L'espérance est venue,
étincelante de splendeur divine; elle a
souri et elle a dit:
- « Allons, Chevalier du Christ!
... »
Dernière méditation sur le
psaume In te Domine speravi.
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Parmi les grandes figures qui prirent ou
prendront place dans la galerie des «
Vainqueurs », il en est peu d'aussi mal
connues (de plus méconnues serait mieux
dire) que celle de Jérôme
Savonarole.
Aux voyageurs innombrables qui,
naguère, traversaient hâtivement
l'exquise Cité des Fleurs, ce nom n'a jamais
inspiré qu'un intérêt lointain.
Ils n'ouïrent parler du Frate qu'à
titre de moine en révolte, d'iconoclaste
forcené ou même, ce qui est tout aussi
inexact, de précurseur du libéralisme
moderne.
Quand, pour se mieux instruire, ils
recouraient à un guide érudit -
nommons à titre d'exemple André
Maurel, l'auteur de Quinze jours a Florence - leurs
informations ne laissaient pas d'être assez
singulières :
« ... Après avoir
demandé la Réforme de l'Église
», écrivait cet arbitre du goût ,
« après n'avoir failli n'être
qu'un Luther (sic), Savonarole devient un Rienzi.
Il souffle sur Florence la peste de sa
frénésie. Il écume de rage, poursuivant
farouchement
tout ce
qui va gêner l'épanouissement de son
étroit souci ecclésiastique, de sa
petite affaire personnelle... Il pleure, il hurle.
Et, ne sachant plus qu'inventer, finit par danser
sur la place San Marco. Il ne lui restera, pour
sauver la face, qu'à devenir martyr. On lui
fit la charité de le brûler vif..
»
Ainsi, l'une des plus pures gloires de
son siècle, l'un des grands
caractères de l'histoire n'est autre qu'un
hystérique « divaguant et
délirant tout haut... » En fait de
délire et de divagation, on aurait peine
à trouver mieux que cette prose! Pourquoi
faut-il qu'en présence d'une aussi noble
personnalité des hommes intelligents perdent
à ce point le sens de la mesure?
De plus - chose troublante - bien rares,
pour ne pas dire inexistants sont aujourd'hui, sous
une forme populaire, les ouvrages impartiaux qui,
non seulement redressent de tels jugements mais
veulent mettre en lumière les sources
auxquelles a puisé le génie d'un des
grands inspirés.
Pour cette raison et par souci de
justice, il nous a paru nécessaire de nous
pencher à notre tour sur cette ombre du
passé. La faire revivre, si possible, dans
son cadre et son temps, tel a été
notre but.
Mais ce n'est pas aux touristes seuls ni
aux admirateurs de l'attachante et complexe
Florence que nous avons pensé. Nos jeunes,
semble-t-il, ont plus que jamais besoin d'approcher
ces natures d'élite que leur conscience a
dressées contre les puissants du jour.
L'incarnation d'une inflexible volonté et du
courage le plus rare - le courage moral leur
apportera sans doute un puissant réconfort.
Toutefois - on tient à le dire
hautement - le présent opuscule ne
prétend à aucun titre renouveler
l'histoire d'un homme et d'une époque.
Pour présenter quelque chose de
nouveau sur le Quattrocento et sur Fra Girolamo, il
faudrait être à la taille d'un Jacob
Burckhardt, d'un Eugène Müntz ou d'un
Philippe Monnier. Or, l'auteur ne veut pas se
donner ici le ridicule d'une comparaison. Ce qu'il
a voulu faire, c'est transformer en menue monnaie
le capital imposant des recherches et souvent des
découvertes opérées par les
fouilleurs d'archives. On peut, d'après la
bibliographie du sujet, voir à quel point
abonde la matière.
Si la Bibliothèque nationale de
Florence n'a pu être épuisée
par nous, du moins la fréquentation des
lieux - la cité de l'Arno, cela va de soi,
puis Ferrare et Bologne - a-t-elle ajouté un
peu de couleur au tableau. Et si la lecture de ces
pages paraît moins absorbante que celle des
Perrens, des Villari, des Roeder ou des Schnitzer
(copieux auteurs dont l'appareil documentaire est
particulièrement solide), on le devra sans
conteste au soin avec lequel ces biographes ont,
avant nous, exploré toutes les avenues. Nous
leur devons l'essentiel du récit qui va
suivre.
Par bonheur, on est aujourd'hui
suffisamment renseigné et l'on dispose d'un
recul assez grand pour esquisser du héros un
portrait point trop invraisemblable.
Peut-être nous reprochera-t-on
l'évidente sympathie que celui-ci respire.
N'est-ce pas, après tout, l'un des moyens de
mieux comprendre l'homme et d'en bien saisir les
mobiles ?
Ce travail était presque
achevé lorsque la rancune d'un homme
politique jeta brusquement l'Italie contre la
France écrasée. Ce jour-là, ce
texte lut avec douleur relégué au
fond d'un tiroir et le tiroir fermé à
double tour. Mais, le 25 juillet 1943, comme par
enchantement, ces pages en ressortirent, non,
certes, pour satisfaire à
l'actualité, mais pour aider à la
juste compréhension d'un peuple qui, trop
souvent, manqua de chefs de la hauteur du
Frate.
L'heure est grave pour la patrie de
Savonarole. Aux guides qu'elle choisira, aux
exemples qu'elle suivra, à l'esprit qui
l'inspirera, on pourra juger de ses
possibilités à venir. Or, ceux qui
l'aiment voudraient la voir accomplir à
nouveau la tâche que, dans sa prescience,
entrevoyait pour elle le Prieur de Saint-Marc.
Du plus sombre des drames peuvent surgir
aujourd'hui les clartés qui éclairent
une route et subliment un destin. L'Italie a
donné au monde les exemples
d'humilité d'un Poverello,
d'intégrité d'un Frère
Jérôme et d'intrépide
fermeté d'un Josué Janavel . Or cette
Italie-là a droit à notre affection
et à notre reconnaissance. Mieux encore,
grâce à des hommes de cette trempe,
elle justifie tous les espoirs.
Novembre 1943.
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