Un samedi matin, dans la maison
missionnaire de Diego-Suarez... Toutes les portes,
toutes les fenêtres sont ouvertes. Pas
d'air... ; les rideaux pendent immobiles. Un
soleil de feu illumine d'un éclat aveuglant
tous les panneaux blancs qu'il atteint, et par
contraste l'ombre parait plus dense et plus noire.
Le missionnaire travaille à son
bureau ; il se prépare pour les
nombreux cultes du dimanche. À cette heure
encore matinale, les visites sont rares.
Voici cependant quelques coups
timidement frappés à la porte.
« Entrez », dit le missionnaire
en français. Personne n'entre. Mais
après un instant de silence, un nouveau
coup, très doux, s'excuse d'avoir se faire
entendre. « Mandrosoa », dit le
missionnaire en langue hova. Mais il n'a pas plus
de succès que la première fois ;
il prononce alors en dialecte antankarana le
« karibou » qu'attend
certainement son visiteur, car
cette fois un jeune garçon
pénètre dans le bureau, avec une
gaucherie qui n'exclut pas une certaine
énergie. Il est du type antankarana le plus
pur : peau très noire, belle stature,
regard franc et décidé, nez
légèrement busqué. Il est
proprement habillé d'un complet
européen en toile kaki bon marché,
mais il le porte sans affectation ; il va
pieds nus, et il est coiffé d'un chapeau de
paille du pays, que pour le moment il tient
respectueusement d'une main ; dans l'autre il
porte son mince bagage, un mouchoir noué aux
quatre coins. Après les compliments d'usage,
le visiteur s'assoit, et la conversation
s'engage ; affectueusement pressé par
le missionnaire, il ne tarde pas à dire le
motif qui l'amène.
« Je m'appelle Dao. J'habite
avec ma famille le village d'Ampondrakely, à
deux jours de marche d'ici. Ma famille est encore
entièrement païenne ; mais dans
notre village, il y a déjà une petite
« maison de prière », et
l'évangéliste d'Ambilobe vient assez
souvent y présider le culte. Chaque fois,
les enfants du village se massent aux
fenêtres et aux portes du temple, pour voir
et entendre ; dès le début je me
suis mêlé à eux, et j'ai
trouvé très beaux les cantiques des
chrétiens. Pour mieux entendre, j'ai pris
l'habitude de me pousser au premier rang,
jusqu'à la porte qui reste toujours ouverte.
Un jour l'évangéliste nous a dit de
ne pas rester là, d'entrer, de nous asseoir,
et d'écouter à l'intérieur.
Presque tous les enfants s'enfuirent ; mais
quelques camarades et moi-même nous
n'eûmes pas peur d'entrer, et chaque fois que l'évangéliste
venait
nous allions au temple pour chanter des cantiques.
L'année dernière, quelque temps avant
Noël, l'évangéliste nous
dit : « Vous venez bien
régulièrement au culte et je vais
vous récompenser. Je vais vous enseigner un
beau cantique que vous chanterez le jour de
Noël », et il nous apprit en
même temps ce que c'était que le jour
de Noël. Nous étions tous bien contents
de l'amour que nous témoignait
l'évangéliste et de l'honneur dont il
nous comblait, et il ne nous a pas fallu longtemps
pour apprendre le cantique de Noël.
« La fête fut
très belle ; il y avait beaucoup de
monde et tous ceux qui étaient là ont
trouvé que notre cantique était
très bien chanté. Mais bientôt
on sut dans le village que j'avais chanté
avec les chrétiens le jour de Noël. Et
il y a trois jours, alors que nous travaillions
dans les rizières, mon père m'a
parlé ; il m'a dit :
« Qu'entends-je dire à ton
sujet ? Tu vas aux réunions des
chrétiens, et tu nous déshonores en
chantant avec eux ? Tu ne sais donc pas que la
religion chrétienne, c'est la religion des
Hovas qui autrefois nous ont pris notre pays, nous
ont réduits en esclavage, et pendant de
nombreuses années ont volé nos
récoltes ? Et tu vas prier avec eux, tu
nous trahis ? Et ne savons-nous pas prier
nous-mêmes ? Si tu veux prier, pratique
avec nous le culte des ancêtres, fais des
offrandes devant les pierres ou les arbres
sacrés ; quand tu seras
embarrassé, va chez le sorcier,
achète-lui des amulettes ou des
fétiches, demande-lui la manière
d'offrir les sacrifices, paye-le pour qu'il prédise
l'avenir.
C'est ce que les ancêtres et nous-mêmes
nous avons toujours fait et continuerons à
faire, jusqu'à notre mort. Si tu ne veux pas
venir avec nous, si tu continues à te
réunir avec les chrétiens, je te
préviens que tu n'es plus mon fils, je te
renie, je te déshérite, et ma maison
n'est plus la tienne. »
« J'étais
effrayé par la colère de mon
père ; cependant j'eus le courage de
lui répondre : « Mais la
religion chrétienne n'est pas celle des
Hovas ; autrefois les Hovas étaient des
païens comme nous ;
l'évangéliste nous l'a souvent dit,
et les Hovas qui vont au culte ne l'ont jamais
démenti. Le jour de Noël
l'évangéliste a même
prié pour que Jésus devienne aussi le
Jésus des Antankaranas. » Mais mon
père ne, me laissa pas continuer. Il
m'arrêta comme si j'avais prononcé un
blasphème : « Le Jésus
des Antankaranas ! Les Antankaranas n'ont pas
besoin de Jésus. » Et se tournant
vers moi avec colère, il me dit :
« Tu n'es plus mon fils, tu n'es plus un
Antankarana ; va avec les Hovas et ton
évangéliste prier ton
Jésus ; il n'y a plus de, place pour
toi dans ma maison, ni dans le village ; si tu
as faim, je ne te nourrirai pas ; si tu es
malade je ne te soignerai pas ; il n'y aura
pas de place pour ton cadavre dans le tombeau des
ancêtres ; va-t-en, je te
maudis. »
« Tu sais, missionnaire, ce
que c'est pour un enfant que d'être maudit
par son père, continue Dao, les yeux pleins
de larmes ; je tremblais de tous mes
membres ; je pleurais ;
mais j'étais trop effrayé pour
pouvoir dire une parole, et mon père sans
même me regarder me tourna le dos et me
laissa là. Je restai longtemps à la
même place à réfléchir.
Maintenant que mon père m'avait maudit, je
n'avais plus rien à espérer de lui,
et il était inutile de revenir au village.
D'autre part je sentais dans mon coeur quelque
chose de nouveau, l'amour de Jésus pour le
jeune Antankarana que j'étais, et peu
à peu le calme se fit en moi. Poussé,
par une force que je ne connaissais pas je me
levai ; il faisait déjà nuit, et
je ne savais pas où mes pas me
conduisaient ; après avoir erré
pendant longtemps dans la nuit, je me trouvai tout
à coup dans un village, et devant une des
cases du village. Je frappai et c'est la voix de
l'évangéliste qui me répondit,
disant : « Qui est
là ? » « C'est moi,
Dao, d'Ampondrakely.
- Ah, c'est toi, entre, que Dieu
bénisse ton arrivée dans cette
maison. »
« Ainsi, c'était Dieu,
le Dieu de Jésus et des chrétiens,
qui m'avait conduit !
L'évangéliste ne me demanda rien ce
soir-là ; il me donna une natte et une
couverture, et il m'indiqua l'endroit où je
pouvais m'étendre pour passer la nuit. Le
lendemain matin, je lui parlai comme je te parle
aujourd'hui. L'évangéliste
après avoir prié avec moi, m'a
dit : « C'est le Dieu de
Jésus qui t'a pris à ta famille et
qui t'a conduit chez moi, et il veut te conduire
plus loin encore. N'aie pas peur de la
malédiction de ton père ; son
esprit n'est pas encore
éclairé ; mais Dieu peut
l'éclairer, et ton père en arrivera
à regretter de t'avoir
maudit. Prie pour lui et pour ta famille, et tu
verras la puissance de Dieu. Et tu n'es pas sans
famille ; tous les chrétiens sont ta
famille, ton père, ta mère, tes
frères et tes soeurs. Je vais t'envoyer au
« père et mère »
(missionnaire) de Diego-Suarez, et tu feras tout ce
qu'il te dira. » - Et voilà, je
suis venu ; c'est maintenant l'église
qui est ma famille, et je ferai tout ce que tu me
diras. »
Dao, très ému,
s'arrête là. Le missionnaire ne l'est
guère moins que lui. Il sait combien les
Antankaranas païens sont difficiles à
convertir, et voilà que Dieu lui envoie un
jeune garçon, à peine converti, mais
qui paraît bien décidé à
se laisser guider et conduire, et qui pourra
peut-être devenir plus tard l'instrument de
la conversion d'un grand nombre de ses
frères. Du fond du coeur il rend grâce
à Dieu et lui demande son aide pour
l'éducation de ce jeune Antankarana.
« L'évangéliste t'a dit la
vérité, répond-il à
Dao ; cette maison est la tienne ; tu
resteras quelque temps avec moi, et nous verrons un
peu plus tard comment tu pourras servir
Dieu. »
« Servir Dieu », Dao
ne savait certainement pas encore ce que cela
signifiait. Mais il comprenait parfaitement que le
missionnaire ne le chassait pas, et qu'il pourrait
rester dans sa maison. Il ne doutait pas qu'il
allait apprendre non seulement les habitudes encore
nouvelles pour lui des Européens, des
« vazahas », mais aussi tout ce
qui concernait ce Dieu encore mystérieux qui
l'avait brutalement arraché à sa
famille, et qui, en quelques instants, avait bouleversé
de fond en
comble la base sur laquelle sa vie lui avait
jusqu'alors paru assurée. En voyant rompus
tous les liens avec son passé, il avait
éprouvé une grande
détresse ; et certes son coeur
était encore plein de tristesse et de
crainte au sujet de l'avenir. Mais
déjà chez l'évangéliste
il avait trouvé une petite lumière,
et cette lumière lui paraissait maintenant
plus forte et plus réconfortante. Son avenir
lui semblait encore bien mystérieux, mais
peu à peu une confiance de plus en plus
grande envahissait son coeur. Et c'est avec un
visage tout rasséréné qu'il
remercia le missionnaire de bien vouloir le garder
chez lui et qu'il lui promit de le
considérer « comme ses vrais
parents qui lui avaient donné le
jour ».
Pauvre Dao... Il vécut pendant
trois mois dans l'ahurissement. Tout était
nouveau pour lui, et il lui fallait faire
l'apprentissage de tout. La
régularité de la vie et du travail,
l'hygiène obligatoire, furent au
début pour lui des règles bien dures
à observer. Par contre, comme il n'avait pas
toujours mangé à sa faim, il ne tarda
pas à trouver excellente l'habitude de faire
à heure fixe des repas abondants ;
après quelques semaines, il remarqua qu'il
se portait mieux ; plus de vermine, plus de
fièvre, et pourtant il travaillait plus que
dans son village. Le missionnaire quittait souvent
Diego-Suarez pour visiter les unes après les
autres les nombreuses églises de son
district ; et il demandait à Dao de
l'accompagner en portant un paquet. Les courses
dans la brousse étaient parfois très
longues, et il arrivait que la petite troupe
missionnaire fut surprise par un orage.
C'était souvent en traînant la jambe
qu'on arrivait à l'étape ; mais
chose curieuse, il y avait rarement des malades.
Dao avait l'âme trop religieuse pour
attribuer cet excellent état sanitaire aux
précautions prises ou aux distributions
régulières de quinine ; il
croyait que Dieu protégeait le missionnaire
et tous ceux qui vivaient avec lui, et mieux il
connaissait le missionnaire, plus cette foi
grandissait en lui.
Comme cela lui avait été
dur, la première fois, de suivre le missionnaire en
portant
un paquet sur l'épaule, accroché
à l'extrémité d'un long
bambou, à la manière habituelle des
porteurs ! Lui, fils d'homme libre, membre
d'une famille qui avait été autrefois
comblée des faveurs royales, lui dont le
père était particulièrement
estimé par le roi régnant, Tsialana,
faire la besogne d'un esclave ! Jamais il
n'avait été si près de
s'enfuir que le jour où il lui fallut
accompagner le missionnaire dans la brousse.
Mais le matin même du départ, le
missionnaire avait lu l'histoire de Jésus
s'abaissant jusqu'à laver les pieds de ses
disciples, une autre besogne d'esclave, et il avait
compris, ce matin-là, qu'il ne pourrait pas
s'enfuir. Il avait d'ailleurs été
bien encouragé de constater que personne parmi les
églises
visitées ne l'avait
méprisé ; partout, au contraire,
il avait été bien accueilli ;
les pasteurs indigènes lui faisaient
fête, et bénissaient Dieu à son
sujet ; ils lui parlaient avec
considération et le traitaient en
invité. Souvent ils priaient pour lui, et en
le quittant ils ne manquaient pas de lui
dire : « Que Dieu te bénisse,
toi qui es les pieds de notre
missionnaire. »
Il se trouvait que Dao était une
meilleure recrue que le missionnaire n'aurait pu le
croire le jour de son arrivée. Depuis
quelques années l'administration avait
établi dans son village une école
officielle. Inutile de dire que les Antankaranas
détestaient cette école, et n'y
envoyaient certes pas leurs enfants de bon coeur.
Mais l'instruction était obligatoire ;
des parents avaient déjà
été punis parce qu'ils gardaient
leurs enfants avec eux au lieu de les envoyer
à l'instituteur ; le père de Dao
avait pris peur ; un conseil de famille avait
été réuni, et la famille avait
décidé d'envoyer au moins un enfant
à l'école, pour éviter des
poursuites de la part de l'administration. Dao
était alors en âge d'aller à
l'école, et c'est lui qu'on avait choisi
comme victime. L'instituteur eut tôt fait de
calmer ses craintes, et comme les enfants
antankaranas sont aussi intelligents que les
autres, Dao n'avait pas tardé à faire
de grands progrès. Assez vite il sut lire et
écrire, et fut bientôt à
même de rendre de précieux services
à sa famille. Il allait encore à
l'école quand son père l'avait
chassé ; mais dans cette école
élémentaire, il n'avait plus rien
à apprendre ; et
l'instituteur aurait voulu le diriger vers une
école supérieure, l'école
régionale divisée en plusieurs
sections préparant aux différents
services administratifs de la colonie. À la
première invite, Dao avait refusé
tout net de quitter son village, et l'instituteur
avait fait le silence sur ce projet. Dao ne pensait
plus du tout à l'école
régionale, mais il n'en était pas
moins vrai, que pour un jeune Antankarana, il
était relativement instruit, et c'est ce que
découvrit avec joie le missionnaire.
Chaque jour il lui donnait une ou deux
heures de leçons ; Dao avait
l'intelligence, sinon très vive, tout au
moins assez sûre, et comme il s'appliquait
beaucoup, il faisait des progrès assez
rapides. Sans le lui dire, le missionnaire le
prépara peu à peu à un examen
malgache correspondant à notre certificat
d'études, minimum d'instruction
générale exigé de tous les
indigènes qui veulent entrer dans les
écoles supérieures, de quelque nature
qu'elles soient. Ces leçons faisaient peu
à peu découvrir à Dao un monde
bien différent de celui qu'il avait connu
dans son enfance, un monde immensément
grand, d'aspects très divers, partagé
en royaumes très puissants, et au milieu
desquels la race des Antankaranas à laquelle
il appartenait faisait bien piètre figure...
Mais ces constatations ne diminuaient en rien
l'amour de Dao pour sa famille, son village et son
pays. C'était toujours avec peine qu'il
songeait à la malédiction de son
père ; et peu à peu se
fortifiait en lui la pensée que Dieu le
renverrait auprès des Aritankaranas ;
de quelle manière, il n'en
savait rien ; ce qu'il ferait au milieu d'eux,
il ne s'en préoccupait pas encore ;
mais ce qu'il savait, c'est qu'il leur ferait du
bien, tellement de bien que son père serait
obligé de revenir sur sa malédiction
et de lui rendre son amour.
Il arriva que le missionnaire fut
malade. Il avait une très forte,
fièvre et dut rester couché ; il
n'acceptait plus aucune espèce de
nourriture, mais il demandait souvent de la
tisane ; et dans la journée, comme
fièvre augmentait, il envoya Dao chercher le
docteur. Ce n'était rien qu'un très
fort accès de paludisme, qui ne
résisterait pas à quelques
piqûres de quinine et à quelques jours
de repos. Mais le fait que le missionnaire ne
voulait rien manger donnait beaucoup à
réfléchir à Dao ; comme
à tous les primitifs, ce signe lui
paraissait de la dernière gravité, et
il n'était pas loin de penser que le
missionnaire était condamné. Il
contribua même à répandre la
panique, parmi les fidèles de
Diego-Suarez ; c'est lui qui recevait les
visiteurs, et aux questions de ceux-ci, il
répondait toujours par la formule que les
malgaches n'emploient que dans les cas
désespérés :
« Il est entre les mains de Dieu ;
qui oserait dire comment Dieu se
comportera ? » Le cuisinier, lui,
trouvait que la maladie du missionnaire
présentait un côté très
avantageux : les repas étaient
supprimés ; il était donc en
vacances, pour quelques jours ; et comme il
devait justement faire une visite de
condoléances à un de ses parents
éprouvés, il profita de l'occasion
pour partir. Dao était scandalisé,
mais il ne lui appartenait pas de
retenir de force le cuisinier. Il lui dit
cependant : « Et les tisanes, qui
les fera ? » Mais le rappel de ce
devoir n'éveilla aucun écho dans la
conscience du cuisinier : « Il y en
a une bonne provision de faite ; quand elle
sera épuisée, ou bien il sera mort,
et il n'aura plus besoin de moi, ou il sera
guéri, et je serai de retour. Et n'es-tu pas
là pour lui tenir compagnie ? Au
revoir. »
Quelques instants après le
missionnaire appela le cuisinier, et il fallut bien
que Dao lui annonçât qu'il
n'était plus là. Dao s'attendait
sinon à la colère, tout au moins
à l'indignation du missionnaire ; mais
son étonnement fut grand, car celui-ci se
contenta de dire : « Il est
parti ? Je l'aurais cru plus
fidèle ; heureusement, toi, tu es
resté. » Les sujets
d'étonnement ne manquaient pas d'ailleurs
à Dao. Être malade loin de sa famille,
soigné par des étrangers, sans
parents autour de soi, c'est pour un malgache une
épreuve insupportable. C'était bien
le cas du missionnaire ; il était plus
loin de sa famille qu'un malgache ne peut jamais
l'être de la sienne ; sa vie
était en danger ; et pourtant il
restait bien tranquillement étendu sur son
lit ; à peine si de temps à
autre il appelait pour qu'on lui donnât un
peu de tisane, et il disait même toujours
« merci » en souriant.
C'était incompréhensible. Dao
cherchait à comprendre pourtant. Si le
missionnaire est si calme, pensait-il, c'est parce
qu'il a confiance en Dieu. Mais comment peut-il
avoir confiance en Dieu, puisqu'il est malade et
que Dieu l'abandonne ? Tout d'un coup la
lumière se fit, dans
l'esprit de Dao. Il eut l'intuition de la
différence qui sépare la religion
mercenaire de la religion d'amour. Dieu ne l'a pas
abandonné, bien qu'il soit malade : le
missionnaire sait que Dieu l'aime toujours, et
c'est pour cela qu'il est si calme et qu'il sourit.
Plus tard, quand Dao racontait ses souvenirs, il ne
manquait pas de dire que c'est de ce
moment-là que datait sa conversion.
Quand le missionnaire fut guéri
et qu'il put reprendre son activité,
normale, il se rendit compte, eu effet, qu'il y
avait quelque chose de changé en Dao son
élève se montrait beaucoup plus
attentif aux questions religieuses ; c'est
avec joie qu'il assistait eux services de la
semaine et du dimanche ; il se met fait aussi
à faire des visites aux habitants des
villages traversés, et il les encourageait
fort à se convertir. Il devint membre de
l'Union Chrétienne de Diego-Suarez ; il
y était fort aimé, et y
exerçait une excellente influence.
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