Alors on nous a laissés à peu
près tranquilles à Lindenkopf pendant
quelque chose comme six mois.
Les relations entre le maire et le pasteur
restaient pareilles ; on aurait même pu
croire que Kohler voulait
céder et qu'il tâchait de changer de
ton. En tout cas, on l'a vu quelquefois à
l'église. Mais il faisait cela
peut-être pour guetter s'il y avait quelque
chose contre l'État dans les sermons.
Dans la paroisse, tout allait comme
d'habitude, l'église et les réunions
bibliques étaient bien
fréquentées.
Peu à peu, le calme a repris et on a
cru que l'État se décidait à
laisser l'Eglise en paix.
Mais le pasteur nous a mis la puce à
l'oreille en nous racontant qu'on venait
d'arrêter plusieurs pasteurs et qu'on en
avait même transporté quelques-uns en
un camp de concentration.
Et il y a encore une chose sur quoi il a
attiré notre attention : il nous a
expliqué qu'à côté de la
lutte ouverte contre l'Eglise, il y avait encore
une lutte secrète, souterraine, que
l'État préférerait sans doute
un peu plus tard arrêter toute
persécution officielle, que ce qu'il avait
fait jusque-là n'était bon
qu'à amuser la galerie, mais que le coup
décisif contre l'Eglise se préparait
en sourdine sans se faire remarquer. Il disait
qu'il fallait bien s'y attendre, puisqu'on
redoublait d'efforts pour détourner la
jeunesse de l'Eglise et qu'on excitait le peuple
contre la foi chrétienne dans les
réunions officielles.
Les camps de formation, comme ils disent,
sont le grand moyen pour enfoncer dans les
têtes l'esprit national-socialiste, l'esprit
de Rosenberg.
Depuis les jeunes jusqu'aux plus
âgés, tous ceux que l'État peut
atteindre, sont
« formés », et celui qui
veut une situation de fonctionnaire est
obligé de passer par un de ces camps de
formation ; et tous, même si ça
les dégoûte, doivent subir ces
discours païens.
Le pasteur nous a appris que, dans ces camps
de formation, on disait continuellement et de
toutes les manières du mal de l'Eglise et
qu'on encourageait les gens à en sortir. Au
père de famille, on déclare qu'il n'aura pas de
position, pas
d'avancement comme instituteur ou employé,
s'il ne quitte pas l'Eglise. À la jeunesse,
on répète que le Christianisme n'est
que pour les vieillards, qu'un homme
héroïque doit refuser d'être
considéré comme pécheur ;
qu'il n'y a que ceux qui ont un sang
dégénéré ou des
métis qui sont des pécheurs, tandis
que cette idée de péché blesse
un homme de pure race dans ce qu'il a de plus
sacré.
Le pasteur a dit que cela avait pour
conséquence que beaucoup de jeunes gens
s'étaient déjà
égarés et que parmi leurs
aînés beaucoup avaient quitté
l'Eglise par peur.
Voilà pourquoi on tenait le peuple
tout entier si fermement en bride ; on mettait
déjà les plus jeunes en uniforme et
ils devaient passer par les formations du
parti ; ainsi, on pouvait les influencer et
leur inculquer des idées
anti-chrétiennes.
Mais comme maintenant l'Eglise était
de plus en plus enfermée entre ses quatre
murs et qu'elle ne pouvait pas proférer un
mot en public, son influence sur le peuple
diminuait de plus en plus ; c'était des
parents surtout que l'avenir
dépendait : est-ce que leur foi
tiendrait bon, est-ce que leur
fidélité inflexible à la
Parole de Dieu serait capable de donner à
leurs enfants le contrepoison de ce qu'on insinuait
dans leurs âmes à l'école et
dans le parti ?
Le pasteur disait que l'Eglise n'avait
jamais passé par des temps pareils, pleins
d'hostilité secrète et que
c'était presque plus dangereux qu'en
Russie : là-bas, on parlait ouvertement
contre le Christ et tout le monde savait que
l'État était antichrétien
tandis que chez nous, on parlait toujours du
« Christianisme positif » et
l'on trompait ainsi les gens, car en cachette on
tâchait d'expulser le Christ d'Allemagne.
Un jour, le pasteur nous a de nouveau
réunis et il nous a dit que l'Eglise ne
pouvait plus se taire, qu'elle avait résolu
de faire une déclaration officielle contre
la position anti-chrétienne de
l'État.
Il a dit ensuite que l'Eglise s'était
adressée à Hitler pour lui demander
de faire cesser les abus. Mais comme un bon bout de
temps s'était écoulé depuis,
sans qu'on ait eu de réponse, l'Eglise se
sentait obligée en conscience de parler
ouvertement aux paroisses.
Puis il a dit que cette annonce en chaire
n'était pas destinée qu'aux
Églises de Prusse, mais qu'elle s'appliquait
à toute l'Allemagne : ainsi il se
sentait obligé de lire ce manifeste le
lendemain, dimanche.
C'étaient des paroles claires et nous
étions un peu inquiets.
On y déclarait que le Christianisme
disparaissait de plus en plus dans le peuple
allemand et que des chefs de l'État et du
parti y contribuaient de leur mieux, qu'on faisait
taire l'Eglise, qui n'avait pas le droit de se
défendre.
On ajoutait que l'Eglise devait repousser
toute la doctrine du parti, comme
anti-chrétienne. Cela créait un cas
de conscience pour les parents
évangéliques, car il leur
était impossible de ne pas voir comme on
bourrait le crâne de leurs enfants avec les
idées de Rosenberg et ils ne pouvaient pas
l'empêcher.
Tout était dit clairement et sans
déguisement, même ceci : que
l'Évangile de Jésus-Christ
était combattu en Allemagne, que le peuple
chrétien avait été
égaré par l'État, puisqu'il
avait marché pour le programme du parti avec
son « Christianisme positif »,
tandis que maintenant le parti propageait, au lieu
du Christianisme, une foi ennemie du
Christianisme.
On parlait aussi dans ce manifeste de
l'arbitraire dans les choses
judiciaires. On disait que, dans un État
constitutionnel, il ne devrait pas y avoir de camps
de concentration et que la police secrète de
l'État ne devait pas détenir des gens
qui n'avaient pas été
condamnés par un tribunal
régulier.
Nous avons bien vu que ce manifeste
exprimait les choses selon la vérité
et que c'était une parole courageuse et
résolue.
Mais nous avons aussi remarqué que,
dans la situation actuelle, cela pourrait amener
des conflits avec l'État.
Nous avons demandé au pasteur s'il ne
suffisait pas d'annoncer simplement
l'Évangile. À quoi une telle
remontrance pouvait-elle servir, puisqu'elle
vexerait l'État ?
Nous avons déclaré au pasteur
que nous étions tout à fait de son
avis, mais qu'en lisant ce texte, il se mettait
lui-même en danger et que, si quelque chose
lui arrivait, la lecture du manifeste nous aurait
rendu un mauvais service ; on nous donnerait
peut-être un chrétien-allemand comme
pasteur et alors on n'annoncerait plus
l'Évangile chez nous.
Mais le pasteur a répondu :
« Ce manifeste vient de la
Direction de notre Église. Il n'y a que dans
notre région qu'il n'a pas été
transmis, parce que celui que nous avons à
notre tête est un faux évêque.
Ce manifeste a été mûrement
pesé, ses auteurs ne sont ni
irréfléchis ni
téméraires, ils ne font pas
d'attaques à la hussarde, mais cherchent
dans la Parole de Dieu la clarté qui peut
servir l'Évangile.
« Si la direction de l'Eglise
confessante recommande à nous, pasteurs, de
lire ce manifeste du haut de la chaire, je n'ai pas
le droit d'hésiter, de me demander si cela
pourrait me nuire, mais je dois seulement
décider si je peux en répondre devant
Dieu. Cela, je le peux ; plus encore, je
dis : il faut faire cette déclaration
à l'État, il faut qu'on lui demande
de se justifier, sinon l'Eglise
sera coupable de n'avoir pas rendu
témoignage en face de l'État et de
l'avoir endurci, par son silence, dans son attitude
anti-chrétienne. »
Nous avons dû donner raison au
pasteur, mais le souci de l'effet que son geste
produirait nous pesait tout de même un peu.
Et puis est arrivé ce dimanche
où notre pasteur Grund a été
parmi nous pour la dernière fois.
Kohler, le maire, a paru à
l'église et nous avons vu qu'il prenait des
notes.
Je dois avouer que j'étais distrait
et que je ne faisais guère attention au
sermon. Et les autres conseillers
presbytéraux étaient dans les
mêmes dispositions. Nous avions de tristes
pressentiments et nous en avions pourtant honte,
car tout devait suivre son cours. Et si l'on
rendait témoignage à
l'Évangile, le reste n'était pas en
notre pouvoir. Dieu est obligé de
protéger lui-même son Église.
Quelle que soit la façon dont il la conduit,
c'est bien, même si nous n'en voyons pas
encore la raison.
- L'Éternel seul est Seigneur
- Seul il est dominateur
- Sur les peuples de la terre.
- Il est maître souverain
- Des ouvrages que sa main
- Pour sa gloire a voulu faire.
Quand l'Amen après le sermon a
été dit et que le pasteur a
posé le manifeste sur son pupitre, le vieux
Rocker m'a serré à la
dérobée la main sous le banc.
Nous avons regardé les figures dans
l'église pour voir si l'on avait compris ce
que le pasteur osait faire en prenant cela sur lui.
Et nous avons remarqué comme à chaque
phrase l'attention des gens augmentait et comme le
courage qui se
dégageait de ce manifeste les faisait
respirer plus librement.
Comme introduction, le pasteur a dit qu'il
lisait ce manifeste sur l'ordre de la Direction
provisoire de l'Eglise confessante ; que ce
n'était pas une attaque contre
l'État, mais qu'on avait voulu s'adresser
à l'État et que c'était une
déclaration franche et pleine de confiance
que des milliers de bons Allemands faisaient au
Führer.
Allait-on tenir vraiment compte de cette
déclaration ? C'est de cela que tout
dépendait. Si l'on pouvait de nouveau
annoncer en toute liberté l'Évangile
en Allemagne, cela ne ferait aucun tort au peuple
allemand, ce serait au contraire son salut.
En Allemagne, on en était venu
à toujours jeter de la poudre aux
yeux : si on n'attaquait plus officiellement
le Christianisme avec tant de vigueur, c'est qu'on
préférait faire du travail de sape en
fanatisant et en calomniant sous le manteau. Mais
l'Eglise n'avait pas d'autre moyen
d'éclairer le peuple là-dessus que
des appels du haut de la chaire, tous les autres
chemins lui étant barrés : les
journaux de l'Eglise étaient
censurés, les réunions
ecclésiastiques défendues, tandis que
les idées anti-chrétiennes pouvaient
être propagées partout sans aucun
obstacle.
Le pasteur a conclu :
« L'Évangile cependant
n'admet pas de clair-obscur ; ici, tout doit
se faire en plein jour. L'Eglise ne peut se taire,
elle est obligée de dire la
vérité et n'a pas le droit de
s'inquiéter des conséquences. Le
Sauveur dit : « Ce que je vous dis
dans les ténèbres, dites-le au grand
jour ; ce qu'on vous dit à l'oreille,
publiez-le sur les toits. Ne craignez pas ceux qui
tuent le corps, mais ne peuvent tuer l'âme.
Craignez plutôt Celui qui peut faire
périr l'âme et le corps dans la
géhenne. »
Après cela, le pasteur a lu le
manifeste :
Il y a quelques années, le
Führer lui-même a défendu qu'on mette son
portrait sur des autels évangéliques.
Aujourd'hui, ces défenses sont
oubliées et les idées du Führer
sont de plus en plus prises dans notre peuple comme
règle, non seulement en matière de
politique, mais encore de morale et de droit et
lui-même est revêtu de la
dignité sacrée de grand-prêtre
du peuple, plus encore de médiateur entre
Dieu et le peuple ».
À ce moment, Kohler se lève
brusquement, sort avec violence du banc où
il était assis, quitte l'église
à pas retentissants et claque la porte
derrière lui.
Pendant ce remue-ménage, le pasteur
s'est arrêté et tous les yeux disaient
qu'on savait qu'avec la porte de l'église
c'était la porte entre le maire et le
pasteur qui s'était fermée pour de
bon et qu'il fallait s'attendre à tout.
Après le culte, nous avons attendu
jusqu'au moment où le pasteur est sorti de
la sacristie. On se pressait autour de lui et
beaucoup lui serraient la main.
L'après-midi, le pasteur a
été averti par
téléphone qu'en Prusse, quelques
centaines de pasteurs avaient été
arrêtés après avoir lu le
manifeste.
Cette nouvelle s'est aussi répandue
dans le village et on a supplié le pasteur
de se cacher ou de partir vite quelque part, pour
qu'on ne l'attrape pas, lui aussi.
Mais il n'a rien voulu entendre et il a
dit :
- Cela signifierait que j'ai mauvaise
conscience. Je peux répondre de ce que j'ai
fait !
Le lundi matin, une auto est venue de la
gare et s'est arrêtée au pied de la
colline du château. Il en est sorti deux
hommes en civil qui ont monté la côte
et sont entrés au presbytère.
Des gens de la paroisse avaient
remarqué la chose et en un clin d'oeil tout
le village s'est trouvé averti.
La nouvelle a couru d'une maison à
l'autre comme une traînée de poudre et
au bout de très peu de temps une foule
était rassemblée devant le
presbytère.
Dans la suite, nous avons entendu dire que
le pasteur était en train de se lever, car
c'était lundi, le dimanche des pasteurs, et
il s'était accordé un peu plus de
repos.
Il s'est donc passé un certain temps
jusqu'au moment où les deux agents de la
police secrète ont pu lui parler et lui
montrer le mandat d'arrêt.
Il s'est écoulé encore un bon
moment pendant lequel le pasteur a rassemblé
sa Bible, son livre de cantiques, quelques petits
objets et puis il a pris congé de sa femme
et de son petit.
Les agents de la police secrète,
très polis, ne sont pas pressé, ils
lui ont laissé le temps d'arranger
tout.
Mais, en attendant, le village entier avait
été alerté.
On a couru dans les champs pour chercher les
hommes qui labouraient ; ils ont tout
laissé et sont arrivés au galop. Un
homme a aussi été envoyé
à bicyclette dans la forêt pour nous
avertir et nous aussi nous avons interrompu notre
travail et nous sommes rentrés à
toute vitesse sur nos vélos.
Quand notre pasteur est sorti du
presbytère avec les deux agents de la police
secrète, bien des femmes avaient leur
tablier devant la figure, tout autour on sanglotait
et les hommes ont pris une attitude
menaçante comme s'ils voulaient essayer
d'empêcher l'arrestation.
Alors, le pasteur a prié tout le
monde de rester tranquille ; il a dit que ce
n'était pas la faute des agents de police,
ils ne faisaient qu'accomplir leur devoir ;
que si c'était la volonté de Dieu, il
fallait souffrir pour l'Évangile.
Ensuite, le cortège s'est mis en
marche. En tête le pasteur Grund qui tenait
sa femme par la main. Les deux policiers marchaient
à côté d'eux. Derrière,
nous tous serrés comme un tas de gens sans
abri, comme une troupe de réfugiés, -
une image comme j'en ai vu plusieurs fois pendant
la guerre.
On entendait des gens qui pleuraient, des
lamentations étouffées et aussi des
voix qui disaient :
- Le pasteur doit rester ici !
- Le pasteur ne doit pas partir !
- Nous ne voulons pas laisser aller notre
pasteur.
Tout le long du chemin, d'autres se
joignaient à nous. Les enfants sont sortis
de l'école en criant et ont entouré
le pasteur malgré l'instituteur qui, de la
fenêtre, poussait des cris pour les
rappeler.
Le maire, devant son magasin de bicyclettes,
avait un air moqueur qui en a excité
plusieurs à un tel point qu'ils se seraient
lancés sur lui et lui auraient
administré une belle volée de coups
s'il n'avait pas vite disparu en tirant le verrou
derrière lui.
Puis la descente a commencé et quand
nous avons vu l'auto en bas, un nouveau flot de
lamentations s'est élevé : alors
le pasteur s'est retourné et nous a
exhortés à nous calmer et à ne
pas perdre courage.
Nous avons entouré l'auto, ne
laissant presque pas de place au pasteur pour y
monter et de tous côtés on lui a tendu
les mains et à lui aussi les larmes sont
venues aux yeux.
Et tout à coup nous avons
commencé à chanter:
- Que les démons forgent des fers
- Pour accabler l'Eglise
- Ta Sion brave les enfers,
- Sur le rocher assise.
- Constant dans son effort,
- En vain avec la mort
- Satan conspire :
- Pour briser son empire,
- Il suffit d'un mot du Dieu fort.
Cela a retenti sur le pays de Lindenkopf et nous
a rendu à tous la joie. Les mouchoirs ont
disparu et quand le moteur s'est mis en marche,
nous avons reculé et nous
avons vu que le pasteur nous était
reconnaissant de nous être
maîtrisés.
Mais juste au moment où l'auto s'est
ébranlée, le cordonnier, un petit
homme maigre et doux qui ne s'était jamais
fait remarquer, jamais n'avait ouvert la bouche, a
bondi au-devant de la voiture et crié d'une
voix aiguë :
- La Parole de Dieu est au-dessus de
l'État !
Si nous ne l'avions pas tiré au
dernier moment, l'auto l'aurait
écrasé.
Nous avons suivi des yeux l'auto jusqu'au
moment où elle a disparu dans le vallon et
puis, une bonne partie d'entre nous ont
accompagné la femme du pasteur
jusqu'à sa maison. Là, elle nous a
dit de nous séparer et de rester
calmes.
Elle était très pâle,
mais tout à fait ferme et elle est toujours
restée comme cela, calme et confiante.
Pour le temps qui a suivi, nous devons
beaucoup à la femme du pasteur : nous
étions comme un troupeau de moutons
égarés.
Pour le soir de ce même jour, elle a
tout de suite fixé une réunion
biblique, et là elle a dit qu'il fallait
maintenant montrer que nous étions une
véritable Église. Il ne fallait pas
qu'on dise que c'était le pasteur qui avait
excité le village, et que, depuis son
départ, tout était tranquille, mais
qu'on voie que nous ne nous étions pas
laissé mener en laisse et que nous avions
librement accepté l'Évangile.
Les jours suivants, elle allait d'une maison
à l'autre, elle nous consolait tous et
disait aux gens
découragés :
- Pensez à ce que mon mari vous a dit
de la pauvreté de l'Eglise : les
disciples sont partis sans bâton, donc nous
n'avons
pas le droit, nous non plus, de souhaiter autre
chose.
Elle s'est aussi mise en relation avec le
pasteur voisin pour le remplacement, les dimanches,
pour éviter que les
chrétiens-allemands ne viennent
pénétrer dans l'église ;
et jusqu'à présent tout a bien
marché.
Puis on a écrit partout, à
tous les endroits possibles, pour qu'on remette en
liberté notre pasteur. Une
délégation est allée chez
notre gouverneur, mais on l'a envoyé
promener dès l'antichambre ; elle n'a
pu pénétrer jusqu'à aucun
personnage important.
La dernière nouvelle que nous avons
eue du pasteur Grund a été une lettre
à sa femme, qu'elle nous a lue. Voici ce
qu'il écrivait :
« Salue la paroisse fidèle
et dis-lui que Dieu travaille. Quand l'Eglise dort
et que son témoignage s'est tu, on ne
l'attaque pas et elle a des jours paisibles, mais
alors elle trahit son Seigneur. Mais quand l'Eglise
s'éveille et qu'elle parle, les
tempêtes s'abattent sur elle, la croix et la
douleur, mais le Seigneur est proche.
« Heureux serez-vous, lorsqu'on
vous outragera, qu'on vous persécutera et
qu'on dira faussement de vous toute sorte de mal
à cause de moi. Réjouissez-vous et
soyez dans l'allégresse, parce que votre
récompense sera grande dans les
cieux. »
« Réjouissez-vous et soyez
dans l'allégresse »
Nous ne savons pas ce qui va arriver.
Nous voyons comme le Troisième Reich
devient grand et puissant et comme l'Eglise est
petite et pauvre, et comme elle deviendra encore
plus pauvre.
Mais nous avons entendu. On nous a ouvert
les oreilles et nous avons entendu.
Nous ne pouvons plus l'oublier, et celui de
nous qui l'oublierait, il n'aura pas de paix, car
la parole qu'il a entendue l'accuserait.
Nous prions pour notre pasteur, pour que son
emprisonnement soit une bénédiction
pour notre Église. Nous prions pour sa
femme, pour qu'elle puisse supporter tout
cela.
Et nous prions pour nous-mêmes :
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