Tous les regards sont tournés vers
l'Allemagne mystérieuse et menaçante.
C'est d'elle que ce livre nous parle. Il est donc
actuel. Mais il nous parle d'une Allemagne que nous
risquons fort d'oublier. Il nous parle de
l'Allemagne chrétienne. Car, bien
qu'enchaînée, elle existe et ce livre
nous montre sa lutte, sa foi, ses souffrances.
Nous vivons en un temps de fanatisme. On
aime les jugements sommaires et, pour avoir des
idées plus frappantes, on les
généralise. C'est une maladie de
l'esprit à laquelle ce livre peut porter
remède. Ceux qui l'auront lu ne pourront
plus condamner systématiquement tous les
Allemands. Ils se souviendront que parmi eux nous
avons des frères qui ont combattu pour notre
foi. Ils sont des nôtres et nous devons prier
pour eux. Ceux qui auront lu ce livre ne diront
plus : « Personne, là-bas,
n'a su résister. » Mais ils
sauront aussi ce qu'il en coûte de
résister.
Tout commentaire ôterait à ce
récit sa simplicité et sa saveur. Son
auteur, qui veut rester anonyme, eut lui-même
beaucoup à souffrir de la part des nazis, il
est d'autant plus remarquable que son livre ne soit
pas une charge, mais le récit objectif de
faits qui sont réellement arrivés. On
aurait pu citer beaucoup d'autres faits, et de
pires, pour illustrer la lutte de l'Eglise en
Allemagne. Mais il ne s'agissait pas de raconter
des atrocités ; il s'agissait de
raconter la foi de l'Eglise et le secours de Dieu
dans la détresse.
Veut-on replacer cette histoire dans des
cadres portant des étiquettes
précises ? C'est à l'Eglise
confessionnelle qu'appartenait le pasteur dont ce
livre nous parle. L'Eglise confessionnelle n'est
pas une secte nouvelle, c'est un mouvement
interecclésiastique auquel se rattachent des
pasteurs de toutes les Églises
réformées et luthériennes
d'Allemagne. Ils ont souscrit la déclaration
de Barmen rédigée par le professeur
K. Barth et ses amis, reconnaissant pour seule
règle de foi la Parole de Dieu.
Ils se désolidarisent ainsi de ceux
qu'on a appelés les
« chrétiens allemands ».
Ces chrétiens-là, appartenant
également à diverses Églises,
avaient été fortement
impressionnés par les
événements de 1933 et
l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler. Pour
donner à l'Évangile plus d'influence,
ils jugeaient nécessaire de l'adapter aux
nécessités du moment. Ils voulaient
supprimer l'Ancien Testament, ce livre juif, ce
recueil d'histoires immorales. Ils voulaient
exclure les Juifs convertis de l'Eglise comme on
les excluait de la nation. Et, au lieu de laisser
à des synodes et à des
évêques le soin de diriger les
Églises, ils désiraient remplacer ce
système jugé trop démocratique
par un organisme central et dictatorial. Dans leurs
sermons, ils cherchaient à tirer un
enseignement, non pas seulement de la Parole de
Dieu, mais aussi des événements
contemporains et du nouvel idéal social et
politique. Il est impossible de raconter ici les
luttes longues et âpres qui mirent aux prises
ces deux fractions de l'Eglise. Cette lutte n'a pas
encore pris fin puisque, actuellement encore,
l'Eglise allemande se trouve en pleine crise.
En dehors des Églises s'est
développée une tendance plus radicale
encore, c'est celle des néo-païens,
disciples de Rosenberg et de Hauer. Ils ne veulent
plus entendre parler du christianisme. Ils
reprochent aux « chrétiens
allemands » de s'arrêter à
mi-chemin en voulant conserver le Nouveau Testament
qui est aussi un livre de Juifs.
Ils prétendent que le christianisme qui
enseigne le péché et la croix, est
une religion démoralisante, indigne d'un
peuple de guerriers.
Des religions nouvelles s'affrontent. La
guerre actuelle est une guerre de religion. Il
dépend de nous que l'Europe reste
chrétienne. L'Allemagne, de Luther à
Niemöller, nous a beaucoup donné ;
veillons sur cet héritage. Peut-être
que le jour est proche où l'Évangile
intégral pourra de nouveau être
librement proclamé en Allemagne.
Nous sommes heureux que ce livre ait
été mis à la portée du
public de langue française. Il devrait
être lu dans toutes nos paroisses. Il nous
apprendra à goûter mieux nos
privilèges et à nous plaindre moins
de nos petites épreuves.
Lignières, octobre 1939.
Au cours de mon voyage à travers
l'Allemagne, j'ai entendu le récit que l'on
trouvera dans ce livre.
Je le reproduis avec les modifications
nécessaires pour que ni le lieu ni les
acteurs ne soient reconnaissables. Il ne faut
compromettre personne inutilement.
Ce récit des épreuves du
pasteur Stefan Grund n'est d'ailleurs pas ce que
j'ai entendu de plus tragique.
Mais il ne s'agissait pas de faire une
étude sur la douleur humaine. Mon seul but a
été de louer Dieu qui se sert des
hommes comme d'instruments pour manifester sa
gloire.
Ce livre est un témoignage. C'est
comme un témoignage que le lecteur est
invité à le lire.
JOHAN MAARTEN.
Voici la liste des habitants du village de Lindenkopf qui figurent dans cette histoire :
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