Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

AU ROI DE LA GRANDE BRETAGNE.

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SIRE,

Les merveilles que Dieu. a faites par le Ministère de Vôtre Majesté en Angleterre et en Irlande, me font espérer quelle aura pour agréable l'Histoire des Vaudois, que je prends la liberté de lui présenter. Elle y verra les merveilles que Dieu a faites pour la conservation des Églises de Piémont ; et le calme dont elles ont joui depuis le temps des Apôtres qu'elles remirent la Doctrine de l'Évangile jusques à l'année 1488 que le Pape Innocent VIII fit faire une Croisade contre les Vaudois.
Les Croisés au nombre de dix-huit mille hommes de troupes réglées et d'environ huit mille Volontaires de Piémont furent par eux entièrement défaits.

Depuis ce temps-là on n'a cessé de les persécuter et de leur faire la guerre. Mais comme ils combattaient pour la cause de Dieu en défendant et soutenant sa vérité, aussi on connaît visiblement que le Dieu des batailles était avec eux et combattait pour eux, sans quoi ils n'auraient pas remporté tant de signalées Victoires sur leurs ennemis, qui étaient souvent vingt et trente et quelquefois cent contre un.

Votre Majesté y verra aussi les cruelles persécutions que les ennemis de l'Évangile leur ont fait souffrir, et la confiance avec laquelle leurs Martyrs ont scellé de leur sang la vérité céleste.
Si leurs ennemis ont eu quelque avantage sur eux, ça été seulement en violant la foi des Traités, qui doivent être inviolables entre les hommes.

Enfin Votre Majesté s'étonnera comment si peu de gens ont pu subsister dans les Vallées de Piémont jusques en 1686, environnés de tant d'ennemis puissants, cruels, pleins de ruses et d'artifices diaboliques, sans et sans loi.
Mais si leur subsistance est miraculeuse, leur retour et leur rétablissement dans leur pays ne l'est pas moins. On voit partout que c'est l'ouvrage de Dieu et non celui des hommes.

Je ne pouvais, SIRE adresser mieux ce petit ouvrage qu'à Vôtre Majesté qui a vu l'Éternel des armées marcher devant lui comme il marchait autrefois devant son ancien Israël, et comme il a marché et marche encore devant ceux qui sont le sujet de cette Histoire. Vous soutenez comme eux, Sire, la cause de Dieu et vous combattez pour sa vérité. Et il ne faut pas douter qu'il ne soit avec vous et qu'il combatte avec vous et pour vous ; les heureux succès de vos entreprises le font voir à toute la terre.

Je prie Dieu de tout mon coeur, qu'il conserve vôtre personne sacrée, qu'il vous donne un règne florissant et heureux, qu'il bénisse vos justes desseins et les fasse réussir à sa grande gloire, c'est le souhait ardent de celui qui est avec un profond respect.

SIRE

De Vôtre Majesté
Le très humble, très fidèle et très obéissant Serviteur.

P. BOYER.




AVIS.


Le tous les peuples qui ont été au monde depuis sa création jusqu'à nos jours, il n'y en a point, si on excepte l'ancien Peuple des Juifs, dont l'histoire contienne tant de merveilles, que celle des Vaudois de Piémont. Car soit qu'on considère leur persévérance en la profession de la saine doctrine des Apôtres, soit qu'on regarde les guerres qu'ils ont soutenues pendant prés de deux cents ans pour conserver parmi eux la pureté de la Religion Chrétienne, on y voit tant de merveilles de la bonté, de la sagesse, et de la puissance de Dieu, qu'il est impossible de ne pas reconnaître, que Dieu s'était déclaré ouvertement le Dieu de ce Peuple, qu'il en était le Protecteur et le Défenseur, aussi bien que de leur Religion.

Nous apprenons de l'histoire sainte, que le Peuple Juif, que Dieu avait choisi par dessus tous les Peuples du monde, pour être son peuple, et en faveur duquel, il avait fait tant de merveilles, en Égypte, en la Mer Rouge et au Désert, est souvent tombé dans l'idolâtrie et s'est plusieurs fois souillé dans les abominations des Nations Païennes, qui habitaient autour de lui. Mais on ne trouve point que les Vaudois aient jamais idolâtré, depuis que Dieu les a appelés à la connaissance de l'Évangile.

Nous voyons encore que plusieurs hérésies se sont introduites dans la primitive Église, par les ruses de Satan, celles des Eutychiens et des Nestoriens, et surtout celle des Ariens, mais on ne voit point que ces hérésies se soient introduites dans les Vallées de Piémont.

Et lorsque toute la terre courrait après la Bête de l'Apocalypse, après cette grande paillarde avec laquelle les Rois de la terre ont paillardé, et du vin de laquelle ont été enivrés les habitants de la terre, (Apocalypse 13 & 17)les seules Églises de Piémont suivaient Jésus-Christ et se tenaient inviolablement attachées à sa sainte doctrine. Aussi les Vallées avaient anciennement pour armes un flambeau allumé, environné de ténèbres avec cette devise :

LUX LUCET IN TENEBRIS. La lumière luit entre les ténèbres.

Et comme autrefois lors que toute l'Égypte était couverte d'épaisses ténèbres, le seul terroir de Gosen était éclairé d'une vive lumière. Ainsi tandis que le monde Chrétien était plongé dans les ténèbres grossières de l'idolâtrie et de l'erreur, il n'y avait que les seules Églises de Piémont qui fussent éclairées de la lumière de l'Évangile.
Or, comment est-ce que la vérité céleste se serait conservée pure dans ces Vallées jusqu'à nôtre temps, si Dieu par sa puissance et par sa sagesse adorable, n'eût empêché Satan de semer son ivraie dans ce champ mystique de son Église, pour y corrompre comme il avait fait ailleurs la bonne semence de la parole, par le mélange des dogmes et des cérémonies du Paganisme, qui ont corrompu la saine doctrine.

Et ce qui est étonnant, c'est que ces Vallées sont situées dans l'Italie, ou la grande paillarde a son siège, et que les Princes de Piémont sont sujets de son Empire !
Quant aux guerres que les Vaudois ont soutenues, que leurs ennemis leur ont suscitées pour les détruire, ou pour éteindre parmi eux le flambeau de l'Évangile, elles sont toutes pleines de miracles.
On voit une poignée de gens mal armés, conduits par des Chefs qui n'avaient nulle expérience de la guerre, battre et mettre en fuite de grandes armées commandées par des Capitaines vaillants et consommés au métier de la guerre.
Leurs ennemis étaient ordinairement vingt ou trente, et quelquefois cent contre un. Or comment les auraient-ils tant de fois battus et mis en fuite, comme ils ont fait, si le Dieu des batailles n'eût été avec eux, et n'eût combattu pour eux ? Comment auraient-ils remporté tant de glorieuses et de signalées victoires sur leurs ennemis, si Dieu ne leur eût donné de la force et du courage, et n'eut mis l'effroi et la confusion parmi leurs ennemis?

Et ce qui est plein de merveilles, et qui doit causer l'étonnement de tout le monde, c'est que ni tant de guerres que leurs ennemis leur ont suscitées pendant deux cents ans, ni tant de combats qu'ils ont essuyés durant ces longues et sanglantes guerres, ni les cruelles persécutions qu'ils ont endurées, ni les artifices Diaboliques des Émissaires de l'Antéchrist, n'ont pu détruire ces pauvres Églises jusques en l'année 1686 que la perfidie et la trahison triomphèrent de l'innocence de ceux qui les composaient.

Si la subsistance des Vaudois dans les Vallées, pendant un si long espace de temps, et parmi tant d'obstacles, est pleine de miracles, leur retour et leur rétablissement n'est pas moins miraculeux.

Le Roi de France et le Duc de Savoie, qui s'étaient joints pour les perdre, ou pour les chasser des Vallées, se joignirent encore ensemble pour s'opposer à leur retour et à leur rétablissement.

Neuf cents Vaudois, ou Réfugiés de France passent le lac de Genève, entrent dans la Savoie, traversent un pays ennemi, de 14 ou quinze journées de chemin, forcent plusieurs passages et défilés qui étaient gardés par leurs ennemis avec des forces plus grandes que les leurs, et malgré tous les obstacles qu'on leur oppose, ils se rendent dans leur pays et en chassent leurs ennemis.
Et lorsque ces deux Princes sont le plus acharnés et envenimés contre les Vaudois, et ne respirent que leur extirpation et leur ruine totale, et qu'ils joignent leurs armes pour exécuter ce qu'ils ont projeté, Dieu souffle sur leurs desseins et les réduit en fumée. Il sème la division entre eux ; de grands amis, ils deviennent de passionnés ennemis, et ils tournent leurs armes l'un contre l'autre.

Enfin, malgré qu'ils en aient (malgré eux), Dieu rétablit les Vaudois dans leur Patrie, même par ordonnance de leur Prince, qui s'excusa envers eux du mauvais traitement qu'ils avaient souffert, et en imputa la cause au Roi de France.
Et de ceux que le Duc de Savoie voulait perdre, il en fait dans un instant ses défenseurs, son rempart et son principal appui.

Les grandes merveilles que Dieu a fait pour les Vaudois, et les changements surprenants qui leur sont arrivés, sont représentés brièvement et naïvement dans ce livre, dans lequel nous parlons :

Premièrement. De leur origine.
II. De leur Religion, qu'ils ont conservée pure depuis le temps des Apôtres, jusques à nôtre temps.
III. Du calme dont ils ont joui pendant plusieurs siècles, à savoir depuis qu'ils eurent embrassé la Doctrine des Apôtres jusques vers la fin du quinzième siècle.
IV. De la Croisade que le Pape Innocent VIII fit pour les détruire en 1488.
V. Des guerres que les Ducs de Savoie Princes du Piémont leur ont fait depuis Philippe jusques a Charles Emanuel II.
VI. Du massacre qu'on fit par surprise de ces pauvres gens, en 1655 et de la guerre qui s'en suivit.
VII. De la guerre de 1663 et 1664.
VIII. De la guerre de 1686 et des suites funestes de cette guerre. Des massacres qu'on fit alors d'une partie de ces Innocents, et de l'emprisonnement des autres contre la foi promise.
IX. Du rigoureux traitement qu'ils reçurent dans les prisons.
X. De leur retour et de leur rétablissement contre toute espérance.
XI. Et enfin nous ferons voir que deux prophéties de l'écriture ont été accomplies à leur égard, l'une est contenue au Chap. XI. et l'autre au Chap. XII. de l'Apocalypse.

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