[Celle-ci aurait du paraître au commencement du
tome 1er de la « Vie de John Williams ». Nous l'avons
malheureusement reçue trop tard.]
LE 2 août 1928, par une belle mais
chaude journée, je me rendais de Paris à Avignon pour visiter à
nouveau cette ville historique, lorsque, un peu avant Lyon, une
voyageuse entra dans le compartiment où je me trouvais. Étrangers
l'un à l'autre nous échangeâmes quelques paroles, et à propos du
voyage, Mme Brunel, car c'était elle, me dit avoir longtemps vécu
avec son mari, missionnaire, dans l'un des archipels du Pacifique.
Naturellement, le nom de John Williams fut mentionné, Williams
l'apôtre des mers du Sud assassiné à Erromanga le 20 novembre
1839, il y a exactement quatre-vingt-dix ans. Or mon grand-père,
Sir James Williams, était cousin germain du père du missionnaire
martyr. Je me souviens très bien du dernier fils de Williams, et
je suis encore en relations avec un fils de celui-ci. C'est pour
cela que Mme Brunel a bien voulu me demander d'écrire une préface
à la biographie de John Williams qu'elle vient d'écrire.
La force animatrice de la vie de
Williams ce fut un grand amour pour notre bien-aimé Seigneur et
Sauveur Jésus-Christ ; de cela tous les lecteurs de ces pages
conviendront avec moi, qu'ils soient catholiques ou protestants.
En l'an 1817, les terres éloignées étaient plus distantes qu'elles
ne le sont aujourd'hui, on les connaissait bien moins ; les
communications étaient rares, très irrégulières ; les moyens
de transport sans aucun confort. C'est alors que partit Williams,
à 21 ans. Jusqu'alors il n'avait probablement jamais quitté
l'Angleterre, sa jeune femme non plus. Tous deux partaient pour
ces îles des mers du Sud, où ils auraient à vivre parmi les
païens. D'autres missionnaires de la Mission de Londres, il est
vrai, travaillaient déjà en ces lointains pays depuis l'année
1797. Après une longue période de dur labeur, ceux-ci avaient
enfin vu germer la semence. Les Williams restèrent quelques mois
auprès de leurs prédécesseurs, puis ils allèrent s'installer à
Raïatéa qui fut leur premier champ missionnaire.
Dans le livre qu'il écrivit, John
Williams prend un évident plaisir à souligner les interventions de
Dieu dans les événements qui conduisirent à la chute de
l'idolâtrie et à l'adoption du Christianisme : des guerriers
partis à Tahiti, reviennent convertis en leur pays. Attaqués par
les païens et vainqueurs ils font grâce à leurs ennemis. Cette
conduite fond les coeurs des cruels païens et les tourne vers
Dieu. Une pirogue montée par un chef et des indigènes de Rouroutou
qui fuient leur île dévastée par une épidémie, aborde à Raïatéa.
Là, les naufragés au contact des missionnaires embrassent le
Christianisme.
Mais la passion dominante de Williams
ce fut d'annoncer Christ à ceux qui n'avaient jamais encore
entendu son nom. Le premier, il porte l'Évangile dans l'archipel
de Cook. Là, entendant parler d'une île encore inconnue des grands
navigateurs, il cherche et découvre Rarotonga,
non sans difficultés. C'est la seconde fois qu'il se dirige vers
le Sud à la recherche de cette terre ; plusieurs jours se
sont écoulés et il va falloir retourner en arrière. À la dernière
heure la terre est aperçue enfin ! Détails qui font penser à
Colomb cherchant un nouveau monde et apercevant Guanahani alors
qu'il était sur le point de retourner en Espagne. « Jamais,
dit Williams, je n'oublierai l'émotion ressentie lorsque le
matelot monté au haut du mât pour la cinquième fois cria :
« La voici, la voici, cette terre ! »C'est à
Rarotonga que Mrs. Williams, gravement malade, donna son
consentement au projet qu'avait ébauché John Williams
d'évangéliser d'autres archipels vers l'Ouest. C'est à Rarotonga
que celui-ci construisit le navire nécessaire aux voyages
missionnaires qui suivirent.
En 1834, Mr. et Mrs. Williams
rentraient en Angleterre. Ils y restèrent quatre ans. Ce fut
encore un temps d'intense labeur pour John Williams qui s'occupa
de l'impression du Nouveau Testament en dialecte de Rarotonga et
de plusieurs autres livres, de la composition d'un Récit de ses
travaux missionnaires, ouvrage qui eut aussitôt plusieurs
éditions. Enfin il fut appelé à prêcher dans toute l'Angleterre et
en Écosse. Une souscription ayant été ouverte pour l'acquisition
d'un bateau missionnaire, le brick « Camden » fut
acheté. C'est sur ce navire que les Williams et plusieurs autres
missionnaires s'embarquèrent le 11 avril 1838 pour retourner en
Polynésie. John Williams s'installa aux Îles Samoa. C'est de là
qu'il partit pour les Nouvelles-Hébrides, le 5 novembre 1839.
Quinze jours plus tard il tombait sous les coups des sauvages, sur
la rive d'Erromanga...
C'est une vie d'un intérêt
extraordinaire, une vit, d'une étonnante variété, une vie donnée
jusqu'à la mort, que Mme Brunel fait passer devant nous, dans les
pages de cette biographie.
James WILLIAMS.
Tdehurst, Berks, . Angleterre
LIVRES CONSULTES
- « A Narrative of Missionary Enterprises », par J. WILLIAMS.
- « Memoirs of the Life of the Revd John Williams », par EBENEZER-PROUT.
- « John Williams, the Shipbuilder », BASIL MATHEWS.
- « The Martyr of Erromanga », CAMPBELL.
- « Erromanga, The Martyr Isle », Revd ROBERTSON.
- « Wiriamou, Mariner Missionary », ERNEST H. HAYES.
- « John Williams », par F. FAURE, missionnaire.
- « L'évangélisation des indigènes par les indigènes », par L. MARCHAND, pasteur.
Je tiens à remercier ici le Révérend James
Williams qui m'a communiqué des livres parus au siècle dernier,
alors que John Williams vivait encore ou peu après sa mort, livres
introuvables en librairie. C'est grâce à lui que j'ai pu rédiger
cette biographie.
Mes remerciements vont aussi à la
Société des Missions de Londres pour les clichés dont elle m'a
cédé une reproduction ; à la Société des Missions de Paris
pour les clichés cédés pour le premier volume, et les documents
communiqués.
Viane, 15 septembre 1931.
John Williams naquit le 29 juin 1796, dans les
environs de Londres. Ses parents le destinaient au commerce. C'était
un jeune homme aimable, fort bien doué, travailleur, mais déjà sur
le chemin large qui mène à la perdition lorsqu'il se convertit. Un
soir d'hiver, le 30 janvier 1814, John attendait des amis pour se
rendre avec eux dans un lieu de plaisir. L'heure du rendez-vous
passait ; personne ! Survint une dame qui, reconnaissant
Williams, l'un des apprentis de son mari, insista auprès de lui pour
qu'il l'accompagnât au service du soir au Tabernacle. Il céda par
dépit et parce que ses amis le faisaient attendre. À l'Eglise,
l'attention de Williams fut attirée et retenue par le texte du
prédicateur : « Que servirait-il à un homme de gagner tout
le monde s'il perdait son âme ? » Dieu toucha le cœur du
jeune homme : « Mes yeux furent ouverts, dit-il, et je
vis, comme dans un éclair, que la vie c'était plus et mieux que
d'apprendre un métier pour un gain terrestre, plus et mieux que de
travailler six jours pour s'amuser le septième, et je donnai mon
cœur à Dieu. » Il avait dix-huit ans.
Ces minutes de la conversion furent
les merveilleux instants durant lesquels la vie de Williams
s'aiguilla vers Dieu : direction qu'il maintint jusqu'au bout.
Sa conversion s'affermit ; l'année suivante, se sentant appelé
à servir Dieu en pays païens, il offrit ses services à la Société
des Missions de Londres : on l'accepta. Puis ce furent la
préparation, la consécration, le mariage avec Miss Mary Chauner, le
29 octobre 1816, la désignation pour Tahiti, et le départ le mois
suivant (17 novembre). Williams venait d'avoir vingt ans.
Le voyage dura un an. Les
missionnaires arrivaient enfin à Tahiti et quelques mois après ils
allaient s'installer à Raïatéa, leur premier champ de travail. Quand
l'île eut accepté l'Évangile, Williams demanda un changement de
poste au Comité de Londres, changement qui fut refusé. Raïatéa
semble trop petite, trop peu peuplée à cet infatigable travailleur.
Amené à s'occuper de l'évangélisation des Îles Australes (qu'on nomme
aussi Îles Toubouaï), il y installa des pasteurs indigènes instruits
par lui, convertis de la veille, Désormais son ambition sera d'avoir
un petit navire qui permettra d'atteindre les terres encore
païennes. Dans cet Océan qui l'environne, il voit une route possible
vers cette poussière d'îles qui émergent à l'Ouest. Le Comité des
Missions ne pouvant autoriser cette dépense faute de ressources,
Williams, au cours d'un séjour à Sydney achète une goëlette sur la
part d'héritage de sa mère qu'on lui a servie. Il engage les
services d'un équipage, d'un capitaine, il décide un
ingénieur-agronome à l'accompagner, il achète une cargaison,
embarque vaches, moutons, etc., bref, il dépasse ses capacités de
paiement. Mais il calcule que la goëlette voyagera, apportera les
produits des îles à Sydney, ce qui paiera les salaires et les
dépenses d'entretien.
Plan sagement conçu et bien fait
pour stimuler les indigènes au travail, puisqu'ils avaient
maintenant des débouchés assurés. Malheureusement, ces produits
faisant concurrence an commerce local australien, quelques colons
agirent sur le gouverneur afin qu'il mit des impôts sur les
marchandises en provenance des îles. De lourdes taxes fermèrent
alors le marché aux produits de Raïatéa. Il fallut songer à vendre
le bateau. Mais déjà Williams avait fait une tournée missionnaire
aux Îles Cook, y laissant des évangélistes indigènes comme aux Îles
Australes. Vis-à-vis de ces païens d'hier transplantés en pays
étranger et en plein paganisme, Williams avait aussi pris des
engagements, et il avait des devoirs.
Sur la demande des missionnaires
réunis à Tahiti, le Comité de Londres accorda que fut louée une
goëlette pour un voyage annuel dans les îles, où sont à l'œuvre ceux
que Williams nomme « les missionnaires bronzés ». C'est au
cours de l'une de ces croisières que John Williams découvrit
Rarotonga. Plus tard, le docteur recommandant un climat froid à
cause de la santé fort ébranlée de Mr. et Mrs. Williams, c'est dans
cette île, bien plus au sud que Raïatéa et au climat bien moins
chaud, que la famille missionnaire vint s'installer. C'est aussi à
Rarotonga que Williams construisit une goëlette. Il la nomma :
« Le Messager de Paix ».
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