Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

APPENDICE

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PRESQUE six mois après le triste événement, le 6 avril 1840, la nouvelle en était apportée en Angleterre par le courrier des Indes. Un journal du Bengale annonçait le meurtre de Williams, en reproduisant un article paru dans une revue de Sydney. Le 4 mai, le Comité de la Société des Missions de Londres était officiellement averti. Immédiatement, les directeurs se réunirent. Quelques jours après, la nouvelle était communiquée à la foule réunie à l'occasion de la fête annuelle des Missions à Londres. Un service funèbre fut célébré au Tabernacle (Moorfields), en souvenir du vaillant pionnier des Mers du Sud. Le Rév. Timothée East, de Birmingham, prononça l'oraison funèbre devant la famille affligée et les nombreux amis de Williams. Enfin sur l'initiative du Comité de la Société de Londres, une souscription fut ouverte en faveur de la veuve du martyr, et de ses enfants.

... Il serait difficile de trouver un homme plus désintéressé que ne le fut Williams, écrit son biographe : Les autres, leurs difficultés, avaient toujours la première place en son coeur. Du jour où il s'était donné au Seigneur et jusqu'à la fin il manifesta toujours le même esprit d'abnégation et de joyeux sacrifice. Tout ce qu'il avait, appartenait il l'oeuvre missionnaire ; de sorte qu'il put faire bien plus que ne l'aurait permis le maigre salaire alloué aux ouvriers travaillant en Polynésie. Tout ce qu'il possédait, tout ce qu'il savait, tout son temps, toutes ses forces, absolument tout, fut donné avec joie, avec amour, sans compter... Et Dieu bénit abondamment le travail de son serviteur...

Cependant, ni l'esprit de consécration, ni l'habileté pour les travaux manuels ne suffisent à expliquer l'extraordinaire carrière du missionnaire et ses succès. Le travail et la persévérance, voilà le secret de sa vie. C'est aussi celui de la vie des grands hommes. Williams fut un travailleur dans toute l'acception du mot. Il se donnait complètement à tout ce qu'il entreprenait. Commencer pour lui, c'était aussi achever. Jamais il ne renvoyait à plus tard le devoir qui se présentait à lui. Dans sa vie, rien de capricieux, de spasmodique, point d'indécision. »

Il aimait les indigènes (1). Où qu'il fût, à la forge, construisant une maison ou chez lui, les indigènes l'entouraient, le regardaient faire, le questionnaient. Il semble parfois fastidieux d'avoir à répondre à des questions puériles, d'être entouré de gens au coeur endurci, à l'esprit enténébré. Ce n'était point le cas pour Williams : très communicatif lui-même, il se gardait d'éloigner les visiteurs et essayait d'élever leur niveau en les amenant à penser sainement ; en leur communiquant quelque bienfait d'ordre matériel, intellectuel ou spirituel. Chez lui l'exemple allait avec le précepte : de quoi qu'il s'agît, il était toujours le premier sur la brèche. Il ne disait pas « Allez », mais : « Venez ».



The John Williams I

Navire acheté par les enfants des Écoles du Dimanche d'Angleterre pour remplacer le « Camden ». Aujourd'hui le « J. Williams IV » parcourt le Pacifique.

Un autre trait du caractère de Williams que j'ai souvent eu l'occasion d'observer quand je travaillais à ses côtés, c'est qu'il était de plain-pied avec l'indigène. Le missionnaire qui trouve les indigènes sales, mal élevés, bruyants, dégoûtants, celui qui les relègue à la cuisine quand ils viennent le voir, et qui se croit d'une autre essence, manque des qualités essentielles pour son activité. Telle n'était pas l'attitude de Williams, non plus que celle de plusieurs collègues encore à l'oeuvre en Polynésie.

... Enfin nous voulons aussi relever ici sa grande connaissance de la Bible. Si occupé que fût Williams, la lecture du Livre et la prière commençaient ses journées. Il savait l'inutilité du travail sans la bénédiction de Dieu. Dans le cercle plus intime de la famille, Williams est le même. Là encore il déploie les mêmes qualités de bonté, de compréhension, de patience. L'intimité le grandit encore. Ce qu'il est en chaire, il l'est aussi au foyer. Sa conduite est exemplaire. Durant les années de vie missionnaire, Mrs. Williams souffrit beaucoup du climat, de la maladie, des longues séparations ; mais tout ce qui pouvait être fait, humainement parlant, pour lui rendre les choses faciles et adoucir son existence était fait ; elle était entourée des mille petits soins que suggérait la sympathie. La plus grande joie de Williams était de deviner ce qui pouvait lui faire plaisir, et de le lui procurer avant qu'elle n'en ait formulé le désir. À son foyer, Williams est encore le missionnaire. Plus encore que toutes ses autres qualités, sa piété donne le secret de sa vie, le secret de ses succès. Et la morale qui se dégage de cette existence donnée au service de Dieu et des autres, c'est que la bonté est la véritable grandeur.

« J'HONORERAI CEUX QUI M'HONORENT ».
[Ces lignes terminent la biographie écrite par Ebenezer Prout, en l'année 1843, peu après la mort de Williams.]




NOTES EXTRAITES DU LIVRE ÉCRIT PAR JOHN WILLIAMS


IDOLES POLYNÉSIENNES. - CÉRÉMONIES PAÏENNES. - SACRIFICES HUMAINS. - LE DERNIER SACRIFICE HUMAIN A TAHITI. - INFANTICIDE. - FÊTES DE JEUNESSE.



Les Polynésiens adoraient les ancêtres qui pour quelque raison étaient devenus célèbres et avaient été déifiés, des idoles, des étous... Il y avait aussi une vague croyance en un Être suprême, Créateur de toutes choses - en particulier aux Îles Samoa. Quelle occasion pour le missionnaire de prêcher sur ce texte : « Le Dieu que vous adorez sans le connaître, c'est celui que nous vous annonçons. » Le culte rendu consistait en prières, incantations, offrandes, en sacrifices humains, en blessures volontairement infligées ; c'étaient généralement les incisives et les phalanges des doigts que les indigènes des Îles Tonga offraient à leurs divinités. Là, presque tous les adultes ont les mains mutilées. « Certain jour, écrit Williams, je remarquai qu'une jeune femme de dix-huit ans à peu près, fille de chef, avait dû récemment se couper un doigt. Comme je lui en demandais le pourquoi, elle me répondit que sa mère avait été gravement malade, et qu'elle avait fait cela pour obtenir sa guérison.
- Et comment as-tu séparé la phalange ?
- J'ai pris un coquillage coupant et j'ai tailladé jusqu'à ce que le doigt soit séparé, puis j'ai laissé le sang couler. C'était mon offrande aux dieux en faveur de ma mère. » Généralement ce sont les petits doigts qui sont ainsi sacrifiés, phalange par phalange -, et quand ils ont été complètement amputés, l'homme ou la femme fait saigner la plaie fermée en la frottant avec des pierres pointues.

Mais la plus horrible pratique était celle des sacrifices humains, pratique très répandue aux Îles Australes, à Tahiti, Mooréa et aux Îles-sous-le-Vent, dans l'archipel de Cook, etc... Pour le Raumatavehi raa, fête de la Restauration qui avait lieu après le départ d'une armée ennemie victorieuse, il fallait sept victimes.

Pour l'installation d'un grand roi, la coutume voulait qu'on ajoutât un morceau à la Ceinture rouge - Maro ura - bande de filet de 2 mètres de long et de 16 centimètres de large, à peu près, dans ce filet, on entrelaçait des plumes rouges. Lorsque la ceinture était étendue pour ce travail, on immolait une première victime (mauraa titi). Lorsque le nouveau morceau était ajouté à la ceinture (fatu raa), nouveau sacrifice. Lorsque le travail était achevé et qu'on reprenait la ceinture : (piuraa), nouvelle victime. Nommer quelqu'un Roi de la Ceinture rouge était le plus grand honneur qu'on pût lui faire. Tamatoa, roi de Raïatéa, qui la possédait, me la remit pour que je l'envoie au Musée des Missions à Londres, où elle se trouve (2).

Au moment d'entreprendre une guerre, de livrer une bataille, on offrait encore des sacrifices. Lorsqu'un fils de chef naissait à Rarotonga on offrait aussitôt deux hommes sur l'autel... La manière dont les victimes étaient choisies illustre ce que dit l'Écriture du paganisme. Dès que le prêtre avait annoncé qu'il fallait un sacrifice humain, le roi envoyait des messagers aux chefs des districts. En entrant dans une case les serviteurs royaux demandaient au chef : « N'as-tu pas une calebasse fendue ? » Ou encore, une mauvaise noix de coco ? Ces expressions et d'autres semblables étaient comprises. Aussitôt, par un mouvement de la tête ou de la main, le chef désirait l'individu à prendre. Il gardait généralement auprès de lui quelques indigènes destinés - à leur insu - au sacrifice. Les messagers du roi n'étaient armés que d'une pierre ronde, noire, cachée dans la paume de la main : ils lançaient aussitôt celle-ci avec force sur la nuque de l'indigène désigné ; leurs suivants se précipitaient alors et achevaient la victime qui était transportée au maraë avec des cris sauvages et des chants de triomphe.

D'autres fois la victime désignée était paisiblement occupée dans sa maison. Celle-ci était alors entourée et les pourvoyeurs du roi se faisaient un jeu de viser l'homme par les ouvertures de sa case : entre les bambous, par le toit, etc... Le malheureux courait alors d'une cloison il l'autre, se jetait en tous sens, hurlait de douleur sous les coups. Où qu'il se jetât, la pointe d'une lance le perçait... Alors, sentant que la fuite était impossible, il se couvrait la tête de « tapa » ou de quelque autre objet, s'étendait par terre au centre de la hutte et attendait la mort.

Ce qui était plus effroyable encore si possible, c'est que toute la famille de la victime, tous les hommes, étaient dès lors voués aux sacrifices. Il ne leur servait de rien de s'enfuir en une autre île. Leur histoire était vite connue, et c'est là qu'ils étaient tués et offerts sur le maraë. J'ai eu à mon service un individu qui était le dernier d'une famille sacrifiée. Huit fois il avait été poursuivi avec des chiens jusque sur les montagnes. Mais comme c'était un excellent coureur, et qu'il savait déjouer les ruses, il put échapper jusqu'au moment où, l'Évangile étant accepté, les sacrifices humains furent abolis.

Voici comment fut saisi le dernier indigène de Tahiti offert en sacrifice. C'était à la veille d'une grande bataille dont l'issue devait, ou confirmer la royauté dans la maison de Pomaré, ou consommer sa ruine. Pour se rendre propices les dieux, il offrit sur l'autel d'immenses rouleaux de tapa, des porcs, des poissons, des monceaux de fruits et de légumes. Malgré cela le prêtre demanda un tabou (ou sacrifice). Pomaré envoya alors deux messagers pour chercher la victime nécessaire. Celle-ci fut choisie parce que l'indigène avait accepté l'Évangile.

Les serviteurs du roi allèrent donc pour se saisir de lui, mais ne trouvèrent que sa femme. À leurs questions elle répondit qu'il faisait une plantation de bananiers à tel endroit. - « Nous avons soif, dirent-ils, donne-nous des cocos. » Comme elle leur répondait qu'elle n'en avait pas à la maison, ils lui demandèrent le « O » (Morceau de bois de fer (3) aiguisé qui sert à ôter la bourre du coco et à ouvrir la noix). Elle leur donna ce qu'ils demandaient et ils s'en allèrent. Mais peu après, un horrible soupçon vint en son coeur : elle partit sur les traces des indigènes et arriva à l'instant que son mari était frappé et qu'il tombait. Alors elle courut vers lui, mais elle ne put le rejoindre étant aussitôt saisie et ligotée. L'homme fut alors placé dans une immense corbeille faite en feuilles de cocotier et emporté vers le maraë. (Il ne fallait pas que la femme ou la fille ou aucune femme touchât la victime destinée au sacrifice, ou qu'elle respirât seulement près de celle-ci, ce qui dans la pensée indigène pouvait rendre le sacrifice inutile, la femme étant considérée comme impure).

Pendant qu'on le transportait vers le maraë. l'homme reprit ses sens et dit à ceux qui l'emportaient : « E homa (amis), je sais ce qui m'attend - vous m'emportez pour m'offrir comme tabou à vos dieux cruels. Je sais qu'il est inutile d'en appeler à votre pitié, et que je suis condamné. Mais si vous pouvez tuer le corps, vous ne pouvez toucher l'âme... Car j'ai commencé de prier Jésus, celui que les missionnaires annoncent. » Alors les porteurs déposèrent à terre leur fardeau, placèrent une pierre plate sous la tête de l'homme garrotté et avec une autre frappèrent jusqu'à ce que le crâne fût mis en pièces. Ces faits parlent assez haut et n'ont point besoin de commentaires. Certain jour, l'un des assassins voyageait avec moi ; il me confirma ces faits et me raconta plusieurs autres incidents du même genre.

Aux Fidji, où les chefs ont de vingt à cent femmes - selon leur rang - si l'un de ceux qui ont une certaine puissance vient à mourir, son corps est exposé en grande pompe sur une vaste pelouse à la vue de la foule accourue. La première épouse est alors ornée, décorée, embellie à la manière indigène ; tout l'art fidjien se déploie en cette occasion. Cela terminé, elle traverse la pelouse et va s'asseoir à côté du défunt.

Une corde est alors passée autour de son cou, huit à dix indigènes réputés pour leur force s'attellent à chaque extrémité et tirent jusqu'à ce que la mort s'ensuive. Une seconde épouse prend alors sa place, puis une troisième et une quatrième. Ensuite le défunt et ses quatre femmes sont déposés dans la même fosse - l'une sous lui, l'autre au-dessus, les deux autres à droite et à gauche. La raison donnée de cette horrible coutume c'est qu'il ne faut pas que l'esprit du chef fasse seul le voyage vers le monde invisible -, de plus, cette offrande lui vaut un bonheur immédiat.

Les Polynésiens croient à une vie future : à un endroit de délices, Roohoutou noanoa, c'est-à-dire Roohoutou parfumé, et à un lieu dégoûtant nommé Roohoutou namounamou. Ceux qui quittent ce monde vont habiter en l'un ou l'autre de ces endroits.

Pour les Rarotongans le ciel est un immense édifice entouré d'arbustes et de fleurs. Ceux qui l'habitent jouissent d'une jeunesse perpétuelle et s'amusent sans cesse. Quant aux autres, ils sont condamnés à ramper autour de cette demeure, à voir les plaisirs, les joies de ses habitants, sans jamais pouvoir y entrer.

Les conditions d'admission sont absurdes. Pour l'obtention de ce ciel, le défunt devait être orné au mieux des possibilités de sa famille, et couronné de fleurs. Puis un porc était cuit entier et placé sur le corps qu'on entourait ensuite de fruits et de légumes. Cela fait le père du défunt, s'il s'agissait d'un fils, disait au mort : « Mon fils, alors que tu vivais je t'ai traité avec bonté, et quand tu es tombé malade j'ai fait de mon mieux pour te guérir. Et maintenant que tu es mort, voici ton momoéo, le présent de ton entrée (au séjour des bienheureux). Va, mon fils, sois introduit dans le palais de Tiki, et ne reviens pas en ce monde nous effrayer ou nous alarmer. »

Le tout était alors recouvert de terre, et si rien de fâcheux ne survenait dans les quelques jours qui suivaient, les parents considéraient que tout s'était bien passé et que le mort était auprès de Tiki. Mais s'ils entendaient un « grillon », la chose était considérée comme un mauvais présage. Aussitôt la famille faisait entendre les plus lugubres plaintes, sorte de hurlements, et se répandait en lamentations : « Oh notre frère n'est pas au paradis ! Soit esprit n'a pu y entrer ! Il souffre de la faim, il tremble de froid. » Aussitôt la tombe était ouverte, et on répétait la première cérémonie avec une nouvelle offrande de vivres ; cette seconde offrande était généralement la dernière.

À Tahiti, à Mooréa, aux Îles-sous-le-Vent, la mise a mort des nouveau-nés était presque de règle. Dans ce dernier groupe toutes les femmes avec qui j'ai parlé de l'horrible coutume ont confessé qu'elles avaient tué de nombreux bébés avant l'introduction de l'Évangile.

Un jour, je fus appelé en hâte auprès d'une femme de chef qui se mourait et qui était dans une grande angoisse. Elle avait appris à lire à 60 ans, elle était devenue monitrice d'un groupe d'adultes et s'était montrée fidèle au service de Christ depuis sa conversion. Quand j'arrivai, elle s'écria : « O serviteur de Dieu, entre ! Dis-moi ce que je dois faire ? » Voyant qu'elle était dans une grande détresse, je lui en demandai la cause :
« Je vais mourir ! Je vais mourir ! Mes péchés, mes péchés ! Je vais mourir ! »

Je lui demandai quels étaient les péchés dont le souvenir l'assaillait en cet instant, et elle me répondit : « Mes enfants ! Les petits bébés que j'ai tués. Et je vais les rencontrer maintenant au tribunal de Christ. - Combien donc en as-tu tué ? demandai-je. - Seize ! Et maintenant je vais mourir. »

Saisi d'étonnement et d'horreur parce que je venais d'apprendre, je dis à la pauvre femme après quelques secondes de silence : « Tu l'as fait quand tu étais païenne, quand tu n'avais pas encore accepté Christ. Or, c'est une chose certaine que Christ est venu pour sauver les pécheurs. »

La conscience réveillée de la malheureuse parlait avec force. Je revins la voir souvent pendant les huit jours que dura la maladie, et avec le secours de Dieu, je réussis à détourner ses regards de ses péchés pour les porter vers Celui qui avait pris sur Lui le poids de son iniquité et payé sa rançon.

Au regard de cette abominable coutume et de ces faits, on comprend aisément toute la joie qui accompagne nos fêtes de jeunesse, et combien éloquemment celles-ci manifestent la puissance de transformation de l'Évangile. À certaines fêtes, de cinq à six cents enfants sont réunis, puis ils traversent le village en chantant et se rendent au temple. Ils portent des bannières qu'ils se confectionnent, où sont des inscriptions comme celles-ci : « Quelle bénédiction que l'Évangile ! » « Les chrétiens d'Angleterre nous ont envoyé la Bonne Nouvelle » « Sans l'Évangile nous aurions été tués dès la naissance », etc... D'autres bannières ont comme inscriptions des versets de l'Écriture : « Voici l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde » « Laissez les petits enfants venir à moi », etc...

Quand les enfants sont entrés au temple, l'examen commence ; les parents y assistent, le roi préside...

Certaines figures respirent la joie et l'orgueil ; d'autres la douleur. Il y a dans l'assistance des parents qui n'ont plus d'enfant. Un jour, lors d'une semblable fête, un vieillard à cheveux gris, un chef, se leva, et dit d'une voix vibrante d'émotion : « Il faut que je parle, laissez-moi parler ! » Et lorsqu'il y fut autorisé il dit :
« Oh ! que n'ai-je connu l'Évangile ! Que n'ai-je su qu'il viendrait jusqu'à nous ! Alors, j'aurais sauvé. mes enfants (4). Je les ai tous tués. Il ne m'en reste plus un seul ! » Puis se tournant vers le président, il continua en disant : « Toi, mon frère, tu m'as vu tuer enfant après enfant, et tu n'as jamais saisi cette main cruelle, tu ne m'as jamais dit : Arrête, frère, Dieu va nous bénir, l'Évangile va venir jusqu'à nous ! » Puis le vieux chef, après avoir maudit les faux dieux qu'il avait servis, ajouta : « Je vais mourir seul, et j'ai été cependant le père de dix-neuf enfants. » Puis s'asseyant, il se mit à pleurer. J'ai été le témoin de cette scène, et je pourrais citer bien d'autres faits semblables.

L'une des raisons données pour cette abominable coutume, c'est la guerre. Celle-ci était si fréquente, si soudaine, si affreuse, que les mères, pour éviter les horreurs et les douleurs infligées à quiconque avait, des enfants, préféraient tuer ceux-ci. Une autre raison, c'était la différence de situation entre les époux. Si le mari était de rang inférieur a la femme les enfants étaient tués. Il fallait la mort de deux, de quatre ou de six enfants, pour que le mari fût élevé au même rang que sa femme. La troisième raison qu'on m'a donnée, c'est que l'allaitement fatigue la femme et détruit rapidement sa beauté.

Le bébé était étouffé, ou étranglé, ou enterré vivant. Une planche était placée au-dessus de la tête pour empêcher que l'enfant fût écrasé. La méthode la plus cruelle consistait à briser les premières phalanges des doigts et des orteils au moment de la naissance. Si l'enfant survivait à ce barbare traitement, on disloquait les chevilles et les poignets, puis, s'il était nécessaire, le genou et l'épaule. Ceci terminait généralement les souffrances du pauvre petit être. Sinon, on l'étouffait enfin.

Ces faits que nous pourrions multiplier jettent une triste lumière sur la nature humaine sans Dieu. Il ne paraît guère probable que l'homme, s'il s'y employait, pourrait jamais convaincre les bêtes des champs de détruire leurs petits. Même le tigre des forêts et l'ours cruel se laissent tuer pour les défendre...

L'homme, où qu'il soit, a besoin de l'Évangile. Seule, la Bonne Nouvelle petit le sortir de la dégradation où l'ont plongé la superstition et le péché...

Que ce soit donc l'ambition et l'honneur du chrétien de répandre le glorieux Évangile qui, seul, peut régénérer l'homme et le rendre heureux de façon permanente. »

John WILLIAMS




COMMENT L'OEUVRE EN POLYNÉSIE FUT CÉDÉE A LA SOCIÉTÉ DES MISSIONS DE PARIS (5)


« La conversion des indigènes n'avait pas été chose superficielle. À l'époque, les marins s'en plaignirent. « Les belles habitantes de la Nouvelle Cythère, écrivait Chateaubriand, vont au prêche et expient dans l'ennui la trop grande gaieté de leurs mères. » Duperrey est frappé par le respect du dimanche, la réserve des femmes, la disparition de l'idolâtrie...

« La nouvelle des victoires de l'Évangile s'était répandue en Europe, et en 1833 le pape Léon XII confiait aux Pères de la Maison de Picpus la tâche de convertir toutes les Îles du Pacifique. En 1834, les RR. PP. Caret et Laval arrivaient aux Gambiers avec Tahiti pour objectif : il fallait détruire l'hérésie.

« Pour défendre l'île contre les matelots déserteurs et les forçats évadés, la reine Pomaré et les chefs avaient promulgué une loi interdisant à tout étranger de débarquer sans autorisation. Malgré cette loi qu'ils connaissaient, les RR. PP. Caret et Laval débarquèrent à Tahiti en 1836, et refusèrent de partir. On dut les emporter - sans les molester cependant - à bord d'une goélette en partance. Tels sont les faits.

« Le P. Caret rentra en France pour solliciter une « réparation » à Paris et à Rome. Il gagna sa cause, et Louis-Philippe ordonna à Dupetit-Thouars d'exiger de la Reine des excuses et une amende. Pomaré céda devant la menace d'un bombardement et signa un traité qui permettait aux Français de s'installer à Tahiti...

« Un aventurier fut nommé consul de France. Sa conduite vis-à-vis de la reine, sa vie privée, des dissensions politiques furent cause d'une guerre qui dura quatre ans.

« Les missionnaires anglais, à l'exception d'un seul, avaient du quitter Tahiti. En 1860, la reine Pomaré et l'Assemblée législative des États du Protectorat s'adressèrent il la Société des Missions évangéliques de Paris pour obtenir des missionnaires protestants français. »

Le rédacteur du Journal des Missions fait précéder la pétition qu'il publie, de ces lignes : « Les Îles de la Société placées aujourd'hui sous le protectorat de la France ont été évangélisées par des missionnaires anglais de la Société des Missions de Londres, compagnons et successeurs du célèbre Williams, « l'Apôtre de la Polynésie ».

« On sait que malgré la présence et les travaux des missionnaires de l'Eglise romaine arrivés à la suite des Français, l'immense majorité des Tahitiens sont restés fidèles à leur première foi, et que leurs Églises, desservies par des pasteurs indigènes sous la direction d'un pasteur anglais resté seul en fonctions dans le pays, sont prospères et pleines de vie... »

« Les troubles et les négociations avec l'Angleterre continuèrent jusqu'en 1863. MM. Arbousset et Atger furent envoyés en réponse à la requête de la Reine. Et en 1865, la Société des Missions évangéliques de Paris prenait complètement la direction de l'Oeuvre missionnaire à Tahiti et Mooréa. »

Aux Îles-sous-le-Vent, c'est en 1893 que la Mission de Paris prit effectivement la succession de la Mission de Londres, en envoyant comme missionnaires M. et Mme Brunel, pour remplacer Mr. et Mrs. Richards.
Mr. Richards était mort peu auparavant, à Outouroa, chef-lieu de l'île.


(1) Extrait d'une lettre de Mr. Ellis.

(2) Prononcer tous les u : ou.
(3) Aïlo : casuarine.

(4) Ce chef était un ancien arioï du rang le plus élevé ; et la loi de cette association veut que tous les enfants soient détruits.

(5) Extraits d'un rapport de M. Allégret et du « Journal des Missions de Paris ». (Juillet 1861).
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