Père, que nul n'a vu ni ne peut voir, s'est manifesté sur la terre premièrement par le Fils, puis par le Saint-Esprit. Or, le Père a voulu que ces deux grandes manifestations de sa divinité rendissent l'une et l'autre témoignage à l'Écriture. je commence par le témoignage du Fils.
Je viens vous dire historiquement ce qu'a
enseigné le Seigneur Jésus-Christ,
quant à la divine autorité de
l'Écriture.
Permettez que j'écarte d'abord une
objection que quelques-uns d'entre vous seraient
peut-être disposés à me faire.
- Il y a dans votre méthode une
pétition de principe, me dira-t-on :
vous vous mouvez dans un cercle vicieux. Vous ne
pouvez faire usage de l'autorité de
Jésus-Christ pour prouver l'autorité
de l'Écriture.
Je pourrais me contenter d'une
réponse à cette objection, mais j'en
ferai trois ; et puis je continuerai.
Voici la première :
On a prétendu que la divine
autorité des Écritures (vous l'avez
entendu) était une doctrine du catholicisme,
inventée au second siècle contre le
gnosticisme. Pour montrer la fausseté de
cette assertion, je prouve que cette doctrine a
été établie
dès les temps du ministère de notre
Seigneur, et par le Fils de Dieu lui-même.
N'est-ce pas procéder
logiquement ?
Voici la deuxième
réponse :
Il s'agit de savoir quel est l'enseignement
du christianisme, quant à l'autorité
qu'il faut admettre pour être
chrétien. Eh bien ! où
apprendrai-je la doctrine du christianisme, si ce
n'est dans les enseignements de Jésus et des
apôtres ? Voulez-vous que j'aille la
demander, à Bouddha ou à Socin ?
Remarquez-le bien : on peut n'être pas
chrétien évangélique ;
j'en reconnais à chacun le droit. On peut
être mystique, rationaliste, déiste,
catholique romain, mahométan
même ; mais on ne peut être
disciple de Christ qu'autant que l'on reçoit
l'enseignement de Christ.
Quand a-t-on prétendu être
disciple, de celui dont on combat les
enseignements ? Quoi !
Tycho-Brahé, disciple de Copernic ! -
Eh bien ! si vous, mes frères, vous
êtes décidés à
être disciples de Christ, plutôt que de
Socin, du Pape ou de Mahomet, je vous dirai ce que
Christ enseigne.
Voici ma troisième
réponse :
Il ne serait pas même
nécessaire, pour mon argument, d'admettre
à l'avance la divine autorité et
l'inspiration des Écritures. Si vous le
voulez, ne considérez d'abord la sainte
Écriture que comme un
témoignage historique. Il est
évident, même d'après des
procédés purement historiques, que
Jésus-Christ et les apôtres ont cru
à l'autorité divine des
Écritures et leur ont rendu
témoignage. Or, je reconnais dans
Jésus-Christ et dans les apôtres des
témoins tellement saints, vrais, dignes de
foi, que, si je voulais révoquer en doute ce
qu'ils ont dit, je devrais révoquer en doute
bien d'autres autorités universellement
admises. Il n'y aurait plus alors pour moi dans les
documents les plus respectés de l'histoire,
ni dans César, ni dans Comines, ni ailleurs,
de témoignage historique qui eût
quelque valeur. Il n'y a donc point ici de
pétition de principe. Je procède au
contraire comme en mathématiques. Je me sers
d'une proposition admise, savoir : l'honnêteté du
témoignage de Christ et des apôtres,
pour établir une autre proposition qui en
découle nécessairement, savoir :
la divinité de ce témoignage.
Il y a ici exactitude géométrique.
Ces trois remarques faites, avançons.
La foi est l'essence du christianisme. Il
faut croire pour avoir la vie éternelle. Or,
pour croire, il faut avoir un témoignage. Comment croiront-ils en
Celui dont ils n'ont
point ouï parler ? Cela est vrai pour
toute espèce de foi. C'est par la foi
seulement que vous savez que César,
Alexandre, tous les héros et les peuples de
l'antiquité ont existé ; vous ne
les avez jamais vus, mais vous
avez, pour croire, le témoignage des
chroniqueurs et des historiens. Même ce n'est
que par la foi que vous savez que vous avez des
frères, des soeurs aînés, un
père, une mère ; c'est sur le
témoignage de ces frères, de ce
père, de cette mère, que vous le
croyez.
À plus forte raison faut-il un
témoignage, quand il s'agit des choses que nul homme n'a vues ni
ne peut voir.
Il faut un témoignage, car il n'est
pas possible de croire quand rien n'est
présenté à notre foi ;
autant vaudrait-il dire que l'on peut manger sans
aliments, ou que l'on peut connaître un pays
lointain, les, Indes ou Otahiti, sans le
témoignage des géographes ou des
voyageurs. Cela ne se fait que dans les
rêves, et des rêves ne sauvent pas. Le
témoignage est la matière
première, sans laquelle la foi ne peut
exister.
Mais, de plus, quand ce sont les choses
divines qu'il s'agit de connaître par la foi,
il faut un témoignage d'une espèce
toute particulière. Ce n'est pas un
témoignage d'hommes qu'il nous faut, ces
hommes fussent-ils même des héros
religieux. Nous savons comment nos semblables
se trompent pour les choses de la terre :
aussi nous n'avons pas envie de nous fier à
eux pour les choses du ciel. Il nous faut une révélation qui
vienne de Dieu,
et il faut que l'exposition de cette
révélation dans l'Écriture
vienne aussi elle-même de Dieu. Si Dieu nous
a donné une révélation, il
faut qu'il ait pourvu à ce qu'elle nous
parvienne pure, sans tache, sans erreur, telle
qu'il nous l'a donnée. Sans cela, à
quoi nous servirait-elle ?
Vous savez peut-être, mes
frères, que des hommes très savants,
de nos jours, ont prétendu (à tort ou
à raison) que les plus
célèbres historiens de Rome,
Tite-Live et les autres, s'étaient
trompés dans les écrits qu'ils nous
ont laissés
(2).
Ces savants modernes croient, par exemple,
que Romulus et Rémus n'ont pas
existé, mais sont simplement une dualité primitive, et que
l'enlèvement des Sabines n'est qu'une épithalame où se mêlent
l'hymen et la guerre. Tout cela est possible,
puisque le propre de l'homme c'est de se
tromper : humanum est errare. On
pourrait prendre son parti de ces
découvertes. Si nous perdons les rois de
Rome, il n'y a pas grand mal.
Mais il en est tout autrement du sujet qui
nous occupe. Si nous perdions le vrai Christ, nous
perdrions tout. Or, nous perdons Christ, si nous
perdons la pureté, l'infaillibilité
du témoignage qui nous le
révèle. On croit n'attaquer que la
Bible, mais Jésus-Christ
même est frappé avec elle. Si nous
renversons une table, tout ce qui est dessus tombe
au même moment. Quoi ! en nous donnant
Christ, Dieu aurait abandonné la
révélation de Christ et de sa
rédemption à l'esprit faillible
d'hommes pleins de préjugés ! Il
ne leur aurait pas donné une direction qui
les préservât d'erreur ?
Non ! nous avons, pour les choses divines, un témoignage de
Dieu.
L'Écriture fait elle-même clairement
la distinction des deux témoignages :
« Si nous recevons le témoignage
des hommes, dit-elle, le témoignage de
Dieu est plus grand. Or, c'est ici le
témoignage de Dieu qu'il a rendu au sujet de
son Fils »
(1
Jean, V, 9).
C'est ce témoignage de Dieu qui est
maintenant attaqué : « la
Bible, dit-on, n'est plus une
autorité. » Nous nous inscrivons
contre cette assertion ; mais avant de la
combattre, disons notre pensée.
La foi n'est pas produite dans l'individu et
l'Eglise n'est pas créée dans le
monde simplement par l'agence des saintes
Écritures : elles sont produites par la
Parole de Dieu et par la grâce de l'Esprit.
Ces deux agents ont toujours été
intimement unis, et l'un n'a jamais produit la foi
sans l'autre. Christ, en passant sur la terre, nous
a laissé la Parole. Christ, en
s'asseyant dans le ciel à la droite du
Père, nous a envoyé l'Esprit.
Partout où ces deux
puissances opèrent se trouve un enfant de
Dieu, et l'Eglise de Dieu naît.
Mais, mes frères, il semble que ces
deux agents soient appelés à se voir
successivement niés. Les deux ou trois
générations qui nous ont
précédées, en laissant
jusqu'à un certain point subsister
l'Écriture, ont surtout nié le
Saint-Esprit. Quand on nous enseignait le
catéchisme et même la
théologie, il semblait, d'après le
système qu'on nous exposait, que le
Saint-Esprit n'eût existé que pour les
apôtres, qu'il eût fait toute son
oeuvre à la Pentecôte, et
qu'après cela il se fût retiré
dans le ciel. Le réveil du
dix-neuvième siècle a combattu cette
desséchante théorie. Oeuvre du
Saint-Esprit, le réveil a rendu gloire
à l'Esprit et a répété
bien haut : « Si un homme ne
naît d'eau et d'Esprit, il ne peut
voir le royaume de Dieu. »
Maintenant, c'est dans l'autre extrême
que l'on se jette : on laisse subsister l'Esprit, mais on
nie l'Écriture. Cette prétention
serait-elle mieux fondée que l'autre ?
À Dieu ne plaise ! Non-seulement il
faut conserver l'Écriture aussi bien que
l'Esprit, mais encore c'est elle qui est
l'autorité suprême. Sans doute, elle
ne peut pas créer la foi sans le
Saint-Esprit ; mais, depuis la mort des
apôtres, l'Écriture seule, sur la
terre, peut nous dire quelle est la vraie doctrine
du Seigneur ; seule, elle
peut empêcher que cette
doctrine ne soit falsifiée par les hommes,
sujets à l'erreur, qui ont charge de
l'enseigner.
Quand le Fils de Dieu instruisait ici-bas
comme le grand et unique prophète du peuple
de Dieu, où apprit-il à ses disciples
à chercher et à trouver
l'enseignement de Dieu ? Est-ce que ce fut
dans des illuminations intérieures,
indépendantes de l'Écriture, comme
faisaient les esséens ? ou dans des
traditions, une inerte orthodoxie et un culte
extérieur, comme les pharisiens ? ou
dans des négations, une raison
incrédule et des lumières
prétendues, comme les
sadducéens ?
Non, certes ; ce fut ailleurs, ce fut
dans les écrits de Moïse et des
prophètes, dans ces oracles qui, durant tant
de siècles, avaient rempli l'élite
d'Israël de foi et d'attente en Celui qui
devait être le consolateur de son peuple.
Christ honora les Écritures ; il les
expliqua, il les employa comme la Parole même
de Dieu, comme l'autorité souveraine ;
et il apprit ainsi à son Église
qu'elle devait rendre le même honneur, la
même obéissance aux écrits de
ses propres disciples, aux Livres de la nouvelle
alliance, dans lesquels son Esprit devait
déposer ses enseignements définitifs
et éternels.
Oui, s'il est des docteurs qui
prétendent nous éloigner des
Écritures, le Docteur par excellence Celui
qui connaît toutes choses,
Jésus-Christ, nous y
ramène continuellement. Interrogez Celui qui
a dit : Je suis la
vérité ; Celui qui, au
milieu des anges du ciel, s'appelle le fidèle et le véritable ;
demandez-lui quelle
est la règle de notre foi et de notre vie,
quelle est l'autorité dans l'Eglise ?
Il vous répondra toujours :
L'Écriture, l'Écriture.
Ainsi, en présence d'un enseignement
du dix-neuvième siècle, dont les
assertions hardies nous viennent originellement
d'outre-Rhin, je vous présente
l'enseignement du premier siècle. Lequel
devez-vous croire ? Croirez-vous l'homme
plutôt que Jésus-Christ ? je
vous parle comme à des personnes
intelligentes ; jugez vous-mêmes de ce
que je vous dis.
Approchons-nous donc de l'école de
Jésus-Christ, et écoutons ce qu'il
nous dit des Écritures.
Pourquoi le Seigneur descend-il des cieux et
vient-il sur la terre ? Pour chercher et
sauver ce qui est perdu. Mais quelle voie
suit-il pour le faire ? Il nous le dit : Je suis venu
accomplir la loi et les
prophètes, c'est-à-dire les Écritures
(Matth.,
V, 17) -
Qui ne serait plein d'adoration en voyant le
Fils unique du Père, devenu homme, se
soumettre avec une attention que l'on pourrait
appeler minutieuse, à toutes les
déclarations de l'Esprit saint, parlant par
les saints hommes de Dieu
(2
Pierre, I, 21),
et donnant ainsi un grand exemple
qui, jusqu'à la fin des siècles, doit
être suivi par ses imitateurs ?
Comme un fils tient en mains la feuille de
route de son père et ne s'en écarte
jamais, ainsi le Fils de Dieu est si plein de
respect pour les Écritures, que ses actions,
et non-seulement les plus grandes, mais celles
même qui semblent avoir peu d'importance, ont
toujours pour but d'accomplir les
Écritures.
Si Jésus va demeurer à
Capernaüm, c'est, afin, dit Matt.,
IV, 14, que fût
accompli CE QUI A ÉTÉ
ÉCRIT par le moyen d'Esaïe, le
prophète.
S'il lit dans la synagogue les paroles
d'Esaïe, quand le prophète parle de Celui qui guérit les coeurs
brisés, Jésus ferme le livre et
dit : Aujourd'hui CETTE ÉCRITURE
est accomplie, vous l'entendant
(Luc,
IV, 21).
S'il fait prendre l'ânesse de
Bethphagé, c'est afin d'accomplir
l'Écriture de Zacharie sur le roi plein
de douceur
(Matth.,
XXI, 4).
S'il s'écrie : J'ai
soif ! c'est pour que l'Écriture
soit consommée
(Jean,
XIX, 28).
Et si une lance est plongée dans son
côté, c'est parce que Zacharie, le
prophète, l'avait vue et annoncée
dans les Écritures
(Jean,
XIX, 37).
On pourrait appeler la vie du Seigneur un
accomplissement des Écritures, Il fait tout
ce que les Écritures ont prescrit ; il
le remarque soigneusement, et ses disciples le
remarquent avec lui.
Il y a plus. C'était dans les
Écritures que le Seigneur
faisait lire son histoire à ses disciples. Puis, ayant commencé
par Moïse,
dit Luc, et continuant par tous les
prophètes, Jésus leur expliquait
dans TOUTES LES ÉCRITURES ce qui le
regardait
(Luc,
XXIV, 27). Il insistait sur ce
qu'il aurait suffi de croire aux
Écritures pour comprendre tout ce qui le
concernait. Gens sans intelligence,
disait-il, et tardifs de coeur à croire
toutes les choses que les PROPHÈTES
ont prononcées !
(Luc,
XXIV, 25.)
Et si, par son Esprit, il ouvrait
l'entendement de ses disciples, c'était afin
qu'ils comprissent les ÉCRITURES
(Luc,
XXIV, 45). Si les
Écritures ont d'abord été son
itinéraire, elles sont maintenant son manuel. C'est de ce
témoignage
écrit que Celui qui est la sagesse
éternelle tire lui-même ses
enseignements.
Il y a plus. Le Seigneur établit la
parfaite suffisance du témoignage des
Écritures pour donner la vie
éternelle. Il veut que l'on croie sur leur
autorité : Enquérez-vous
diligemment des ÉCRITURES, disait-il, car vous estimez avoir
PAR ELLES, la
vie
éternelle, et ce sont ELLES qui
portent témoignage de moi
(Jean,
V, 39). Et quand, dans ses
sublimes enseignements, il nous transporte dans le
monde invisible, voulant donner aux hommes une
frappante leçon, il fait dire par ce
père Abraham, dans le sein duquel les anges
portent le pauvre Lazare : Ils ont MOÏSE ET LES
PROPHÈTES ;
QU'ILS LES ÉCOUTENT ! S'ils n'écoutent
point Moïse et les
prophètes, ils ne seront pas non plus
persuadés quand quelqu'un des morts
ressusciterait (Luc,
XVI, 29-31)
Il y a plus. Le Seigneur établit que
la vérité absolue et éternelle
se trouve dans les Écritures et que jamais
elle ne sera démentie.
L'ÉCRITURE ne peut être anéantie
(Jean,
X, 34, 35).
Il insiste sur ce que pas un seul iota, pas
un seul accent de CETTE ÉCRITURE ne
tombera jamais. Revenant à la charge, il
s'écrie : Il est plus facile que le
ciel et la terre passent qu'il ne l'est, QU'UN
SEUL TRAIT DE LETTRE DE LA LOI vienne à
tomber (Luc,
XVI, 17. Matth.,
V. 18). Et il ne dit pas
cela seulement des paroles de l'Ancien Testament,
mais aussi de celles du Nouveau. Le ciel et la
terre passeront, mais MES PAROLES ne passeront
point
(Matth.,
XXIV, 35)
Il y a plus. Le Seigneur a recours aux
Écritures pour prouver la doctrine qu'il
enseigne. S'il s'agit d'établir que, quoique
rejeté, il est la pierre fondamentale du
salut et le chef de l'Eglise, il dit : N'avez-vous pas LU
DANS LES
ÉCRITURES : La pierre que ceux qui
bâtissaient ont rejetée est devenue la
pierre de l'angle ; ceci a été
fait par le Seigneur, et c'est une chose
merveilleuse devant nos yeux ?
(Matth.,
XXI, 42.)
Et quand le Seigneur veut convaincre les
hérétiques, quand il veut
démontrer la résurrection
aux sadducéens
incrédules, à quelle autorité
en appelle-t-il ? Aux Écritures. N'avez-vous pas LU ce
que Dieu vous
a
déclaré, en disant : je suis le
Dieu d'Abraham, et le Dieu d'Isaac, et le Dieu de
Jacob ? Or, Dieu n'est pas le Dieu des morts,
mais des vivants
(Matth.,
XXII, 30, 31)
Oui, cette règle de l'Écriture
avait aux yeux de Jésus une si grande
autorité, qu'il n'avait pas honte de prouver
sa propre doctrine par l'Écriture,
lui, qui était la vérité, qui était Dieu
lui-même !...
Il y a plus. Le Seigneur déclare que
la source de l'erreur, c'est la négligence
des Écritures. Comme quand le soleil a
disparu les pas de l'homme s'égarent, ainsi
l'esprit de l'homme s'égare quand
l'Escriture n'est plus là pour
l'éclairer. Vous errez, dit-il aux
sadducéens, ne connaissant point les
Écritures
(Matth.,
XXII, 29). Et quand il veut
justifier les acclamations des enfants, c'est
encore à l'Écriture qu'il en
appelle : N'avez-vous jamais LU CES
PAROLES : Tu as mis le comble à la
louange par la bouche des enfants et de ceux qui
tètent (Matth,
XXI,
16).
Enfin, le Seigneur déclare pourquoi
il en appelle sans cesse aux
Écritures : c'est que c'est Dieu, le
Saint-Esprit même qui a parlé par
leurs auteurs : Comment donc David par
l'Esprit (par l'ESPRIT !) appelle-t-il
le Christ son Seigneur ! dit Jésus
dans saint Matthieu,
XXII, 43, et il
répète dans saint Marc : David lui-même a dit PAR LE
SAINT-ESPRIT : Assieds-toi à ma
droite.
Ainsi, si Jésus établit la
vérité, c'est en en appelant au
témoignage de Dieu dans l'Écriture.
Voilà la règle de l'alliance
chrétienne ; car si quelqu'un a
dû connaître la nature de cette
alliance, c'est sans doute Jésus-Christ
lui-même.
Peut-on admettre, après l'avoir
entendu, que l'autorité de l'Écriture
a été inventée par les
catholiques dans les siècles
postérieurs, et que « le biblicisme est le fléau de
l'Eglise ? » Jésus-Christ,
qui en appelle sans cesse à la Bible,
eût donc été « le
fléau de l'Eglise » ou du moins
eût introduit dans l'Eglise ce qui devait en
être le fléau !...
Du reste, il faut le reconnaître,
l'assertion sur le biblicisme n'est pas
nouvelle ; les papes, depuis cinquante ans,
n'ont presque pas publié une bulle ou une
encyclique dont le résumé ne
pût être exprimé par ces
mots : Le biblicisme est le fléau de
l'Eglise. Pie IX, il y a deux ou trois mois, au
moment où commençait à se
répandre de Genève, une autre lettre,
a écrit de Portici, à tous les
évêques italiens, une encyclique dont
le sommaire est aussi - Le biblicisme est le
fléau de l'Eglise. - Oui, de l'Eglise du pape ! Au moins
cela est
vrai !
Il pourrait suffire, mes frères,
d'avoir montré le
témoignage que le Fils a rendu à la
Bible et à son autorité. On a dit que
l'autorité de l'Écriture était
une invention du catholicisme. Or, les gnostiques,
à l'occasion desquels on l'aurait
inventée, vivaient de l'an 130 à l'an
140, et le Seigneur enseigne déjà
cette divine autorité des Écritures,
de l'an 30 à l'an 33. Mais il n'est pas
seul. Tandis que les écrivains qui
réfutent les gnostiques ont écrit
surtout vers l'an 180, les apôtres enseignent
cette divine autorité des Écritures
de l'an 40 à l'an 60. Dans les deux cas,
c'est une petite erreur d'un siècle ;
cela vaut la peine de le remarquer.
En effet, le témoignage du Fils est
complété par celui de ses
apôtres. Le témoignage des disciples a
même une importance particulière.
Quelque docteur, dont j'ai oublié le nom, a
voulu infirmer le témoignage de
Jésus-Christ, en disant que les paroles
prononcées par le Seigneur appartenaient
encore à l'ancienne alliance et ne pouvaient
rien décider quant à l'essence de la
nouvelle. Quoi ! Christ, le chef de la
nouvelle alliance, Christ qui commence son
ministère en prêchant
l'Évangile du règne de Dieu, et
en disant : Le temps est
accompli ! emploierait encore les formules
de l'ancienne ? Il ne serait pas une
autorité pour la nouvelle ! Christ ne
serait pas chrétien ! ce serait
là sans doute une étrange
découverte. Mais supposez par impossible
que Jésus-Christ
n'eût pas parlé, en effet, dans
l'esprit de la nouvelle alliance ; les
apôtres du moins ont dû le faire.
Après la Pentecôte l'Eglise est
définitivement installée ; nous
sommes en plein christianisme. Or, les
témoignages en faveur de l'autorité
des Écritures sont encore plus nombreux
après la Pentecôte qu'avant.
L'apôtre Pierre qui, quand il se
trouvait au milieu des disciples dans la chambre
haute, avait dit
(Actes,
1, 16) : Il fallait
que CETTE ÉCRITURE que le
SAINT-ESPRIT a prononcée d'avance par
la BOUCHE de David touchant Judas fût
accomplie, que dit-il, quand il est au portique
de Salomon, en présence de tout le peuple
étonné ?
(Actes,
III, 18) : Dieu a
ainsi accompli les choses qu'IL avait
PRÉDITES ; par LA BOUCHE DE TOUS
SES PROPHÈTES, que le Christ devait
souffrir.
Plus tard, quand ce même apôtre
donne dans sa première Épître
des préceptes sur la manière dont il
faut se conduire dans l'Eglise, comme
administrateur de la grâce de Dieu, quel est
son commandement ? Si quelqu'un parle,
dit-il, que ce soit SELON LES ORACLES DE
DIEU
(I
Pierre, IV, 11). C'est bien
là du biblicisme.
Et Paul de Tarse que fait-il ? Quand il
se trouve à Rome, parle-t-il contre le
biblicisme comme Pie VII, Grégoire XVI, Pie
IX et d'autres ? Oh ! non : en
appelle à la Bible. Au milieu des
Israélites
assemblés dans sa maison, il leur enseigne
les choses qui regardent Jésus
d'après la loi de Moïse et les
prophètes
(Actes,
XXVIII, 23). C'est du
biblicisme !
Quand il écrit à Corinthe,
comment s'exprime-t-il ? Avant toutes
choses, dit-il, je vous ai donné ce
que j'avais aussi reçu, que Christ est mort
pour nos péchés SELON LES
ÉCRITURES
(I
Cor., XV, 3). C'est du
biblicisme !
Mais c'est surtout pour l'enseignement des
doctrines chrétiennes, c'est quand il s'agit
de prouver que Jésus est le Christ, que les
apôtres recourent aux Écritures
(Actes,
XVII, 2, 3). Paul est
à Thessalonique ! Qu'y fait-il ? Paul, selon la coutume,
dit Luc, son
compagnon, durant trois sabbats, disputait
par LES ÉCRITURES, expliquant et
prouvant qu'il avait fallu que le Christ
souffrît, et qu'il ressuscitât des
morts. C'est du biblicisme !
Il n'est pas le seul. Allons à
Corinthe : voici un homme d'une grande
éloquence qui parle dans les
assemblées. Il s'appelle Apollos. Comment
s'y prend-il ? Il démontre avec une
grande véhémence, par LES
ÉCRITURES, que le Christ c'est
Jésus, dit Luc
(Actes,
XVIII, 28). C'est du
biblicisme !
Mais avec l'exemple du biblicisme les
apôtres en donnent-ils le
précepte ? Oui, mes frères. Paul
déclare aux Romains dans son
Épître quel est l'usage des
Écritures : cet usage, c'est d'instruire pour le
salut. Car toutes les choses qui ont ÉTÉ ÉCRITES AUPARAVANT
ONT
ÉTÉ ÉCRITES POUR NOTRE
ENSEIGNEMENT, afin que par la patience et la
consolation des ÉCRITURES nous ayons
espérance
(Rom.,
XV, 4).
Et quand il enseigne un docteur,
Timothée, que dit-il ? Vu même
que dès ton enfance tu as la CONNAISSANCE DES SAINTES LETTRES qui
TE
PEUVENT RENDRE SAGE À SALUT, par la foi
en Jésus-Christ ; car elles sont utiles
pour ENSEIGNER, pour CONVAINCRE, pour CORRIGER et
pour
INSTRUIRE selon la justice ; afin que l'homme de Dieu
soit accompli et PARFAITEMENT INSTRUIT pour
toute bonne oeuvre
(2
Tim., III, 14, 17).
Et pourquoi l'Écriture doit-elle
être ainsi employée dans
l'Eglise ? Paul ne manque pas de le dire
à Timothée et à nous :
TOUTE ÉCRITURE, dit-il, est divinement
inspirée.
Eh bien ! oui, dira-t-on, Pierre,
Paul ; mais les autres disciples ?
Jacques, par exemple ?
Jacques en appelle de même à
l'autorité des Écritures en
disant : Pensez-vous que
l'ÉCRITURE parle en vain ?
(Jacq.,
IV, 5).
Mais Jean ?
Jean nous déclare que les disciples
avaient la foi aux ÉCRITURES et aux
paroles que leur Maître avait dites
(Jean,
II, 22). Et c'est par les
Écritures selon lui que les disciples
reconnurent en Jésus le Messie.
Mais Philippe ?
Philippe trouva Nathanaël et lui
dit : Nous avons trouvé Jésus
qui est de Nazareth, fils de Joseph, celui
duquel Moïse a écrit
dans la loi et duquel aussi les
prophètes ONT ÉCRIT.
L'autorité des Écritures est
tellement le grand fait reconnu et proclamé
au commencement du christianisme, que si des
disciples veulent soumettre l'enseignement oral
à l'autorité des Écritures,
ils sont spécialement loués. Or, ceux-ci (de Bérée) furent
plus généreux que les Juifs de
Thessalonique ; car ils reçurent la
Parole avec toute promptitude, examinant tous les
jours les Écritures pour savoir si les
choses étaient telles qu'on leur disait
(Actes,
XVII, 11).
Et, si telle est l'autorité des
anciennes Écritures pour Pierre, Paul, Jean,
et avant tout pour Jésus-Christ
lui-même, quelle ne sera pas pour nous
l'autorité des nouvelles Écritures,
qui viennent des apôtres du Seigneur ?
Serait-il nécessaire qu'il y eût un
troisième Testament pour rendre
témoignage au second, comme il y en a un
second pour rendre témoignage au
premier ? Les écrits de Moïse, de
David, de Salomon, d'Esaïe, d'Amos,
auraient-ils plus d'autorité pour les
fondateurs du royaume de Dieu, que les
écrits de ces fondateurs mêmes ne
doivent en avoir pour nous qui sommes membres de ce
royaume ? Si notre père a reconnu
l'autorité de son père, nous la
reconnaissons aussi, mais nous reconnaissons
par-dessus tout l'autorité du nôtre.
Pourrait-il être vrai que l'autorité
des saints livres des juifs
pût être pleinement reconnue par nous,
puisqu'elle l'est par Jésus et par les
apôtres, mais que l'autorité des
saints livres des chrétiens pût
être contestée ? À mes
yeux, cette prétention ferait simplement
redescendre les chrétiens à
l'étage où se trouvent les Juifs. Si
l'on veut redevenir Juif, à la bonne
heure ; mais nous nous en affligeons.
L'opinion de ceux qui ne reconnaissent
d'autorité, ni dans l'Ancien, ni dans le
Nouveau Testament, est sans doute plus
dangereuse ; mais l'opinion de ceux qui (comme
de jeunes chrétiens avec qui nous avons
conversé), reconnaissant avec candeur
l'autorité de l'Ancien Testament,
établie dans le Nouveau, rejettent pourtant
celle du Nouveau, est certes plus étrange et
plus inconséquente.
Les appels aux écrits de l'Ancien
Testament doivent être naturellement plus
nombreux dans le Nouveau que les appels aux
écrits du Nouveau lui-même. Un
jurisconsulte, appelé à donner une
réponse sur une question de droit, cite les
avis des jurisconsultes romains ou autres, et ne se
cite guère lui-même. Le Nouveau
Testament n'existant pas du temps de Jésus,
il est clair que Jésus ne le cite pas ;
ce sont là de ces vérités
vulgaires que l'on craint d'énoncer. Mais
déjà il n'en est pas tout à
fait de même des apôtres. Comme le
Nouveau Testament
commençait à paraître, nous
trouvons aussi dans les écrits apostoliques
des appels aux livres du Nouveau Testament
même. Ainsi, l'apôtre Pierre en appelle
(2
Pierre III, 15, 16) à ce
que son bien-aimé frère Paul a
écrit dans ses
Épîtres ; -
Épîtres qu'il met au rang des
Écritures, disant « ainsi que les
autres ÉCRITURES. » - Une
étude attentive du Nouveau Testament nous y
fait découvrir plusieurs citations du
Nouveau Testament lui-même.
Je ne vous en citerai qu'un exemple. Nous
lisons dans l'Épître de Jude (versets 17
et
18) : Souvenez-vous
des paroles qui ont été dites
auparavant par les apôtres de notre Seigneur
Jésus-Christ, et comment ils vous disaient
qu'aux derniers temps il y aurait des moqueurs qui
marcheraient selon leurs impies convoitises.
Or, le mot rendu en français par
moqueur,,
ne se trouve que deux fois
dans le
Nouveau Testament ; ici dans Jude, et puis
dans une Épître d'un apôtre de
notre Seigneur Jésus-Christ. Et quel est cet
apôtre ? Est-ce Paul, Jean,
Jacques ? Non. Est-ce Pierre ? Oui. - Et
de laquelle des deux Épîtres de Pierre
s'agit-il ? C'est de cette admirable seconde
Épître de Pierre, qui rend un si beau
témoignage à l'inspiration de la
Bible, et que l'on rejette maintenant
audacieusement du recueil sacré
(2
Pierre, III, 3) : sachez
qu'aux derniers jours, y est-il dit, il
viendra des moqueurs se
conduisant d'après leur propre
convoitise.
Il y a plus, les écrivains du Nouveau
Testament déclarent eux-mêmes que le
but de leurs écrits est de servir de base
à la foi des chrétiens. Ainsi, Jean
dit
(Evang.,
XX, 31) : Ces choses
sont ÉCRITES afin que vous croyiez
que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et
afin qu'en croyant vous ayez la vie en son nom.
Et saint Luc ÉCRIT
(Evang.,
1, 4) pour que l'on
reconnaisse la certitude (la fermeté,
proprement l'infaillibilité des
choses
dont on a été instruit de vive
voix.
Ah ! si nous reconnaissons
l'autorité de la Parole de l'Ancien
Testament, à plus forte raison devrons-nous
reconnaître l'autorité de la Parole du
Nouveau ! L'Ancien Testament ne nous est-il
pas présenté comme une pédagogie, une école
préparatoire ?
(Gal.,
III, 24.) Ne nous est-il pas
déclaré que l'ancienne alliance vieillit et est près de
s'évanouir ?
(Héb.,
VIII, 13.) Et les
écrits du Testament définitif
n'auraient pas une autorité aussi grande au
moins que ceux du Testament préparatoire ? Ce qui s'évanouit
aurait plus de force que
ce qui ne s'évanouira jamais ?...
Christ est celui qui nous rachète de
l'ignorance et qui nous délivre de l'erreur,
ces tristes compagnes du
péché ! Et puis, quand nous
désirons parvenir à la vraie et
infaillible connaissance de la
vérité, nous ne nous adresserions pas
avant tout à Christ et à ceux
qui ont exposé et continué son
oeuvre, et dont les écrits forment le
Nouveau Testament ?
Le conseil de Dieu pour racheter l'homme a
commencé aussitôt après la
chute de l'homme. Mais, par des motifs connus de
Dieu seul, peut-être parce que le monde est
soumis à une loi de progrès que Dieu
n'a pas voulu suspendre, il y a eu dans la
révélation de Dieu des degrés
successifs : elle a été comme
la lumière resplendissante, qui augmente son
éclat jusqu'à ce que le jour soit en
sa perfection, c'est-à-dire jusqu'au
moment où parut Celui en qui sont
cachés tous les trésors de la sagesse
et de la connaissance (Col.
II, 3). Le témoignage de
Dieu, à mesure que les temps ont
marché, a eu, non pas plus d'inspiration,
mais plus de clarté et de perfection. Ne
savons-nous pas, même dans les choses
humaines qu'un livre de mathématiques ou de
philosophie, ou de physique, donne seulement
à la fin les résultats
définitifs de la science, résultats,
pourtant, que l'on ne peut bien comprendre
qu'autant qu'on en a saisi les principes
élémentaires. Et ces
résultats, qui terminent l'affaire de
manière que l'on n'a plus à y
revenir, auraient moins
d'autorité pour nous que les premiers et
imparfaits éléments ?
L'Ancien Testament ne contient rien que de
vrai, rien que de bon ; mais ce vrai et ce bon
sont appropriés à une culture
religieuse inférieure, destinés
à diriger l'homme vers un degré de
culture supérieur. Il y a dans l'Ancien
Testament des choses qui, dans le Nouveau, sont
expliquées ; il y en a qui y sont
complétées ; il y en a qui y
sont modifiées ; il y en a qui y sont
abolies. L'Ancien Testament contient les contours
essentiels de la Rédemption ; mais
l'accomplissement de ce qu'il préfigure ne
se trouve que dans le Nouveau. L'un est l'esquisse,
l'autre le tableau parfait. Le Nouveau Testament
est la clé de l'Ancien. Or, la clé
serait-elle moins propre à nous introduire
dans la pleine connaissance des choses de Dieu que
ne le fait la serrure ? Le livre explicateur viendrait-il
moins de Dieu que
le livre à expliquer ?
Le Nouveau Testament, qui nous annonce
essentiellement, non la loi, mais
l'Évangile, et qui nous l'annonce, non par
des images et des prophéties plus ou moins
obscures, mais avec une grande plénitude de
lumière et de clarté, le Nouveau
Testament, qui nous fait connaître Celui qui
est au-dessus de tous les prophètes, les
sacrificateurs et les rois de l'ancienne alliance, Celui de la
plénitude
duquel nous recevons la grâce et la
vérité, le Nouveau Testament,
qui, non-seulement enlève le voile qui
empêchait les prophètes de parvenir
à une vue claire des choses qu'ils
annonçaient, mais qui encore manifeste des
mystères sur lesquels le silence avait
été gardé dès les temps
éternels
(Rom.,
XVI, 25), le Nouveau Testament
doit évidemment être le fondement, la
règle, le témoignage,
l'autorité divine, sur laquelle repose la
connaissance chrétienne.
Il est la source première et
essentielle de la vérité
évangélique ; et si Dieu
lui-même est le rocher d'où
jaillissent les eaux moins claires de l'ancienne
alliance, il serait illogique et
antichrétien d'attribuer une autre origine
au fleuve pur et vivifiant de la
révélation nouvelle.
L'Ancien Testament est comme ces premiers
plateaux de nos Alpes, dont le sol est
déjà ferme et la vue étendue,
mais qui ne sont qu'un échelon pour nous
faire parvenir sur ces hauteurs suprêmes,
toutes formées de roc vif et d'où
l'on embrasse l'immensité des oeuvres du
Créateur. En passant de l'un à
l'autre, vous ne descendez pas, vous montez ;
vous ne vous établissez pas sur un sol plus
incertain, mais sur une assiette plus solide. Nous
avons dans la révélation des
Écritures du Nouveau Testament une parole
plus complète, plus claire, plus
obligatoire : Christ a été
jugé digne d'une gloire qui surpasse autant
celle de Moïse, que celui
qui a construit la maison la surpasse en
honneur
(Héb.,
III, 4). Cela est vrai
des écrits des deux alliances, comme cela
est vrai de leurs médiateurs. C'est ce que
le Seigneur lui-même veut dire quand il
prononce cette parole remarquable : Entre
ceux qui sont nés de femmes, il n'y a nul
prophète plus grand que Jean-Baptiste ;
toutefois, le plus petit dans le royaume de Dieu
est plus grand que lui
(Luc,
VII, 28). Soit que ce mot le
plus petit se rapporte à des
prophètes, soit qu'ils se rapporte à
de simples fidèles, cette parole
établit la grande supériorité
de la révélation de
Jésus-Christ.
Cette supériorité s'est
manifestée ; et s'il en est qui
demandent un troisième Testament pour rendre
témoignage au second, comme il y en a un
second pour rendre témoignage au premier,
nous le leur présenterons. Les signes, les
miracles opérés par les auteurs du
Nouveau Testament, les prophéties qui y sont
faites et qui sont accomplies, la formation de
l'Eglise, l'établissement du christianisme
dans le monde, vous-mêmes qui avez cru,
voilà, si vous le voulez, un
troisième Testament qui rend
témoignage au second. Quant aux signes de
mon apostolat, disait Paul, ils ont
été produits au milieu de vous par
une entière patience, par des signes et des
miracles et des actes de puissance
(2
Cor., XII, 12). Tout nous montre
que ces Écritures ont
été données
à l'homme dans un temps créateur,
où Dieu intervenait immédiatement par
sa souveraine puissance. L'Esprit qui, pour rendre
témoignage à quelques Juifs,
ressuscitait Lazare, n'est pas resté en
arrière, quand il s'agissait de rendre
témoignage à tous les siècles
et à tous les peuples. Le même Esprit
qui fit sortir vivant du tombeau le frère de
Marthe et de Marie est aussi l'Esprit qui a fait
sortir de l'intelligence bornée de bateliers
et de péagers de la Judée les
vérités éternelles, inconnues
des Aristote et des Platon, et qui ont
été, qui sont et qui doivent
être à jamais le seul flambeau de
l'humanité.
Les Écritures sont le miracle
permanent, le seul qui soit pour nous
nécessaire. Les autres ont passé
celui-ci demeure. On peut tenter de l'expliquer,
comme on a voulu expliquer les autres miracles de
Jésus ; mais bienheureux ceux qui
croient ! On ne peut même croire
vraiment en Christ, sans croire aux
Écritures inspirées de Dieu.
« La foi en Christ, dit Tholuck, renferme
(trägt) la foi aux apôtres.
Christ, ajoute-t-il, ne serait pas ce qu'il est,
s'il eût confié le germe encore si
délicat de son oeuvre à des mains qui
l'eussent gâté plutôt que
développé
(4). »
« Mais le Nouveau Testament,
dit-on, ne se donne nulle part pour inspiré.
Il n'est pas un des auteurs de ce
recueil qui exprime la moindre prétention de
ce genre. » Parole
étrange !...
Ah ! mes frères, nous ne vous
demandons pas d'avoir, à l'égard des
Écritures du Nouveau Testament, un autre
sentiment que n'avaient ceux-mêmes qui les
ont écrites. Écoutez-les seulement.
S'ils prêchent la bonne nouvelle,
c'est, disent-ils, par l'Esprit saint
envoyé du ciel
(I
Pierre, I, 12) ; par une
révélation de Jésus-Christ (Gal.,
I, 12).
S'ils donnent un commandement, c'est au nom
du Saint-Esprit : Il a semblé bon au
Saint-Esprit et à nous
(Actes,
XV, 28).
S'ils adressent un conseil, c'est par
l'Esprit de Dieu
(I
Cor., VII, 40).
S'ils connaissent le mystère de
Christ, c'est qu'il leur a été
révélé par l'Esprit
(Ephés.,
III, 5).
S'ils parlent des choses qui ne sont pas
montées au coeur de l'homme, c'est que l'Esprit qui sonde les
profondeurs de Dieu les
leur a révélées
(I
Cor., II, 10).
S'ils parlent en particulier de la
résurrection, c'est par la parole du
Seigneur
(I
Thes., IV, 15).
S'ils s'élèvent contre ceux
qui rejettent leurs enseignements, c'est parce
qu'en le faisant, on ne rejette pas un homme
seulement, mais Dieu qui leur a donné son
Saint-Esprit (I
Thes., IV, 8).
Et n'oublions pas que, quand Paul disait que toute Écriture
est inspirée de
Dieu, c'était dans la dernière de
ses Épîtres qu'il le faisait, dans un
temps où ses autres
écrits et ceux de plusieurs de ses
compagnons d'oeuvre étaient
déjà mis au nombre des Écritures
(2
Pierre, III, 16). Aussi, selon de
savants docteurs, ce passage s'applique-t-il au
Nouveau Testament comme à l'Ancien.
Je le répète, n'ayons pas des
Écritures du Nouveau Testament un autre
sentiment que les apôtres
eux-mêmes.
« Le seul moyen de bien comprendre
les Écritures, disait le savant Olshausen,
c'est d'étudier la manière dont les
hommes inspirés eux-mêmes les ont
comprises. Dédaigner cette clé, c'est
éloigner les hommes de la source vivante du
salut
(5). »
C'est l'Esprit-Saint qui détermine la
mission de l'apôtre Paul
(Actes,
XIII, 12) ; c'est
l'Esprit-Saint qui l'éloigne des lieux
où il ne doit pas prêcher
l'Évangile, de la Mysie, de la Bithynie
(Actes,
XVI, 7) ; c'est cet
Esprit qui le pousse là où il doit
aller prêcher (v. 8) ; et cet Esprit qui
conduit le moindre de ses pas, qui lui fait prendre
la route de droite, plutôt que celle de
gauche, l'abandonnerait à lui-même,
quand il s'agit de l'éloigner d'une erreur,
de le conduire dans la vérité ;
quand il est question d'écrire les
saintes Lettres qui doivent, jusqu'à la
fin des âges, rendre sage
à salut par le moyen de la foi qui est en
Jésus-Christ !
Les disciples, promulgateurs de la nouvelle
alliance, ne sont pas apôtres seulement, ils
se déclarent souvent apôtres et prophètes. S'ils furent des
prophètes, ils furent donc des hommes
inspirés, et c'est poussés par le
Saint-Esprit que ces hommes de Dieu
parlèrent.
La promesse et la parole du Maître ne
peuvent jamais êtres vaines. Le Seigneur,
à plusieurs reprises, avait promis le Saint-Esprit aux
apôtres, non pas
seulement comme à des disciples ordinaires,
mais en vue de leur charge et comme à
ses envoyés. Un rapport intime se
trouve entre la charge des apôtres et
la possession de l'Esprit ; c'est ce
que montrent toutes les occasions dans lesquelles
cet Esprit est promis.
Le Seigneur, pour la première fois,
va envoyer les douze et leur donner
autorité. Que leur dit-il dans ce
moment ? Que ce n'est pas eux qui
parleront, mais que c'est L'ESPRIT DE LEUR
PÈRE qui parlera en eux
(Matth.,
X, 20).
Le Seigneur, avant sa mort, réunit
ses témoins, auxquels seuls alors il
s'adresse, et, en vue de la charge qu'il leur
donne, il leur promet un autre secours ou défenseur,
le Saint-Esprit qui
serait en eux
(Jean,
XIV, 16, 17). Le Saint-Esprit
non-seulement doit rappeler aux envoyés les
enseignements du Maître (ce
que le Saint-Esprit peut faire dans les voies
ordinaires), mais encore il doit compléter
ces enseignements, ce qui indique une intervention
spéciale. Il conduira les apôtres dans toute la vérité, même
dans des vérités qu'ils ne pouvaient
pas porter, comprendre maintenant
(Jean,
XVI, 12, 13). Cette
manifestation par l'Esprit-Saint de
vérités nouvelles ne rentre
évidemment pas dans l'oeuvre ordinaire que
cet Esprit accomplit dans les fidèles. Si le
Seigneur voulait révéler de nos jours
de nouvelles vérités,
l'intervention par laquelle il le ferait serait
regardée comme miraculeuse. Jésus
ajoute que cet Esprit ne parlera pas de lui-même, bien moins
donc encore
parlera-t-il du fond propre de l'homme. Non, il
prendra de ce qui est à Christ, ou,
ce qui est la même chose, de la
plénitude du Père, car tout ce
qu'à le Père est à moi (Jean,
XVI, 14, 15). Voilà
comment le Seigneur parle à ses
apôtres, quand il les prépare à
la charge qu'il leur a donnée, de continuer
son oeuvre sur la terre.
Et quand, au jour de la résurrection,
le Seigneur dit à ses envoyés : Comme mon Père m'a envoyé,
moi
aussi je vous envoie ; quand il ajoute
qu'à ceux auxquels ils pardonneront les
péchés, ces péchés
seront pardonnés : que fait-il, en
leur donnant cette mission et ces pouvoirs
extraordinaires ? Il souffle sur eux, comme
symbole de l'Esprit qu'ils doivent
recevoir, et leur
dit : Recevez l'Esprit-Saint
(Jean,
XX, 21, 23)
Enfin, quand Jésus donne commission
à ses apôtres d'être ses
témoins parmi toutes les nations, en
commençant par Jérusalem, il leur
recommande d'attendre qu'ils soient revêtus de la puissance d'en
haut
(Luc,
XXIV, 46-49). Et ailleurs
(Actes
I, 4, 8), nous retrouvons la
même charge unie à la même
promesse.
Ainsi, partout la charge des
apôtres et le don qui leur est fait de
l'Esprit se trouvent dans le plus intime
rapport.
Quoi ! cet Esprit promis par le
Maître aurait en effet inspiré les
apôtres, quand ils parlaient à
quelques juifs de Lystre, d'Iconie ou de quelque
autre petite ville d'Asie ou de Grèce, et il
ne les aurait plus inspirés quand ils
composaient leurs Écritures qui devaient
être l'enseignement de tous les
siècles ! Ce que les apôtres
disaient devait être la voix de Dieu pour
leurs auditeurs, et ce que les apôtres
écrivent ne le serait pas pour
nous ?
Ainsi, mes frères, vous le voyez,
s'il est un principe au monde qui ait
été sans cesse professé et
sous beaucoup de formes, d'abord par
Jésus-Christ, et ensuite par ses
apôtres, c'est celui qui est devenu la base
de l'Eglise renouvelée et que
proclamèrent à Smalcalde, Luther et
tous les protestants :
VERBUM DEI CONDIT ARTICULOS FIDEI, ET
PRAETEREA NEMO, NE ANGELUS QUIDEM
(6).
C'est la Parole de Dieu qui est le
fondement des articles de la foi; HORS D'ELLE
PERSONNE, non pas même un ange.
Le principe subjectif de l'autorité
de l'individu chrétien, mis en avant
à cette heure sous le nom de Saint-Esprit,
est celui de la licence. Le principe romain de
l'autorité de l'Eglise est celui du
despotisme ; mais le principe établi
par Jésus-Christ et par les apôtres de
l'autorité de l'Écriture de Dieu est
également opposé à la licence
et à l'arbitraire, et doit faire
régner dans l'Eglise l'ordre et la
liberté. Ce principe ne nous fera pas tomber
dans la licence, comme le premier ; car il
institue dans l'Eglise une règle inflexible
et immuable. Il ne nous placera pas sous les coups
de l'arbitraire comme le second ; car la
règle qu'il nous donne, il faut avant tout
la recevoir par de libres convictions dans nos
coeurs. Il y a deux termes qui se combinent
diversement dans la question qui nous occupe ;
ces termes sont ceux-ci : autorité
et liberté. Le système que nous
combattons en ce moment veut la liberté sans
l'autorité - le système de
Jésus-Christ combine d'une manière
admirable l'autorité et la liberté.
Il réprime d'un côté le
despotisme, et de l'autre le
dérèglement.
Devant sa souveraine puissance, les portes
de l'enfer se ferment.
Ce n'est pas à dire, sans doute, que,
cette autorité scripturaire établie
par le Seigneur doive bannir toute lutte. Il y aura
toujours des luttes, comme il y aura toujours des
sectes ; il faut la liberté à
l'Eglise, car il lui faut la vie ; mais ce
principe donne à l'Eglise le moyen de venir
à bout de ses adversaires. Si l'on
établissait le règne du despotisme
pontifical, l'Eglise serait-elle en paix pour cela,
comme le prétendent les papistes ? Non,
car elle aurait à combattre avec la
liberté. Si l'on admettait le règne
de l'autorité personnelle, l'Eglise
serait-elle libre pour cela, comme le
prétendent les rationalistes ? Non, car
elle deviendrait la servante de quelque forte
individualité, et en tout cas l'esclave de
notre moi déchu. La liberté et
l'ordre ne se trouvent réunis que dans le
système de Jésus-Christ. C'est pour
cela qu'il est destiné à la
guérison des peuples.
« Si tu veux avancer dans la vie, sans danger » pour ta conscience, disait Luther, abstiens-toi de spéculer et de fouiller en tout sens avec ta raison. Hors de sa Parole et de son Fils, on ne trouve pas Dieu. Tu dois apprendre à connaître Dieu de la manière dont les saintes Écritures le dépeignent. »
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