L'HISTOIRE des Vaudois nous fait voir clairement l'accomplissement de
deux prophéties de l'écriture, l'une est contenue au chapitre
11 de l'Apocalypse et l'autre au chapitre
12. du même livre.
Nous avons parlé de la dernière lors que nous avons montré, que les
Églises de Piémont ont conservé la Doctrine des Saints Apôtres dans sa
pureté, depuis le temps des Apôtres jusques à nos jours, et que
l'Église Romaine s'est corrompue en adoptant et recevant les dogmes et
les cérémonies des Païens et a communiqué sa corruption aux autres
Églises d'Occident.
Les seules Églises de Piémont s'étant conservées dans leur pureté, il
faut nécessairement, que les Vallées où Dieu les avait recueillies
soit le lieu qu'il avait assigné à son Église, fuyant devant le
Dragon.
Et cette corruption a commencé de se glisser dans l'Église au
commencement du cinquième siècle, sans avoir souillé ni infecté les
Églises de Piémont, qui depuis cette corruption ont été publiquement
nourries du pain de la parole de Dieu, sans aucun mélange des
traditions humaines, ni des cérémonies Païennes. Or depuis que la
corruption s'est glissée dans l'Église jusques à l'année 1686, que ces
pauvres Églises ont été dissipées, se sont passés 1260 ans, marqués
par les 1260 jours prophétiques, que l'Église devait être nourrie dans
le désert, sans que pendant un si long espace de temps, Satan, ni ses
Suppôts, aient pu par leurs ruses et subtilités introduire leurs
erreurs dans ces Églises.
Et ce qui nous persuade puissamment de cette vérité, et nous confirme
dans le sentiment que c'était là le lieu que Dieu avait préparé à son
Église pour la conserver, c'est que ni l'incision que les Papes ont
établi depuis tant de siècles dans l'Italie et dans le Piémont, ni la
Croisade que le Pape Innocent VIII fit pour détruire ces Églises, en
l'année 1487. ni tant de guerres que l'Antichrist et ses Émissaires
leur ont suscitées, ni tant de sanglants combats qu'elles ont essuyés,
ni les persécutions, ni les massacres qu'on a fait de ceux qui
composaient ces Églises, n'ont pas pu les obliger d'abandonner la
saine doctrine, ni dissiper ces Églises, jusques à l'année 1686.
Ce fût alors que finit le temps que Dieu avait marqué, dans la
prophétie du chapitre douze de l'Apocalypse, qui regardait ces
Églises. Si Dieu n'avait préparé ce lieu pour y conserver son Église,
comment aurait-il fait tant de merveilles pour l'y faire subsister
tant de temps, malgré tous les efforts de Satan et du monde. Comment
se serait-elle conservée pure dans ces montagnes, si Dieu ne se fut
déclaré son Protecteur et son Conservateur, n'eut combattu pour elle
et avec elle, et n'eut dissipé les complots de Satan et de
l'Antéchrist, qui se sont tant de foi joints ensemble, pour
exterminer, et pour perdre ces pauvres Églises.
Les deux témoins du Chapitre 11 de l'apocalypse sont les fidèles, qui
depuis que la corruption s'est glissée dans l'Église, ont enseigné, ou
de vive voix, ou par écrit la saine et pure doctrine de l'Évangile, et
ont combattu les erreurs que les faux Docteurs introduisaient dans
l'Église, à mesure qu'elles s'y établissaient, ou depuis qu'elles s'y
sont établies. Et comme on voit par les écrits de plusieurs Docteurs
Protestants, il ne s'est point passé de siècle, où Dieu n'ait suscité
des Saints personnages, qui ont fortement écrit ou prêché contre ces
erreurs, depuis le commencement du cinquième siècle jusques à nôtre
temps. Et ces Saints personnages nous sont représentés par deux
témoins, parce qu'ils ont emprunté leur témoignage du vieux et du
nouveau Testament, qui sont les véritables témoins, les véritables
dépositaires de la vérité céleste, et avec le vieux et le nouveau
Testament ont combattu l'erreur et le mensonge, et confondu les faux
Docteurs.
Il est dit de ces deux Témoins qu'ils prophétiseront par mille deux
cent soixante jours, qui sont des jours prophétiques comme l'événement
le fait voir, puisque les fausses doctrines se sont introduites en
l'Église dans le cinquième siècle. Ce fut alors qu'Innocent premier
Évêque de Rome s'éleva par dessus les autres Évêques, qu'il fit
l'office d'Évêque Oecuménique, en recevant les appellations des
sentences des Évêques d'Asie et d'Afrique, et en ce qu'il excommunia
Arcadius Empereur d'Orient, qui n'était pas de sa juridiction, mais de
celle du Patriarche de Constantinople. Et en ce aussi qu'il déclara,
que l'Église Romaine était préférée à toutes les autres et ne relevait
d'aucune autre. Et enfin en ce qu'il ordonna par une Bulle que nul ne
présumât de juger le Pape.
Ce fut encore pendant la vie de ce Pape, que l'Eucharistie commença
d'être appelée du nom de Messe, et que Pelagius s'éleva en Angleterre,
qui enseignait le mérite des oeuvres, d'où sont venues les
indulgences, les pèlerinages, le Célibat et l'abstinence des Viandes.
Ce fut en ce temps-là que la corruption tant de la doctrine que des
moeurs commença à s'introduire dans l'Église. Si on compte depuis la
mort d'Innocent I jusques à l'an 1686. les mille deux cents soixante
ans, que les deux témoins devaient prophétiser se sont écoulés. Or le
St. Esprit dit que quand ils auront achevé leur prophétie, ou le temps
que Dieu avait marqué pour prêcher et écrire contre les erreurs de
l'Église Romaine, pour la rendre inexcusable, avant que verser sur
elle les fioles de sa juste colère, il est dit que la Bête qui monte
de l'abîme fera la guerre aux deux témoins, les vaincra et les tuera.
Or cela est arrivé premièrement en France et puis après dans le
Piémont. En France les Témoins y ont été vaincus et tués, par la
cruelle guerre qu'on leur a fait, les Ministres ont été bannis, et les
autres qui n'ont point voulu abjurer leur Religion sont morts dans les
souffrances, ou ont été emprisonnés ou condamnés aux Galères
perpétuelles, ou bannis pour jamais : Ceux qui ont abjuré leur
Religion sont morts au regard du ciel, s'ils ne se relèvent par une
sérieuse et véritable repentance, le bannissement perpétuel et les
galères, ou prisons perpétuelles sont des morts civiles selon le
sentiment de tous les Jurisconsultes. Ceux à qui Dieu a fait la grâce
de se relever, et qui sont morts en France leurs corps ont été traînés
par les rues et après avoir été exposés publiquement, ont été jetés à
la voirie. En Piémont les Témoins y ont été vaincus, et tués, de même
qu'en France, les Ministres y ont été pendus, ou emprisonnés, et les
autres ont été massacrés, et ceux qui sont restés, ont été condamnés
aux galères, ou à un bannissement perpétuel.
Plusieurs ont été massacrés de sang froid, d'autres en fuyant pour ne
tomber pas entre les mains de leurs ennemis, et leurs corps ont été
sans sépulture. Un grand nombre a péri dans les prisons, des maux
qu'on leur faisait souffrir. Et le reste a été exilé, la Religion à
été alors entièrement éteinte dans les Vallées. Et dans l'état où
étaient les Vaudois on pouvait dire qu'ils avaient été tués.
La prophétie dit en second lieu, que les corps morts des Témoins
seront gisants en la place de la grande Cité. Et que ceux des Tribus,
des Peuples, des langues, et des Nations, verront leurs corps morts
par trois jours et demi, et ne permettront point que leurs corps morts
soient mis dans le sépulcre. Ceux tant de France que des Vallées qui
sont échappés de la persécution, ont été bannis et dispersés dans les
pays étrangers, parmi diverses nations, peuples et langues, et ceux
qui les ont recueillis ont empêché, que leurs corps condamnés à la
mort par un bannissement perpétuel, aient été mis dans le sépulcre qui
est l'état de la corruption, et d'une perte totale du corps, par les
charitables subventions dont ils les ont secourus, et ces mêmes
peuples les ont vus dans le pitoyable état que nous avons représenté,
les uns massacrés, les autres exposés à de cruels supplices ou
tourments, les autres emprisonnés, ou condamnés aux galères ou à un
bannissement perpétuel, et cela par trois jours et demi, qui sont des
jours prophétiques, chaque jour étant compté pour un an, comme les
douze cents soixante jours de leur prophétie.
Il est dit qu'après ces trois jours-là et demi, l'esprit de vie venant
de Dieu entrera en eux et se tiendront sur leurs pieds, et grande
crainte saisira ceux qui les auront vus.
Et ils ouïront une grande voix du ciel leur disant ; Montés ici,
et ils monteront au ciel, en une nuée et leurs ennemis les verront. Ce
qui est précisément arrivé au regard des Vaudois, qui après trois ans
et demi, se sont tenus sur leurs pieds, et sont ressuscités, en
sortant heureusement et glorieusement de l'état pitoyable, où leurs
ennemis les avaient réduits. Car les prisonniers ont été mis en
liberté, les exilés ont été rappelés, et tous généralement ont été
rétablis par ordre de leur Prince, dans un état beaucoup meilleur,
qu'ils n'avaient jamais été. En l'année 1686 le Duc de Savoie à la
sollicitation des Cantons Protestants, tira des prisons la plupart des
Vaudois, mais ce fut pour les envoyer en exil dans un pays étranger,
mais ceux qu'il à tirés de la prison au mois de Juin dernier, ça été
pour les renvoyer dans leur pays en paix, et y jouir de plus grands
privilèges et avantages que jamais ; Il avait promis de faire
habiller ceux qu'il tira de la prison en 1686. ce qu'il ne fit pas
pourtant ; mais ceux qu'il a tirés de prisons après les trois ans
et demi, il les a fait très bien habiller ; Ceux qu'il tira de
prison en 1686 ce fut pour les faire périr en chemin, puis qu'il les
en tira dans la saison la plus rude, au coeur de l'hiver, le pouvant
faire plutôt. Il les fit partir la plus part, pieds nus, sans
souliers, et mal habillés, aussi plusieurs périrent, comme nous
l'avons raconté de misère, dans leur sortie ; mais le Duc a fait
des excuses à ceux qu'il a tiré en dernier lieu de la prison, du
mauvais traitement qu'ils ont reçu, et en a imputé la cause au Roi de
France, qui le lui faisait faire.
Le Duc de Savoie et ses prédécesseurs depuis deux cents ans se sont
appliqués de toute leur puissance, à dépeupler les Vallées de
Protestants, comme nous l'avons montré ci devant ; mais depuis
que les trois ans et demi, de la mort des témoins se sont écoulés, il
s'applique avec un soin extraordinaire, à repeupler ce pays de
Protestants, puisque non seulement il a rétabli tous les Vaudois tant
prisonniers que exilés, mais encore a donné permission aux Protestants
de France Réfugiés dans le pays étranger, de venir habiter dans les
Vallées, et a fait expédier des passeports pour ce sujet.
Le Duc de Savoie et son Conseil ont employé les moyens les plus
étranges et les plus méchants pour faire cesser dans les Vallées
l'exercice de là Religion Protestante ; mais depuis les trois ans
et demi de la mort des Témoins le Duc et son Conseil, n'ont pas
seulement donné la permission aux Vaudois de faire l'exercice de leur
Religion par toutes les Vallées mais aussi dans Turin la ville
capitale de tous ses États. Et ce merveilleux changement est arrivé
dans un instant au grand étonnement et crainte de leurs ennemis, qui
les croyaient pour jamais perdus, et s'en réjouissaient, au lieu qu'on
avait employé des siècles pour les détruites sans en pouvoir venir à
bout qu'en l'année 1586. Et encore on n'y réussit que par des
trahisons et des perfidies. Cela nous fait voir que le rétablissement
des Vaudois, est un ouvrage du ciel. et non des hommes. aussi la
Prophétie dit, que l'esprit de vie venant de Dieu entrera en eux, et
qu'ils se tiendront sur leurs pieds.
L'Auteur du Cinquième Empire imprimé à la Haye par Meyndert Uytwerf
Marchand Libraire a merveilleusement bien rencontré (raconté) l'Époque
des trois ans et demi de la mort des deux Témoins. Car voici comme il
parle dans le chapitre 13 de son livre.
Le temps que les deux Témoins doivent demeurer, dans l'état que nous
avons représenté dans le chapitre précédent, est limité à trois jours
et demi, après quoi ils ressusciteront. Ces trois jours et demi sont
des jours prophétiques, comme les 1260 jours que devait durer leur
prophétie, chaque jour étant pris pour un an.
On ne peut pas savoir si les trois ans et demi de la mort des Témoins,
désignés par les trois jours et demi, doivent commencer lorsque l'Édit
de Nantes fut cassé et révoqué, et les Ministres de France condamnés à
un bannissement perpétuel, ou lorsque les fidèles des Vallées de
Piémont, qui depuis les Apôtres ont soutenu et conservé la vérité
parmi eux, ont été chassés de leur pays.
Après quoi, L'Auteur dudit livre dit son sentiment en cette manière.
Il y a apparence que ces trois ans et demi doivent commencer, lorsque
les Églises de Piémont ont été détruites, puisqu'elles ont été
toujours les visibles dépositaires et conservatrices de la vérité, qui
a été toujours prêchée et enseignée à ceux qui les composaient.
L'événement a fait voir, que cet Auteur avait trouvé la vraie Époque,
par laquelle les trois ans et demi devaient commencer, puis qu'après
trois ans et demi, qu'elles avaient été dissipées, elles ont été
glorieusement rétablies. Car les Vaudois ne furent entièrement chassés
des Vallées qu'à la fin du mois d'Octobre de l'an 1686. que ceux qui
s'étaient cachés dans les cavernes et rochers, ou dans les bois pour
ne tomber pas entre les mains de leurs en cruels ennemis, étant sortis
de leurs cachettes, après que l'armée de France se fut retirée, et que
les troupes de Mondovi, et des autres lieux du Piémont fussent
retournées en leur pays, se saisissent de quelques postes avantageux,
dans les Vallées de Lucerne et de St. Martin firent des courses sur
leurs ennemis, et les obligèrent de leurs fournir des vivres et les
autres choses nécessaires, et leurs ennemis ne pouvant les chasser de
leurs postes, on leur accorda des passeports pour se retirer en
Suisse.
Avant la sortie de ceux-là, on ne peut pas dire que les Vaudois
fussent morts puisqu'ils faisaient payer des contributions à leurs
ennemis. Or ils ont été rétablis par ordre de leur Prince au
commencement du mois de Juin 16(?)0 trois ans et demi après leur
entière dissipation, puisque ce fut un mois seulement après les trois
ans et demi écoulés.
Aussi la prophétie ne parle de leur rétablissement qu'après que ce
temps sera accompli. Qui plus est dès le mois de Mai les Vaudois
commencèrent à se tenir sur pieds, l'esprit de vie venant de Dieu
était déjà entré en eux. Car ayant en ce mois-là reçu du secours des
Alliés, tant d'hommes, que d'argent, au lieu que leurs ennemis les
avaient chassés dans les hautes montagnes, ils commencèrent à chasser
leurs ennemis des postes qu'ils avaient pris sur eux. Et ainsi nous
voyons qu'a leur égard, la prophétie du Chap. XI de l'Apocalypse a été
accomplie dans le temps marqué par l'esprit de Dieu.
Les Églises de Piémont étant le tronc des Églises Protestantes, elles
ont été rétablies les premières. Les Églises de France, d'Hongrie et
d'ailleurs n'étant que les branches elles seront rétablies
ensuite ; Dieu ne tardera pas de faire son oeuvre à la honte et
confusion de ses ennemis. Il en arrivera de même de l'établissement
des Églises Protestantes, que de l'établissement des Églises d'Israël
Celles de la Judée retournèrent les premières de la captivité, bien
que transportées les dernières ; mais Dieu ne tarda pas de
ramener les autres de la captivité elles furent toutes délivrées en
divers temps et à diverses reprises. Il en sera sans doute de même des
Églises Chrétiennes qui gémissent sous la captivité de l'Antéchrist,
que des Églises d'Israël captives sous la Babylone de Chaldée, Dieu
les délivrera en divers temps et à diverses reprises, il a commencé à
délivrer la mère, et il ne laissera pas la fille gémir plus longtemps
dans la captivité. II achèvera ce qu'il a glorieusement commencé, il
ne laissera pas son oeuvre imparfaite, il rassemblera les troupeaux
dispersés, il délivrera les captifs, et ramènera, ceux qui se sont
égarés de sa vérité, et après cet heureux rétablissement, Israël et
Juda habiteront en assurance.
Depuis que les Vaudois ont été rétablis, par ordonnance de leur
Prince, ils ont chassé les Français des Vallées, ont battu le Marquis
de Fequières. et tué quatorze à 1500 hommes de son armée, entre
lesquels, il y a deux Colonels, quarante Capitaines et un grand nombre
d'Officiers subalternes.
Ils ont encore défait tantôt trois cents, tantôt deux cents et tantôt
150. Dragons du Roi de France, pris divers convois qu'on conduisait à
l'armée commandée par Catinat, et fait diverses courses dans le
Dauphiné, et fait du butin et des prisonniers. On peut dire sans
hyperbole, que les Vaudois depuis leur rétablissement, ont fait dans
une campagne plus de mal à la France que n'ont fait toutes les grandes
armées des Alliés. Les grands services qu'ils ont rendu se rendent au
parti, obligera sans doute le Duc de Savoie à augmenter leurs
privilèges. Et tous les Princes Alliés à faire un bon Traité,
qui soit ferme et stable à perpétuité entre le Duc et les Vaudois, en
cas qu'on fasse la paix entre la France et les Alliés, dont les
Princes Protestants se rendront garants.
Nous n'avons étendu l'Histoire des Vaudois que Jusques au commencement
d'Octobre 1690 s'ils font quelque chose de grand et de considérable
dans les années suivantes, nous continuerons leur Histoire, si le
Seigneur le permet.
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