Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PRÉFACE

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Vers la fin du XVIIe siècle, à l'époque où les protestants français étaient le plus cruellement persécutés, d'étranges phénomènes se manifestèrent parmi eux. On vit des vieillards, des hommes et des femmes de tout âge, des jeunes gens et des jeunes filles, même des enfants à la mamelle, saisis tout à coup par un puissant esprit de prophétie, parler avec une éloquence remarquable et révéler les pensées de Dieu.

Des paysans qui ne savaient pas lire et qui n'avaient jamais parlé que le patois, annonçaient dans un français correct les choses magnifiques de Dieu et dévoilaient les pensées secrètes des coeurs.

Chose remarquable, les adversaires les plus ardents des prophètes cévenols n'ont pas songé à nier les faits extraordinaires dont ils ont été les témoins, mais ils les attribuent à Satan. Dans son livre sur l'Inspiration des camisards, Hippolyte Blanc reconnaît que des phénomènes prodigieux se sont manifestés chez les protestants des Cévennes. « Ces phénomènes sont certains, dit-il, la médecine est impuissante à. les expliquer ; ils sont dus, par conséquent, à une cause surnaturelle ; mais à coup sûr le Saint-Esprit n'en est pas l'auteur. »

En effet, répondons-nous, avec Ami Bost : « les faits surnaturels de cette histoire sont si bien constatés, que si l'on ne veut pas y voir le doigt de Dieu, il faudra y reconnaître l'agence de Satan. »

En attribuant au pouvoir du prince des ténèbres les faits extraordinaires qui se passaient sous leurs yeux, les catholiques ont agi comme les juifs qui accusaient notre Sauveur de chasser les démons par la puissance du prince des démons. La foi des cévenols, leur fidélité inébranlable à l'Évangile dans les cachots, sur les galères, sur les bûchers, leurs prédictions mêmes sont une réfutation victorieuse des accusations de leurs calomniateurs et de leurs bourreaux.

En septembre 1706, quelques inspirés, Elie Marion, Durand Fage et Jean Cavalier, de Sauve, arrivèrent à Londres. Accueillis d'abord avec bienveillance par le gouvernement et le peuple anglais, ils ne tardèrent pas à se voir violemment attaqués par plusieurs pasteurs français réfugiés depuis longtemps à Londres. Maximilien Mission, aidé d'un de ses amis, M. Lacy, voulut se rendre compte du sérieux des trois prophètes. Il les étudia en les fréquentant et en les interrogeant pendant un temps assez long. Voulant connaître toute cette affaire à la fois dans son ensemble et dans ses détails, il s'enquit soigneusement de ce qui s'était passé dans les Cévennes, en interrogeant un grand nombre de personnes venues de ces provinces pour échapper aux persécutions. Il observa d'autres inspirés de tout âge et de toute condition. Le résultat de ce long et consciencieux examen, fut la publication d'un ouvrage, le Théâtre sacré des Cévennes qui renferme les témoignages de quelques inspirés.

« Ce curieux et terrible livre, dit le grand historien Michelet, le seul débris d'un monde, est écrit dans la froide atmosphère de Londres, sous la persécution... Découragés, les témoins véridiques déposent de ce qu'ils ont vu, mais sèchement, tristement, sans détail ; ils ne rougissent pas de la vérité, mais sentent qu'elle ne sera pas crue. Ils abrègent, suppriment ce qui eût tant intéressé. Triste punition d'un âge si dur ! d'un parti refroidi qui ferma ses oreilles. Sa glorieuse histoire aura péri pour lui, - hélas ! aussi pour nous qui l'aurions mieux comprise. »

Monsieur Maximilien Mission, savant très respecté, nous raconte comment il composa le Théâtre sacré des Cévennes :
« Lorsque nous nous appliquâmes, Monsieur Lacy et moi, à recueillir tous les faits rares et admirables qui composent ensemble cet excellent petit livre, nous apportâmes toutes les précautions convenables, afin de pouvoir faire paraître en tous temps, notre exactitude et notre fidélité. Les honnêtes gens qui se présentèrent pour nous raconter ces faits mémorables se produisirent volontairement, sans aucun motif d'intérêt, et nous exigeâmes d'eux ces trois choses :

1° qu'ils ne nous disent rien qu'ils ne l'eussent vu ou entendu ;
2° qu'ils rapportassent scrupuleusement la vérité pure et simple, comme étant devant Dieu, en présence duquel ils faisaient un serment solennel ;
3° enfin, qu'ils ne nous parlassent que de choses dont ils se souvinssent bien distinctement.

« Quand les plus simples de ces déposants avaient énoncé de leur mieux ce qu'ils voulaient dire, on réduisait le fait au moins de paroles qu'il était possible, sans s'éloigner beaucoup de leur style : c'est pour ainsi dire le langage de pure nature. On leur lisait trois fois, au lieu d'une, ce qu'on avait écrit, pour s'assurer de leur approbation, et ils paraissaient fort contents de ce qu'on exprimait leurs pensées en aussi peu de paroles. On donnait aux déposants le loisir de se recueillir ; et en les sollicitant toujours d'être bien attentifs, on relisait à chacun sa déclaration entière. S'il témoignait d'être satisfait, on le faisait signer, et un nombre suffisant de témoins mettaient aussi leur seing. »

C'est dans ces conditions que fut publié à Londres, en 1707, ce recueil sous le titre de Théâtre sacré des Cévennes. Ami Bost en a publié une nouvelle édition en 1847. Elle est épuisée depuis plus de cinquante ans. Il y a pourtant dans ce livre des choses glorieuses, des inspirations et des révélations magnifiques.

Aussi l'avons-nous fait passer en très grande partie dans ce volume. C'est à ce livre que nous avons emprunté tous les faits de révélations et de prophéties que nous citons. Il n'y a pas dans l'histoire de I'Eglise chrétienne depuis le siècle apostolique, de pages plus sacrées. Nous sommes sur une terre sainte dans ces assemblées du Vivarais et des Cévennes où la voix de Dieu se fait entendre de façon si saisissante. À des temps extraordinaires, Dieu répond par des dons extraordinaires ; à une foi patiente et héroïque, Dieu répond par des grâces surabondantes.

Qu'il y ait eu quelquefois un esprit charnel chez les guerriers cévenols, qui pourrait s'en étonner ? Mais la cause qu'ils défendaient étaient la cause de Dieu. Ils n'ont lutté contre leurs assassins que pour obtenir la libération de leurs prisonniers, de leurs forçats et pour posséder la liberté de conscience.

Qu'il y ait eu parmi les prophètes quelques faux prophètes, qui pourrait aussi s'en étonner ? Le chef Jean Cavalier, lui-même inspiré et prédicateur éloquent, demandait à Dieu de le délivrer des faux prophètes.

Cela dit, la parfaite bonne foi du grand nombre quant à leur inspiration, est au-dessus de toute contestation. Ils croyaient fermement à l'esprit qui les animait, ils lui obéissaient sans réserve, prêts à tout souffrir sous sa conduite dans les prisons, sur les galères et sur les bûchers. C'est dans cet esprit qu'ils attendaient, recevaient les pensées le Dieu.

L'historien Rulhières rapporte que, dans leurs derniers adieux en 1685, les pasteurs expulsés de France avaient dit à leurs troupeaux : « L'orage de la colère nous arrache de votre sein pour nous disperser dans l'exil ; mais en notre absence, l'esprit du Seigneur demeurera parmi vous : Jésus sera votre pasteur, ô brebis désolées d'Israël ! Plutôt que de vous laisser sans consolation, il vous parlera par la bouche des simples femmes et des petits enfants ! »

Il est impossible de lire les dépositions des prophètes cévenols sans être frappé de voir les fruits de sanctification que produisaient l'Esprit de prophétie et les grâces.

Ces persécutés pour la justice nous donnent l'exemple d'une vie d'entière fidélité et d'amour parfait. Ils nous montrent que toute victoire est possible à qui combat avec foi Satan, le monde et la chair. Nous connaissons le coeur humain. Il y a dans ce repaire des bêtes féroces qui y dorment souvent ; mais quand de puissantes tentations les brûlent et les réveillent, on entend leurs cris. Dans le coeur de beaucoup de martyrs en prison, aux galères, en exil, ou dans leurs tristes demeures habitées par les dragons, la souffrance semble n'avoir jamais réveillé qu'un amour toujours plus intense pour Dieu et pour leurs bourreaux.

Après avoir lu leur vie, on doit avoir les yeux ouverts sur la possibilité, le devoir et le privilège d'une vie sainte.
Si ce livre amenait ce résultat pour beaucoup de lecteurs, nous ne l'aurions pas publié en vain.

S. DELATTRE.


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